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L’actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier |
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Epidémiologie | ||
En 2012 : |
• Baisse des usages quotidiens de boissons alcoolisées : 16 % en 2005, 12 % en 2010, avec stabilisation des niveaux de consommation occasionnelle (hebdomadaire ou moins fréquente). En 2011, 91 % des adolescents âgés de 15-16 ans déclarent avoir déjà consommé de l’alcool au cours de leur vie, sans différence entre les filles et les garçons. La proportion de jeunes usagers récents (l’ayant fait au cours des 30 derniers jours précédant l’enquête) s’élève à 67 %. Les garçons sont un peu plus nombreux que les filles à déclarer un tel usage (70 % contre 64 %). Source : |
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Consommation d’alcool, génétique et neurobiologie | ||
Une étude de chercheurs du King's College London publiée dans la revue Proceedings of National Academy of Sciences qui a porté sur 663 adolescents tend à mettre en lumière le rôle du gène RASGRF-2 (déjà connu pour être impliqué dans l’alcoolisme). Les chercheurs ont scanné les cerveaux des 663 adolescents, puis les ont soumis à des tests consistant en des tâches qui laissent espérer une récompense. Il est apparu que les adolescents qui présentaient mutation de ce gène présentaient une activité plus intense dans une région cérébrale du striatum ventral, connue pour son rôle dans la libération de dopamine, neurotransmetteur impliqué dans la perception du plaisir. Deux ans plus tard, les chercheurs ont recontacté les adolescents pour leur poser des questions sur leur consommation d'alcool. Les réponses ont ainsi montré que les porteurs de la variation du gène buvaient bien plus fréquemment que les autres. Une étude du Scripps Research publiée dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) qui a porté sur des rats tend à mettre en lumière l’influence du mode d’usage sur le comportement. |
L’étude compare deux groupes de rats, les uns ayant un "libre accès" à de l’alcool, les autres n’y ayant accès que 3 jours par semaine. Il apparaît, après 6 semaines, que les rats qui consomment de manière intermittente consomment beaucoup plus que ceux qui ont un accès libre au produit. D’autre part, la dépendance à l’alcool entraînent des changements dans le cerveau, et notamment une hyperactivité des circuits liés au stress et un affaiblissement des circuits de contrôle exécutif qui freinent, habituellement, les réactions émotionnelles et les comportements impulsifs. L’étude montre aussi que les rats "à accès intermittents" obtiennent de mauvais résultats sur les mesures de mémoire de travail (ou de contrôle de l'exécutif) lors de tests effectués entre leurs épisodes de consommation. Des analyses de leur tissu cérébral montrent que durant ces périodes intermédiaires, le cortex préfrontal semble déconnecté des structures qu'il est censé réguler, telles que l'amygdale la région qui intervient dans le contrôle des émotions. Sources : |
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Alcool, grossesse et syndrome d’alcoolisation fœtal | ||
Sur les 800 000 bébés qui y naissent chaque année, environ 8 000 sont atteint d’un syndrome d’alcoolisation fœtale, soit 1 % des naissances. Parmi eux, 800 sont atteints de la forme grave, le SAF complet, qui se manifeste par un retard de croissance, une dysmorphie faciale (face allongée, petites fentes palpébrales (des paupières), philtrum (fossette située au milieu de la lèvre) long, lèvre supérieure fine et vermillon, etc.), une microcéphalie accompagnée d’un retard mental (QI moyen de 75), des malformations cérébrales et des troubles neuro-comportementaux (troubles du langage, de la motricité fine, instabilité, etc.) qui seront décelées à distance (au-delà de cinq ans). Une étude de chercheurs de l’University of New South Wales publiée dans la revue Alcoholism: Clinical & Experimental Research a porté sur les fœtus de 78 mères non fumeuses dont la consommation d’alcool a été renseignée. Ils ont été exposés à un son fort de 2 secondes, transmis par un haut-parleur sur l'abdomen de la mère. Le son a été répété toutes les cinq secondes et la réponse du fœtus enregistrée. Les réponses du fœtus ont été évaluées à 3 reprises, à partir de 35 semaines de grossesse. Il apparait que les réponses fœtus des mères non consommatrice s'affaiblissent progressivement et