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Tabac - Actualité 2012 - 1er Semestre

TABAC - ACTUALITÉ 2012 - 1er SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier


Une consommation en reprise

Malgré la multitude de mesures de santé publique prises ces vingt dernières années (interdiction de fumer dans tous les lieux collectifs, avertissements et photos chocs sur les paquets, hausses successives des prix), la population française continue à fumer, massivement.

En 2010, 29% de la population fume, avec une forte propension chez les jeunes. 23.7% des 15-19 ans (26.6% des garçons, 20.7% des filles) et 40.9% chez les 20-25 ans (42,8% et 39% respectivement) : la prévalence la plus forte d’Europe. D’après des estimations dévoilées le 22 mai par le ministère de la Santé, en 2012, 33% des Français fument, de façon occasionnelle ou régulière. 54 milliards de cigarettes seraient vendues chaque année

Si la hausse du tabac fait modestement baisser la vente de cigarettes manufacturées (-0,5 % pour la période janvier-octobre 2011 par rapport à janvier-octobre 2010), sur la période 2010/2011, les ventes de tabac à rouler ou à tuber ont progressé de 6,9%. D’autre part, 20% des cigarettes consommées seraient achetées hors du réseau des buralistes (15% via le commerce transfrontalier, 5% via les cigarettes de contrebande) [Voir Tabac – Actualité 2011 – 2e semestre].

Sources :
10.01.12. Le Monde. Le marché des cigarettes en baisse en France
07.03.12. Elserevue. En finir avec la cigarette : 10 propositions chocs
24.05.12. La Dépêche. Pourquoi les mesures anti-tabac ne sont-elles pas efficaces ?
27.04.12. L'Express. La hausse des prix du tabac fait baisser les ventes de cigarette

Une forme de « lutte » contre le tabac qui rencontre ses limites

Pour Olivier Bernard, médecin tabacologue à Paris, ces chiffres ne sont pas une surprise. "Ils s'expliquent de manière très simple : rien n'a été fait en faveur des fumeurs les plus dépendants, qui constituent un tiers des fumeurs réguliers. [...] Les politiques publiques mises en place ne sont dissuasives que pour les fumeurs les moins dépendants [et] elles ne freinent en aucun cas l'entrée en tabagisme des jeunes, car c'est l'attrait du danger et de l'interdit qui poussent à la première cigarette."

En effet, d'après l'enquête ESCAPAD 2011, si l'expérimentation du tabac au cours de la vie chez les jeunes de 17 ans a baissé entre 2008 et 2011 passant de 70,7% à 68,4%, la consommation quotidienne chez les jeunes de 17 ans est repartie à la hausse passant de 28,9% à 31,5%. « Pour la première fois, l’expérimentation et les usages occasionnels de tabac deviennent plus prégnants chez les filles », note l’OFDT.

Une enquête menée à la demande de la Fédération française de cardiologie (FFC), fait les mêmes constats et observe que seules 4 à 5 filles sur 10 arriveront à ne pas continuer de fumer après une première expérience, contre 6 garçons sur 10. Leur représentation de la cigarette comme "anti-stress" (pour 60% d'entre elles) ou comme "anti-prise de poids" (19%) "reste déterminante dans la rechute", selon la FFC.

Sources :
OFDT. Tendances N°79 - Les drogues à 17 ans : premiers résultats de l’enquête
ESCAPAD 2011 (PDF, 4 pages)
24.05.12. La Dépêche. Pourquoi les mesures anti-tabac ne sont-elles pas efficaces ?
13.03.12. Google. Au collège, les filles plus nombreuses à tester la cigarette que les garçons

Les recommandations de la Haute autorité de santé :
remettre le patient au cœur de la lutte contre le tabagisme

La HAS dans une note de « cadrage » s’efforce de remettre la question de l’aide aux patients au cœur de la lutte contre le tabagisme. Elle constate que « les experts s’accordent pour dire que le coût des traitements est un frein à l’initiation d’un sevrage tabagique. Selon eux, la première mesure susceptible d’avoir un impact réel et rapide serait le remboursement des traitements nicotiniques (ou un prix plus accessible). » Elle note que ce constat est ancien (conférence de consensus de l’Anaes de 1998 sur l’arrêt de la consommation de tabac, plan cancer 2009-20136, rapport de l’Igas de 2005).

