|
||
L'actualité vue par la cyberpresse par Emmanuel Meunier |
||
Ecstasy et nouvelles substances : un effet paradoxal d’un succès de la répression | ||
La consommation d’ecstasy (ou 3,4-methylenedioxy-N-methylamphetamine - MDMA), concerne, en Europe, en 2011, 11 millions de personnes (3,2 % d’adultes européens) avaient expérimenté ce produit au cours de leur vie. 2,5 millions (0,7 %) en avait consommé au cours de l’année (OEDT). En France, l’expérimentation d’ecstasy poursuit le mouvement de baisse amorcée en 2002 et concerne 1,9% des jeunes de 17 ans (2,2 % des garçons et 1,6 % des filles). En 2010, 2,7 % des 18 à 64 ans avaient expérimenté l’ecstasy au cours de leur vie et la consommation dans l’année concernait 0,3 % des 18-64 ans, soit 130 000 personnes, ce qui est une situation stable sur la période 2005-2010 (OFDT). Ces dernières années, le marché européen de l’ecstasy a traversé une période au cours de laquelle la disponibilité des comprimés d’ « ecstasy » s’est de plus en plus réduite. La rareté des comprimés d’ecstasy semble devoir être mise en lien avec des saisies massives, notamment au Cambodge, de son précurseur principal, le PMK (dérivé d’une « huile » de safrole, extraite de certaines variétés d’arbres), occasionnant une « pénurie » de MDMA en 2009. Cette pénurie a conduit à une réorganisation des filières asiatiques de productions de drogues de synthèses (ces drogues y sont beaucoup plus consommées ; ainsi la méthamphétamine est la première drogue consommée au Japon et en Thaïlande). Cette rareté semble avoir été « compensée » par l’apparition de « ecstasy » en cachet « pauvre » en MDMA, voire « frelaté » ; mais aussi d’une MDMA vendue sous forme de « poudre » ou de « cristal » (susceptible d’être snifés, voir injectés, et produisant donc des effets plus puissants). Mais surtout on va vu se multiplier les « nouvelles » substances. Parmi ces « nouvelles » substances qui émergent à partir de 2010, on trouve des produits de la même famille que l’ecstasy (les phenethylamine), en particulier les méthamphétamines (surnommées "ice","crystal", "crystal meth" ou "Yaa Baa"...) ; mais aussi d’autres stimulants comme les « cathinones » (dérivé du Khat, comme, par exemple, la méphédrone) ou les pipérazines ; on trouve aussi les tryptamines, qui ont des effets essentiellement hallucinogènes ou les cannabinoïdes (THC de synthèse comme le « spice »). |
L’effet paradoxal du succès des forces de répression aura donc été d’avoir favorisé une diversification de l’offre de produits de synthèse, diversité qui a séduit nombre de consommateurs avides de « nouveautés ». Cette nouvelle tendance a contribué au développement du phénomène des « designer drugs » (ou « research chemicals » ou « legal highs »), c’est-à-dire l’invention de nouveaux produits qui sont licites, tant qu’ils ne sont pas identifiés et formellement inscrits au tableau des stupéfiants, ce qui permet aux trafiquants d’échapper à la répression. Non moins inquiétant est le développement de « boutiques en ligne » dont le succès repose justement sur la diversité des produits qu’elles proposent [Voir "Chimie + Internet : requiem de la prohibition ?" in Drogues de synthèse - Actualité 2011]. Plus inquiétant encore est l’intérêt des organisations criminelles - autres qu’asiatiques - à ce marché. Aux Etats-Unis, la police a démonté 6 768 laboratoires en 2010. La production se développe au Mexique, notamment à l’initiative du cartel de Sinaola. Certaines de ces substances sont des plus simples à fabriquer. Ainsi les méthamphétamines requièrent comme précurseurs de l'éphédrine et de la pseudoéphédrine, deux produits chimiques présents dans des médicaments de consommation courante comme l'Actifed ou le Nurofen Rhume. Avec une couverture légale « pharmaceutiques », il est facile, pour une organisation criminelle, d’en acquérir et d’en détourner une partie pour la production de drogues. Sources : |
|
Ecstasy, objet de controverse | ||
Le Dr. Perry Kendall, le chef de la santé de la Colombie britannique (Canada) déclare dans une interview à The Globe and Mail du 14 juin, que l’ecstasy et la MDMA « pure » étaient saines pour la consommation et qu’elles n’avaient sans doute pas de conséquences négatives sur la santé sur le long terme. Mais précise t-il : « A moins que vous en obteniez d’un psychiatre dans le cadre d’un essai clinique légitime, aujourd’hui vous ne pouvez pas être certain de ce qu’il y a à l’intérieur, combien il y en a, ou si c’est tout simplement sain. Donc je dirais, comme je l’ai dit par le passé, n’en prenez pas. » Pour P. Kendall qui s’interroge sur la pertinence de légaliser, c’est l'ecstasy non contrôlée qui est un