disparaissent assez vite. D’après les chercheurs, ils s’habituent à ce son et s’en désintéressent. Par contre, les fœtus de mères qui boivent régulièrement 5 à 10 verres par semaine, ou plus de 20 verres sur une semaine ou encore ont eu une consommation élevée sur une période de 2 à 3 jours mettront beaucoup plus de temps à s'habituer aux stimuli. Pour les auteurs, la consommation d’alcool affaiblirait cette capacité d’ "habituation" du fœtus. Une étude de chercheurs des Universités de Bristol, d’Oxford, de Leicester et de Nottingham en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Queensland (Australie) a été publiée par la revue PLoS ONE. Elle vise à évaluer l'impact d’une consommation modérée d'alcool sur le QI des enfants plus tard dans leur vie, à l’âge de 8 ans. L’étude a été menée auprès de 14.541 femmes enceintes dont la consommation d'alcool a été renseignée à 18 puis 32 semaines de grossesse. Les chercheurs ont exclu de leur analyse 269 femmes qui déclaraient avoir consommé plus de 6 unités par semaine. |
Les chercheurs ne se sont pas contenter de mettre en lien les déclarations des mères et le QI des enfants à 8 ans. Ils ont aussi pris en compte le génotype des mères et des enfants en recherchant 4 variantes génétiques qui affecte le processus de métabolisation de l'alcool, c’est-à-dire la transformation de l'alcool (éthanol) en acétaldéhyde par un groupe d'enzymes. Les chercheurs ont constaté que les enfants du groupe le plus exposé (enfant exposé à l’alcool in utero et présentant des variantes génétiques) présentait en moyenne 3,5 point de QI en moins que les enfants non exposé à l’alcool et ne présentant pas de variante génétique. Ils ont constatés que le QI de l'enfant baisse en moyenne de près de 2 points de moins pour chaque variante génétique "risque" constatée dans le génotype de l’enfant, mais seulement si la mère à consommé de l’alcool durant la grossesse. De même une variante génétique risque constaté dans le génotype de la mère induit une baisse du QI chez l’enfant, mais seulement si la mère à consommé au cours de la grossesse. Sources : |
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Comorbidités liées à l’alcoolisme | ||
Une étude du CHRU de Lille publiée par la revue Neurology portant sur des patients victime AVC, fait apparaître que les consommateurs chroniques d’alcool sont plus fortement exposés au risque d’hémorragie cérébrale. Il existe en effet deux types de lésion des artères du cerveau : soit elles se bouchent (ischémie), soit elles se rompent, entraînant une hémorragie. Si dans le cas de l’ischémie, la personne transportée à temps vers les services d’urgence, à un risque de décès de 10 et 13 %, la probabilité de décès est de plus de 40 % en cas d’hémorragie. En pratique, il est impossible de distinguer d'emblée la cause de l'AVC d'après les symptômes, puisque ce sont les mêmes (perte d'une ou plusieurs fonctions de l'organisme: mouvement, parole, vision, etc.) liés au manque d'oxygène dans la zone qui n'est plus nourrie par l'artère lésée. C’est l’imagerie cérébrale qui permettra de déterminer s’il s’agit d'un vaisseau bouché par un caillot (qui pourra être dissout par voie médicamenteuse ou retirer mécaniquement) ou d’une hémorragie. Les buveurs réguliers font des hémorragies cérébrales en moyenne 14 ans avant les non-buveurs et l'accident survient préférentiellement dans les zones profondes du cerveau, là où se trouvent les petites artères perforantes, celles qui sont les plus vulnérables. Une méta-analyse de 222 publications qui concernent 92.000 buveurs légers et 60.000 non-buveurs atteints de cancer, menée par des chercheurs de l’Université de Boston a été publiée dans la revue Annals of Oncology. Elle vise à évaluer l'association entre la consommation légère d'alcool (1 boisson alcoolisée/ jour) et les cancers du côlon et du rectum, du sein, du larynx, du foie, de l'œsophage, de la cavité buccale et du pharynx. Il apparaît que la consommation légère peut être associée à un sur-risque de cancers de l’oropharynx, de l'œsophage et du sein. Par contre, aucune association n'a été identifiée pour les tumeurs colorectales, du foie et du larynx. Une étude de l’Université de Michigan publiée dans l'American Journal of Gastroenterology a porté sur 811 patients atteints de cancer du pancréas. Elle vise à déterminer le sur-risque lié au tabagisme (un paquet par jour) et à la consommation d’alcool (trois boissons alcoolisées par jour). Si le tabagisme est un facteur de risque démontré de cancer du pancréas et si les dommages oxydatifs au niveau du pancréas entrainés par l'alcool sont connus, il semble que l’alcool ait pour effet de vulnérabiliser les voies inflammatoires qui peuvent conduire au cancer. |
