Une expérience de suivi et d'accompagnement pluridisciplinaire au CHU de Montpellier Corinne Chanal*, Rose Marie Toubin**, Evelyne Mazurier****, Michèle Misraoui*****, Jocelyne Clutier*, Pierre Boulot***, Françoise Molénat**. |
||
Le Flyer HS N°1, juin 2003. *Sage-femme, Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier ** Pédopsychiatres, Unité petite-enfance, Service MPEA, CHU Montpellier ***Gynécologue-obstétricien, Services de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier **** Pédiatres, Service de Pédiatrie II, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier |
||
INTRODUCTION | ||
La grossesse chez une femme toxicomane était jusqu'à ces dernières années une situation redoutée des services de gynécologie-obstétrique : absence de suivi, taux élevé de prématurité, troubles du comportement et de la communication, incertitude quant aux effets des drogues sur le foetus, délaissement des nouveau-nés, inquiétude pour leur devenir, fréquence des placements judiciaires précoces, malaise des professionnels [1, 2, 3, 4]. |
Les pédopsychiatres étaient concernés par les troubles relationnels et leur incidence sur le développement des enfants. Tous ces problèmes étaient majorés par les conditions de vie souvent précaires des femmes enceintes toxicomanes et le manque de coordination entre les professionnels. Enfin, l'identification de la toxicomanie pendant la grossesse restait rare (moins de 3 cas/an jusqu'en 1994 au CHU de Montpellier). |
|
HISTORIQUE | ||
En 1993, à Montpellier, on assiste à l’émergence de la réduction des risques avec la création de l’association Réduire les Risques, au début des prescriptions de traitements de substitution à l’héroïne en médecine de ville, aux débuts d’un réseau de médecins généralistes et en 1994, à l’ouverture d’un centre méthadone à l’hôpital. Début 1995, nous avons essayé d’aborder différemment les patientes toxicomanes se présentant au CHU avec une prise en charge centrée sur la grossesse à partir du service de gynécologie-obstétrique, incluant des intervenants extérieurs. |
L'objectif était la naissance à terme d'un enfant en bonne santé qui soit pris en charge de façon adaptée sans être séparé de sa mère. Il s’agissait donc de : - faciliter l’accès aux soins des femmes enceintes toxicomanes, - respecter leur réseau personnel de professionnels, - réduire les risques médico-psycho-sociaux de la toxicomanie sur la grossesse, - créer les conditions favorables à l’épanouissement du lien mère-enfant, sans oublier le père, - former et soutenir les équipes. Après 2 années de prises en charges informelles (22 patientes), une première évaluation et l’écriture d’un projet, nous avons obtenu, en 1997, un financement de la DDASS pour un mi-temps de coordination (sage-femme) et 3 vacations médicales (2 de pédopsychiatre et une de pédiatre). |
|
FONCTIONNEMENT DE NOTRE EQUIPE DE COORDINATION « PARENTALITE ET USAGE DE DROGUES » (C.P.U.D.) |
||
Le premier rendez-vous est donné avec la sage-femme coordinatrice dans un délai très court (< 8 jours). C’est une rencontre réciproque soignant-patient où chacun se présente et définit ses objectifs. Au cours des premières consultations, tous les axes (médicaux, sociaux, environnementaux, toxicomanie...) sont abordés. Le point est fait avec les parents afin d'envisager ce qui est possible et ce qui ne l'est pas en précisant au fur et à mesure les avantages et les inconvénients de chaque choix (sevrage ou traitement de substitution, le shoot peut-il être arrêté ou pas, logement personnel ou foyer, quels produits pour quels risques...). Puis les axes de travail sont définis : les personnes et les structures les mieux adaptées à chaque cas sont recherchées, en respectant les professionnels déjà en place et les résistances des patientes. La sage-femme oriente les patientes en fonction de leurs besoins et assure ensuite une consultation sur deux en alternance avec le gynécologue-obstétricien choisi par la patiente (libéral ou hospitalier). |
Elle prépare et accompagne toutes les hospitalisations jusqu’à la sortie de la mère et de l’enfant. Le pédiatre rencontre tous les parents en anténatal entre 28 et 34 semaines d’aménorrhée. Nous avons choisi de reprendre avec le pédopsychiatre sur un temps de supervision clinique et institutionnelle toutes les situations rencontrées. Cela permet d’analyser les succès et les échecs des prises en charge en temps réel, d’ajuster notre attitude à chaque patiente, sans oublier les pères et de pouvoir en tirer un enseignement transmissible, aux autres situations à haut risque (interruption médicales de grossesse, grande précarité, autres dépendances…), à d’autres équipes. La patiente ne rencontre pas systématiquement le pédopsychiatre au cours de la grossesse.