Certes, quelques études mettent en doute l’efficacité de la gratuité. Ainsi une étude du Département britannique de la santé et du Centre for Tobacco Control Studies (UKCTCS), publiée par le British Medical Journal, a testée l'efficacité d'offrir aux fumeurs des patchs à la nicotine et de leur apporter des conseils proactifs par téléphone, montre que ce soutien supplémentaire ne fait pas la différence sur le taux de succès ou de sevrage. Mais, dans cette étude, la gratuité était proposée à un public tout venant et ne mesure pas, si cette offre peut augmenter la demande de prise en charge.

La HAS propose une politique de gratuité visant prioritairement des populations spécifiques :

- Les personnes hospitalisées et suivie pour des pathologies lourdes (ALD) seraient de même prioritaires. Les bénéfices du sevrage sont, pour ces populations, évidents : sans tabac, les chances de guérir d'un cancer du poumon sont multipliées par deux et après un infarctus, le risque de récidive est divisé par deux. Arrêter de fumer avant une intervention chirurgicale divise également par trois le risque de complications des cicatrices. Dans la population VIH+, des études ont montré qu’après un an d’arrêt du tabac chez les patients VIH+, le risque de pneumopathie à pneumocoque devenait comparable à celui observé chez les sujets VIH+ n’ayant jamais fumé. Or, en 2002, la prévalence, chez les VIH+, de la consommation de tabac (fumeurs réguliers consommant au moins 1 cigarette par jour pendant au moins un an) était de 51 % (contre 34% dans la population générale). Une analyse de la Havard Medical school, publiée dans l’édition en ligne du 23 janvier de la revue Cancer, constate qu’un patient fumeur sur trois continue à fumer après avoir été diagnostiqué pour cancer du poumon ou un cancer colorectal.

- Les femmes enceintes sont une priorité, pour elles-mêmes et l’enfant à naître. L’AHS constate que « malgré les recommandations de la conférence de consensus de l’Anaes « Grossesse et tabac » de 2004, il persiste encore des idées fausses sur le tabagisme et l’utilisation des traitements nicotiniques chez la femme enceinte. De nombreuses femmes enceintes fumeuses pensent qu’il est moins dangereux de continuer à fumer, tout en essayant de réduire les doses, que de mettre des patchs pendant la grossesse, et de ce fait, n’essaient pas d’arrêter, pouvant même cacher leur consommation à leur médecin. » Cette mauvaise information peut en outre encourager des femmes à faire une cure de sevrage sous Zyban® (bupropion), médicament suspecté selon une étude publiée par l’American Journal of Obstetrics & Gynecology d’augmenter le risque de malformation cardiaque congénitale chez le nourrisson. Une étude épidémiologique récente de l’Université de Californie - San Francisco publiée par le Journal of Allergy and Clinical Immunology, montre que si les femmes fument pendant leur grossesse, leurs enfants ont un risque accru d'asthme d’environ 50%.

- Les jeunes, qui ont en général de faibles revenus et qui sont encore faiblement dépendant, donc susceptibles de mieux répondre aux programmes de sevrage tabagique.

- « Dans une perspective d’équité, une prise en charge particulière des populations défavorisées ou en situation de vulnérabilité sociale s’imposerait », et cette population pourrait avoir un intérêt économique à cesser de fumer si l’accès au sevrage lui était facilité.

- Les personnes atteintes de troubles psychiatriques sévères nécessitent également des stratégies spécifiques de prise en charge.