Le risque de cancer du pancréas est dose-dépendant de la consommation d'alcool et de tabac. Les gros buveurs et les tabagiques ont un risque d’apparition précoce de la maladie. L’INSERM a produit une synthèse sur la question de la cirrhose. Il y a environ 700 000 cas de cirrhose en France, dont 30 % au stade sévère, qui entrainent 10 000 à 15 000 décès par an. Le diagnostic survient en moyenne à l’âge de 50 ans. La consommation excessive et prolongée d’alcool, les infections chroniques par les virus de l’hépatite B et C, ainsi que le syndrome métabolique (associé à un surpoids ou une obésité) sont responsables de plus de 90 % des cas de cirrhose. La cirrhose, maladie irréversible du foie, se caractérise par une inflammation chronique qui entraine la destruction des cellules hépatiques et leur régénération anarchique, sous forme de nodules. En tentant de se régénérer, les cellules du foie s’organisent en nodules et perdent ainsi leur fonction. Le foie perd alors également sa souplesse, ce qui provoque une augmentation du volume sanguin dans la veine qui l’alimente (hypertension portale) ainsi que la formation de voies de dérivation et l’apparition de varices œsophagiennes (veines dilatées au niveau de l’œsophage). La mauvaise vascularisation des cellules du foie et la diminution de la quantité d’hépatocytes fonctionnels finissent par provoquer une insuffisance hépatocellulaire. Le cancer du foie est presque incontournable après 15 à 20 ans d’évolution de la cirrhose. Toutes les personnes exposées à un risque de cirrhose ne développent pas la maladie. Celle-ci ne se déclare en effet que dans 10 % à 20 % des cas. A ce jour impossible de prédire l’apparition de la maladie et de savoir comment elle va évoluer et le processus semble dépendre de susceptibilités génétiques. Une étude récente parue dans la revue Hepatology a montré un lien avec certaines altérations génétiques, notamment sur le gène PNPLA3. Sources : |
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Alcool et vieillissement | ||
Alors que les effets négatifs d’une consommation modérée d’alcool sur les compétences cognitives des personnes âgées ne sont pas établies [Voir "Alcool et personnes âgées" in Alcool - Actualité 2012 - 1er Semestre] des chercheurs du Peninsula College of Medicine and Dentistry (PCMD), Université d'Exeter ont présenté une étude lors de la Conférence internationale de l’Alzheimer Association de Vancouver qui vise à évaluer l’impact d’une consommation excessive d'alcool chez les personnes âgées sur le risque de développer une démence. S’appuyant sur le fait qu’un lien est avéré entre déclin cognitif et risque de démence, ils ont évalué les performances cognitives de personnes âgées en les comparants avec leur niveau de consommation d’alcool. 8,3% des hommes et 1,5% des femmes de 65 ans interrogés ont une consommation excessive au moins une fois par mois (dont 4,3% des hommes et 0,5% des femmes, 2 fois par mois ou plus). Les participants qui déclarent une consommation excessive au moins une fois par mois ont un risque accru de 62% de faire partie du groupe qui connaît le déclin le plus important (-10%) de ses fonctions cognitives, et un risque accru de 27% d'être dans le groupe qui connaît la plus grande perte de mémoire. Ceux qui déclarent le binge drinking 2 fois par mois ou plus, s’avèrent 2,5 fois plus susceptibles de connaître à la fois le déclin cognitif et la perte de mémoire les plus importants. |
Une étude de l’Oregon State University publiée par la revue Menopause évalue les effets d’une consommation modérée d’alcool et du sevrage sur le risque de perte osseuse chez des femmes ménopausées qui boivent un ou deux verres par jour, plusieurs fois par semaine. Les os sont dans un état constant de remodelage durant lequel l'os ancien est supprimé et remplacé. Chez les personnes atteintes d'ostéoporose, plus d'os est perdu que renouvelé d’où la faiblesse et la porosité des os. L’étude montre que les buveuses modérées ont une densité osseuse plus élevée que les non-buveurs ou les buveurs excessifs. L'alcool semble agir un peu comme l’hormone œstrogène en ce qu'elle réduit le remodelage osseux. Le sevrage induit, lui, un remodelage osseux accru, soit un facteur de risque de fractures ostéoporotiques accru pendant les 2 semaines durant lesquelles les participantes ont cessé de boire. Les chercheurs constatent, moins d'une journée après que les femmes aient repris leur consommation normale d'alcool, que le taux de renouvellement des cellules osseuses revient au niveau antérieur. 11.07.12. Santé Log. Ménopause : Une consommation modérée d'alcool peut prévenir la perte osseuse (revue Menopause) |
