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L'actualité vue par la cyberpresse par Emmanuel Meunier |
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Politiques publiques en France et en Europe : prix, "dénormalisation", lutte contre le trafic | ||
Les politiques publiques restent axées sur les hausses de prix, la « dénormalisation » du tabac, auquel s’ajoute de plus en plus la question de la lutte contre la contrebande. Agir sur les prix reste le principal levier des politiques publiques. En France, le 1er octobre, a été décrétée une augmentation des prix, arrondie à 40 centimes pour les cigarettes et à 60 centimes pour le tabac à rouler, qui va au-delà des 6% annoncés. Pour les cigarettes, la hausse varie de 6,5% à 7% suivant les marques et, pour le tabac à rouler, elle dépasse 10%. Plus aucun paquet n'est aujourd'hui vendu à moins de 6€. Les marques "premier prix" (Gauloises Blondes, Fortuna, Basic) sont à 6,10€. La marque la plus vendue (Marlboro, près de 25% de parts de marché) est vendue 6,60€. Pour le haut-de-gamme, il faut débourser plus de 7€. Le paquet de tabac à rouler est vendu au prix plancher à 6,45€. L'augmentation de 40 centimes par paquet de cigarette représente un surcoût de 146€ par an pour celui qui fume un paquet par jour. La "dénormalisation" du tabac – c’est-à-dire faire que sa consommation soit perçue comme "anormale" - reste un axe important. Après les restrictions concernant la consommation dans l’espace public, les interdictions de vente aux mineurs, les messages de prévention et les photos "chocs" apposées sur les paquets, d’autres mesures sont envisagées. L’une de ces mesures serait, sur le modèle australien, la "neutralisation" de l’apparence des paquets (paquet gris, nom de la marque, messages de prévention) pour lutter contre un marketing et un packaging qui permet de produire des effets de "distinction" en direction de publics particuliers (jeunes, femmes, classes aisées, etc.). Au delà du symbolique, l’impact d’une telle mesure est difficile à cerner : une étude de l’Université de Bristol auprès d’adolescents, utilisant un dispositif qui suivait leurs mouvements oculaires, permet de mesurer le temps consacré à la lecture des messages de prévention, selon qu’ils sont inscrits sur des paquets neutres ou sur des paquets habituels. Les adolescents fumeurs réguliers n’ont pas lu les messages qu’ils soient inscrits sur les paquets neutres ou habituels, par contre les fumeurs occasionnels ont accordé plus d'attention aux mises en garde sanitaires sur les paquets neutres que sur les paquets de marque. En tout état de cause, une telle mesure serait envisagée dans un cadre européen, car elle rencontrera de vive résistance des buralistes et des cigarettiers. Ulf Bauer de la British American Tobacco a d’ailleurs déclaré : "Pour moi c’est scandaleux, car ce n’est plus un simple avertissement de santé publique, ça enlève la marque, ça enlève la propriété intellectuelle des entreprises. Je n’exclue pas qu’on aille en justice". |
L’Europe entend aussi interdire les cigarettes slim et les cigarettes mentholées et, plus généralement, les cigarettes ayant des goûts nettement identifiables (rhubarbe, fraise...). Dans la ligne de mire se trouve aussi les cigarettes "convertibles", vendues dans des paquets plus "fun" et qui contiennent, dans un filtre agrémenté d’un petit logo ludique, une petite bille qui lorsqu'on l'éclate, diffuse un arôme mentholé dans la cigarette. La lutte contre la contrebande est une question émergente. En France, d’après les Douanes, seulement un quart des 20% de cigarettes achetée hors du réseau des buralistes proviendraient du trafic (la majeure partie venant d’achats transfrontaliers et du duty free). Une étude du cabinet KPMG, commandée par Philip Morris, estime au contraire que les trois quarts des 21,1% des cigarettes échappant aux buralistes viendraient de la contrebande ou de la contrefaçon. La contrebande de cigarettes qui représenterait 11% du marché mondial et, en Europe, en 2011, 10,4% de la consommation totale de cigarettes, viendrait de la contrebande ou de la contrefaçon. L’industrie du tabac a sans doute intérêt à majorer ce problème pour mobiliser les Etats dans la lutte contre une forme de délinquance qui l’affecte directement. 170 pays ont d’ailleurs entériné, en novembre, à Séoul, l'accord sur un protocole international de lutte contre la contrebande du tabac visant à renforcer la répression et à prévenir le détournement des produits fabriqués légalement par la mise en place d’un système global de suivi et de traçabilité pour les produits du tabac à travers un système d'étiquetage. Sources : |