Cette politique de gratuité ou de subvention des traitements (au delà du remboursement des médicaments d’aide à l’arrêt dans la limite de 50 € par an et par fumeur mis en place en février 2007), devrait s’accompagner d’une formation adéquate des personnels soignants et de mise en place de dispositif adaptés aux spécificités des publics.

Sources :
06.01.12. Information Hospitalière. Sevrage tabagique : pas de Zyban® pour les femmes enceintes
23.01.12. Santé Log. Cancer du poumon : Plus d’un patient diagnostiqué sur 3 continue à fumer
08.02.12.Le Figaro. La boîte à outils pour arrêter de fumer
Mars 2012. HAS. Arrêt de la consommation de tabac : du repérage au maintien de l’abstinence
26.03.12. Santé Log. Tabagisme : Des patchs gratuits, sans effet sur le sevrage (British Medical J.)
16.04.12. Sidasciences. Tabagisme au cours du VIH ; un facteur de risque majeur de comorbidités
04.06.12. Santé Log. Tabagisme durant la grossesse, asthme sévère chez l’enfant à l’adolescence

Évaluation des politiques de « lutte » contre le tabac

L’enquête réalisée par l’Inpes et l’INCa, dans le cadre du projet ITC (International Tobacco Control), et publiée en octobre 2011, met en valeur de la fait que l’interdiction de fumer dans les lieux ouverts au public, instaurée en 2007 et 2008, a très considérablement réduit le tabagisme dans les lieux collectifs. Il apparaît aussi que les fumeurs sont de plus en plus favorables à cette interdiction, et qu’une petite partie d’entre eux déclare avoir diminué ou arrêté sa consommation, et qu’une minorité d’entre eux ont renoncé à fumer chez eux ou réduit leur consommation au domicile.

Cette légère réduction de la consommation au domicile est constatée dans une étude publiée par la revue spécialisée Tobacco Control qui établit qu’après la mise en œuvre de lois interdisant la consommation dans les lieux publics, le pourcentage de fumeurs s'interdisant de fumer au domicile a cru significativement dans les quatre pays, atteignant 25% en Irlande, 17% en France, 38% en Allemagne et 28% aux Pays-Bas. Ce constat tord le cou à un argument qui voulait que l’interdiction dans les lieux publics entraînerait un accroissement de la consommation au domicile et il montre que malgré leur dépendance, les fumeurs adaptent leurs comportements.

Néanmoins ces politiques ont faiblement impliqué les soignants, et la comparaison internationale, montre que de nouveaux progrès passent par le renforcement du rôle des acteurs du soin, « la littérature scientifique démontrant que leurs recommandations se révèlent déterminantes. » L’impact des messages sur les paquets est limité et s’agissant des images « chocs », ce sont les non fumeurs qui, à 63%, sont convaincus de leur intérêt, les fumeurs, quand 46% des fumeurs les jugent utiles.

Quand au politique de relèvement des prix, on s’inquiète de leur impact sur les fumeurs à faibles revenus. « Le sociologue du risque Patrick Peretti-Watel (La Santé de l’homme, n° 403, « La cigarette peut être considérée comme un anxiolytique sans ordonnance ») [rapporte que] selon nombre de recherches, quand le prix augmente, les fumeurs qui, au départ, ne sont pas capables de réduire leur consommation, vont donc voir leur budget tabac en hausse. Selon d’autres études, les fumeurs très précaires ou issus de milieu populaire préfèrent renoncer à d’autres achats de consommation courante. »

Sources :
Nov-Dec 2011. INPES. Santé. Pages 4 à 6 : Une évaluation des politiques de lutte antitabac menées en 2007 et 2008. La Santé de l'homme, N°416 (PDF, 52 pages)
14.02.12. RTL.be. Interdire le tabac au travail ne pousse pas à fumer plus chez soi