|
|
Activité de liaison | ||
Une intense activité de liaison avec les autres structures de soins et de soutien (mobilisation des représentations négatives, désamorçage des conflits) est indispensable. Cette activité de liaison est assurée principalement par la sage-femme coordinatrice avec : - tous les secteurs du service de gynécologie-obstétrique du CHU (unité de grossesses à risque, consultation, hospitalisation de jour, préparation à l'accouchement, salle d'accouchement, suites de couches...), - les services de pédiatrie du CHU (unités de soins en berceaux en suites de couches, unité de soins intensifs néonatals, secteur de chambre mère-enfant, service de réanimation néonatale, consultation), - les services de pédopsychiatrie du CHU, |
- les spécialistes de la prise en charge de la toxicomanie qu'ils soient hospitaliers (Unité de Traitement de la Toxicodépendance) ou appartenant au secteur libéral (centre spécialisé de ville ou médecins généralistes), - les pharmaciens de ville et à l'hôpital, - les professionnels de la protection maternelle et infantile (PMI), - les services sociaux (assistantes sociales, professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE)…), - les associations, - tous les autres services hospitaliers.. |
|
LE SUIVI DE GROSSESSE | ||
C’est un suivi de grossesse à haut risque à planifier avec la patiente dès le début avec : |
L’examen somatique est toujours attentif et extrêmement respectueux de la pudeur des femmes (beaucoup ont été blessées dans leur corps). Il est important d’expliquer les examens effectués, de parler des sensations éprouvées généralement pendant la grossesse. Une préparation à l’accouchement est particulièrement indiquée, si possible en piscine ou avec une orientation ‘haptonomie’, individuelle ou collective selon le choix des patientes, avec ouverture à la place du père. L'adhésion aux consultations programmées fait l'objet d'une vigilance particulière. Il ne faut pas hésiter à rappeler la patiente. Les rendez-vous non respectés sont repris avec elle en recherchant ensemble les solutions pour améliorer sa compliance au suivi (choix des horaires, appel téléphonique avant le prochain rendez-vous, accompagnement social…) |
|
LES ORIENTATIONS | ||
Elles sont faites au fur et à mesure, en fonction des besoins, par ordre de priorité exprimé par les futurs parents. Les professionnels déjà en place sont gardés dès lors que les parents ont leur confiance. On peut aider à reprendre contact avec des professionnels perdus de vue ou avec lesquels il y a eu des heurts. Chaque proposition d’orientation est expliquée aux futurs parents, ils doivent la comprendre, l’accepter et intégrer son utilité. Toutes les orientations sont le plus personnalisées possible. Les transmissions faites aux autres professionnels sont discutées avec les futurs parents. Chaque résistance, chaque peur est explorée afin de tenter de la réduire. Entrer en contact avec un autre professionnel permet d’ouvrir la relation de confiance établie avec la patiente, de ne pas rester dans une relation duelle trop exclusive à risque pour l’avenir. La prise en charge de la toxicomanie est capitale pour une bonne réduction des risques. Il faut un référent (médecin généraliste, psychiatre, centre de soins…) pour que l’ensemble de la prise en charge ne soit pas focalisée sur les prises de produits. Ce professionnel est contacté par téléphone (si la patiente est d’accord) pour expliquer la prise en charge de la grossesse et préciser les rôles de chacun. |