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La Cour des comptes critique sévèrement la politique de lutte contre le tabagisme | ||
Après la Haute Autorité de Santé [Voir Les recommandations de la Haute autorité de santé : remettre le patient au cœur de la lutte contre le tabagisme in Tabac - Actualité 2012 - 1er Semestre], c’est la Cour des comptes qui critique la politique de lutte contre le tabagisme. Si, en longue période, les ventes de cigarettes ont baissé très significativement - au point qu’elles ont été divisées par deux entre 1991 et aujourd’hui -, ce mouvement de baisse s’est interrompu depuis 2005. Depuis 2011, on assiste à une inquiétante progression du tabagisme (qui concerne 38 % des hommes et 30 % des femmes), tout particulièrement chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité. Les décès imputable au tabac sont passés de 60.000 à 73 000. Elle constate un défaut d’information et de communication, attesté par des sondages d’opinion qui montre que les populations les plus vulnérables face au tabac en sous-estiment les risques : l’Etat consacre dix fois moins aux campagnes de prévention du tabagisme qu’aux campagnes de sécurité routière (l’insécurité routière fait 4000 morts par an). La Cour pointe aussi l’incohérence des dispositifs de lutte de contre le tabagisme, qui relèvent de plusieurs ministères (santé, budget, intérieur, douane...) et d’une pluralité de d’acteurs dispersé, au contraire de la Sécurité routière qui coordonne, dans son domaine, l’ensemble des politiques publiques. |
Elle observe aussi la faiblesse des contrôles : statistiquement, un buraliste ne risque d’être contrôlé sur place par les agents de la direction des Douanes... qu’une fois par siècle ; à trois exceptions près, les préfets n’ont pas fait remonter au ministère de l’intérieur le bilan qui leur avait été demandé de l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. La Cour des Comptes s’interroge sur l’usage qui est fait des ressources liées à la fiscalité sur le tabac. Elles atteignent, en moyenne, près de 15 Md€ par an (13,8 Md€ en 2011), dont 11,5 sont affectés à la sécurité sociale, essentiellement pour le financement de l’assurance maladie, laquelle supporte la charge la plus directe du tabagisme. La Cour note que cette ressource place la CPAM dans une situation paradoxale de dépendance à l’égard d’une ressource dont le niveau est directement lié au maintien d’une addiction qu’elle est supposée combattre. En outre, cette ressource est probablement loin de couvrir l’ensemble des frais que le tabagisme occasionne au système de santé, qui sont actuellement très partiellement évalué à 12 Md€ par an, mais sans tenir compte du développement des affections de longue durée (ALD). En effet, près des trois quarts des prises en charge par l’assurance maladie des pathologies liées au tabac s’effectuent déjà dans le cadre des ALD et cette proportion ne cesse d’augmenter. Sources : |
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La Cours de compte met en lumière l’influence du lobby des buralistes | ||
Alors que seulement quelques dizaines de millions d’euros seulement sont consacrés au financement des dispositifs de prévention du tabagisme, 300 M€ sont dépensés chaque années (2,6 Md€ d’aides entre 2004 et 2011) pour soutenir les buralistes dans le cadre d’un Contrat d’avenir. Ces aides étaient destinés à compenser la stagnation, voir la baisse, du chiffre d’affaires qui était attendue au moment où, en 2003, une hausse importante de la fiscalité a été décidée. Or, les hausses graduelles et successives (de l’ordre de 6% an), conformément aux engagements de l’Etat dans le cadre du Contrat d’avenir, ont été insuffisantes pour faire baisser significativement la consommation, faute de produire d’effets psychologiques. C’est donc l’inverse qui c’est produit : la grande majorité des fumeurs se sont adaptés aux nouveaux prix et le chiffre d’affaires des buralistes a progressé, de même que la rémunération moyenne des débitants qui, hors aides publiques, a augmenté de près de 54 % entre 2002 à 2011. Aides publiques comprises, la progression a été de 70% (à comparer à une inflation de l’ordre de 20% sur la période et au contexte général de stabilité ou de baisse de pouvoir d’achat de la plupart des catégories professionnelles). Il en est résulté, pour la plupart des bénéficiaires du Contrat d’avenir, un effet d’aubaine massif. |
