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L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier
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Comment fermer un débat sur les salles d’injection à moindre risque ? | ||
Le débat sur les salles d’injection à moindres risques qui s’était ouvert en 2010 [Voir "Le rapport de l’Inserm" in Réduction des risques - Actualité 2010], le Gouvernement s’est employé à le refermer en arguant que cet outil n’était « ni utile, ni souhaitable », en retenant du rapport de l’Inserm le fait que les salles de consommation à moindre risque n’ont pas d'incidence scientifiquement prouvable la transmission VHC. On pouvait bien faire observer que cette réserve de l’Inserm était essentiellement méthodologique. Pour prouver « scientifiquement » l’efficacité des salles d’injection dans ce domaine, il aurait fallu qu’une salle d’injection, quelque part dans le monde, élabore un dispositif d’évaluation avec deux cohortes de toxicomanes. L’une aurait fréquentée, par exemple, pendant un an le centre d’injection, et l’autre aurait eu l’interdiction de s’y rendre et l’on aurait ensuite comparé les deux populations... Chacun voit bien que, par-delà les immenses problèmes pratiques que poserait une telle évaluation « scientifique », elle poserait d’immenses problèmes éthiques ! Donc, évidemment, nul ne peut prouver « scientifiquement » que des usagers de drogues qui recours à une salle d’injection, qui offre de bonnes conditions d’hygiène, du matériel stérile et la présence d’un personnel sanitaire et éducatif à même d’apporter des conseils de réduction des risque, ont moins de risque d’être contaminé que des usagers qui shoot dans la rue... Mais, on peut aussi se dire, qu’il est quand même vraisemblable qu’ils prennent moins de risque ! |
Le Gouvernement a trouvé l’appuie scientifique qui lui manquait dans l'Académie de médecine qui a rendu le 11 janvier un avis négatif sur la création en France de salles d’injection à moindre risque. L’Académie s’insurge, au nom d’une éthique médicale au service de la vie, contre ces salles qui pratiqueraient l’"intoxications médicalement assistées" : « on ne peut demander à des médecins de superviser ou même de se livrer à de telles « intoxications médicalement assistées », ce d’autant plus que les « drogues de la rue » peuvent correspondre à des mélanges de toxicité potentiellement mortels. En cautionnant, même indirectement, l’injection d’une solution non stérile d’une substance non identifiée, le médecin superviseur engagerait sa responsabilité, qu’elle soit personnelle ou administrative. » Sources : |
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Une évaluation publiée par « The Lancet » : les salles d’injection protègent des vies | ||
Le 18 avril, The Lancet publie une étude qui atteste de l’efficacité des centres d’injection à moindre risque sur le taux d’overdose mortelle. Au Canada, le centre d’injection InSite de Vancouvert, menacé de fermeture, va entreprendre avec l’appui du Canadian Institutes of Health Research une évaluation. Insite est installé dans le Downtown Eastside, quartier de la ville qui avait dans les années 1990, le plus haut taux de mortalité associée aux surdoses et au sida, du Canada. Depuis son ouverture en 2003, 11 200 personnes ont eu recours au site et 702 personnes l'utilisent quotidiennement. Financé par le gouvernement de la Colombie-Britannique, InSite bénéficie d’une « exemption » à la loi fédérale sur les drogues. Mais l’arrivée du gouvernement conservateur de Steven Harper va mettre le centre en péril, celui-ci refusant de prolonger l’exemption. InSite a porté la cause devant les tribunaux. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué que la fermeture du centre serait inconstitutionnelle (la santé étant une compétence provinciale et non fédérale) et jugé qu'Insite était un service nécessaire. |
Pour évaluer Insite, « le Dr Thomas Kerr et son équipe, du Centre d’excellence contre le VIH-sida de Colombie-Britannique, ont rassemblé toutes les données sur les morts par overdose intervenues entre 2001 et 2005, et la zone où elles avaient eu lieu. Ils ont comparé la période 2001-2003, avant la mise en place du centre, et la période 2003-2005, ainsi que le nombre de morts dans un rayon de 500 m autour du centre par rapport au reste de la ville. »Il en ressort ces résultats : « Sur 290 personnes décédées, 229 (79,0%) étaient de sexe masculin, et l'âge médian au décès était autour de 40 ans (32-48 ans). Un tiers, soit 89 décès (30,7%) sont survenus dans les quartiers de la ville situés à moins de 500 m du CIS. Le taux d’overdose mortelle dans cette zone a diminué de 35,0% après l'ouverture du CIS, de 253,8 à 165,1 décès pour 100.000 personnes-années. En revanche, pendant la même période, le taux d’overdose mortelle dans le reste de la ville a diminué de seulement 9,3%, soit 7,6 à 6,9 décès pour 100.000 personnes-années. » L’étude permet de conclure que cette salle d’injection à réduit de 35% le nombre d’overdose mortelle. Sources : |
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Le Gouvernement interpellé sur son immobilisme en matière de RdR | ||
Le 20 janvier, le conseil national du sida, publie une note valant avis sur l’impact des politiques relatives aux drogues illicites sur la réduction des risques infectieux, qui rappelle les mesures positives du gouvernement, mais constate que les « politiques publiques n’ont pas permis d’améliorer significativement la situation des usagers de drogues », tant sur le plan sanitaire (co-infection VIH-VHC, hausse du nombre d’usagers problématiques) que social. Le CNS attire notamment l’attention sur les jeunes primo injecteurs et « les femmes [qui] rapportent davantage de conduites à risques ces dix dernières années, notamment la relation avec un partenaire sexuel injecteur régulier, l’injection par autrui, le partage du matériel d’injection. » Le CNS constate que « les propositions de TSO demeurent insuffisamment diversifiées » pour s’adapter aux usagers les plus problématiques et l’absence de réflexion sur « la prescription d’héroïne avec une prise supervisée », « le recours aux sulfates de morphine » dont l’ « autorisation d’usage ne repose sur aucun texte réglementaire susceptible d’offrir un cadre protecteur tant pour les médecins que pour les usagers » ou encore sur « la buprénorphine inhalable et la buprénorphine injectable [qui] sont aujourd’hui encore en phase d’essai. » Le Conseil national du sida s’interroge sur les coûts de la répression et « souligne la nécessité de renforcer et de diversifier à très court terme les dispositifs sanitaires et sociaux, notamment l’offre de réduction des risques infectieux. »Fin mai, un collectif d’associations (OIP, LDH, Asud, Act Up, Sos Hépatites, Aides, ANPAA...), lance un « Appel pour une véritable politique de réduction des risques liés à l’usage de drogue en milieu carcéral. » Les signataires relève qu’une « nouvelle étude (ANRS-Pri2De), publiée vendredi 27 mai, fait un état des lieux des mesures de réduction des risques (RdR) liés à l’usage de drogue dans les prisons françaises. |
Cet état des lieux montre que la France se situe bien en-deçà du standard minimal de l’OMS, alors que les prévalences de l’hépatite C et du VIH sont anormalement élevées, et les consommations de drogues avérées. » L’étude Pri2DE, montrent que 32% des médecins chefs UCSA (Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires, constituant le service médical de la prison placées depuis 1994 sous la responsabilité du Ministère de la Santé) ont soigné des abcès potentiellement associés à l’injection. Sources :
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