Bien que le traitement de substitution recommandé actuellement pendant la grossesse soit la méthadone, les patientes sous buprénorphine avant la grossesse peuvent continuer leur traitement, si elles le souhaitent. Si elles sont mal équilibrées, si elles l’injectent ou bien si elles sont toujours consommatrices d’héroïne, nous leur proposons d’organiser avec leur médecin une hospitalisation dans le service des grossesses à risque avec un relais méthadone. La prise en charge de la toxicomanie sera alors relayée par un centre de soins de préférence. Si des problèmes sociaux sont identifiés, l’assistante sociale de secteur est contactée avec les parents pour faire le point. L’assistante sociale de la maternité est un bon relais en cas de « blocage » des parents vers le secteur. A partir de 26-28 SA, un monitoring cardiaque foetal par semaine est programmé. La visite à domicile d'une sage-femme de PMI est toujours proposée pour faciliter les liens ultérieurs avec un réseau de soutien de proximité, notamment la puéricultrice du quartier. Si la peur du placement des enfants est encore très vive, ne pas hésiter à l’aborder et à expliquer : - l’évolution de la politique de la PMI depuis 10 ans (aider les parents à garder leur enfant…), - les différentes possibilités d’aide, - les réelles raisons du placement d’un enfant. |
|
Préparation de l'accouchement | ||
Pour la préparation à l’accouchement ou si la patiente refuse l’orientation vers la PMI, on fait appel à une sage-femme libérale. La consultation anténatale pédiatrique est réalisée par un pédiatre accoutumé à cet exercice. Cette consultation vise à répondre aux inquiétudes des futurs parents formulées progressivement dans les consultations prénatales. La liberté du choix du lieu de rendez-vous (hôpital ou cabinet), semble influer sur la compliance future au suivi pédiatrique de l’enfant. Au cours de la consultation anténatale, le pédiatre aborde le retentissement des différents toxiques sur le foetus et le nouveau-né et valide la surveillance de la grossesse. Il explique en détail les modalités de la prise en charge de l'enfant à la naissance et lors du séjour en maternité ou en pédiatrie. Le pédiatre informe les mères (et les pères si la mère est d’accord) du syndrome de sevrage, de son inconstance, de ses risques, de ses difficultés, mais aussi de toute l'aide que ces parents entourés de professionnels qualifiés et à l'écoute pourront apporter à leur enfant [5]. Les parents évoquent leur crainte de la souffrance que pourrait connaître leur enfant lors d'un sevrage néonatal ; ceci permet d'introduire l'éventualité du traitement médicamenteux. Le pédiatre décrit les possibilités d'allaitement en fonction des prises de produit et des sérologies virales de la mère en tenant compte de l'évolution récente des connaissances à ce sujet [6, 7]. |
Il accompagne les parents vers une des puéricultrices du secteur de soins pédiatriques. Il insiste sur l'importance de leur présence pendant l’hospitalisation et les aide à en anticiper l'organisation (fratrie, confidentialité avec les familles, cadre de l'hospitalisation, organisation des visites en cas de sortie de la mère avant son enfant...). Il propose enfin de rencontrer les frères et soeurs et évoque la possibilité de revoir l’enfant et ses parents après la sortie de la maternité. La rencontre avec un pédopsychiatre n'est pas systématique, mais proposée quand émerge un malaise relationnel au cours du suivi, sur des motifs précis, argumentés et explicités : - angoisse majeure, - antécédent obstétrical lourd,
- peur irraisonnée de l’accouchement,
- problèmes familiaux, - difficultés avec les enfants aînés, - débordement émotionnel autour du syndrome de sevrage du bébé. Si la consultation de pédopsychiatrie doit souvent être réalisée en urgence (- de 48 heures), elle s'organise le plus souvent dans un délai de moins de 8 jours avec possibilité de poursuite du suivi après la sortie de la maternité et pendant les premières années de vie de l'enfant. [9]. L’intervention d’un psychiatre adulte se fait si la patiente présente des troubles du comportement et en accepte la prise en charge. |
|