Certes, les buralistes des zones frontalières (que les dispositifs d’aides ne ciblent pas prioritairement) ont soufferts, car on estime que 20% des cigarettes consommées en France échappent aux buralistes, un quart provenant de la contrebande et les trois quart provenant du commerce transfrontalier et du duty free (le paquet de tabac est entre 6 et 7€, contre, en moyenne, 4,25€ en Espagne, 4,40€ au Luxembourg, 4,90€ en Italie, 5,05€ en Belgique, 5,16€ en Allemagne). De là, la Cour invite l’Etat à restructurer le lutte contre le tabagisme pour lui donner une plus forte cohérence, en renforçant l’information, la prévention, en développant l’aide au sevrage dans le cadre d’une prise en charge par l’assurance maladie et d’un accompagnement spécifique organisé autour d’un réseau de consultations spécialisées et de professionnels de santé libéraux de premier recours, médecins, mais aussi pharmaciens, l’évaluation fiables des coûts du tabagisme pour le système de santé, le renforcer les contrôles, la lutte contre la contrebande, en négociant une exception à la libre circulation des biens dans l’Union européenne pour contrer les achats transfrontaliers... Sources : |
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Histoire : puissance du lobby des cigarettiers (1880-1980) | ||
La BBC a jeté un éclairage sur le personnage de James Duke. En 1880, à l'âge de 24 ans, James Duke reprend l’entreprise familiale de cigarettes à rouler, puis 2 ans plus tard, il rencontre un jeune mécanicien, James Bonsack qui a conçu une machine pour fabriquer des cigarettes. Alors que son ancienne usine ne lui permettait de sortir que 200 cigarettes par jour, la nouvelle machine produit 120 000 cigarettes industrielles par jours. L’invention technique est relayée par un marketing intense qui fera quadrupler la consommation de tabac en quinze ans : il sponsorise des courses automobiles, distribue gratuitement des cigarettes lors de concours de beauté, et place ses publicités dans les premiers magazines. Pour la seule année 1889, il dépense 800 000 dollars en diverses opérations marketing, l'équivalent de 25 millions de dollars actuels. Cette stratégie est relayée par une stratégie industrielle agressive, qui lui permettra, en 1890, de prendre le contrôle de ses quatre principaux concurrents américains en constituant l’American Tobacco Company, qui contrôlera 40 % du marché américain, puis, en 1902, de créer la British American Tobbaco en absorbant son concurrent britannique l’Imperial Tobacco. De même que l’industrie du tabac aura été pionnière en termes d’industrialisation des biens de consommation, de marketing et de mondialisation, elle aura aussi suscité la création de think tank, dont la vocation est de mettre en doute les connaissances scientifiques du moment, think tank des "marchands de doute" pour reprendre l’expression d’Oreskes Naomi et Erik M. Conway. Entre 1950 (année de parution des "études épidémiologiques des Américains", où le docteur Evarts A. Graham et son étudiant Ernest Wynder effectue un premier lien entre tabagisme et cancer du poumon et où trois médecins britanniques, Richard Doll, Bradford Hill et Richard Peto, lace une étude suivie des habitudes tabagiques et des causes de décès chez leurs 35.000 collègues médecins.) et 1957 (année où l’US Public Health Service affirme que "le principal facteur de l’augmentation du cancer du poumon") émerge un consensus scientifique sur la dangerosité du tabac. |
