SYNERGIE - Réseau Ville Hôpital

Drogues de synthèse

Drogues de Synthèse - Actualité 2012 - 2nd semestre

 

DROGUES DE SYNTHÈSE - ACTUALITÉ 2012 - 2nd SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier

Drogues de synthèse et mondialisation

L’usage des drogues de synthèse est un phénomène émergent, étroitement lié à la mondialisation : elles sont synthétisées dans des pays où se sont délocalisées les industries pharmaceutiques (Chine, Inde notamment) et leur commercialisation recoure fortement à l’Internet. C’est particulièrement vrai de la méphédrone et des amphétamines (amphétamines  / méthamphétamines) qui utilisent des précurseurs chimiques massivement utilisés par l’industrie pharmaceutique, notamment l’éphédrine ou la pseudo éphédrine, principe actif largement répandu dans les décongestionnants nasaux et précurseur chimique de la méthamphétamines. Constat intéressant : de même que la hausse des salaires en Chine conduit à des délocalisations de certaines industries vers le Vietnam ou le Bangladesh, la Birmanie et la Corée du Nord semblent être à l’origine de trafic de méthamphétamines à destination des classes moyennes et supérieures chinoises (consommées sous le nom de bingdu, littéralement la "drogue glace"). Concernant la commercialisation via des sites Internet (smart shops, head shops), 693 magasins en ligne ont été identifiés en 2012, contre 314 en janvier 2011 et 170 en janvier 2010. 

Si la grande criminalité organisée (seule capable d’instrumentaliser l’industrie pharmaceutique et de créer les réseaux de corruption nécessaires) est impliquée dans la transformation en comprimés et dans la commercialisation de la méphédrone et des amphétamines, d’autres substances, encore marginales comme les pipérazines, cathinones et cannabinoïdes de synthèse restent probablement entre les mains d’organisation de moindre importance.

Des petits laboratoires clandestins en Europe se spécialisent dans la création de "nouvelles drogues" (phénomène des "designer drugs" ou "research chemicals" ou "legal highs"), produits qui sont licites, tant qu’ils ne sont pas identifiés et formellement inscrits au tableau des stupéfiants, ce qui permet aux trafiquants d’échapper à la répression. Ainsi a-t-on vu se diffuser des substances analogues à l’ecstasy (comme la MDA ou la MDEA). Après la méphédrone, le 2 août, c’est l’ensemble des cathinodes (alcaloïde dérivé du khat), et notamment les "sels de bain" qui se diffusent aux USA [voir "Chimie + Internet : requiem de la prohibition ?" in Drogues de synthèse - Actualité 2011] qui ont été classé comme stupéfiants par la France.

Sources :
OEDT. État du phénomène de la drogue en Europe, rapport 2012
04.12.12. LeMonde. En Chine, les drogues de synthèse dament le pion à l'héroïne
16.08.12. Google. L'ensemble des drogues de synthèse cathinones classé comme stupéfiant

Prévalence de la consommation

L’expérimentation d’ecstasy poursuit le mouvement de baisse amorcée en 2002 et concerne 1,9% des jeunes de 17 ans (2,2 % des garçons et 1,6 % des filles). En 2010, 2,7 % des 18 à 64 ans ont expérimenté l’ecstasy et la consommation dans l’année concerne 0,3 % des 18-64 ans, soit 130 000 personnes, situation stable dans la période 2005-2010. Le prix du comprimé d’ecstasy (passé de 15 € en 2000 à 6 € en 2006) se stabilise aujourd’hui autour de 6 €. La MDMA se vend maintenant aussi sous forme de poudre pour environ 56 € le gramme.

Concernant les autres produits, toujours plus divers, leurs prévalences restent difficiles à évaluer, notamment parce que nombre de produits psychostimulants (cocaïne, amphétamines, ecstasy, cathinones...) peuvent être perçu par le consommateur comme plus ou moins interchangeables, et d’autre part, parce que leur consommation peut être incluse dans des poly-consommations associant de l’alcool et des opiacés, en particulier dans les milieux festifs.