danger. Quand à David Nutt, chef du département de neuropsychopharmacologie et de l’imagerie moléculaire à l’Imperial College de Londres, il demande, dans une interview au Guardian, à pouvoir utiliser les substances psychédéliques, comme le LSD ou l’ecstasy à des fins de recherche. Ces drogues hallucinogènes et délirogènes permettraient de comprendre ce qui, dans notre cerveau, entraîne l’inconscience ou la maladie mentale. Dans les années 50 et 60, des centaines d’essais cliniques avaient été menés et certains traitements trouvés [Voir "D’autres pistes de traitements" in Alcool – Actualité 2012 – 1er semestre]. Le Guardian explique que David Nutt a récemment publié une étude sur l’effet sur le cerveau de la psilocybine, la substance qui se trouve dans les champignons magiques. Alors que son équipe pensait qu’elle rendait certaines parties du cerveau plus actives, il s’est avéré que c’est le contraire. Elle réduit l’activité des régions qui connectent différentes zones entre elles. Il détaille : « C’est très important de perturber le cerveau pour comprendre la nature de la conscience. Certaines altérations dues à la prise de psilocybine sont similaires à celles qui sont observées dans les cerveaux des personnes atteintes par les symptômes annonciateurs de la schizophrénie. »à |
Si, pour certains chercheurs, un usage raisonné de la MDMA est sans danger, d’autres découvre de nouveaux risques que ceux qui résultent d’un usage excessif. Le Groupe de Recherche sur les Environnements Scolaire (GRES) et l'Université de Montréal, constate à partir d’une étude quinquennale à laquelle des milliers d'adolescents ont participé, que ceux qui ont consommé du speed (methamphétamine) ou de l'ecstasy (MDMA) à l'âge de quinze ou seize ans étaient plus susceptibles de souffrir de symptômes de dépression l'année suivante (1,6 fois plus susceptibles d'être dépressifs avec le « speed » et 1,7 plus avec l’ecstasy). « Cette étude prend en compte beaucoup plus de facteurs pouvant éventuellement être associés à la dépression chez les adolescents que d'autres études à ce sujet, a expliqué M. Brière. Or, elle est limitée dans la mesure où nous ne pouvons pas totalement exclure les effets des éventuelles combinaisons de drogues, et de même, par notre ignorance des compositions précises des pilules de MDMA et de methamphétamines. » Une étude du CHU de Toulouse, publiée par le British Journal of Clinical Pharmacology, constate, elle, des altérations des valves cardiaques consécutives à la prise d'ecstasy. En opérant le patient pour la pose de prothèses valvulaires, les chirurgiens ont constaté que les valves mitrales de cet utilisateur d’ecstasy présentaient les mêmes altérations (des lésions bourgeonnantes) que celles observées sur les valves de certains patients ayant pris du Mediator et de manière générale d’utilisateurs de médicaments de la famille des fenfluramines. Sources : |
|
Se déconnecter de la réalité |
||
Plusieurs substances en vogue semblent être utilisées pour leurs propriétés hallucinogènes et dissociatives. La kétamine, un anesthésique humain et surtout vétérinaire, est utilisé, à fortes doses, pour des expériences extrêmes de dissociation entre le corps et l’esprit ou de voyages hallucinatoires. Certaines de ces expériences, baptisées « K-hole », s’apparente aux expériences de mort imminente (d'où l'expression hole, trou en anglais, pour décrire cette sensation). Un fait divers monstrueux, l’attaque d’un SDF par un individu qui déchiquettera son visage avec les dents (l’agresseur sera abattu par la police) a conduit à incriminer des « sel de bain » (drogue à base de méphédrone). Il apparaitra que le « cannibale de Miami » n’avait fumé que du cannabis et n’avait pas mangé la chair de sa victime. Le Pr Michel Lejoyeux, spécialiste de psychiatrie et d'addictologie à l'université Paris 7, fait le point, dans une interview au Figaro, sur les « liens » entre drogues hallucinogènes et passage à l’acte cruels. |
Il n’y a pas de lien direct entre eux. Néanmoins, « les toxiques ont un fort potentiel de psychose sur ceux qui les consomment. Le premier effet que ces substances peuvent avoir, c'est de déclencher un « délire de persécution ». Le second effet, ce sont les hallucinations. […] Le troisième effet, la désinhibition. […]. Enfin, ces produits mettent dans des états d'excitation et d'hyperactivité. […] Plus on est sujet à des troubles du comportement, plus la drogue va les révéler. Il faut aussi avoir une personnalité particulière pour consommer ce genre de produits car le but recherché est de se retrouver déconnecté du réel. Tout le monde n'aurait pas plaisir à être dans cet état là. » Sources : |