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L'actualité vue par la cyberpresse par Emmanuel Meunier |
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Éthique et réduction des risques | ||
Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, interroge le nouveau pas que franchit la réduction des risques en promouvant les salles d’injection à moindre risque. L’enjeu est, ici, moins de « réduire les risques » (comme dans le cas d’un programme de distribution de matériel d’injection stérile) que de renvoyer aux usagers de drogues « un souci de non abandon » et « de permettre à des personnes d'éviter d'être plus que d'autres exposées à des situations qui mettent en péril leur existence et accentuent leur relégation. » Cette approche peut se réclamer de la « théorie de la justice » du philosophe libéral John Rawls, puisque cette théorie promeut la nécessité de « permettre aux personnes en situations de vulnérabilité de retrouver la capacité d'exercer un pouvoir sur leur propre existence. Une telle visée procède d'une démarche par étapes qui permette à la personne de se réapproprier une dignité, un sentiment d'estime de soi, la certitude d'appartenir à une société qui la reconnaît dans ce qu'elle est et ce à quoi elle aspire. » |
On peut bien opposer à la réduction des risques toute sorte de principes éthique, mais « en bonne pratique médicale, l'état d'urgence justifie l'exception transitoire de dispositifs mobilisés afin de sauver la personne d'une mort possible » et il y a bien un « état d’urgence » Dans une société qui « produit tant de marginalités » et qui fabrique « du rejet là où devrait primer l'exigence d'intégration, les valeurs du bien commun. » Et d’interroger : « Qui peut soutenir honnêtement que, d'un point de vue éthique, le renoncement, la négligence, l'exclusion s'avèrent préférables à la tentative d'une approche différente qui privilégie une certaine idée que l'on a de la personne humaine reconnue dans sa valeur propre et ses droits, quelques soient les circonstances qui affectent son autonomie? » Source : |
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La réduction des risques en CSAPA |
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Le Réseau Français de Réduction des risques a organisé un atelier sur « la RDR en Csapa » au cours des 2èmes Journées de la Fédération Addiction. Deux expériences furent présentés : celle du CSAPA « Espace » à Montargis, qui en milieu rural a développé un bus qui fait office de centre méthadone mobile tout en proposant des services de réduction des risques comme la distribution de matériel de consommation ou les TROD (tests rapides VIH ou VHC ou Tests Rapides d'Orientation et de Diagnostic). Et celle du Centre Planterose, qui propose dans un même lieu, les services d’un CSAPA et d’un CAARUD. Même si officiellement le CSAPA est ouvert le matin et le CAARUD l’après-midi, ce sont les mêmes professionnels avec les mêmes outils qui accueillent les usagers tout au long de la journée, |
ce qui favorise l’évolution des pratiques dans le sens d’une approche intégrée. La réduction des risques en CSAPA modifie les pratiques : le traitement de substitution aux opiacés par exemple est autant un outil de soin que de réduction des risques, pour aider à gérer ou arrêter les consommations d’opiacés illicites ; les notions de « haut seuil » ou de « bas seuil » n’ont plus de sens, puisqu’il s’agit de mettre en place un seuil « adapté » à la situation de chaque usager mais également dans une perspective évolutive. Source : |
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Réduction des risques et travail de rue (outreach) | ||
L’association ACCES met en ligne un « Guide pratique de travail « d'outreach » [littéralement « capacité à atteindre »], c’est-à-dire, en français, de « travail de rue ». Ce guide met en lumière de manière singulière une analogie entre « usage de drogue » et « travail de rue » : l’une est l’autre sont des pratiques soumises à la nécessité de s’engager dans une prise de risque (la prise de drogue / la rencontre avec l’usager sur son lieu de vie) et de savoir s’en désengager (la possibilité de fuir le danger pour l’usager de drogue / la possibilité de se désengager de la relation avec l’usager). Le travail de rue nécessite non seulement une connaissance approfondie du quartier (histoire, sociologie, urbanisme...), mais une connaissance topographique des « lieux cachés » qui favorisent un usage de drogue dans une relative sécurité : « parcs, bosquets d’arbres, terrains de sport, parkings, abris de bus, couloirs et entrées de bâtiments (résidentiels / commerciaux), petites ruelles, allées et cul-de-sac, chantiers de construction ou de démolition, bâtiments vides (squattés), entrées et sorties de métro. » Il faut identifier les lieux « ressources » pour l’usager comme les pharmacies, les épiceries et les lieux de vente d’alcool, les bars et les clubs de nuits. Après cette phase de repérage, il faut se faire identifier et expliciter le sens de son intervention auprès des autorités (ville, police...), des acteurs du quartier et bien évidemment des usagers de drogues. « Il est important d’apprendre à déchiffrer les codes de la rue, et se rappeler que lorsque nous allons vers, nous allons aussi sur le territoire des [usagers de drogues] et non sur le nôtre, et que nous pouvons ne pas y être les bienvenus », observe les auteurs du rapport, d’où la nécessité du travail en binôme et « les intervenant(e)s aient des codes propres qui leur permettent de comprendre rapidement si une situation se dégrade et qu’il est préférable de partir [...] Si un membre du binôme a des doutes sur la situation, c’est ce sentiment qui doit prévaloir, et le retrait est préférable. » Pour limiter les risques inhérents au travail de rue avec les usagers de drogues, le rapport formule une série de recommandations : Les choses à faire sans faute : - Porter une pièce d’identité sur soi- Se présenter aux structures et services locaux |
- Communiquer sur les cadres et les limites de son intervention Les choses à ne jamais faire : Source : |
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Salles d'injection à moindre risque |