La diversité des poly-usages rend faiblement pertinent le suivi de la consommation d’un seul produit

Un usage (dit "slam"), sous la forme d’injection intraveineuse de méphédrone, est identifié comme assez spécifique au milieu festif gay [voir "Usage de drogues et comportements sexuels à risques" in Réduction des risques - Actualité 2012 - 2nd Semestre].

Sources :
OFDT. Drogues Chiffres clés, rapport 2012
OEDT. État du phénomène de la drogue en Europe, rapport 2012

Thérapeutiques

Concernant les amphétamines et la méthamphétamine. Des thérapies à base de Modafinil, de Bupropion ou de naltrexone, sont expérimentées dans le traitement des dépendances à l’amphétamine et à la méthamphétamine. La dexamphétamine et le méthylphénidate ont montré un potentiel comme thérapies de substitution pour ces mêmes produits et le méthylphénidate à libération prolongée a eu pour effet d’accroître le maintien en traitement et de réduire le niveau de dépendance à la méthamphétamine. Un traitement plus long à base d’antipsychotiques est parfois nécessaire dans le cas de psychopathologies longues dues à une consommation chronique d’amphétamines, en particulier lorsqu’ils induisent des troubles graves (l’automutilation, la violence, l’agitation et la dépression...). L’usage chronique provoque un vieillissement cutané accéléré, parfois aggravé par des lésions sur la peau consécutives à des griffures que les personnes s’infligent elles même lors d’hallucinations qui leur donnent la sensation d’insectes grouillants sous leur peau. La chute des dents et un amaigrissement (lié à la propriété coupe-faim du produit) sont observés, mais aussi des problèmes cardiaques, pulmonaires et diverses infections.

Des chercheurs du Scripps Research Institute ont publié une recherche, publiée par la revue Biological Psychiatry, sur un "vaccin" anti-méthamphétamine, c’est-à-dire la stimulation d’anticorps qui ciblent les molécules de la méthamphétamine et les empêchent de pénétrer dans le cerveau. Ce type de recherches se développent, notamment aux USA, tant en vue de créer des "vaccins" anti-cocaïne [voir "Cocaïne et soins" in Cocaïne - Actualité 2011 - 1er Semestre] qu’anti-nicotine [voir "Un « vaccin » contre la nicotine ?" in Tabac - Actualité 2012 - 1er Semestre].

Concernant la dépendance au gamma-hydroxybutyrate (GHB, dit drogue du violeur ou Fantasy). Le GHB a des effets sédatifs, stimulants sexuels et soporifiques et consommé avec de l'alcool, il induit un risque de coma. L’usage chronique de GHB peut provoquer un syndrome de manque sévère. Les benzodiazépines et les barbituriques sont les médicaments les plus couramment utilisés pour y répondre. Aux Pays-Bas, une étude en cours examine la possibilité de proposer aux patients dépendants au GHB une désintoxication contrôlée avec usage de doses ajustées de GHB pharmaceutique. Une étude des Université de Copenhague et de Sydney publiée par la revue de l’Académie des sciences américaine (PNAS), a identifié le GABAA-récepteur auquel se lie le GHB, protéine naturellement présente dans le cerveau mais dont la fonction physiologique reste encore mal connue. Cette découverte pourrait induire de nouvelles voies thérapeutiques.

Concernant les délires sous l’emprise de cathinodes. Les cathinones synthétiques, notamment la méphédrone et la méthylenedioxypyrovalérone (MDPV), peuvent induire un syndrome incluant agitation et délire aigus, déshydratation, rhabdomyolyse et insuffisance rénale. Des difficultés dans la prise en charge surviennent du fait des mesures de contention qui peuvent exacerber le délire et de l’administration de trop fortes doses d’antipsychotiques qui peuvent, dans ce contexte, affecter les tissus musculaires et induire des complications médicales sévères. Des médecins urgentistes américains recommandent la prescription de benzodiazépines administrées en parentérale et des faibles doses d'antipsychotiques.

