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Réduction des risques

Réduction des risques - Actualité 2012 - 2nd Semestre

RÉDUCTION DES RISQUES - ACTUALITÉ 2012 - 2nd SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier

Epidémiologie

Il y aurait dans le monde 27 millions d’usagers problématiques de drogues (0,6 % de la population adulte mondiale), avec une forte prévalence du VIH (estimée à environ 20 %) et de l’hépatite C (46,7 %). Il y aurait 1,4 million d’usagers d’opiacés à problèmes dans l’Union européenne et en Norvège en 2010, et dans l’ensemble cette population est caractérisée par son vieillissement et un niveau relativement élevé de contact avec les services spécialisés.

Il y aurait 230 000 usagers problématiques de drogues en France. L’âge moyen des usagers des CAARUD (Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) est de 35,5 ans en 2010 et continue de s’élever (34,1 ans en 2008) du fait de l’avancée en âge des usagers. La part des 45 ans a presque doublé en quatre ans, passant de 9,6% en 2006 à 17,7% en 2010. Les usagers des CAARUD vivent dans une grande précarité : un sur deux est SDF ou habite dans un logement provisoire. Plus de la moitié des usagers survie grâce à des prestations sociales et près du quart ne dispose d’aucune ressource officielle. Sur le plan des acquis scolaires, 23,2 % seulement ont atteint le niveau du bac (avec ou sans l’examen). Le plus grand nombre (65,2 %) dispose d’un diplôme professionnel ou du secondaire (CAP, BEP) ou du niveau « collège ». Une large majorité dispose de papiers d’identité valides français (78,4 %) ou étrangers (7,2 %). Les autres se trouvent en situation irrégulière (6,1%) ou ont perdu leurs papiers (7,2%). Alcool et cannabis restent les produits les plus consommés. Si les usagers des CAARUD conservent des pratiques fréquentes de défonce, on note un recul diffus de l’ensemble des substances mais surtout de la cocaïne (de 36,4% en 2008 à 32,8% en 2010). 

 

58,4% des usagers bénéficient d’un traitement de substitution aux opiacés (TSO) avec prescription et suivi médical : buprénorphine haut dosage (BHD) pour plus de la moitié (54,1%), méthadone pour plus du tiers (38,4 %), et sulfate de morphine pour 5,3%. La part des usagers sous méthadone s’accroit (28,1 % contre 23,6 % en 2008).

Nombre d’usagers consomment des médicaments de substitution aux opiacés hors cadre médical. Si le partage de la seringue est rare, le partage du petit matériel d’injection (l’eau de préparation, récipient de préparation, filtre...) restent fréquent (un usager sur quatre), mais principalement chez les usagers les plus jeunes. On constate une progression du sniff, y compris pour l’héroïne (42,0% en 2008 à 47,1% en 2010). La pratique de l’inhalation à chaud par vaporisation (chasse au dragon ou bang) progresse également, en particulier pour l’usage de la cocaïne (23,3%à 30,9%) comme celui de l’héroïne (24,2%à 28,9%). Le taux de sérologies déclarées positives pour l’infection au VIH par les usagers poursuit sa diminution. Parmi les injecteurs récents ou anciens qui ont pratiqué un test, 6,9% se déclarent séropositifs au VIH contre 8,7% en 2006 et 7,7%en 2008. Ces données, bien que déclaratives, suggèrent une décroissance de la prévalence de l’hépatite C parmi les usagers de drogues des CAARUD. Cette diminution de la séropositivité déclarée est particulièrement notable chez les jeunes injecteurs: elle passe de 22,5% en 2006 à 8,5% en 2010 dans le groupe des moins de 25 ans.

Sources :
UNODOC. RAPPORT MONDIAL SUR LES DROGUES 2012
OEDT. ÉTAT DU PHÉNOMÈNE DE LA DROGUE EN EUROPE 2012
28.09.12. OFDT. Résultats ENa-CAARUD 2010 - Profils et pratiques des usagers (PDF, 6p.)

Salles de consommation à moindre risque (SCMR) : dépasser le clivage droite/gauche

Conformément aux promesses du candidat François Hollande, le gouvernement invite les municipalités qui le souhaitent à s’enger dans l’expérimentation de dispositif de salles de consommation à moindre risque [Voir "Salles d'injection à moindre risque" in Réduction des risques - Actualité 2012 - 1er Semestre]. La MILDT a été missionnée pour piloter l’expérimentation sur plusieurs villes.