ANTICIPATION DE L’ACCOUCHEMENT | ||
Elle se fait vers 34 SA avec : - une consultation pré-anesthésie, - la visite des salles d'accouchement avec présentation de l'équipe, - la visite de l'équipe de l'unité pédiatrique du service de suites de couches avec présentation de l'équipe, - la visite du service de soins intensifs de pédiatrie dans le cas d'un éventuel transfert de l'enfant, |
- la discussion du contenu des transmissions aux équipes en respectant la confidentialité. Nous l’avons formalisé par une feuille intitulée « pour les équipes d’accueil » remplie avec les futurs parents. - l’appel téléphonique au médecin référent de la toxicomanie (psychiatre ou généraliste) pour qu'il adresse un courrier ou un fax précisant l’intégralité des traitements prescrits à la patiente. Les patientes apporteront 48 h de traitement avec elle lors de l'admission pour éviter les commandes de toxiques en urgence, toujours lourdes pour les services d’hospitalisation. |
|
L’ACCOUCHEMENT | ||
C'est un accouchement comme les autres, souvent un peu plus rapide. Il s’agit de : - rassurer en évitant les situations angoissantes, en expliquant ce qui se passe, - accueillir rapidement à l’entrée ou expliquer la raison de l'attente, - faire attention à la confidentialité et à la pudeur, - expliquer au père que son rôle est de soutenir sa femme, de rester plus calme qu'elle. Lui préciser qu'il peut sans problème sortir momentanément de la salle s'il ne se sent pas bien, |
- analgésier si nécessaire (Nubain si parturiente sous buprénorphine, Dolosal si parturiente sous morphine, méthadone ou héroïne, anesthésie péridurale quelque soit l’opiacé). - leur dire de prendre leur traitement de substitution aux heures habituelles même en salle de naissance ; cela évite le manque chez la mère et chez l'enfant en cours d'accouchement. - laisser le bébé sur le ventre de la maman puis dans le berceau à côté pendant les 2 heures qui suivent la naissance comme toute mère (sauf accident de naissance). - commander le traitement de substitution dès l'entrée de la patiente ou aux heures ouvrables. |
|
SUITES DE COUCHES | ||
Dans la continuité de la prise en charge en salle de naissance, il est important de : - demander aux parents si leurs familles respectives sont au courant de la toxicomanie et du risque de syndrome de sevrage du bébé. Dans le cas contraire s'entendre avec eux pour ce qui sera dit à la famille, - essayer de ne pas séparer la mère et l'enfant ou proposer d'accompagner les parents en pédiatrie les premiers jours." Surtout si quelque chose est dur pour vous ou si vous ne comprenez pas quelque chose, venez nous en parler " est une phase clef de la pérennité du dialogue dans ce moment à risque de rupture, - rappeler le cadre de l'hôpital en cas de débordement dans le service en restant souple sur ce qui est tolérable. Au besoin faire appel à l'autorité de la surveillante ou du chef de service. Les grandes lignes de ce cadre intériorisées par l’ensemble de l’équipe vont permettre que : - le vécu de l'accouchement, les sentiments envers l'enfant et l'entourage soient repris avec la mère (par la sage-femme ou l’obstétricien). Les non-dits et les quiproquos sont sources de blocages dans la communication. |
Ils doivent être repérés et rectifiés en donnant beaucoup de détails sur les modalités de travail en commun au sein des équipes. Cette étape primordiale nécessite une présence importante auprès des parents (grands-parents si besoin), - que s’exerce une vigilance particulièrement soutenante lors de l'apparition du syndrome de sevrage du bébé. Le premier jour la mère est souvent euphorique : « mon bébé est normal, tout va bien aller maintenant ». La puéricultrice reprend avec les parents le score d’évaluation du syndrome de sevrage et s’assure que le point est fait tous les jours avec le pédiatre.