La transformation de « l’image sociale » du tabac

Un autre acquis important de la « guerre au tabac » est le changement radical d’image du tabac. L’INPES revient en détail sur cette lutte : « C’était un plaisir associé à la virilité masculine, à l’émancipation des femmes, à l’affirmation de soi des jeunes, à la convivialité des cafés, des cinémas, des restaurants… C’est devenu une drogue qui tue. En l’espace de cinquante ans, le regard que lui porte la société française a glissé du côté du malsain, et le tabagisme est à présent vu, ou du moins présenté, comme une addiction dont il faut se défaire. Le tabac est jugé dangereux pour les fumeurs et leur entourage, et il est coûteux pour la société. Après avoir été le symbole de la modernité et du libéralisme triomphant, la cigarette est devenue le produit emblématique et détesté du capitalisme cynique, le plus grand tueur du monde industrialisé et donc le produit le plus taxé et le plus contrôlé. Pour les spécialistes de la prévention, il est désormais l’ennemi public numéro un. S’appuyant sur les statistiques, ils dénoncent la cigarette comme la première cause de « mort évitable » dans les pays riches. » Ce changement de l’image du tabac s’est produit au travers la dénonciation de ses méfaits (la menace du cancer du poumon n’a été réellement prise au sérieux qu’à partir de 1950), dans une lutte contre les puissants lobbys des cigarettiers (lutte contre les publicités mensongères en 1965 aux USA, puis procès au cours des années 90 débouchant sur le Master Settlement Agreement en 1998). Ces victoires débouchant alors sur une lutte « mondiale » mettant en exergue les risques du tabagisme passif et la nécessité de lutter contre les productions culturelles (cinéma, télé, publicité, bande dessinée) qui véhiculent une image positive du tabac. 

[Voir aussi "Cigarettiers et tabacologues : la bataille de l’image" in Tabac - Actualité 2011 - 1er Semestre]

Stéphane Foucart dans le Monde relate comment l’exploration des "tobacco documents", des documents que les cigarettiers américains ont été obligés de rendre public dans le cadre du Master Settlement Agreement) toutes les manœuvres et manipulations des cigarettiers pour contrer les initiatives anti-tabac, comment ils ont infiltré le monde politique, l’industrie culturelle, la recherche. L’exploration des documents montre comment les cigarettiers ont dissimulé des résultats qui prouvaient que des additifs qu’ils utilisent augmentent la toxicité des cigarettes et les rendent encore plus cancérigène. Stéphane Foucart et David Leloup, dans Le Monde, rapporte comment des scientifiques français se sont laissés acheter par les cigarettiers et Michel de Pracontal, sur Médiapart, décrit les manœuvres des cigarettiers pour manipuler des équipes de chercheurs français.

Sources :
07.01.12. Santé Log. Tabagisme : La toxicité du menthol, dissimulée par les fabricants
25.02.12. Le Monde. Les conspirateurs du tabac
13.03.12. Le Figaro. Tabac : les dangers des additifs
27.04.12. INPES.Santé. L’image sociale du tabac
25.05.12. Le Monde. Guerre secrète du tabac : la "French connection"
21.06.12. Mediapart. Comment l'industrie du tabac a enfumé la recherche française

L’incidence du tabagisme passif en discussion

Le tabagisme passif est une réalité scientifiquement établie. Les premiers travaux sur cette question remonte à 1981, lorsque le British Medical Journal publia les résultats d'une enquête épidémiologique du Takeshi Hirayama (Institut national de recherche sur le cancer, Tokyo) sur plus de 91 000 femmes, non fumeuses et âgées de plus de 40 ans, recrutées sur l'ensemble du territoire nippon ont été suivies pendant près de quinze années : celles qui partagent la vie d'un fumeur montrent un risque de cancer pulmonaire accru, proportionnel à la quantité de cigarettes quotidiennement consommées par leur compagnon... Dans les années suivantes, une abondante littérature confirmera et renforcera ce constat. Ces données justifient l’interdiction définie par la loi et des changements d’habitudes au sein de la cellule familiale. Une étude de l'Université de l'Arizona récente montre que l’exposition dans l'enfance au tabagisme parental est significativement associée à plusieurs symptômes respiratoires persistants, fortement associée avec une toux chronique qui persiste à l’âge adulte et plus faiblement, avec des sifflements persistants et l'asthme à l'âge adulte. Or ces sifflements persistants sont eux-mêmes associés à des déficits de la fonction pulmonaire et les maladies respiratoires qui deviennent chroniques avec l'âge.