L’industrie du tabac adoptera une attitude ambivalente : elle reconnaîtra les risques pour la santé – ce qui lui permettra de déclarer que les fumeurs ne sont pas fondés à se plaindre, puisque les risques sont notoires -, tout en mettant en place le « Tobacco Industry Research Committee » qui lancera des campagnes sur le thème du « doute scientifique » et sur de l’absence de preuves solides concernant la dangerosité du tabac. Cet organisme financera des chercheurs, des revues et des campagnes en direction de la presse et des politiciens. A sa tête sera placé Frederick Seitz, un physicien américain, impliqué dans les programmes nucléaires et pionnier de la physique du solide, qui s’il n’a pas de compétences en cancérologie, est néanmoins acquis aux thèses eugénistes : sa conviction est que les cancers ont des causes principalement génétiques, point de vue qu’il développera avec le docteur Clarence Cook Little, scientifique spécialisé dans les affections d’origines génétiques, aux opinions clairement eugénistes et réactionnaires. L’enjeu n’est pas de prouver l’innocuité du tabac, mais de semer le doute sur les études qui établissent la dangerosité du tabac, en créant l’illusion d’une controverse scientifique qui permettra des campagnes sur les thèmes : "d’autres produits peuvent causer le cancer", "la science est faite d’incertitudes", "davantage d’études sont nécessaires" avant de réglementer le tabac. Sources : |
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Histoire : puissance et déclin relatif du lobby des cigarettiers (1980-2013) | ||
Le « Tobacco Industry Research Committee » redouble d’effort à partir de 1981, année où le British Medical Journal publie les résultats d'une grande enquête épidémiologique montrant, sans ambiguïté, le lien entre tabagisme passif et cancer du poumon. L'étude menée par Takeshi Hirayama (Institut national de recherche sur le cancer, Tokyo) est solide. Plus de 91 000 femmes, non fumeuses et âgées de plus de 40 ans, recrutées sur l'ensemble du territoire nippon ont été suivies pendant près de quinze années : celles qui partagent la vie d'un fumeur montrent un risque de cancer pulmonaire accru, proportionnel à la quantité de cigarettes quotidiennement consommées par leur compagnon... Dans les années suivantes, une abondante littérature confirmera et renforcera ce constat. Le risque est plus grave pour les industriels du tabac puisque les victimes du tabagisme passif ignoraient les risques auxquels elles étaient exposées, et au cours des années 1980, une trentaine d'Etats américains considèrent que les preuves scientifiques apportées suffisent à bannir la cigarette des lieux publics. D'où une baisse de la consommation. Mettre en doute la réalité du tabagisme passif devient une priorité auquel le « Tobacco Industry Research Committee » s’emploiera. Ces campagnes vont retarder les prises de conscience et il a fallu attendre les années 1980, voire 1990, pour que le public nord-américain cesse de croire que la science était divisée sur le caractère cancérigène du tabac. Il faudra attendre 1998, pour que la justice impose une amende de 250 milliards de dollars aux cigarettiers ; le 17 août 2006, pour que, dans le cadre de la loi antimafia, la justice fédérale américaine, estimant que les compagnies de tabac avaient violé la législation en trompant le grand public pendant des décennies sur les dangers de la cigarette pour la santé, les condamnent à publier des messages dans les médias où elles avouent leur tromperies. Elle les oblige aussi à publier sur Internet tous leurs documents secrets qui auront permis de décrypter et de dévoiler les stratégies de l'industrie du tabac pour inciter la population à fumer. Et attendre le 28 novembre 2013, soit six ans plus tard, pour que soit déterminé et ordonné la publication des messages où les cigarettiers avouent leurs manœuvres. L’intérêt de l’étude d’O. Naomi et E. M. Conway sur les "marchands de doute" est de montrer que les cigarettiers auront été là-encore pionniers : on retrouve, en effet, Frederik Seitz, le président du Tobacco Industry Research Committee, à la tête du thing tank républicain l’Institut George C. Marshall. |
L’Institut s’illustrera dans sa défense de l’industrie du charbon (lorsque le gouvernement américain a voulu la réglementer pour combattre les pluies acides), des CFC (le trou dans la couche d’ozone) et de l’armement. Depuis 15 ans, ils sont au service des industries du pétrole, du charbon et de l’automobile, où ils travaillent à créer l’illusion qui subsiste un débat scientifique autour du réchauffement climatique. Concernant le réchauffement climatique, ils ont d’abord affirmé qu’il n’y en avait aucun, puis ils ont affirmé que ce n’était qu’une variation naturelle, puis ils ont affirmé que même s’il était réel, et que c’était de notre faute, cela importait peu puisque nous avions juste à nous adapter. Cas après cas, ils ont systématiquement nié l’existence d’un consensus