Dr Alain MOREL, Le Trait d’union, Boulogne |
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Le Flyer N°9, sept. 2002 & N°10, nov. 2002 |
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PREMIERE PARTIE : LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES NON SPECIFIQUES |
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Les pathologies affectant la santé mentale des usagers de drogues sont de plus en plus étudiées mais n’en demeurent pas moins complexes dans la mesure où l’usage de toxiques et les troubles psychopathologiques interagissent et peuvent participer d’une concomitance fortuite ou d’interrelations causales. Drogues et psychopathologie « influencent réciproquement leurs manifes- tations et leurs évolutions en se succédant, s’intriquant et parfois se confondant » (Farges, 1998).
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Il apparaît même que de ne traiter que la toxicomanie chez des personnes présentant parallèlement des troubles psychiatriques peut aggraver ceux-ci du fait de la fonction « auto-thérapeutique » que peut avoir le recours à des substances psychoactives. Il n’est pas rare en effet que la consommation de drogues constitue pour le sujet un moyen de tenter de contrôler des symptômes psychopathologiques sous-jacents (l’angoisse par les opiacés, l’inhibition par l’alcool ou les psychostimulants, la dépression par les amphétamines...).
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I - Les troubles psychiatriques non spécifiques émaillant la trajectoire des toxicomanes | ||
Ce sont de loin les plus fréquents. Ils peuvent manifester une pathologie de la personnalité préexistante à la toxicomanie, représenter des
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troubles réactionnels au mode de vie imposé par celle-ci ou être à l’intrication de ces deux sources de souffrance psychique.
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1) Les troubles anxio-dépressifs | ||
Les troubles de l’humeur, plus ou moins associés à des manifestations anxieuses, ont une incidence particulièrement élevée (entre 30 et 70 % selon les études). Des éléments comme l’anhédonie, l’aboulie, de graves trou- bles du sommeil, des raptus anxieux, des troubles du comportement paroxystiques (vio- lence, agressivité) ou des troubles des con- duites alimentaires sont particulièrement ob- servés chez ces patients, mais également des idées de dévalorisation et de culpabilité ou la tristesse qui ne sont pas spécifiques aux personnes toxicomanes mais doivent faire évoquer le diagnostic de dépression. Leur éva- luation clinique approfondie est indispensable. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter et différents aspects doivent être examinés.
1.1 Résurgences de traumatismes psychiques de l’enfance et de l’adolescence. Ils sont fréquemment retrouvés dans les antécédents parmi ces sujets toxicomanes, dépressifs et demandeurs de soins. Les maltraitances (40 % d’antécédents de viols ont été retrouvés dans des cohortes de jeunes filles toxicomanes en traitement - Brunelle, 1997), les abandons ou les deuils à répétition ainsi que les antécédents d’alcoolisme et de dépression chez les parents ont souvent été observés. Ce qui indique d’une part l’im- portance d’aborder ces problématiques doulou- reuses avec les patients et d’autre part l’intérêt de l’aide à apporter aux enfants et adolescents qui vivent ces traumatismes pour prévenir la survenue de pathologies telles que la toxicomanie et la dépression lors de leur entrée à l’âge adulte.
Il s’agit plus fréquemment de troubles bipolaires de type II (épisodes dépressifs récurrents et phases hypomaniaques(1)) que de type I (épisodes mélancoliques et mania- ques). Mais dans ce dernier cas, la prévalence de l’abus de substances psychoactives durant toute la vie est plus élevée. Elle est également plus fréquente dans les troubles mixtes à cycle rapide (au moins quatre accès par an). Ces troubles bipolaires peuvent conduire à des consommations d’héroïne et de psycho- stimulants (cocaïne, crack ou ecstasy par exemple) en alternance. Leur suspicion né- cessite une évaluation par un spécialiste et un traitement thymorégulateur (Tégrétol®, Lithium) sera éventuellement envisagé à condition de pouvoir être correctement conduit. (1) Episodes d’excitation d’intensité moindre que l’accès maniaque typique. |
1.3 Troubles thymiques et sevrage
1.5 Modalités thérapeutiques Elles sont guère différentes des modalités de traitement de toute dépression, associant psychothérapie (de soutien ou plus spécia- lisée) et pharmacothérapie. Toutefois, plu- sieurs points doivent être soulignés : |
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2) Les troubles du sommeil | ||
C’est l’une des plaintes les plus fréquemment exprimées. Ces troubles sont un facteur de surconsommations de psychotropes en tout genre (médicaments, cannabis, alcool) et de rechutes chez les sujets dépendants des opiacés.
- un signe d’appel d’une pathologie psy- chiatrique (dépression, troubles anxieux, états psychotiques...). |
Le traitement consistera d’abord, à chaque fois que cela est possible, à diminuer les facteurs en cause : |
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3) L’agressivité | ||
Comme dans les cas précédents, les comportements agressifs ou violents de sujets toxicomanes peuvent avoir différentes causes et sont favorisés par divers facteurs qui, le plus souvent, se conjuguent.
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Sur le plan thérapeutique, là aussi, les objectifs viseront autant que possible (c’est à dire en dehors des situations d’urgence) à intervenir sur les facteurs en cause.