Récemment, un barman exposé aux fumées de tabac des clients dont le tabagisme était toléré, ainsi qu’à la fumée de la salle réservée au personnel, a fait condamner une brasserie parisienne pour n'avoir pas appliqué pleinement la mesure d'interdiction de fumer et l'avoir ainsi exposé au tabagisme passif, selon un arrêt de la cour d'appel de Paris.

Ce qui est moins clair, c’est la détermination du nombre réel de personnes ayant une pathologie imputable au tabagisme passif. Franz Durupt, du Monde, s’est livré à une enquête sur le sujet.

En novembre 2006, Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, affirmait que le tabagisme passif causait la mort de 6 000 personnes chaque année. Ce chiffre était tiré d’une étude européenne intitulée "Lifting the smokescreen" (Lever l'écran de fumée) qui donnait un chiffre de 5 863 morts dues au tabagisme passif, en France, en 2002. Ce chiffre très précis était le résultat d’une estimation statistique basée sur d'autres statistiques (nombre de fumeurs, nombre de cancer et de maladie cardio-vasculaire due au tabac, temps d'exposition au domicile, au travail...). Même si les auteurs n'expliquaient nulle part comment déterminer qu'un fumeur est mort de tabagisme passif plutôt que de son propre tabagisme actif, la grande majorité des morts du tabagisme passif était des fumeurs exposés à la fumée des autres (par exemple un barman fumeur exposé à la fumée de ces clients ou vice-versa). D’après les statistiques retenues par les auteurs, il y avait... 1 114 non-fumeurs morts par tabagisme passif, le plus souvent du fait du tabagisme d’un proche, 107 seulement pouvant être déduit d’une exposition à un cadre professionnel enfumé. Cette comptabilisation avait été critiquée par les professeurs Robert Molimard, tabacologue, ou Philippe Even, pneumologue. Le ministère de la santé avance une autre estimation : 5 000 morts. Après enquête de Franz Durupt, ce chiffre vient d’une étude de l'académie de médecine de 1997... qui était une extrapolation à partir de données américaines.

Sources :
10.02.12. Le Monde. Combien le tabagisme passif tue-t-il de personnes chaque année ?
09.03.12. Le Point. Tabagisme passif : un barman fait condamner son employeur
14.03.12. Le Figaro. Offensive judiciaire contre le tabac
21.05.12. Santé Log. Tabagisme Parental : Risque à vie de maladies respiratoires chroniques pour l’Enfant
25.05.12. Le Monde. Guerre secrète du tabac : la "French connection"

Des approches de la lutte contre le tabac qui ciblent de plus en plus les fumeurs

Au nom de la lutte contre le tabagisme passif, s’impose chez certains, l’idée de la nécessité d’une forme de lutte contre le fumeur lui-même, sorte de « pousse au crime ». « Certains chercheurs concluent même que le seul facteur réellement influant [pour entrer dans une consommation de tabac] est le comportement des meilleurs amis du sujet », note l’Inpes. Et de citer le Rapport sur le tabagisme de mai 2009, où le professeur Maurice Tubiana (expert consultant à l'OMS en 1995, membre de l'Académie des sciences et médecine) consacre un paragraphe à l’influence de « modèles identitaires » sur le comportement des autres : « Toute personne qui fume en public se transforme en panneau publicitaire pour le tabac en donnant envie de fumer et en banalisant cet acte. Ce geste est particulièrement nocif chez ceux qui servent de modèles : les parents, les membres des professions de santé, les enseignants. Malheureusement, la France est l’un des pays où l’on fume le plus en public. »