Le gouvernement, pour dépasser tout clivage politique, souhaite que des villes de « gauche » et de « droite » soutiennent cette expérimentation. Des personnalités politiques classées à droite soutiennent, au moins dans son principe, l’expérimentation, en particulier Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre UMP de la santé, Jean-Claude Gaudin, maire UMP de Marseille, Michel Heinrich, député UMP, Alain Juppé, ancien premier ministre UMP et maire de Bordeaux, Yves Moraine, adjoint au Maire de Marseille, Nadine Morano, ancienne secrétaire d'Etat UMP chargée de la famille, Hervé Morin, député Nouveau Centre, André Rossinot, maire radical de Nancy...

 

Sans oublié le très inattendu soutien du très conservateur maire de Nice, Christian Estrosi, qui après avoir annoncé la fermeture d’un des deux Caarud (association de réduction des risques) de sa ville annonce la création d’une structure regroupant les deux lieux d’accueil actuelle, et offrant en plus "un espace de consommation". Et d’ajouter qu’il vaut mieux "que cela se passe dans une salle où la consommation est encadrée que dans les rues de Nice avec tous les dangers que cela implique pour la population et pour les toxicomanes".

Sources :
30.07.12. réduction des risques. Les salles de consommations, encore !
30.08.12. AFP. Morin (NC): oui à des centres supervisés d'injection de drogue
20.09.12. réduction des risques. La Gazette.fr : Salles de consommation : les villes candidates se préparent à l’expérimentation
16.10.12. Reductiondesrisques. La Mildt missionnée sur les salles de consommation à moindre risque (Marisol Touraine)
22.10.12. Nouvel Obs. Bordeaux veut expérimenter une "salle de shoot", mais pas sous la Grosse Cloche
09.11.12. Marianne. Les salles de shoot ne sont pas des «bars à came» (Par Roselyne Bachelot-Narquin)

Etats des projets de SCMR

Pour le gouvernement, il faudrait, idéalement, cinq villes. Pour l’instant quatre villes disposent de projets avancés.

- A Paris le projet serait porté par l'association Gaïa-Paris et Médecins du monde et propose sur l’ouverture d’une salle, avec huit postes pour l'injection, quatre pour l'inhalation, susceptible d’accueillir de 150 à 200 passages par jour, avec un personnel composé de huit infirmiers et éducateurs, et des vacations de médecins et d'assistants sociaux. Une subvention de 38.000 € a été votée par la ville en faveur de Gaïa en vu de soutenir la phase préparatoire. La salle n’est pas encore trouvée, mais devrait se situer vers la gare du Nord, quartier où l’on identifie 1700 à 1800 usagers de drogues dits "problématiques", principalement des hommes, de 35 ans en moyenne, souvent SDF, sans ressources, sans "Sécu", voire sans titre de séjour. Beaucoup viennent d'Europe de l'Est. Ils fument du crack, ou s'injectent le skenan (sulfate de morphine), moins cher que l'héroïne. L'association Safe, gérant du parc de distributeur de seringue parisien, vient d'alerter sur une augmentation de plus de 7% de la distribution de seringue à Paris au premier trimestre 2012 et que plus de 50% de son activité a été réalisée à la gare du Nord.

- A Marseille, la ville a été scindée en trois secteurs : sud, nord, centre. Dans chacun de ces secteurs, une salle de consommation de drogue supervisée sera adossée à un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (CAARUD). Dans les secteurs nord et sud, il s’agira probablement des CAARUD de l’hôpital Nord et de l’hôpital Sainte-Marguerite. Dans le centre, le Sleep-in, CAARUD géré par le Groupe SOS est pressenti pour accueillir une SCMR. Le Sleep-in accueille des usagers de drogues de 18 h 30 au matin qui ont réservé leur place grâce à un numéro vert et ils bénéficient d’un repas, d’une nuitée, de salle de détente, de douche, de laverie, de matériel d'injection stérile à n'utiliser qu'en dehors du Sleep-in et de consultations médico-psycho-sociales ainsi qu'une aide à la gestion administrative.