scientifique. Le lobby du tabac, même s’il a été affaiblit, reste puissant. Les quatre principaux fabricants de tabac, qui représentent 99% du marché du tabac, multiplient notamment les rencontres à caractère festif avec ceux qu'ils appellent leurs "parties prenantes" pour favoriser les échanges avec les élus, les collaborateurs d'élus, les membres de cabinet ministériels, les fonctionnaires (invitations d’élus à des rencontres sportives prestigieuses, à des repas, financement de clubs politiques). Ils disposent pour ce faire de moyens considérables pour séduire des élus, en contradiction avec le point 5.3 de la Convention Cadre de Lutte-Anti-Tabac de l'OMS qui stipule : "En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique, en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac." En tout cas, l’amendement de Jean-Marie Le Guen, spécialiste des questions de santé au PS, qui proposaient de taxer les bénéfices des cigarettiers à eut bien peut d’écho. Malgré le fait que "le chiffre d’affaires des fabricants a augmenté en quatre ans de plus de 26 %, soit plus de 300 millions d'euros de bénéfices." Le produit d’une telle taxe s’élèverait, selon lui, pour 2010 et 2011, à 203 millions d'euros. Sources :16.07.12. La Croix. Un député PS veut taxer les « superprofits » des industriels du tabac 09.10.12. Mediapart Blog M. Tertre. Les vendeurs de doute : la « guerre du tabac », mère de toutes les batailles 14.11.12. LeMonde/blog. Marchand de mort - James Duke, père de la cigarette moderne et pionnier de la mondialisation 30.11.12. Santé. Le Figaro. Les cigarettiers condamnés à avouer leurs mensonges (USA) 18.12.12. Huffingtonpost. Lobbyisme: comment l'industrie du tabac s'organise |
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Recherche : le nourrisson et l’enfant exposé au tabagisme | ||
Le tabagisme de la mère, pendant la grossesse, est associé à de nombreux troubles chez les nourrissons. Une meta-analyse du Karolinska Institutet de Stockholm, publiées dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, portant sur plus de 21.000 enfants, identifie un risque accru de respiration sifflante et d'asthme chez les jeunes enfants qui ont été exposés in utero au tabagisme maternel au cours du seul 1er trimestre de la grossesse et sans l’être par la suite. Une étude de la Rovira i Virgili University (Espagne), publiée dans la revue Early Human Development, utilisant une échelle d'évaluation du comportement néonatal à 2 ou 3 jours après la naissance, constate des différences entre nourrissons exposés au tabagisme de la mère durant la grossesse et les nourrissons non exposés. D’après l’étude, les nourrissons exposés au tabagisme durant la grossesse de la mère, obtiennent un score plus faible dans leur capacité à inhiber les stimuli qui pourraient affecter le système nerveux central, ont un développement moteur moins rapide, ont une capacité moindre à réguler le comportement et la réponse physiologique, mais également motrice et ont une capacité d'attention réduite. Les auteurs notent que des différences s’observent aussi chez des nourrissons qui n’ont été exposés qu’au tabagisme passif de la mère au cours de sa grossesse. Une étude du Centre Monell de Philadelphie, publiée par la revue Tobacco and Nicotine Research, révèle que l'exposition à la fumée du tabac diminue chez l’enfant le reflexe de la toux en présence d’irritants respiratoires. Cette étude à comparer les résultats de tests effectués auprès de deux groupes d’enfants, les uns exposés au tabagisme parental et les autres non. Le test consistait à exposé faire inhaler à ses enfants des concentrations croissantes de capsaïcine (un piment qui provoque la toux) à partir d'un nébuliseur. |