|
|
ORGANISATION DE LA SORTIE | ||
C’est l’aboutissement de toute la prise en charge depuis la première consultation. L’hospitalisation mère-enfant en maternité ou en pédiatrie permet au jour le jour de souligner les capacités parentales et de proposer aux parents en difficulté une aide plus active de l’équipe ou du dispositif médico-social. Ces propositions s’appuieront alors sur des faits concrets dans l’espace sécurisé de l’hospitalisation et non pas sur des risques hypothétiques. |
L’équipe pédiatrique prépare la sortie de l’enfant, dans le respect de la liberté de choix des parents, en lien avec les professionnels concernés afin d’obtenir une sécurité optimale pour les uns et les autres. L’équipe obstétricale organise la sortie de la mère en coordination avec l’équipe pédiatrique, le médecin référent toxicomanie et l’ensemble du réseau nécessaire pour un retour au domicile. Il ne faut pas oublier d’aborder la contraception, la visite post-natale, la rééducation périnéale, voire même de programmer les rendez-vous, tout cela avec un maximum de tact. |
|
NOTRE EXPERIENCE EN CHIFFRES | ||
En 2001, nous avons voulu mesurer l'impact de cette prise en charge sur les résultats périnataux et psychosociaux [10,11]. Il s'agissait d'une étude monocentrique, descriptive, prospective. Elle a concerné 82 mères dépendantes d'un opiacé (héroïne, méthadone, buprénorphine, sulfate de morphine), prises en charge au moins 15 jours avant la naissance et ayant accouché dans le service de gynécologie-obstétrique du CHU de Montpellier entre mars 1997 et avril 2001. La moitié des patientes a été adressée par des professionnels de la grossesse et un tiers par les référents toxicomanie. 12 % sont arrivées uniquement par le bouche à oreille entre usagers de drogues. Ces patientes ont eu une bonne compliance au suivi proposé. 73 % des patientes ont consulté plus d'une fois par mois. Nous avons retenu comme critère de bon suivi de grossesse un nombre de consultations supérieur à 1 par mois associé à l'existence d'une première consultation avant 15 SA. On obtient un taux de très bon suivi de 62 %. Pourtant 50 % des patientes ont manqué au moins un rendez-vous et 16 % plusieurs rendez-vous malgré un taux de relance important. Seulement 9 % des suivis n'ont pas nécessité de communication téléphonique avec les patientes.86 % des patientes ont fait plus de 3 échographies. 83 % ont bénéficié d'une surveillance par monitoring au 3e trimestre (72 % par une sage-femme de PMI). 66 % des patientes ont bénéficié d'une surveillance en hospitalisation de jour dont : - 30 % pour bilan d'une pathologie obstétricale, - 12 % pour la prise en charge d'un problème lié à la toxicomanie (ex : méthadonémie sur 12 heures...), - 18 % sans pathologie avérée mais dans le but de faciliter l'adhésion au suivi et de globaliser la prise en charge : limiter les déplacements en cas d'éloignement géographique ou de difficultés à la compliance. - 46 % des patientes ont été hospitalisées dans le secteur des grossesses à risques. La durée moyenne de séjour est de 8,6 jours. Deux tiers d'entre elles l'ont été de façon programmée : - 14 pour une raison liée à la toxicomanie (mise en place ou modification d'un traitement de substitution à l’héroïne, arrêt de l'injection,...), - 12 pour sécurisation et procuration d’un cadre relationnel dans le but de renforcer les liens de confiance avec les professionnels à court et moyen terme. Les autres (9 femmes) ont été hospitalisées en urgence ou semi-urgence pour raison obstétricale. 80 % des futures mères ont rencontré un pédiatre en anténatal, au CHU ou en cabinet libéral. Le choix ayant été laissé aux patientes. On remarque une très bonne compliance à la consultation d'anesthésie (93 %). Le psychiatre et l'assistante sociale ne sont intervenus qu'en fonction des besoins exprimés par la patiente et non sur la crainte des professionnels. |