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Premiers résultats des études sur le Baclofène | ||
Après la présentation, par Pr Philippe Jaury (Université Paris-Descartes) et le Dr Renaud de Beaurepaire (Centre hospitalier Paul-Giraud), des premiers résultats très positif d’une étude préliminaire à l’essai clinique comparatif en double aveugle du baclofène –Bacloville - dont les résultats définitifs seront présentés en 2014 [Voir "Le baclofène bientôt reconnu dans le traitement de l’alcoolisme" in Alcool - Actualité 2012 - 1er Semestre], la revue Frontiers in psychiatry publie, en décembre, une étude, menée par le docteur R. de Beaurepaire qui a porté sur 100 patients, fortement dépendants à l'alcool et résistants aux traitements habituels. Les résultats montrent que les patients sous baclofène devenus totalement abstinents ou ayant une consommation normale d'après les normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), étaient de l'ordre de 50% à toutes les évaluations effectuées à trois mois, six mois, un an et deux ans. Un certain nombre de patients ont aussi très significativement diminué leur consommation d'alcool, sans pouvoir contrôler parfaitement leur consommation, entrant dans la catégorie des patients "à risque modéré", selon les normes de l'OMS. Le total des patients significativement améliorés par le traitement (les deux groupes ci-dessus) a été de 84 % à trois mois, 70 % à six mois, 63 % à un an et 62 % à deux ans, selon l'étude. |
Le baclofène montrerait ainsi son efficacité dans la durée et permet d’envisager son emploi dans le cadre de stratégie de réduction des risques, son effet anti-craving permettant de revenir à une consommation non problématique ou à moindre problème. La Fédération addiction relaie d’ailleurs la pratique du docteur Claude Fontanarava (CSAPA AMPTA d’Aubagne) qui utilise le baclofène avec des patients qui ont pris une décision résolue d’arrêter une consommation massive (exclusivement en post-sevrage) mais sans renoncer à toute consommation. Le professeur Ph. Jaury observe que "la dose journalière efficace diffère selon les patients, comme pour d'autres médicaments (insuline, méthadone, buprénorphine)" et qu’"elle est en moyenne de 120 à 140 mg, mais certains patients réagissent à une dose bien moindre (30 mg) et d'autres à des doses plus élevées pouvant aller jusqu'à 400 mg". Il rappelle, qu’en dépit de ses résultats très encourageant, le baclofène n'est pas un produit miracle et que des échecs liés à l'intolérance à certains effets secondaires (somnolence, fatigue, etc.), à la mauvaise observance du traitement et au manque de motivation sont constatés. Sources : |
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Interaction alcool – médicaments | ||
Une étude publiée dans la revue Molecular Pharmaceutics de l’American Chemical Society montre que des interactions entre des médicaments courants et alcool ajoutent aux lésions hépatiques et aux saignements de l'estomac. L'alcool peut jusqu’à tripler la disponibilité de plusieurs médicaments dans le corps ou modifier la façon dont les enzymes et autres substances du corps interagissent : |
certains de ces médicaments ne vont pas se dissoudre normalement dans le tractus gastro-intestinal alors que pour d’autres l'éthanol va contribuer à ce qu’ils se dissolvent plus facilement et plus rapidement. Certains types de substances pharmacologiques comme l’anticoagulant warfarine, l’anticancéreux tamoxifène ou l’anti-inflammatoire naproxène, sont particulièrement affectés. Source : |
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Alcool et réduction des risques | ||