L’étude montre que les enfants exposés au tabagisme parental ne toussent qu’à un seuil significativement plus élevé que les enfants non exposés et sont donc devenus moins sensibles aux stimuli irritants de l'environnement. Les auteurs se demandent si cette dépréciation du réflexe de la toux peut rendre les enfants exposés moins en mesure de faire face aux menaces environnementales ce qui les surexposeraient au risque de faire des pneumonies, des bronchites et autres maladies respiratoires. Il est également possible ce tolérance accrue aux irritants augmente le risque de fumer grâce à une expérimentation moins désagréable des premières cigarettes. Une méta-analyse de 18 études, menée par des chercheurs de l’Université de Nottingham et publiée dans la revue BMC Public Health, corrèle, mais sans pouvoir établir de lien de cause à effet, l’exposition des enfants au tabagisme et un risque plus que double de méningite à méningocoque ou de septicémie. Une étude de l'Université d'Aberdeen, publiée par la revue Tobacco Control, alerte tout particulièrement sur les risques d’exposition au tabagisme lors des déplacements en voiture. Directement liés à la quantité de cigarettes fumées, les taux de particules fines trouvées dans véhicules des fumeurs sont de 385 µg/m3 en moyenne, alors que l'OMS fixe le seuil moyen de concentration de particules fines sur 24 heures à 25 µg/m3 maximum pour la qualité de l'air intérieur. Sources :20.08.12. Santé Log. Tabagisme en tout début de grossesse, risque d'asthme chez l’enfant (American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine) 24.08.12. Santé Log. Tabagisme passif : Il réduit le réflexe vital de la toux chez les enfants (Tobacco and Nicotine Research) 17.09.12. Santé Log. Grossesse : Déjà in utero, le tabagisme passif impacte le développement du cerveau 16.10.12. AFP Google. Tabagisme passif en voiture: une pollution 3 fois supérieure aux normes OMS (Dr Sean Semple, de l'Université d'Aberdeen et publiée par la revue Tobacco Control) 15.12.12. Santé Log. Le Tabagisme Passif associé à la méningite chez l’enfant (Université de Nottingham) |
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Recherche : Tabagisme, vieillissement et mortalité | ||
Des études épidémiologiques s’emploient à corréler le tabagisme et la surexposition à la survenance de pathologies dans la vieillesse. Une méta-analyse produite par l'Institut d'Ophtalmologie de l’Université de Zhejiang (Chine), publiée dans la revue Investigative Ophthalmology & Visual Science, constate un risque accru (de l’ordre de 50%) de cataracte liée à l'âge, en particulier de cataracte nucléaire (opacification située dans le noyau du cristallin) et de cataracte sous-scapulaire (opacification à l'arrière du cristallin). Des chercheurs du Guy's and St Thomas' NHS Foundation Trust et du King's College London, dans une étude publiée par la revue Age and Ageing corrèlent l'hypertension artérielle, le tabagisme et le déclin cognitif. Une étude épidémiologique de l’Université d’Oxford publiée dans Lancet, montre que, pour les femmes fumer double le risque de mortalité à 12 ans et réduit la durée de vie d’au moins 10 ans par rapport aux femmes non fumeuses. Après12 ans de tabagisme, le risque de cancer du poumon est multiplié par 21 par rapport aux femmes non fumeuses. Mais l’étude note aussi qu’il est toujours temps de s’arrêter : ainsi, arrêter avant 40 ans évite plus de 90% de la surmortalité et arrêter avant 30 ans, plus de 97%. |
Une autre étude associant des chercheurs d'Oxford et des chercheurs japonais montre aussi que si le tabagisme réduit en moyenne de 10 l’espérance de vie, l’arrêt du tabac avant 35 ans permet d’éviter presque tous les excès de risque, et même ceux qui ont arrêté autour de 40 ans en évitent la plupart. Une étude de l'Hôpital Universitaire de Copenhague, publiée par la revue Clinical Infectious Diseases, qui analyse les causes de décès de patient VIH, constate que 60% des décès sont liés au tabagisme, et non pas au VIH directement. Un patient VIH de 35 ans qui fume a ainsi une espérance de vie de 62,6 ans vs 78,4 ans pour un patient atteint non-fumeur. Sources : |
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Intérêts d’une politique de réduction des risques liés au tabac | ||
Deux éléments plaident en faveurs des approches de réduction des risques, c’est-à-dire la promotion de consommations « à moindre risque » comme par exemple l’usage de cigarettes électroniques : L’administration de nicotine pure n’est pas un substitut très efficace : 16?% seulement des utilisateurs de patchs ou de gommes parviennent à un sevrage durable… Pour certains chercheurs comme Jean-Pol Tassin, la nicotine n’est pas seule en cause dans le mécanisme de la dépendance, il faut prendre en compte l’ensemble des substances que dégage la combustion des cigarettes industrielles. Elles contiennent en particuliers des sucres (introduits pour des raisons de saveur) qui en brûlant dégagent de l’acétaldéhyde, lequel est un puissant antidépresseur de type IMAO. C’est pourquoi, selon lui, l’addiction au tabac n’est pas seulement « nicotinique » mais induite par l’association de diverses substances présentes dans les cigarettes et les tabacs préparés. Des historiens constatent que les amérindiens n’ont développé des dépendances au tabac qu’en adoptant les cigarettes industrielles. |