 

- Sur Bordeaux, la question du local fait polémique, la municipalité étant hostile à ce qu'elle soit installée dans les locaux d’un des Caarud situé en centre-ville.

- A Strasbourg, un projet est porté par l’association Ithaque.

 

D’éventuelles difficultés lors de la mise en place des projets exposent ceux-ci au risque d’un gel des initiatives pour cause d'élections municipales. Une fois les villes retenues, il faudra faire accepter un lieu aux riverains. Il n’est pas dit qu’à huit mois des élections, toutes les municipalités s’engeront aussi fortement dans des projets.

 
Sources :
29.08.12. réduction des risques. Les salles de consommation à moindre risque : un dispositif validé par la science et l’expérience de terrain
29.08.12. L'Express. Drogues: "Il est urgent d'expérimenter les salles de consommation!"
20.09.12. réduction des risques. La Gazette.fr : Salles de consommation : les villes candidates se préparent à l’expérimentation
Octobre 2012. Groupe-sos. Zoom sur... Le Sleep In (hébergement d'urgence pour usagers de drogues, Marseille)
22.10.12. Nouvel Obs. Bordeaux veut expérimenter une "salle de shoot", mais pas sous la Grosse Cloche
06.12.12. RdR. Salles de consommation à Marseille : recommandation du groupe d’experts
08.12.12. LeMonde. Salles de shoot : à Paris, les élus "confiants" dans l'adhésion des habitants
08.12.12. LeMonde. Les salles de shoot sous la pression des municipales
11.12.12. France.TV.info. Salle de shoot : Paris accorde une subvention pour une association porteuse du projet
12.12.12. dna. « Le premier risque, c’est l’overdose » (projet de salle d'injection sur Strasbourg)
L’opposition aux « salles de shoot »

Ce timing - qui télescope l’expérimentation avec les campagnes municipales - expose ces projets à des instrumentalisations électoralistes par des opposants virulents.

Chez les opposants aux projets, il y a d’abord une lutte sur les terminologies, pour imposer dans l’espace public le terme de "salle de shoot" (et divers variantes comme "shooting rooms", "sniff house", "smoke galerie", "squats de la santé") au détriment du "salle de consommation à moindre risque" retenu par le Gouvernement.

L’UMP, dans un communiqué signé Françoise Grossetête, se prononce contre toute expérimentation : "Comment sortir un toxicomane de son addiction si on lui montre que sa consommation est acceptée ? La création de "salles de shoot" serait une forme de légalisation de la consommation de drogues, aux frais du contribuable. [...] L'afflux de toxicomanes aux abords de ces salles encouragera les trafics et menacera la tranquillité de ces quartiers." Des policiers font leurs commentaires : "Ces lieux, qui sont peut-être bons d'un point de vue sanitaire et pour les drogués eux-mêmes, entraîneront inéluctablement une situation apocalyptique dans les quartiers, prophétise Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie Officiers. L'afflux programmé de toxicomanes provoquera au bout de quelques semaines le cauchemar des riverains. Ils seront en proie à des comportements asociaux de toute une faune que l'on connaît, hélas, trop bien et qui n'hésite pas à se livrer à des vols, des agressions ou à se prostituer pour se fournir leur produit." Un commandant de police de Seine-Saint-Denis déplore qu’ "au nom d'une certaine bien-pensance, les pouvoirs publics pourraient débloquer entre 300 000 et un million d'euros pour sécuriser la consommation de produits prohibés alors que nos effectifs manquent cruellement de crédits pour traquer les filières. Bien loin de vouloir sevrer les narcos-dépendants dans l'espoir de faire chuter la demande, ce type de dispositif ne fera que légaliser des comportements à risques et lever des tabous." Des expériences étrangères, d’après le Figaro, suggèreraient que ce type de salles attirent non seulement les dealers, mais aussi les étrangers : "À Genève, où siège le très médiatisé Quai 9, l'avis des experts est peut-être très positif, mais pas celui des riverains!, fustige Patrice Bo-Sieger, de l'association Dites non à la drogue. Les dealers prolifèrent, parfois agressifs. C'est comme un supermarché, avec plein de petites boutiques tout autour… Des gens viennent même de France pour s'acheter leur dose".

