SYNERGIE - Réseau Ville Hôpital

Drogues de synthèse

Qu’est ce que le « crystal » ?

QU’EST CE QUE LE « CRYSTAL » ?
par Thibaut PANNETIER, Étudiant en Psychologie

Correspondances, Automne 2006
 
Introduction

A plusieurs reprises, des professionnels du secteur nous ont interrogés sur le « crystal », produit qu’ils retrouvaient dans les conversations des jeunes, qui décrivent un produit fumé. Notons d’emblée que la consommation de ce produit est marginale en

France et qu’elle n’est pas constatée dans la file active du centre Rivage. Il n’est pas à exclure que des dealers utilisent cette dénomination pour rendre « attractif » un autre produit, en particulier le crack. Mais puisque les jeunes en parlent, autant les informer correctement !

Classification psychoactive

Tout d’abord, il est important de préciser la catégorie chimique de cette drogue et sa classification au sein des drogues, dites de synthèse. Le crystal est une métham- phétamine (ou métamphétamine), un dérivé amphétaminique psychostimulant au même titre que les amphétamines (« speed »).

Les dérivés amphétaminiques se distinguent en trois grands types selon leur effet principal : psychostimulant, hallucinogène et anorexi- gène. La méthamphétamine possède de puis- sants effets psychostimulants. Comme pour l’amphétamine, c’est la molécule dextrogyre (dexmétamphétamine) qui est psychoactive.

Différentes formes et différents noms

La méthamphétamine se présente sous deux formes : la méthamphétamine de base (cristaux), la plus dangereuse ; et le chlorhydrate de méthamphétamine (sel). Connue sous différents noms de rue comme « speed », « meth » (abréviation et mot hébreu pour la mort), « crystal meth » et « chalk » (craie), c’est une poudre blanche inodore, amère et cristalline qui se dissout facilement dans l'eau ou l'alcool.

On peut la priser, l’avaler, se l'injecter, la fumer et elle est également prise par voie rectale. Lorsqu'on la fume, on l'appelle souvent « ice », « crank » (vif tournoiement), «Tina», « crystal » ou « glass » en raison de ses cristaux transparents et stratifiés. En Asie, les appellations les plus courantes sont : « ice », « shabu » et « yaa baa » (le « médicament qui rend fou ») ; on la fume dans une pipe, comme le crack, la fumée n'a pas d'odeur et laisse un résidu, que l'on peut à son tour fumer.

Effets physiques et psychologiques

Les effets sur les utilisateurs sont les suivants : immédiatement après l’avoir fumé ou se l'être injecté, l'utilisateur a un flash intense et extrêmement agréable qui ne dure que quelques minutes. Ce flash est suivi d'un sentiment d'euphorie (un high) prolongé. En prisant ou en avalant la drogue, il ressent de l'euphorie, mais sans flash. En la prisant, on obtient des effets en 3 à 5 minutes, tandis qu'en l'avalant, ils se prolongent (15 à 20 minutes). La durée des effets varie et dépend de la quantité utilisée. Les effets peuvent durer de 4 à 12 heures voire plus.

C'est un stimulant puissant déclenchant des réactions d'agressivité, des épisodes de violence, d'anxiété, de confusion et d'insomnie. On relie en outre la consommation prolongée de méthamphétamine à des comportements psychotiques (dont la paranoïa), à des hallucinations auditives, à des perturbations de l'humeur et à des délires. Les symptômes psychotiques peuvent persister pendant des mois après le sevrage. Lorsque l'effet se dissipe, la dépression engendrée par la descente, extrêmement désagréable, favorise de nouvelles consommations et l'installation d'une pharmacodépendance.

Complications médicales

La méthamphétamine peut entraîner diverses complications médicales, dont la perte de poids et des problèmes cardiovasculaires (augmentation du rythme cardiaque, arythmie, hypertension et lésions irréversibles entraînant des accidents vasculaires cérébraux). Les consommateurs de drogues injectables qui

partagent leur matériel s'exposent à des risques accrus de contracter et de transmettre des virus à diffusion hématogène, comme le VIH et les virus de l'hépatite B et C. La consommation chronique de méthamphé- tamine peut aussi provoquer des abcès cutanés chez ceux qui s'injectent la drogue.

Un peu d'histoire

Elle a été synthétisée pour la première fois en 1919 au Japon par le chimiste A. Ogata et a été commercialisée avant et après guerre par des firmes pharmaceutiques occidentales (notamment sous le nom de Pervitin® et Desoxyn®) pour le traitement de la congestion nasale, de l’asthme, de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, de la narcolepsie, de l’obésité et de la dépression. Son usage médical est, aujourd’hui, abandonné.

Pendant la deuxième guerre mondiale, de même que les amphétamines, elle a été utilisée par les forces armées des deux côtés. Hitler s’injectait quotidiennement la méthamphétamine en intraveineuse et elle fut également distribuée aux kamikazes (sources OFDT, sept. 2001). Depuis les années 70, elle est classée comme stupéfiant et comme produit de dopage.

Traffics et usages

Son utilisation « festive » et « toxicomaniaque » a considérablement augmenté depuis quelques années aux États-unis, au Canada et en Asie. Elle est la principale amphétamine consommée aux États-unis, avec plus de 12 millions de consommateurs en 2003. La méthamphétamine attire, notamment, des personnes qui recherchent de longues périodes d’éveil en demeurant productifs et une exacerbation sexuelle. Le produit est plus particulièrement diffusé dans les « raves » ou « free raves », le milieu gay, et parmi des utilisateurs de drogues injectables. Facilement synthétisée à partir de l'éphédrine et de la pseudoéphédrine (précurseurs), de nombreux laboratoires clandestins se créent.

Souvent appelée « cocaïne du pauvre » (elle est moins chère que la cocaïne et ses effets sur le système nerveux central durent plus longtemps), elle se répand dans des pays asiatiques : Philippines, Indonésie et surtout Thaïlande (la « pilule thaï » compte 2,7 millions d'utilisateurs, dont 300 000 sont considérés comme toxicomanes).

En Europe, elle ne constitue pas un tel problème de santé publique ! Elle est utilisée principalement en Finlande, en Suède, en Belgique et au Royaume Uni.

Notes

En terme de prise en charge médicale, les résultats d’un essai de phase II, financé par le National Institute of Drug Abuse, destiné à évaluer l’efficacité du bupropion (Zyban®) sont attendus.

> Voir rvh-synergie.org/methamphetamine_conseils_ cliniques.htm. 2006 ;

> voir aussi Dictionnaire encyclopédique des drogues, Didier Pol, Ellipse, 2002, articles « amphétamine » et « méthamphétamine ».