ANPAA engage une réflexion sur l’approche de réduction des risques en alcoologie. Les contributions du Docteure Danielle Casanova, médecin coordinatrice A.N.P.A.A. 84 sont très éclairantes. La RdR est un nouveau paradigme qui implique de rompre avec des certitudes anciennes, étroitement liée au fait que l’alcoologie était héritière d’une vision moraliste et hygiéniste née au 19ème siècle, qui recommandait au soignant d’adopter vis-à-vis du patient une attitude dite "frontale" visant à faire céder la dénégation et la rationalisation d’un alcoolique velléitaire, résistant aux propositions de soin et incompétent et qui a perdu tout contrôle de sa vie. Dans cette approche les refus de traitement, les échecs et les abandons étaient systématiquement attribués à l’absence de motivation de l’usager et de ses mécanismes de défense. L’approche en terme de RdR implique de reconnaître l’usager comme capable de faire de choix et de participer à la définition de l’état de bien-être souhaitable pour lui-même en lui restituant la possibilité de choisir entre abstinence et retour à une consommation contrôlée. Cette approche est confortée par l’expérience clinique qui montre que des patients qui ont bénéficié d’un programme thérapeutique orienté vers l’abstinence, ont finalement choisi avec succès de maintenir une consommation à plus faible risque ; que d’autres qui avait choisi un programme de consommation contrôlée ont fini par choisir l’abstinence ; que le fait de laisser ouvert le choix (consommation contrôlée ou abstinence) permet une meilleure adhésion et continuité dans le traitement, sans augmenter le risque d’une perte de contrôle de la consommation et qu’en général les patients ont tendance à choisir l’objectif qui correspond le mieux à la sévérité de leur situation. Enfin, le fait d’imposer l’abstinence comme seul horizon conduit nombre de personnes alcoolo-dépendantes à rester en dehors du système de soins et à proposer des programmes qui mettent les patients en situations d’échec. Pour atteindre un objectif de consommation contrôlée, le thérapeute |
Le thérapeute interroge les pratiques d’alcoolisation en y intégrant les bienfaits de l’usage, les risques consentis, les dommages identifiés, les modalités de la consommation et les modifications envisageables et surtout les ressources et les compétences de l’usager. Il s’agit de renforcer sa capacité à décider, dans les situations propices à la consommation, s’il consomme ou pas, et s’il décide de consommer de s’interroger sur ce qu’il attend d’une telle consommation. Il est possible qu’il recherche un état d’ivresse, situation qui ouvre un questionnement sur les limites qu’il peut se poser pour réduire les risques. Il s’agit alors de poser avec le patient un certain nombre de précautions qui seront étudiées avec lui en fonction de sa clinique personnelle (hypoglycémie, déshydratation, fausse route, perte de contrôle, désinhibition, perte de l’autocritique…). Il peut aussi en attendre un moment de détente et de plaisir et dans ce cas, il s’agit de définir avec lui des modalités de consommation en accord avec ce but (faire que la consommation reste un plaisir). Ceci implique d’assumer cette consommation (ne pas se cacher, ne pas boire à la bouteille...), de consommer dans un cadre confortable et agréable, en prenant son temps, en buvant lentement (tant pour gérer la montée du taux d’alcoolémie que pour des raisons gustatives), en intercalant un verre de boisson non alcoolisé entre les consommations d’alcool (tant pour s’hydrater que pour améliorer ses perceptions gustatives). Les conditions dans lesquels on boit ont une influence sur le rythme de la consommation. Une étude de l'école de psychologie expérimentale de Bristol, publiée par la revue PLoS ONE montre que des buveurs invités à consommer soit une bière, soit une boisson non alcoolisée, soit dans un verre à bords droits soit dans une chope à bière courbe, mettent deux fois plus de temps à boire une boisson alcoolisée, ici de la bière, quand il la boive dans un verre à bords droits vs une chope courbe. Source : |
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Déboire des éthylotests | ||