La rencontre avec un pédopsychiatre a été proposée en anténatal à 31 % des femmes et en postnatal à 48 % des patientes, l’ensemble des patientes l’ayant favorablement accueillie [9]. 76 % des patientes étaient sous traitement de substitution avant la grossesse, 94 % à l’accouchement. La majorité était suivi par un médecin généraliste.Pour 18 % des femmes, la grossesse a été l'occasion d'une prise en charge de leur toxicomanie. L’orientation la plus confortable pour les soignants était alors un centre de soins spécialisé, mais les patientes avaient le choix. Sur 82 grossesses (dont 2 gémellaires), 82 enfants sont nés vivants : - 1 femme a avorté spontanément à 18 SA,- 1 enfant est décédé in utero à 35 SA. Le taux de grande prématurité a été réduit à 2,4 %. Les retards de croissance restent plus importants que dans la population générale. On retrouve 2 fois plus de bébés dont le poids est inférieur au 10e percentile et 3 fois plus inférieur au 3e percentile. Ce sont essentiellement des retards de croissance intra utérin dysharmonieux. 90 % des mères sont restées hospitalisées avec leurs enfants, pendant 7 à 35 jours dans l'unité de soins en berceau. Ce temps d’hospitalisation permet de traiter le syndrome de sevrage de l’enfant mais aussi et surtout de soutenir et d’accompagner les mamans dans la rencontre avec leur enfant. Seulement 8 enfants ont été séparés de leur mère de façon précoce et prolongée : 5 pour raison pédiatrique, et 3 pour raison maternelle (plus 2 décès néonataux : 1 à 24 SA et 1 par hématome rétro-placentaire sur un diabète insulinodépendant à 36 SA). Lors de ces hospitalisations mère-enfant en maternité, les équipes se sont senties en sécurité. Seulement 2 interventions médicales spécialisées ont été nécessaires en 4 ans. Toutes les autres réévaluations du traitement de la toxicomanie ont été gérées par téléphone avec le médecin référent de chaque patiente. Globalement les pères ont été très présents (84 %) et à toutes les étapes du suivi. 42 % d'entre eux étaient toxicomanes. Aucune mère n'est sortie contre avis médical. Dans 89 % des cas les mères ont accepté un suivi avec une puéricultrice de PMI, dès la sortie de la maternité. Dans 80 % des cas, cette liaison a été facilitée par la sage femme de PMI, grâce au suivi monitoring pendant la grossesse.
Nous avons eu recours aux mesures judiciaires pour 4 enfants en 4 ans mais dans un seul cas il y eut une rupture totale mère-enfant.
|
|
CONCLUSION | ||
La prise en charge que nous avons mise en place permet aux femmes enceintes toxicomanes d'être intégrées rapidement et durablement dans le circuit habituel de toutes les grossesses à risques, en gardant tous les intervenants déjà en place et en utilisant, sans les remplacer, toutes les structures existantes nécessaires. Nous avons augmenté la visibilité de ces patientes et pu travailler avec elles (et leur conjoint). Nous suivons actuellement entre 30 et 50 femmes toxico-dépendantes par an sans avoir augmenté le recrutement géographique. En effet l’équipe de coordination s’est attachée dès le début de sa mise en place à soutenir les équipes locales, régionales et à répondre aux demandes de formation. Les femmes enceintes ont pu adhérer à un lourd programme de soins quel que soit le niveau de leur toxicomanie et sans artifices très sophistiqués dans nos prises en charge. Cela nécessite du temps mais qui peut être réparti entre les différents intervenants avec une bonne coordination. De nombreux appels téléphoniques entre professionnels et avec la patiente sont de précieux relais dans ce tissage de liens. |
Nous avons obtenu : Nous avons observé une modification radicale du regard des soignants. La toxicomanie est devenue une pathologie obstétricale comme la toxémie gravidique, les menaces d’accouchement prématuré, les retards de croissance intra-utérin.
Les options que nous avons choisies sont fonction des ressources et des manques du réseau existant à Montpellier mais peuvent être adaptées.
Cet accompagnement pluridisciplinaire de suivi de grossesse a pu être appliqué à la prise en charge de patientes présentant d’autres problématiques (alcoolo-dépendance, interruption médicale de grossesse, grande précarité, pathologies psychiatriques…). Une évaluation du devenir des familles à 4 ans est en cours. Les parents en sont les plus fidèles partenaires. En effet, la difficulté d’obtenir des moyens financiers et humains vient parfois démobiliser notre enthousiasme mais le retour d’information spontané des parents sur leur devenir et nos liens interprofessionnels nous préservent d’un trop grand découragement. |