Dr Gilles NESTER , CSST Rivage, CH de Gonesse |
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La réduction des risques est une approche qui accepte la réalité de l'usage de drogues et qui cherche à réduire au minimum les dommages engendrés par ces pratiques sans nécessairement tenter de lutter contre l'usage même. Ce concept a commencé à se développer vers la fin des années 80 face à l'extension alarmante de l'épidémie du VIH parmi les consommateurs de drogues et en raison de l'aggravation des problèmes liés à la toxicomanie en dépit des politiques menées jusque là pour lutter contre ce phénomène. Correspondances, Janv - Fév 2002 |
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La réduction des risques : une politique | ||
Il s'agit de convaincre les usagers d'adopter des modes de consommation moins préjudiciables à leur santé et à la société en s'appuyant sur quelques objectifs simples et dictés par le bon sens:
- Privilégier des modes de consommation moins dangereux. - Eviter les comportements à risques. - Amélioration de la qualité. Il existe d'importantes disparités dans les politiques menées au niveau européen, tant dans la date de leur mise en place que dans le contenu de leurs programmes. |
Ainsi en France deux dates clé rendent compte de cette évolution: 1987, libéralisation de l'usage des seringues qui deviennent librement accessibles en pharmacie; 1996, développement des traitements de substitution avec l'introduction de la buprénorphine haut dosage (Subutex ®) et extension rapide du nombre de places dans les centres méthadone. Pour comparaison, en Suisse, le développement des traitements méthadone est bien antérieur et c'est la délivrance d'héroïne en centre spécialisé qui fût menée à titre expérimental dès 1992 et s'est étendue jusqu'à 1200 places dans ce type de programme au cours de l'année 2000. |
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L'expérience suisse du traitements à l'héroïne | ||
Aujourd'hui à travers l'Europe le recul est suffisant pour permettre une évaluation qualitative globale des traitements et prises en charge proposés. L'exemple suisse nous apprend que confrontés à un accès illimité à l'héroïne, les usagers se stabilisent autour d'une consommation d'un demi gramme par jour environ et que cette consommation tend ensuite à diminuer lentement et progressivement avec le temps. Indépendamment du produit, lors de l'instauration d'un traitement de substitution, les comportements de type toxicomaniaque persistent chez deux tiers des usagers au début, avant de régresser de façon progressive.
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On retrouve ainsi cette "constante défonce" chez un grand nombre de patients en début de traitement, influencée bien sûr par le contexte social et psychopathologique propre à chacun, mais qui n'interdit pas une évolution lente et globalement positive pour ce qui concerne l'usage d'opiacés. La prise en compte des facteurs psychopathologiques paraît de plus en plus déterminante pour l'évolution de ces prises en charge et elle doit s'associer à une meilleure connaissance des thérapeutiques et de leur maniement.. |
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La méthadone | ||
La présentation faite par le Dr J. Déglon psychiatre à Lausanne illustre bien ce propos à travers une évaluation récente de 330 anciens héroïnomanes sous traitement méthadone qui montre un vieillissement et une augmentation de la comorbidité psychiatrique parmi ces patients.
Dans ces conditions un dosage en méthadone plus important, supérieur à 100 mg/ jour (parfois jusqu'à 500 mg!), est nécessaire pour parvenir à une stabilisation. |
On diminue ainsi non seulement le craving pour l'héroïne, mais également l'usage de l'alcool, du tabac et du cannabis et l'on découvre l'intérêt thérapeutique de la méthadone qui par ses effets psychotropes propres permet de réduire le recours aux traitements psychiatriques classiques (anxiolytiques, antidépresseurs et antipsychotiques). Reste le problème des psychostimulants, en particulier la cocaïne, qui conservent un attrait puissant pour certains patients malgré les plus fortes doses de méthadone.
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Caractéristiques françaises | ||
Les médecins français, en quelques années, ont acquis une bonne connaissance des traitements de substitution, ils utilisent le Subutex® de plus en plus largement mais s'inquiètent de certains problèmes (mésusages, injections, question de l'arrêt du traitement) et ils s'estiment insuffisamment formés pour aborder les problèmes sociaux et psychologiques. S'agissant de la méthadone, ce traitement ne paraît pas assez accessible encore dans notre pays, le cadre de prescription restant trop restrictif et l'offre pas toujours suffisante.
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Les problèmes posés par les dépendances aux opiacés paraissent cependant beaucoup mieux connus et maîtrisés à l'heure actuelle. Nous retiendrons finalement qu'une majorité de patients sous substitution n'injectent plus, ne se défoncent plus et ne présentent probablement pas de pathologie psychiatrique. A l'inverse, plus les patients sont impulsifs ou dépressifs, plus ils vont être injecteurs et poly-consommateurs. Pour tous, le facteur temps est un élément capital du processus d'amélioration. |
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Réduction des risques infectieux | ||
Cependant l'émergence depuis la dernière décennie, d'actions de plus en plus diversifiées dans le domaine de la réduction des risques a contribué à révéler un grand nombre d'autres questions et problèmes liés à la réalité de la toxicomanie dans nos sociétés. On ne peut en citer que quelques exemples comme le fait que les programmes d'échange de seringues atteignent peu les nouveaux injecteurs, pourtant les plus vulnérables aux transmissions virales. |
Le partage de la seringue et du matériel d'injection restent préoccupant et la prévention des risques sexuels demeure insuffisante et son importance sous-estimée. Citons enfin l'extension préoccupante de l'usage de cocaïne et l'arrivée de nouvelles drogues comme le crack ou l'ecstasy et de nouvelles formes d'usages, nous imposant d'imaginer de nouvelles stratégies d'intervention sans retomber dans la vieille idéologie de "l'abstinence ou rien", qui a causé tant de dommages dans le passé.
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L'exclusion sociale | ||
La toxicomanie reste un phénomène qui concerne la société dans son ensemble et l'introduction des traitements de substitution n'a pas joué le rôle de normalisation sociale que certains désiraient ou au contraire redoutaient de lui voir prendre. La drogue apparaît aujourd'hui de plus en plus associée au phénomène d'exclusion sociale, qui se manifeste de différentes façons: mise à l'écart du jeu des relations économiques, perte de l'identité politique et citoyenne, distanciation des relations sociales, absence de moyens de subsistance.
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Dans notre terminologie contemporaine le toxicomane est devenu usager de drogues. Cette évolution des représentations est un héritage direct de la réduction des risques. Reste que cet usager souffre toujours d'une triple exclusion politique, économique et sociale et que la reconnaissance de ses compétences, pour une meilleure intégration, reste problématique, au regard de son statut même d'usager qui le maintient dans l'illégalité et contrecarre encore trop souvent aujourd'hui l'action des professionnels. |