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L'actualité vue par la cyberpresse
Par Emmanuel Meunier
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Anciennes et nouvelles figures du cocaïnomane et du cracker | ||
Sur Médiapart, la critique littéraire du roman de Bill Clegg (Portrait d'un fumeur de crack en jeune homme) et un récit biographique du parcours d’un usager dealer de crack anonyme sur le site Rue89, nous raconte les destins de jeunes gens destinés à de brillantes carrières qui « tombent » dans les affres du crack. Bill Clegg est agent littéraire, il a, comme on le dit communément «tout pour lui», jeune, new-yorkais, talentueux, une vie facile, dans un milieu cultivé, un compagnon cinéaste, Noah. «De loin, ça ressemble à une vie enviable». Bill Cleg a tout, mais, il entre précocement dans la spirale des consommation (l’alcool, le crystal meth, cannabis puis crack), découvre son attirance pour les hommes, et, s’autodétruit comme pour exhausser les désirs de mort d’un père qui l’écrase sous sa « violence verbale, qui se traduit dans sa peur d’uriner, de laisser aller son corps. Une enfance sous le signe de la douleur et de l’autodestruction, celle d’un «petit garçon qui tous les soirs prie de ne pas se réveiller le lendemain». Désir de s’autodétruire : «Ce que j’ai construit dans la vie est en train de se démanteler, serrure après serrure, client après client, dollar après dollar, espoir après espoir». S. n’était pas « prédisposé » à devenir un usager dealer, c’était un « enfant turbulent, élève brillant, que sa famille paternelle voyait intégrer Polytechnique, ou Centrale. Médecine, au pire. » Après des ruptures familiales, il deale sans consommer en Italie. Un jour sur le point d’être arrêté, pour prendre une peine plus légère en tant que simple usager, il consomme du crack sous le nez du carabinier venu l’arrêter. « Le flic est resté à me regarder fixement, il avait compris mon petit jeu, il avait les yeux qui brillaient, un petit sourire. |
Maintenant, je comprends son sourire, comme s'il voulait me dire : « Tu veux jouer au plus intelligent, mais par ce geste que tu viens de faire, tu ne sais pas dans quoi tu t'es mis. » Et en effet, le crack, « dès que tu connais le terrain tu y retournes, c'est plus fort que toi. C'est Mad Max, j'ai l'impression que je vis dans trois dimensions, quand les autres vivent à plat. Le problème, c'est après. La descente. Tu prends soit de l'alcool, soit de l'héro pour redescendre. Ou tu reprends du crack, parce que sans rien tu pètes les plombs. » Engrenage où il faut alors dealer pour assurer sa consommation. Une enquête OFDT intitulée « Les Carrières de consommation de cocaïne chez les usagers "cachés" » de la sociologue Catherine Reynaud-Maurupt auprès de 50 usagers n'ayant jamais été en contact avec les centres de soin et n'ayant jamais eu de difficultés avec la justice fait apparaître de nouveaux profils de consommateurs. En particulier ceux de jeunes issus des milieux populaires, chômeurs, étudiants, intérimaires, intermittents, ouvriers et employés. Il s’agit de "jeunes polyconsommateurs, entrés dans l'usage de cocaïne par le biais de l'espace festif, souvent électro", et pour qui "la cocaïne est souvent le dernier produit consommé après tout un tas de produits." La chercheuse observe que les dommages sont souvent d'ordre économique (endettement, perte de logement, etc.), mais se caractérisent aussi par "un retrait de la vie sociale et affective". La perte de contrôle de la consommation est étroitement liés au passage à la « free base » ou crack. Sources : |
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Le trafic de cocaïne et de crack | ||
Une étude de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), datée de février 2011 et intitulée "les prix des stupéfiants en France", indique que le prix moyen du gramme de cocaïne, toujours au détail, est de 60 euros et sa "pureté" est de 33 %, mais au moment de sa saisie à son arrivée en France, dans les aéroports par exemple, celle-ci peut atteindre jusqu'à 60 % au kilo. "Seuls quelques départements du centre de la France (...) comptent peu de filières de distribution" de "coke", dit aussi la DCPJ, la "disponibilité" de cette drogue en France étant "forte ou assez forte" sur une "large partie de l'Hexagone". À la différence d'autres drogues, observe encore la PJ, "le trafic de cocaïne se pratique peu dans la rue" et "davantage dans les appartements et les lieux festifs". Le trafic de rue, en région parisienne, tel que le décrit S. est particulièrement miséreux : « Le squat est une sorte d'espace vert entre l'autoroute et le périph. C'est là que se fait le trafic. Il y a trois cabanes ; dans chaque cabane il y a un chef. Seuls ses proches peuvent entrer. Le chef, c'est le plus gros dealer. Chaque dealer a sa cour : les mecs qui lui font ses courses ou le feu, des meufs, et des gens qui sont à côté de lui juste pour gratter quelques kifs. » J. est un « gros dealer » qui vit dans une cabane et qui ne survit que grâce à des arrangements avec la police pour laquelle il est indicateur. S. est un revendeur. Il se fournit soit auprès de J, le « père des balances » ou auprès de jeunes de cité. |