Le professeur Jean Costentin, qui conseille des clubs et think-tanks de l'UMP, affirme l'impossibilité pour les médecins d'accepter d'observer des toxicomanes s'administrer des drogues "de pureté incertaine".

 

Et le professeur Bernard Debré (député UMP), affirme que « si un drogué veut s'arrêter, ça sera une incitation » et demande : "Si quelqu'un fait une overdose dans la salle de shoot, est-ce que c'est l'Etat qui est responsable?", avant de suggérer ironiquement que l’Etat fournisse la drogue en usant de cet argument : "vous apportez ici votre drogue mais elle est de mauvaise qualité, elle est dangereuse, elle peut donner des overdoses et des accidents, prenez donc la nôtre, elle est meilleure."

Le journal "Valeurs actuelles" a demandé à l’IFOP de questionner les Français à ce propos et constate que si 53% des français étaient favorables aux salles d’injection supervisée en 2010, une majorité de 55% s’y opposeraient en 2012 (contre 47% en 2010). C’est dans les rangs des sympathisants de l’UMP et du FN (respectivement 66 et 69%) que l’opposition est la plus vive, on notera néanmoins que 41% des sympathisants de gauche se disent également défavorables à l’ouverture de tels lieux. Toutes les catégories socioprofessionnelles y sont opposées à l’exception des cadres supérieures et professions libérales (57% de favorables). De la même façon, une courte majorité (54%) des habitants de l’agglomération parisienne s’y montre favorable.

Plus ambigüe est l’attitude de l’Académie de médecine, censée conseiller le gouvernement en matière de santé publique, mais qui s’était montrée hostile au salle d’injection supervisée sous le gouvernement Fillon [Voir "Comment fermer un débat sur les salles d’injection à moindre risque ?" in Réduction des risques - Actualité 2011 - 1er Semestre], et qui déclare qu’elle va créer un groupe de travail pluridisciplinaire chargé de procéder à une analyse de ses implications sanitaires, compassionnelles, économiques et réglementaires, mais aussi d’envisager les possibles conséquences sur la perception de ces pratiques par l’opinion publique. "L’Académie de médecine est convaincue qu’une telle analyse et les conclusions auxquelles elle aboutira devraient constituer un préalable à la mise en place de l’expérience annoncée." Il s’agit, tout en omettant de mentionner l’expertise de l’Inserm et les travaux de l'association Elus, santé publique et territoires [Voir "Le rapport de l’Inserm" & "Le débat sur les salles de consommation..." in Réduction des risques - Actualité 2010], et surtout de ne pas se précipiter...

Sources :
04.09.12. Le Figaro. Salles de shoot : la bronca policière
14.10.12. Seronet. Salles d’injection : ça fait (encore) débat !
22.10.12. Nouvel Obs. Drogues: l'instauration de salles d'injection divise les experts
22.10.12. Challenges. Les salles de shoot, "une incitation" à se droguer pour Bernard Debré
23.10.12. UMP. Salles de shoot : non à une « normalisation » de la consommation de drogue !
23.10.12. Le Figaro. «Salles de shoot»: un bilan mondial plutôt négatif
01.11.12. Blog.ehesp. Journalisme et santé publique : Salles de shoot, salles des vices (blog de Jean-Yves Nau)
Clarifier les enjeux et évaluer les SCMR

Le Consortium International sur les Politiques des Drogues propose dans un document intitulé "Salles de consommation à moindre risque : les preuves et la pratique" de clarifier les enjeux autour des SCMR, en s’appuyant sur des retours d’expériences de nombreux dispositifs. Il convient tout d’abord d’en proposer une définition précise :
"Les SCMR sont des endroits protégés utilisés pour la consommation hygiénique de drogues obtenues au préalable, dans un environnement non moralisateur et sous la supervision d’un personnel formé. Elles constituent un service hautement spécialisé au sein d’un réseau plus large de services destinés aux usagers de drogues, imbriqué dans des stratégies locales qui répondent à une multitude de besoins individuels et communautaires résultant de la consommation de drogues." Le Consortium constate, qu’au travers le monde, les SCMR, dans leur soucis de s’adapter aux réalités locales (caractéristiques du publics, législation, partenariat, etc.), peuvent fonctionner de manières différentes, "certaines SCMR emploient une approche plus médicalisée avec des docteurs et infirmier(e)s, alors que d’autres choisissent de jouer un rôle plutôt social avec un élément d’action sociale au sein de la communauté", tandis que d’autres sont centrées sur les pratiques d’injection ou d’autres encore prennent en compte l’ensemble des formes de consommation. Néanmoins, par delà les différences, elles ont pour objectif général "de résoudre les problèmes des groupes de population à haut risque qui consomment des drogues, plus particulièrement ceux qui consomment par voie intraveineuse et en public. Ces groupes ont des besoins importants en termes de santé publique qui ne sont pas souvent pris en charge par les services de santé, les services sociaux, ou de maintien de l’ordre, posant ainsi des problèmes aux communautés locales." Une SCMR a plusieurs objectifs opérationnels :