D’autre part, une étude de l'Université de Tel-Aviv, publiée par l'American Journal of Epidemiology, montre que réduire « la cigarette » contribue déjà à réduire le risque de décès prématuré et de décès cardiovasculaire. Cette étude s’appuie sur un suivi de patients sur plus de 40 ans. Pour étudier l'impact des changements dans l'intensité du tabagisme au fil du temps, les chercheurs se sont basés sur les données de 4.633 hommes, tous fumeurs au départ de l’étude, âgés alors de 51 ans et suivis dans le cadre d’une cohorte israélienne portant sur la cardiopathie ischémique. Les participants ont été répartis en catégories, selon l’intensité de leur tabagisme (1-10, 11-20, et plus de 21 cigarettes/jour). Les fumeurs totalement repentis, sont, sans surprise, ceux qui profitent de la plus grande amélioration des taux de mortalité soit une réduction de 22% du risque de décès prématuré, par rapport aux fumeurs qui poursuivent avec la même intensité. Mais les fumeurs qui ont réduit leur tabagisme d’une catégorie ou plus, en voient les bénéfices, avec le même risque réduit de 15% et un risque de mortalité cardiovasculaire réduit de 23%. Sources : |
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La cigarette électronique : outil de réduction des risques ? | ||
La cigarette électronique, de plus en plus populaire, peut-elle être un outil de réduction des risques pertinent ? Elle est à priori moins nocive que le tabac, puisqu’en l’absence de combustion, elle ne fabrique pas de goudrons, cancérigènes. La cigarette électronique semble une alternative au tabac plus efficace que les patchs et gommes. Selon Jean-François Etter, responsable du groupe "prévention" à l'Université de Genève, "il est probable que la cigarette électronique diminue les symptômes du sevrage, comme l'irritabilité, les troubles du sommeil, la prise de poids, l'impatience, etc. De plus, elle procure un soulagement rapide. La diffusion de la nicotine au cerveau semble en effet plus efficace qu'avec un substitut nicotinique classique, du type patch ou gommes à mâcher." L'e-cigarette délivre en outre des quantités plus importantes de nicotine, proches des taux relevés dans une vraie cigarette, ce qui améliore la satisfaction du vapoteur – mais… entraîne par conséquent un risque d'addiction pour une personne qui ne serait pas consommatrice de tabac. Reste que le pouvoir addictogène de la cigarette électronique est certainement moindre que celui du tabac, en telle sorte qu’il serait plus simple d’arrêter la cigarette électronique que le tabac pour la personne qui désir se sevrer. Un essai randomisé, à montré qu’après un an, 13 % des vapoteurs inhalant de la nicotine, recrutés sans qu’ils aient de projet de sevrage, étaient abstinents, contre 4 % dans le groupe ayant inhalé un placebo. Dans une petite étude présentée à l'ESC, des chercheurs ont mesuré la fonction myocardique de 20 fumeurs réguliers âgés de 25 à 45 ans avant et après avoir consommé une cigarette et ont comparé ces résultats à ceux obtenus chez 22 utilisateurs réguliers d'e-cigarettes du même âge après une utilisation de 7 minutes. L'étude de la fonction myocardique par échographie cardiaque et par les mesures de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque a montré que fumer une cigarette de tabac entraine une dysfonction myocardique aiguë, se traduisant par une élévation significative de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque (+ 8% de systolique, + 6% des diastolique, + 10% de fréquence cardiaque). En revanche, seule une augmentation de 4% de la pression diastolique est signalée après utilisation d'une e-cigarette. Les mesures par échographie se sont focalisées sur la fonction ventriculaire gauche, significativement altérée par la cigarette, mais inchangée après utilisation de la cigarette électronique. |