D’éventuelles causes sociales ou psychologiques sont écartées au profit de processus d’imitation et de conditionnement. Ainsi, cette expérience de l'Université Erasmus (Rotterdam), publiée dans BioMed Central Neuroscience, qui soumet les fumeurs a des expériences analogues à celles des chiens de Pavlov. De même que les chiens de Pavlov salivent en réponse au son de la cloche qui annonce l'heure du dîner, les fumeurs éprouvent des envies et présentent aussi des réactions physiologiques face à des images qu’ils associent à la cigarette. Ils ont vérifié, imagerie cérébrale à l’appui, la possibilité de produire un « reconditionnement », c’est-à-dire d’associer une nouvelle image aux images qui éveillaient le désir de fumer, on peut associer une lumière au son de la cloche pour faire en sorte que les chiens salivent à l’apparition de la lumière.

La revue Tobacco Control, a publié une étude sur les « social smockers ». Sont ainsi désignés des jeunes gens qui, « au fond d’eux mêmes » ne sont pas des fumeurs, mais qui fument sous l’effet de la « pression » des pairs et de leur environnement. « L'analyse des interviews montre que les fumeurs ont souvent des conflits d’identités sociales, expliquent les auteurs. Il semble leur être très difficile de réconcilier leur identité personnelle de non-fumeur, avec leur identité sociale de fumeur. En bref, de nombreux jeunes fumeurs fument comme à regret, sans assumer leur statut de fumeur. » Une des manières de protéger ces fumeurs forcés et psychiquement clivés par la cigarette, serait, d’après l’étude, d’interdire de fumer aux terrasses des cafés, lieu social par excellence...

Cette lutte contre la visibilité du fumeur est, pour certains acteurs, la priorité absolue. Ainsi l’offensive de l’Association Les Droits des Non Fumeurs contre les « zones de flou », ces lieux comme les arrêts de bus, les quais non couverts et les terrasses des cafés. Pour l’instant, les procès intentés aux cafetiers qui utilisent des bâches pour couvrir, les mauvais jours, les terrasses et où les fumeurs sont tolérés, ont échoués. Le député (UMP) du Bas-Rhin, Yves Bur, dans un rapport, remis le 2 mars au gouvernement, préconise, pour protéger l’exposition des jeunes à la cigarette, d’étendre l’interdiction de fumer à tous les lieux publics ouverts et aux lieux privatifs fermés en présence d’enfants (les appartements, les voitures, les parcs, etc., à partir du moment où des enfants sont présents). Des « plages sans tabac » sont, d’ailleurs, expérimentées dans le Sud de la France.

Une étude du Centre d’Excellence de la Pediatric Academic Societies (USA) s’est, par exemple, centrée sur le sentiment d’être exposé (« exposition ressentie ») à la fumée de ces voisins. Elle conclue que l’interdiction de fumer dans les parties communes de l’immeuble semble inefficace à créer chez les non fumeurs le sentiment qu’ils sont protégés dans leurs propres appartements. Tant que le tabagisme sera admis dans les appartements, concluent les auteurs, des taux plus élevés d'exposition seront signalés. Ainsi, l’étude ne porte plus sur d’éventuels risques sanitaires liés au fait d’avoir un voisin de palier fumeur, mais sur l’ « exposition ressentie », analogue au « sentiment d’insécurité ». On passerait d’un droit légitime des non-fumeurs à ne pas être exposés aux nuisances du tabac, à un droit de vivre en ayant le sentiment d’être « sûr » de ne pas être exposé à des nuisances.  