Ces approches RdR contrastent fortement avec le discours social des dernières années qui faisait appel à la répression plutôt qu’à la responsabilisation. L’obligation de détenir des éthylotests dans son véhicule [Voir "La réponse « éthylotest »" in Alcool - Actualité 2011 - 2nd Semestre] en constituait l’un des aspects. Mais cette politique de l’éthylotest va rencontrer bien des déconvenues. L’éthylotest, rappelons-le, est un outil de dépistage et non d’analyse d’un niveau d’alcoolémie. Un éthylotest positif n’est pas suffisant pour prouver une alcoolémie supérieure au seuil autorisé, il doit toujours être confirmé soit par des moyen d’analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques (il s’agit concrètement d’une prise de sang) effectués par un médecin, soit par une analyse de l’air expiré effectuée grâce à un éthylomètre. L’obligation pour l’automobiliste de disposer de 2 éthylotests dans chaque véhicule décrétée en juillet 2012 et qui devait être mise œuvre au 1er novembre, a été reportée au 1er mars 2013, par le Ministère de l’Intérieur du fait des difficultés de la seule usine fabriquant les éthylotest à fournir le marché. En outre, l’amende de 11 euros prévue pourrait au final ne pas être appliquée. |
Outre les protestations d’agriculteurs qui doivent, aux termes de la loi, équipés leurs tracteurs, des réserves d’ordre sanitaire et des doutes sur la fiabilité du dispositif. Les Centres anti-poisons ont fait état d’incidents causés par les éthylotests du fait de ruptures du dispositif qui laisse alors s’échapper un liquide agressif, constitué pour partie d’acide sulfurique, de chrome, de dichromate de potassium... Ces incidents sont liés à l’usure de l’appareil, à une mauvaise utilisation du dispositif, à des expositions accidentelles du jeune enfant ou à des usages inadaptés dans un contexte d’état d’ébriété avancé. En outre, en l’absence de filière de retraitement des déchets adaptée, l’abandon des éthylotests périmés peut causer des dommages à l’environnement. La fiabilité du dispositif est aussi en cause. Que Choisir a testé 12 modèles d'éthylotest, chimiques et électroniques, et constaté que la moitié d’entre eux se sont révélés défaillants, indiquant une alcoolémie inférieure à la limite légale alors qu'elle la dépassait. Sources : |
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Alcool et gueule de bois | ||
Les malaises liés à la "gueule de bois" apparaissent au moment où la concentration d'alcool dans le sang commence à baisser. L’inconfort est à son point culminant quand la concentration d’alcool est à zéro. Cet état désagréable dure rarement plus de 24 heures. Les symptômes sont variables d’un individu à l’autre et d’une alcoolisation à l’autre. On peut distinguer : Les causes restent encore mal documentées, notamment concernant les facteurs génétiques et les effets liés à l’état psychosocial de la personne au moment où elle consomme. Une autre cause est liée à la perturbation du fonctionnement du foie. C’est lui qui métabolise l’alcool absorbé. Ainsi mobilisé, il produit moins de glucose, indispensable au bon fonctionnement du cerveau. |
Et pour compenser cette carence en sucre, le corps produit d’autres sources énergétiques comme les acides gras... qui entraînent une diminution du pH sanguin... qui peut induire, notamment, des dysfonctions hépatiques et digestives. Mais aussi, lors de la métabolisation de l’alcool, le foie produit une enzyme qui transforme l’alcool en acétaldéhyde, substance, elle-même, toxique pour l’organisme, susceptible d’induire rougissement du visage, sueurs, nausée, vomissements, tachycardie. Sources : |
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Alcool et Violence |
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L’alcool est considéré comme la substance psychotrope la plus fortement liée au comportement agressif, mais ce n’est, selon L. Bègue, ni une cause nécessaire ni une cause suffisante pour déclencher une agression. Tout d’abord, la tendance à boire de l’alcool et la tendance à l’agression peuvent résulter de l’influence de mêmes variables individuelles (la difficulté à maîtriser sa propre impulsivité peut pousser à boire excessivement et à réagir de manière agressive), situationnelles (des situations de détresse peuvent pousser à boire et à développer une agressivité défensive) ou culturelle (des modèles virilistes peuvent valoriser le fait de tenir l’alcool et le fait de savoir se battre). Si l’alcool n’est pas une cause de violence, elle peut faciliter les passages à l’acte, en tout cas la phase ascendante de l’alcoolémie, car durant la phase qui suit le pic d’alcoolémie, c’est l’effet sédatif de l’alcool qui prédomine. |