La cigarette électronique ne semble toutefois pas sans incidence sur le fonctionnement des poumons. Une étude de l'Université d'Athènes portant sur 32 personnes, dont 8 non-fumeurs en bonne santé et 24 fumeurs (13) qui ont utilisées une cigarette électronique pendant 10 minutes, à permis de constater que la résistance des voies aériennes a persisté pendant 10 minutes (p=0,008), ainsi qu’une baisse de la conductance (p=0,005) et une augmentation de la pente de phase III (p=0,002). Quand au risque de « tabagisme passif » il est incertain. Une étude de chercheurs de l'Institut Fraunhofer, publiée dans la revue Indoor Air a mesuré les émissions de composés organiques volatils (COV), les particules ultrafines de formaldéhyde ainsi que la quantité, la concentration et la distribution de ces particules dans un espace intérieur. Les émissions de COV et de particules ultrafines avec une e-cigarette sont inférieures à aux émissions d'une cigarette conventionnelle, les émissions de formaldéhyde provenant de la e-cigarette ne sont pas détectables, ce qui amène à penser que la cigarette électronique pollue moins l'air intérieur que la cigarette classique, mais qu’elle n’est pas pour autant sans émissions. Le motif principal d’inquiétude, à ce jour, est lié au manque d’informations fournies par les fabriquants sur les composants utilisés et le manque de contrôle sur la fabrication (des impuretés pourraient être émises lors du processus de fabrication, avec des conséquences potentiellement très graves, ou bien que des défaillances techniques pourraient créer des problèmes, comme l’absorption par accident du liquide contenu dans la cigarette électronique). Sources : |
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Tabac à sucer et tabac chauffé | ||
Le snus (prononcé "sneuss") est une poudre de tabac humide que le consommateur place derrière sa lèvre supérieure, sur ses gencives. Interdite de consommation dans l’UE depuis 1992, elle est consommée de longue date en Suède. En adhérant à l'UE en 1995, Stockholm avait obtenu une dérogation pour continuer à commercialiser sa pâte de tabac, assortie d'une interdiction de l'exporter dans le reste de l'UE. Principal fabriquant de snus, Swedish Match mène une campagne soutenue par le gouvernement suédois afin d'être autorisé à vendre son produit en Europe. D’autant que les ventes de snus progressent aux USA, où Marlboro et Philip Morris, ont d’ailleurs développé leur poudre de tabac humide. Les partisans du snus affirment que les hommes suédois ont le taux de cancer du poumon le plus bas de toute l’Union européenne, le snus ne s’inhalant pas... Mieux, ce dernier permettrait d’arrêter de fumer tout en conservant sa dose de nicotine habituelle. Mais plusieurs responsables suédois dénoncent le "mythe" de la faible nocuité du snus, qui ferait courir un risque accru de cancer de l'œsophage et de l'estomac et d'accidents vasculaires cérébraux et autres maladies cardiovasculaires, sans parler des trous que creuse la pâte dans les gencives. Le snus est à l’origine d’un scandale européen qui a conduit le commissaire européen à la Santé, le Maltais John Dalli, à démissionné le 16 octobre, après une plainte du producteur suédois de snus Swedish Match. L’enquête de l'Office européen de lutte antifraude qui a suivit a établis qu’un homme d'affaires maltais aurait, au nom de John Dalli, proposé à Swedish Match de changer la directive européenne en échange de 60 millions d'euros. |
Le tabac chauffé, sur le modèle du narguilé, présente à priori moins de risque de cancer du poumon, puisque, correctement fumé, il ne crée par de goudrons. Une étude de l’Université de Mashhad (Iran), publiée par la revue Respirology, atteste néanmoins d’une surexposition des fumeurs de narguilé aux problèmes respiratoires (sifflements respiratoires ou wheezing, gêne respiratoire, crises de toux). Là encore, les cigarettiers ne veulent pas être absent de ce segment des "MRTP." Philip Morris a noué une collaboration inattendue avec le chercheur américain Jed Rose, pionnier de la lutte contre le tabagisme et co-inventeur du patch à la nicotine. C’est auprès de lui que la firme a acquis la technologie qui lui permettra de développer l’un des trois modèles de cigarettes sans fumée qu’elle veut commercialiser d’ici à 2017. Rien de contradictoire dans cette alliance, explique le Dr Jed Rose: "C’est en trouvant un moyen pour les fumeurs d’inhaler de la nicotine sans les méfaits de la combustion que l’on peut réduire le nombre de victimes du tabac." 10.07.12. LeMatin.ch. L'industrie du tabac vire hygiéniste |