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Alors que le gouvernement Fillon avait récusé toute expérimentation de ce type de dispositif [voir Réduction des risques – Actualité 2011 – 1er Semestre], l’arrivée de la gauche semble ouvrir de nouvelles perspectives. Le 19 mars, François Hollande, encore candidat PS à la Présidence, déclare au site internet Seronet (site animé par l’association AIDES) qu’il est « favorable à ce qu’on expérimente des actions nouvelles » et qu’il laissera à Paris et Marseille « la possibilité de mener des expérimentations [de salles de consommation] pour améliorer la santé des usagers de drogue et réduire les nuisances dans nos quartiers ». Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, le 23 juin, à Solidays, a confirmé l’engagement du Président François Hollande de laisser des villes comme |
Paris ou Marseille les expérimenter, tout en évoquant les nécessités préalables de donner un président à la MILDT et de continuer le travail de pédagogie vis-à-vis de l’opinion publique. D’autre part, il existe déjà 80 salles d’injection en Europe [voir Réduction des risques – Actualité 2010]. Copenhague doit elle ouvrir prochainement une salle d’injection à moindre risques. Sources : |
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Réduction des risques en prison |
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Olivier Sannier (UCSA du Centre Pénitentiaire de Liancourt) dans un article intitulé « Réduction des risques et usages de drogues en détention : une stratégie sanitaire déficitaire et inefficiente » publie les résultats de son enquête sur la consommation de drogue dans le Centre Pénitentiaire de Liancourt. La consommation de drogues illicites est plus élevée dans la prison que dans la population générale, puisque respectivement 38%, 7,1% et 8,1% des répondants déclarent avoir consommés du cannabis, de la cocaïne et de l’héroïne pendant l’incarcération. De plus, l’alcool, normalement interdit en prison a été consommé par 18,9% des répondants pendant leur incarcération. Mais paradoxalement les moyens sanitaires disponibles sont considérablement inférieurs à ceux disponibles en milieu libre. Dans le centre pénitentiaire de Liancourt, il n’est par exemple pas prévu de poste d’addictologue, les temps sanitaires disponibles ne permettent pas la mise en place d’un cadre thérapeutique, ou encore, à peine plus de la moitié des usagers de drogue en sniff ou en injection durant leur incarcération connaissait leur statut VIH, et moins de la moitié connaissaient leur statut VHC et VHB. Une enquête sur les consommations en cours d’incarcération, l’asepsie et les comportements à risques infectieux auprès de 107 détenus présents à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan (Gironde) en 2008, fait apparaître que 25 % des détenus ont consommé de l’alcool, 49 % du cannabis, 29 % de la cocaïne, 9 % du crack, 20 % de l’héroïne et 23 % d’autres substances ou médicaments détournés (31 % par voie nasale, 14 % par voie intraveineuse). |
Parmi les usagers de la voie nasale, 50% déclaraient partager leur matériel (paille) et 31 % le désinfectaient avant de consommer. Parmi les usagers de la voie intraveineuse, 60 % déclaraient partager leur matériel d’injection et 67 % le désinfecter avant utilisation. Le 19 mars, François Hollande, a déclaré au site internet Seronet qu’il initierait un « plan spécifique pour la santé des personnes incarcérées et le sujet de la toxicomanie y sera traité. » D’autre part, Le professeur Philippe Juvin, député européen et secrétaire national de l’UMP, « favorable à un programme d’échange des seringues stériles en prison. » Il affirme que « le succès des programmes d'échanges de seringues (PES) stériles, en Allemagne, en Suisse, au Luxembourg ou en Espagne me confortent dans l'idée qu'une telle piste est à explorer. Elles ont entraîné une réduction importante du partage des seringues entre détenus, une diminution sensible des contaminations et des abcès et l'absence de nouveau cas de VIH ou d'hépatite. » Sources : |
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Pratique du « slam » (injection, notamment, de méphédrone) dans le milieu gay et festif | ||
Le Dr Philippe Batel, qui dirige une consultation drogues de synthèses à l'Unité de Traitement Ambulatoire des Maladies Addictives de l'Hôpital Beaujon à Clichy, signale la nécessité de développer des messages de réduction des risques en direction du milieu gay où émerge la mode dites du « SLAM ». « Le SLAM désigne une pratique d'injection intraveineuse de produit psychoactifs. Les "toxicos" se "fixent" et les gays se "slamment". On notera la différenciation sémantique anglicisante visant sans doute à rendre plus « hype », attractif et spécifiquement communautaire un comportement associé à la toxicomanie dure », observe Ph Batel. La pratique d’injection de drogue n’est pas nouvelle mais se développe avec l’arrivée de nouvelles drogues de synthèse, en particulier les dérivés de la cathinone (en premier lieu la méphédrone), qui a des effets empathogènes, euphorisants, désinhibiteurs et stimulant sur la sexualité [Voir Drogues de synthèse - Actualité 2012 - 1er Semestre]. |
Cette pratique comprend de nombreux risques (abcès, infections du cœur – endocardites –, embolies infectieuses à staphylocoques et de phlébite, infarctus du myocarde et mort subite, risques infectieux VIH et hépatique, attaques de paniques, sentiments de déréalisation ou des délires paranoïaques, perte totale du sentiment de faim ou de soif, troubles de la mémoire et une perte totale de la notion du temps). Ph Batel signale la rapidité avec laquelle s’installe l’addiction : « Le scénario habituel est le suivant : 1) Le produit est pris initialement pour agrémenter une sexualité de petit groupe. 2) Ce groupe va se fidéliser en plans communs réguliers et slammés. 3) Très vite, la prise de produit va perturber la sexualité au point de s’y substituer 4) Le sexe devient alors un alibi pour une prise commune de drogues. L’étape suivante est le développement d’une dépendance telle que le slammeur va se piquer seul chez lui ou pour partir travailler. » Source : |