- améliorer l’accès aux services de santé pour les groupes d’usagers de drogues les plus vulnérables
- améliorer leur état de santé et leur bien-être
- contribuer à la sécurité et à la qualité de vie des communautés locales
- réduire l’impact des espaces de consommation de drogues à ciel ouvert sur la communauté.

Le Consortium insiste sur la nécessité d’évaluer ces dispositifs pour pouvoir convaincre la population du bien fondée de leur action, notamment à partir de cinq critères retenus par l’OEDT :
- la capacité des SCMR à atteindre les groupes vulnérables et de favoriser leur acceptation par les groupes cibles, les communautés et autres acteurs clés ;

 

-  la capacité des SCMR à contribuer à l’amélioration de l’état de santé des usagers de drogues et à réduire les comportements à risque ;
-  la capacité des SCMR à réduire le nombre de décès par overdose ;
-  la capacité des SCMR à avoir un impact sur les taux d’infection au VIH et à l’hépatite C ;
-  la capacité des SCMR à réduire la consommation de drogues à ciel ouvert et les problèmes qui en découlent.

Le référentiel d’évaluation devra, outre des indicateurs de résultats (comme la fréquentation effective par des usagers problématiques, le nombre de médiation entre usagers et habitants, le nombre d’usagers accompagnés vers des dispositifs sanitaires et sociaux, le nombre de dépistage, etc.), contenir des indicateurs de fonctionnement (comme la capacité à garantir un accueil bas-seuil, mais aussi à tenir un règlement intérieur qui préviennent l’appropriation du lieu par un groupe d’usagers ou par des dealers, ou encore la capacité à s’adapter à de nouvelles formes de consommation et à de nouveaux public, ou encore la capacité à aller au devant de certain public en s’articulant avec des équipes mobiles ou à travailler en réseau...).

La question de l’évaluation est aussi au cœur de la réflexion de l’AFR qui propose un Guide méthodologique pour l’évaluation des Caarud. Ce guide comprend des modèles d’outils de recueil de données (enquête de satisfaction des usagers, enquête professionnelle et dynamique associative, etc.) et une grille d’évaluation structurée autour de 6 axes :
- la promotion de la qualité de vie, de l’autonomie, de la santé et de la participation sociale ;
- la personnalisation de l’accompagnement ;
- la garantie des droits et la participation des usagers ;
- la protection et la prévention des risques inhérents à la situation de vulnérabilité des usagers ;
- l’insertion et l’ouverture de l’établissement ou du service sur son environnement, l’intégration des différentes ressources internes et externes ;
- son organisation interne, ses ressources humaines et financières, son système d’information.

Sources :
Juin 2012. Consortium International sur les Politiques des Drogues. Salles de consommation à moindre risque : les preuves et la pratique (PDF, 25p.)
23.10.12. A-F-R. Guide méthodologique pour l’évaluation interne en Caarud

Exemples de services rendus dans les SCMR

Depuis 1986, plus de 90 SCMR ont été crées en Allemagne (17 villes), en Australie (Sydney), au Canada (Vancouvert), en Espagne (4 villes), au Luxembourg, au Norvège (Oslo), au Pays-Bas (25 villes) et en Suisse (8 villes). Des projets sont en cours dans de plusieurs pays (Portugal, Danemark). Le maire de Bogota (Bolivie), Gustavo Petro (gauche) a récemment proposé d'ouvrir des SCMR à destination des consommateurs de bazuko, un dérivé bon marché de la cocaïne.