Laurent Bègue, dans une enquête épidémiologique pour l’INSEE, auprès de 2019 personnes représentatives de la population des 18-65 ans, a recherché d’éventuels "prédicteurs statistiques" permettant de lier des conduites agressives (bagarre et agression hors famille), consommation d’alcool, âge, genre, caractéristiques sociales et certains contextes psychologiques (tendances agressives chroniques, dépression, anxiété, hypomanie...). Il apparaît que 39,7 % des personnes impliquées dans des bagarres collective et 24,6% des personnes impliquées dans une agression hors famille contre une personne avaient bu dans les deux heures qui précédaient le passage à l’acte. En dehors du genre (homme plutôt que femme) et de l’âge (jeune plutôt qu’adulte), la quantité d’alcool consommé en une occasion (la grande quantité bue en une fois plutôt que la consommation chronique), les tendances agressives chroniques (surtout chez les femmes), les troubles de l’humeur (hypomanie), la crainte de perdre son emploi (uniquement dans la classe la plus âgés), et la taille de la fratrie (uniquement chez les femmes) se révèlent comme autant de facteurs prédisposant à prendre part à une agression hors famille. Une étude de victimation de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sur les violences sexuelles et physiques dans les ménages, 49% des femmes victimes ont déclaré que leur conjoint était sous emprise de l'alcool (alcool + drogue) au moment des faits. Sources : |
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Alcool et Travail |
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Un arrêt du Conseil d'Etat, du 12 novembre 2012, pose le principe selon lequel le règlement intérieur en vigueur au sein d'une entreprise ne peut interdire de manière générale et absolue la consommation d'alcool au sein de l'entreprise, en l'absence d'une situation particulière de danger ou de risque. Un employeur avait fait inscrire dans le règlement intérieur de l’entreprise que "la consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l'entreprise, y compris dans les cafétérias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas." Or l'article L1321-3 du Code du travail prévoit que le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Il en résulte que l'employeur peut intégrer dans le règlement intérieur des dispositions limitant la consommation d'alcool, pouvant aller jusqu'à une interdiction pure et simple, à la condition de pouvoir se prévaloir d'une situation particulière de danger ou de risque. Tel pourrait être le cas pour des salariés utilisant des machines dangereuses, conduisant des véhicules, assurant la sécurité de personnes, etc. Addiction Suisse a édité une brochure destinée aux salariés confrontés aux conduites d’alcoolisation de leurs collègues. La brochure évoque l’ambivalence du salarié (crainte de dénoncer et de "trahir" le collègue, crainte de "couvrir" des manquements ou des situations potentiellement dangereuses) et la complexité des situations rencontrées : "Les problèmes d’alcool s’installent de façon insidieuse, impliquant l’entourage de façon tout aussi sournoise. Il est fréquent que les collègues cherchent à soulager la personne concernée en accomplissant certaines tâches à sa place. |
Ils la protègent aussi souvent des conséquences négatives en rattrapant certaines erreurs ou en couvrant des comportements inadéquats. A la longue, ce type d’aide sera peu productif. Les problèmes d’alcool ne disparaîtront pas. Au contraire: la personne concernée peut même avoir l’impression que ses problèmes n’ont pas de répercussions sur son travail, que ses arrivées tardives, ses négligences et la diminution de ses performances sont tolérées, sans entraîner de conséquences." La brochure met en garde contre les postures inquisitrices ("si l’on veut ”obtenir des aveux”, on risque de voir son ou sa collègue se renfermer et mettre tout en œuvre pour dissimuler ses problèmes") ou les postures moralistes, pour préférer un dialogue qui porte sur les divers changements observés au travail ("veillez à toujours parler de votre propre point de vue et limitez-vous à exposer les changements liés au travail"). Si au contraire des employeurs, les employés n’assument aucune responsabilité légale par rapport aux conséquences que pourrait avoir l’alcoolisation d’un collègue, "la culpabilité peut être lourde à porter s’il arrive un accident et qu’une collègue savait que la personne qui l’a causé était sous l’emprise de l’alcool." Si le collègue est incapable de se responsabiliser, il faut éviter de rester seul et solliciter l’intervention de tiers (collègues influent, service social de l’entreprise, hiérarchie, service sanitaires et sociaux extérieurs). Sources : |