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DEUXIEUME PARTIE : LES COMPLICATIONS PSYCHIATRIQUES DIRECTEMENT LIES A L'USAGE DE DROGUE ET LES PATHOLOGIES DE LA PERSONNALITE | ||
II - Les complications psychiatriques directement liées à l’usage de drogues | ||
Nous venons de voir que toutes les substances psychoactives peuvent favoriser la survenue ou la gravité de différents symptômes psy- chiatriques. |
Il est cependant deux tableaux cliniques qui apparaissent comme directement liés à la consommation de certaines substances. |
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1) Les pharmacopsychoses | ||
Celles-ci sont peu fréquentes relativement au nombre d’usagers mais apparemment en voie d’augmentation. Ces états psychotiques sont provoqués par les hallucinogènes ou, parfois, par des surconsommations répétées de psychostimulants (ecstasy et cocaïne notamment) associées ou pas à d’autres toxiques. |
L’évolution est généralement favorable si l’intoxication cesse, mais, dans un certain nombre de cas subsistent des troubles du même type d’intensité variable. Des rémanences d’accès d’angoisse accompagnés d’altération des perceptions sensorielles ont été décrites chez des utilisateurs d’hallucinogènes comme le LSD, à distance plus ou moins longue de l’arrêt de toute consommation (« flash back »). |
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2) Les syndromes confusionnels | ||
Ils associent des troubles de la vigilance, des altérations des fonctions intellectuelles, en particulier de l’attention et de la mémoire de fixation, et une incoordination motrice et idéo-verbale. Ils signent une intoxication aiguë et sont fréquents lors de poly-consommations de « cocktails » mélangeant le plus souvent des benzodiazépines, de l’alcool et, éventuellement, d’autres substances diverses (solvants, codéinés, éphédrine, etc...).
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C’est l’une des manifestations fréquentes de l’intoxication au Rohypnol® ou avec le Tranxène®. Ce qui justifie une extrême méfiance vis-à-vis de ces benzodiazépines.
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III - Les pathologies de la personnalité | ||
Il n’existe pas de troubles de la personnalité spécifiques ou prédictifs de la toxicomanie. Néanmoins, un grand nombre de travaux s’accordent pour souligner l’incidence élevée des troubles de la personnalité parmi les sujets dépendants de substances psychoactives. La personnalité « antisociale » (ou psychopa- thique) est celle qui apparaît la plus fréquente, mais on a aussi noté la fréquence des per- sonnalités dites « états limites » et, dans une
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moindre mesure, l’existence de personnalités psychotiques.
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1) La personnalité « antisociale » | ||
Cette pathologie de la personnalité, désignée ainsi par le Manuel diagnostique des troubles mentaux (DSM) de l’Association Américaine de Psychiatrie mais restée souvent en France sous la dénomination de psychopathie, est marquée par une impulsivité, une instabilité comportementale et une tendance aux passages à l’acte, une labilité de l’humeur et des difficultés importantes de socialisation. Une composante dépressive est habituelle et, parmi les principaux risques évolutifs, la toxicomanie figure parallèlement à l’alcoolisme, aux états dépressifs majeurs, à la délinquance. Entre toxicomanie et psychopathie il existe une sorte de renforcement : les tendances de la personnalité portant ces sujets vers l’abus |
de drogues et les transgressions, et la toxicomanie accentuant en retour les conduites antisociales. |
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2) Les états limites | ||
Ces personnalités, dites aussi « border-line », ont des traits plus spécifiques quant aux relations à autrui qui sont de nature anaclitique (besoin constant d’étayage) et/ou abandon- nique, elles ont une forte tendance à l’angoisse et aux passages à l’acte. La dépression fait partie, là encore, des modes de décom- pensation, ainsi que des affections psycho- somatiques graves, des maladies alcooliques et des troubles de type psychotique (déper- sonnalisation).
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L’association personnalité limite-toxicomanie favoriserait les passages à l’acte suicidaire. Les étayages psychothérapeutiques et insti- tutionnels paraissent utiles pour ces sujets qui ont besoin de prise en charge au long cours, en partant de leur relation de dépendance initiale pour les mener progressivement (mais difficilement) vers l’autonomie.
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3) Les personnalités psychotiques | ||
La rencontre entre toxicomanie et schizo- phrénie semble relativement fréquente, d’autant que ces sujets auraient une inclination prononcée à l’automédication. Ce sont des personnalités présentant une attitude générale de repli et de fuite des contacts sociaux, qui se réfugient dans un monde d’abstractions et d’idéalisme mêlé d’un certain degré de perte de contact avec la réalité. Les troubles des conduites alimentaires ne sont pas rares à l’adolescence et en début d’âge adulte. Généralement, l’évolution de la toxicomanie se fait sur un mode séquentiel et l’importance des symptômes psychopathologiques (entrée dans |
la schizophrénie notamment) prend le pas sur la toxicomanie en tant que telle.
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Bibliographie | ||
-BOUCHEZ J. (1997), Toxicomanies et troubles de l’humeur : l’humeur vagabonde, Act. Med. Int. - Psychiatrie (14), N°199, pp. 3356-3357.
-CAER Y., ABBAR M. (1997), Toxicomanie et agressivité, Act. Med. int. - Psychiatrie (14), N°199, pp. 3380-3381. -FARGES F. (1998), Approche communautaire des toxicomanies, Puf. -MOREL A., FONTAINE B., HERVÉ F. (1997), Soigner les toxicomanes, Dunod. |
-Pratiques en évolution (1997), Fiche N° 4 : « prise en charge des troubles de l’humeur lors d’un traitement de substitution », édité et diffusé par le laboratoire Schering-Plough.
-TRIBOLET S., PARADAS C. (1993), Guide pratique de psychiatrie, Editions Heures de France. -VIGNAU J. (1997), Traitements de substitution Troubles du sommeil, Act. Med. Int. - Psychiatrie (14), N°199, pp. 3402-3403. |