Les SCMR ont des fonctionnements divers et les « prestations » les plus fréquentes sont :
- Accueil pour la consommation (injection, produits fumés, inhalés)
- Fourniture de matériel d’injection stérile
- Conseils sur la réduction des risques
- Cafétéria qui fournit des repas et boissons
- Services d’hygiène (douches, vêtements)
- Service de santé primaire (consultation, vaccination)
- Dépistage VIH-VHC-VHB
- Orientation accompagnement vers des services de soins
- Orientation accompagnement vers des services sociaux
- Actions communautaires

Josep Rovira, directeur d'un organisme espagnol chargé de la lutte contre les drogues) décrit l’activité d’une SCMA de Barcelone : "Leur situation personnelle est analysée, puis on procède à des examens médicaux complets pour s'assurer qu’ils n’ont pas de maladies comme la tuberculose, le sida ou les hépatites. Ensuite, on leur attribue un traitement médical spécifique, et on les mène, selon leur dépendance, vers les zones pour fumeurs ou pour injections. 

 

Plus tard, ils peuvent accéder aux espaces comme les douches, recevoir des vêtements, et participer à des activités socioéducatives avec une perspective d’insertion dans la société, comme, par exemple, le ramassage des seringues dans les rues. Ils peuvent aussi s'inscrire à des programmes de sport ou d'aide aux animaux abandonnés, auxquels ils participent comme des citoyens actifs, rémunérés, ce qui leur permet de financer leur propre traitement médical."

Les conseils de réduction des risques visent parfois à éduquer à une injection à moindre risque «selon un protocole qui pourrait faire penser à l’apprentissage de l’auto-injection diabétique, explique Christian Andreo, de l’association Aides. En France, le programme Aerli (Accompagnement et éducation aux risques liés à l’injection) a permis d’identifier nombre de gestes problématiques dont les usagers n’ont pas toujours conscience et qui sont causes, notamment, d’abcès [Voir Un an d'expérience avec le projet ERLI de Médecins du Monde, Quels enseignements retenir ?]

Sources :
Juin 2012. Consortium International sur les Politiques des Drogues. Salles de consommation à moindre risque : les preuves et la pratique (PDF, 25p.)
09.08.12. Romandie. Des centres de consommation de drogue qui font débat en Colombie
31.08.12. Libération. «Les salles de consommation de drogues évitent la propagation de maladies» (Josep Rovira, directeur d'un organisme espagnol chargé de la lutte contre les drogues)
30.09.12. Libération. L’expérience du shoot en salle (Reportage dans des lieux tests + témoignages)
30.11.12. rvh-synergie. Un an d'expérience avec le projet ERLI de Médecins du Monde, Quels enseignements retenir ? (Le FLYER, N° 48, Septembre 2012)

Aller au-devant des publics : salles d’injection mobiles et testing

Le choix du lieu d’implantation d’une SCMR est déterminant. Néanmoins certains publics requièrent des actions qui exigent que l’on aille au-devant d’eux. C’est pourquoi, se sont créé des Salles d’injection Sécurisée (SIS) mobile, notamment à Berlin et Barcelone. Il s’agit de bus avec des postes d’injection. Les SIS mobiles disposent d’un personnel infirmier (1 infirmière complétée par 2 travailleurs sociaux à Barcelone, 2 infirmières soutenues par 1 ou 2 travailleurs sociaux à Berlin) qui offrent une gamme de services de réduction des risques, comme la distribution d’aiguilles et de seringues, la naloxone (pour une utilisation par le personnel infirmier en cas d’overdoses mais aussi pour une distribution aux usagers), une assistance pour localiser les veines et l’évaluation des difficultés sanitaires et sociales et l’orientation vers des services adaptés. Alors que la vaccination (contre l’hépatite B et le tétanos) est proposée sur place à Barcelone, elle ne l’est pas à Berlin, le dépistage des virus VHC-VIH et du counselling, pré-et post-test, sont proposés à Berlin, mais pas Barcelone.
Ce type de dispositif pose des problèmes de coûts, car avec seulement 3 postes d’injection, le "débit" d’une journée dans la SIS mobile de Berlin est environ 20-30 injections par jour. Ce type de dispositif ne peut être qu’un complément à l’action de sites fixes opérant dans les villes.