Sources :
11.01.12. Santé Log. Dépendance : La cigarette est-elle un réflexe de Pavlov?
06.03.12. Santé Log. Tabac : L'interdire aux terrasses pour lutter contre le «social smoking»
07.03.12. Elserevue. En finir avec la cigarette : 10 propositions chocs
27.04.12. INPES.Santé. L’image sociale du tabac
30.04.12. Santé Log. Tabagisme Passif : Quand la fumée du tabac ne s’arrête pas à votre pallier
03.05.12. France Soir. Cannes : Bientôt deux plages publiques "sans tabac"
11.05.12. Google. Paris: il est légal de fumer sur les terrasses de café protégées par des bâches

L’accompagnement du sevrage

Cette volonté de stigmatiser la tabagie n’aide certainement pas les fumeurs, d’autant que les traitements d’accompagnement du sevrage sont très loin de faire des miracles.
Une étude de l’Université de Harvard publiée par Tobacco Control, montre que la prise de substituts nicotiniques du type patchs, pâtes à mâcher ou inhalateurs, ne sont pas efficaces à long terme. En d’autres termes, ils sont une aide au début du sevrage et il faut que l’ex-fumeur trouve assez vite d’autres supports pour étayer sa démarche. Ces étayages peuvent être apportés par le soutien des proches ou des thérapies.

Concernant le médicament de sevrage nicotinique Champix® (varénicline) - qui fait l'objet d'une surveillance étroite car il est associé à un risque augmenté de troubles dépressifs et suicidaires et, plus récemment d’événements cardiaques - a fait l'objet d'une étude menée par l’Université de New York, de l’Université de Pennsylvanie, du Roswell Park Cancer Institute (New York) et de la Medical University of South Carolina, publiée par la revue Clinical Pharmacology & Therapeutics, du groupe Nature. 

Cette étude montre une durée d’abstinence accrue chez les participants qui ont débuté le traitement plusieurs semaines avant d'arrêter de fumer.

Une étude de l'Université de Buffalo publiée par la revue la revue Nicotine and Tobacco Research montre qu'une nutrition qui privilégie les fruits et les légumes conforte le sevrage, en raison de l’effet rassasiant d’une consommation élevée de fibres et du fait que ces aliments ont tendances à rendre moins appréciable le goût de la fumée du tabac ; alors que d'autres aliments comme les viandes, l'alcool et les boissons contenant de la caféine peuvent donner envie de fumer.

Sources :
10.01.12. Actualités-news-environnement. Sevrage tabagique : chewing-gums et patchs à la nicotine seraient inefficaces (Faculté de santé publique de l'Université de Harvard)
07.02.12. Santé Log. Champix®: Faut-il commencer le traitement bien avant d'arrêter de fumer?
07.06.12. Santé Log. Tabagisme : Arrêter? Bien plus facile avec des fruits et des légumes!

Un « vaccin » contre la nicotine ?

Des essais pour développer une immunothérapie anti-nicotine sont menés par le Weil Cornell Medical College (New York). Ce « vaccin » repose sur un vecteur AAV (virus adéno-associé) portant la séquence génétique d’un anticorps anti-nicotine, et destiné à « transfecter » uniquement les cellules du foie. Une seule administration de ce vaccin chez la souris a entraîné la production à vie d’anticorps qui séquestrent, dans le sérum, la nicotine administrée de façon systémique et protègent le cerveau contre la nicotine (les taux cérébraux de nicotine sont réduits à 15 % de ceux des souris non vaccinées). 

Ce vaccin bloque également les effets de la nicotine sur la TA, la fréquence cardiaque et l’activité motrice. Des essais seront prochainement menés sur le rat, puis sur des primates. Des essais analogues sont menés pour créer un vaccin anti-cocaïne, non sans poser un certain nombre de question déontologique [Voir « Recherches et thérapeutique » in Cocaine - Actualité 2010].

Source :
28.06.12. Quotidien du médecin. Un vaccin anti-nicotine fait un tabac chez la souris