Sources :
OEDT. État du phénomène de la drogue en Europe, rapport 2012
03.07.12. Santé Log. GHB ou drogue du violeur: L’espoir d’un antidote
04.11.12. Santé Log. Méthamphétamine : Bientôt un vaccin contre l'addiction? (équipe du Scripps Research Institute, La Jolla)
07.12.12. 20 minutes. Métamphétamine: Les Etats-Unis lancent une campagne choc
28.12.12. Medscape. Overdoses aux nouvelles drogues de synthèse : un défi pour les réanimateurs

Prévention

En matière de prévention l’OEDT met en avant les approches réglementaires qui visent les lieux de vie nocturne en octroyant des licences et labels aux lieux festifs qui promotionnent une attitude responsable auprès des consommateurs, à l’instar du label "Quality Nights" développé en Europe [Voir "Rôle des collectivités territoriales dans la prévention des conduites addictives" in Politique des drogues - Actualité 2011 - 2ème semestre]. Ce type d’initiative "met en lumière le fait que les mesures de prévention dans les espaces récréatifs devraient porter sur la consommation à la fois d’alcool et de drogues illicites, qui provoquent des problèmes similaires et sont souvent consommés en combinaison.

L’initiative souligne aussi le fait que les interventions de prévention dans les espaces récréatifs peuvent avoir des effets bénéfiques sur divers comportements problématiques et maux, allant de problèmes de santé aigus liés à la consommation de drogue et d’alcool jusqu’à des comportements violents, en passant par la conduite sous influence et les rapports sexuels sans protection ou les contacts sexuels non désirés." Par contre, l’Europe, à l’exception de la Suisse rejette l’usage du testing [Voir "Aller au-devant des publics : salles d’injection mobiles et testing" in Réduction des risques - Actualité 2012 - 2nd Semestre].

Source :
OEDT. État du phénomène de la drogue en Europe, rapport 2012

Les drogues de synthèse et recherche

David Nutt, ancien président d'un comité gouvernemental britannique sur l'usage des drogues, remercié après avoir affirmé que l'alcool et le tabac étaient plus dangereux que le LSD, l'ecstasy et le cannabis [Voir "Ecstasy, objet de controverse" in "Drogues de synthèse - Actualité 2012 - 1er Semestre"], réclame la possibilité de mener des recherches sur ces substances. Pour relancer le débat, il s’est associé à la chaine Channel4 qui a présenté dans une émission intitulé "Drugs Live: The Ecstasy Trial" des résultats de tests réalisés avec de la MDMA (ecstasy) sur des cobayes prestigieux : Un ex-député député libéral démocrate Evan Harris, un vicaire, un ancien membre des SAS, l'acteur Keith Allen et l'écrivain Lionel Shriver.

Des chercheurs des National Health Research Institutes (Zhunan, Taiwan) dans une étude publiée par la revue PloS ONE, affirment que la méthamphétamine, à concentration élevée, serait capable de réduire la réplication du virus de la grippe de type A et notamment H1N1.

Les auteurs ne suggèrent évidemment pas de consommer de la méthanphétamine, mais étudient une nouvelle piste thérapeutique : en étudiant l'effet de la méthamphétamine sur des lignées de cellules épithéliales pulmonaires infectées par le virus de la grippe (A/WSN/33 (H1N1), les chercheurs ont constaté que les cellules qui y avait été exposées étaient moins sensibles aux virus de la grippe et que le virus avait des difficultés à se dupliquer dans ces cellules pré-exposées. Ils apportent la preuve que la méthamphétamine réduit de manière significative la propagation du virus et la susceptibilité à l'infection grippale de la lignée cellulaire, avec une diminution de la synthèse des protéines virales.

Sources :
20.09.12. Le Figaro. La chaîne Channel 4 fait tester l'ecstasy à un ex-député (Grande-Bretagne)
13.11.12. Santé Log. Grippe : La meth pour la traiter?