L’analyse de produits psychotropes (testing) est une méthode pour aller au-devant de publics, qui s’est développé, notamment, dans le cadre des raves. L’efficacité du testing dépend beaucoup de la qualité de l’accueil de l’usager, qui ne rencontre pas sans réserve le dispositif puisqu’il peut l’inciter à renoncer à son projet initial, à savoir consommer un produit.

 

De plus, le testing avec des tests colorimétriques a des limites : ils signalent la présence ou l’absence de substances, mais nullement le dosage et ne prédisent pas grand chose de la manière dont l’organisme du sujet réagira en cas d’éventuelle consommation.
Damien Favresse, sociologue, a identifié quatre types de demandes chez les usagers qui font des demandes de testing. Certains viennent se rassurer sur le produit, pour se prémunir d’avoir a renouveler des expériences négatives, ils sont demandeurs d’informations, ils sont disposer à changer leur consommation et il voit dans le testing un des éléments qui peut l’aider à accomplir ce changement. D’autre sont dans une logique de contrôle de leur consommation, et ils veulent connaître le produit notamment pour s’adapter en fonction de celui-ci (adapter le cadre dans lequel ils vont consommer, choix de produits pour assurer la « descente »...). D’autres viennent pour se prémunir d’un produit dont l’aspect est suspect ou sur lequel court des rumeurs dangereuses parmi les consommateurs. Une dernière catégorie recours au testing pour vérifier que le produit contient bien les substances souhaitées, le testing offrant alors une sorte de « garanties » que le produit répondra à son envie de s’octroyer du plaisir.

Source :
29.09.12. réduction des risques. Les salles d’injection mobiles de Barcelone et Berlin (éditorial de l’International Journal Of Drug Policy)
Printemps-Eté 2012. Prospective Jeunesse - Drogues Santé Prévention. N°62 : Paroles de jeunes

Usage de drogues et comportements sexuels à risques

L’apparition des drogues de synthèse ayant de puissants effets aphrodisiaques ou de drogues utilisée dans le cadre de consommations associées à des relations sexuelles, pourrait remettre au devant de la scène la question du lien entre usage de drogue et conduites sexuelles à risque. Au Cap, en Afrique du Sud, la consommation de Methamphétamine, essentiellement fumée est associée à une forte augmentation des risques sexuels à travers l'euphorie, l'énergie et le désir sexuel engendrés par cette drogue de synthèse. Les partenaires multiples, les relations non protégées, le sexe commercial (plus souvent clients chez les hommes et prestataires chez les femmes) sont également plus fréquents chez les consommateurs de meth. La meth est surtout consommée par des hétérosexuels, plus souvent chez les personnes « colorées » (10%) que chez les Noirs (2%). L’étude constate la fréquence très élevée des abus sexuels dans l'enfance chez les consommateurs de meth (22%) vs 8% chez les non consommateurs. A San Francisco, une étude de Meghan D. Morris sur les partenaires d'injection montre que les prises de risques liées à l’injection (partage de seringues ou de matériel d'injection) sont significativement plus élevées chez ceux qui ont à la fois des relations sexuelles et qui s'injectent ensemble. Le sexe des deux partenaires d'injection (homme/homme, femme/femme ou homme/femme) n'est pas corrélé à une majoration des risques.

En France, des produits de synthèse, en particulier la méphédrone et des dérivés du cathinone (l'un des principes psychoactif du Khat), largement disponibles sur le net (sous les noms : MMC, M-cat, Miaou, 4-MEC...) sont associés à des pratiques d'injection - baptisée Slam -, dans un contexte de relations sexuelles à risque dans des milieux festifs gay et dans le milieu bareback. [Voir "Pratique du « slam » (injection, notamment, de méphédrone) dans le milieu gay et festif" in Réduction des risques - Actualité 2012 - 1er Semestre]. L'effet principal recherché est une sensation d’élation (sentiment de grandeur), de toute puissance sexuelle, de désinhibition physico-psychique, d’empathie quasi amoureuse et de stimulation physique. L'effet "facilitant" apparaît en quelques secondes en cas d'injection, en une dizaine de minutes en cas d'inhalation et en quarante minutes en cas d'ingestion ; il peut durer plusieurs heures. Un bruxisme (frottement des dents), des céphalées, une augmentation de la température centrale, des sueurs,  des modifications auditives et sensitives, des hallucinations cénesthésiques (liées aux sensations internes qui suscitent le sentiment général d’existence) et un sentiment de perte de la notion du temps sont des effets secondaires très fréquemment décrits. Les consommateurs rapportent comme effets secondaires indésirables une logorrhée, une irritabilité, une perte de concentration, des élaborations mentales persécutives, une anxiété et une agitation. La descente est caractérisée dans les premières heures par une fatigue, des céphalées et des sensations de décharges électriques intracérébrales (brainzaping).  Une insomnie, une anorexie et une perte des repères vitaux peuvent conduire les consommateurs à passer 72 heures à ne pas dormir, manger ou boire. Un sentiment d'épuisement psychique, d’allure dépressive, engendrant le besoin de re-consommer (craving) peut survenir dans les jours qui suivent la prise.