« C'est une drogue des cités, le crack. Pour faire du business, tous les petits jeunes vendent du crack. Ils se retrouvent avec du matos et ne savent pas où le placer, alors ils viennent me voir. Eux, comme ils ne sont pas toxicos, ils ne peuvent pas aller sur les lieux de vente, les flics sauraient qu'ils vendent. Ils sont dépendants de mecs comme moi, qui connaissent les deux milieux, les règles de territoires et celles de la rue. » De temps en temps, il « escroque » les petits jeunes de cité en prétendant avoir été obliger de se débarrasser du matos à cause des flics. De toute manière, il faut se faire respecter : « Quand je me mets à travailler sérieusement, il faut que je fasse preuve d'un peu de violence pour obtenir de la compréhension de la part des autres. » Monde sans règles, où « les filles sont jeunes et belles quand elles arrivent, mais après c'est dévastateur. Elles sont sur le boulevard pour payer leur crack et, à force d'être sur le boulevard, elles se mettent encore plus dans le crack. » Bientôt, elles deviennent des balances à leur tour pour pouvoir rester sur le trottoir. Elles sont concurrencées par les africaines : « Les Ghanéennes le font plus professionnellement, moins cher et ont plus de clients. Elles prennent le pain des autres. Y a plus de règles en ce moment à Paris. » |
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Cocaïne et soins | ||
« Le traitement de base, c'est une quadrithérapie en deux temps», synthétise le Dr Laurent Karila, praticien au centre d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif) dans un entretien au Figaro. - Une fois ce cap passé, vient la phase de prévention des rechutes. «C'est un programme long, environ 12 mois, insiste l'addictologue. Il repose sur un traitement médicamenteux et une thérapie comportementale et cognitive ou une autre forme de psychothérapie.» Les autres médicaments recommandés par la HAS sont principalement le topiramate - un antiépileptique - et le disulfirame, ce dernier étant surtout préconisé chez les patients ayant aussi une dépendance à l'alcool. Le modafinil (pilule antisommeil) est à l'étude. |
«Les antidépresseurs ne sont pas indiqués sauf en cas de dépression associée, les neuroleptiques non plus », souligne le Dr Karila. Avec ce protocole de quadrithérapie, l'équipe de Villejuif obtient un taux d'abstinence de 65% au bout d'un an. Des chercheurs du Weill Cornell Medical College (New York) travaillent sur un « vaccin » anti-addiction à la cocaïne. Ce vaccin anti-cocaïne utilise des anticorps qui inhibent l’hyperactivité induite par l’administration intraveineuse de cocaïne. C’est un virus génétiquement modifié qui est utilisé pour stimuler l’expression d’un micro-ARN-212 du cerveau. Les chercheurs ont mené des expériences sur des rats et constaté que leur consommation de cocaïne chutait avec la concentration élevée de ce microARN-212... Sources : |
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L'oxidado, pire que le crack | ||
Oxi est le diminutif d'oxidado : "rouillé", en portugais. Comme le crack, l'oxi est un dérivé de la cocaïne base, mais en contient deux fois plus ; comme lui, il a l'apparence d'un petit caillou jaunâtre et se "fume" dans une pipe à air, l'usager inhalant ses vapeurs. Mais outre que la fumée du crack est blanche et celle de l'oxi, plus grise, que l'un laisse des cendres et l'autre une substance huileuse, l’oxi semble encore plus addictif que le crack. Le crack, c'est de la coke dissoute dans du bicarbonate de soude, de l'éther ou de l'ammoniaque. L'oxi, c'est de la coke oxydée avec de la chaux vierge, et un dérivé du pétrole : kérosène, essence ou diesel. Les effets sont psychique (abattement, angoisses, paranoïa) mais aussi physique : « Les dentistes ont été les premiers à donner l'alerte, en découvrant avec effroi les nécroses qui envahissaient les bouches de leurs jeunes patients. » L’espérance de vie est très courte. |
L’Oxi se répand au Brésil, dans un contexte de pauvreté extrême. L’Oxi est cinq fois moins chère en moyenne que le crack (2 réis, soit 0,90 centime d'euro le caillou). Les petits trafiquants vont chercher la cocaïne base à la frontière et produisent l'Oxi artisanalement. Commercialisée en petites quantités, la nouvelle drogue circule en dehors des réseaux de vente traditionnels, ce qui complique la tâche de la police. Source :
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