 

L’inscription dans la consommation peut favoriser la survenue de troubles psychiatriques sévères comme des attaques de panique, des bouffées délirantes à thématiques persécutives, une insomnie rebelle ou des états submaniaques. Enfin, la désocialisation apparaît très vite, avec une restriction du champ d'intérêt et du champ social, des absences injustifiées et une perte majeure d'efficacité professionnelle. Ces substances ont en outre des effets secondaires cardio-vasculaires non négligeables. Outre les nombreux problèmes de santé que peuvent engendrer ces substances, le milieu gay festif, qui ne se perçoit pas comme un milieu d’usagers de drogue n’a pas de véritable maîtrise des pratiques d’injections à moindre risque.

Jeffrey Levy, psychologue clinicien à Espas, observe à partir de l’étude de cas cliniques, qui concernent des homosexuels séropositifs, insérés socialement, qui ont des conduites sexuelles à risque et des usages de drogues, que "ce ne sont pas des toxicomanes "ordinaires", mais des personnes qui se défoncent uniquement pour intensifier leur jouissance sexuelle. Ils savent que c'est dangereux de fréquenter le milieu bareback, mais ils ne peuvent pas faire autrement, disent-ils. Ce sont des personnes très informées, mais, malgré de très bons bilans au VIH, contractent des IST, les Hépatites et risquent les overdoses à chaque rapport sexuel. Ce qui est frappant, c'est la manière dont la jouissance se fige dans une configuration où le sujet devient l'objet de l'autre, soumis au plaisir et très souvent impuissant. C'est ce que Lacan nommait "l'évanouissement du sujet". Le danger que comporte ces rencontres, cette forme de sexualité, n'est pas ignoré ou refoulé, mais embrassé. C'est ce qui ajoute un plus de jouissance, qui rend ces rapports jouables pour le sujet. C'est pour cette raison que les soignants sont impuissants à infléchir ces comportements, et les psychothérapeutes ont fort à faire. On ne peut pas annuler ce qui fait jouir une personne en le raisonnant ou lui proposer de troquer une jouissance pour une autre. Une fois qu'il a touché au "diamant de la subversion", il est comme sous un sortilège, comme si cette voie était celle de son destin."

Enfin le Net Gay Baromètre publié par le BEH, observe qu’entre 2003 et 2010, la part des hommes infectés par le VIH lors de rapports homosexuels a progressé de 7 à 14 % chez les moins de 25 ans. Parmi les éléments d’éclairage, le baromètre met en avant la part importante des pratiques d’échanges sexuels contre rétribution chez les 18-25 ans (10,2 % contre 3 % chez les plus de 25 ans).

Sources :
05.07.12. VIH.org. Drogue et HSH : Attention, une infection peut en cacher une autre
24.07.12. le quotidien du médecin. VIH : les prises de risque évoluent chez les jeunes homosexuels (Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'INVS, Net Gay Barometre 2009)
26.07.12. VIH.org. VIH, consommation de drogues et risques dans différents contextes (Washington, conférence mondiale sur le sida « AIDS 2012 »)
13.11.12. Vih.org. Journée mondiale de lutte contre le sida : Rencontre : «Après 5 ans de sommeil, la RDR liée aux drogues va-t-elle progresser en 2013?»
02.11.12. Vih.org. Drogues de synthèse : la préoccupante «mode»
27.11.12. VIH.org. La prévention des pratiques à risques chez les gays