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Héroïne - Actualité 2010

 
HÉROÏNE - ACTUALITE 2010
 

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier
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Epidémiologie

Pour l’ONUDC, l’Europe occidentale reste le premier marché de l’héroïne, où la moitié de la quantité (85 tonnes au total) qui y est écoulée l’est dans trois pays seulement: le Royaume-Uni, l’Italie et la France. Le rapport 2010 de l’OFDT permet de confirmer le « retour » de l’héroïne, évoqué dès 2006 : « Outre les populations traditionnellement usagères au sein de l’espace urbain, des consommateurs (d’héroïne) souvent plus jeunes et plus insérés socialement sont apparus » et « de nouveaux espaces de consommation se sont développés comme la scène festive. »

L’accroissement du nombre des surdoses dans lesquelles l’héroïne est présente (45% en 2007 contre 36% en 2006 et 29% en 2004) confirme aussi son usage croissant chez des jeunes consommateurs sont peu avertis des risques. À 17 ans, l'expérimentation d'héroïne est en hausse depuis 2000. Elle concerne 1,4 % des garçons en 2008 et 0,8 % des filles. En 2005, la consommation d'héroïne dans l'année concerne 0,2 % des 15-39 ans, soit 50 000 personnes.
En France, 130 000 personnes bénéficiant de traitements de substitution aux opiacés.

La prescription médicale d’héroïne à 15 ans.

Premier pays au monde à la pratiquer, la Suisse a introduit il y a quinze ans la prescription médicale d’héroïne aux toxicomanes. Dans la pratique, la méthode a fait ses preuves, mais son ancrage légal tardait. Au 1er janvier 2010, ce sera chose faite.  Initialement, il s’agissait avant tout d’une mesure d’urgence visant à réduire la mortalité des héroïnomanes, à éviter qu’ils ne contractent le virus du sida, se prostituent ou volent pour se procurer leur dose. Mais au fil des ans, les médecins se sont rendus compte que les drogués souffraient d’autres maladies physiques et psychiques et les 23 centres spécialisés de Suisse ont étendu leur offre. L’acceptation de cette thérapie s’est accrue, particulièrement dans les régions fortement confrontées au problème de la drogue, comme Zurich, Bâle et Berne.

En Suisse romande, Genève pratique la prescription médicale d’héroïne depuis 1995 à travers le «Programme expérimental de prescription de stupéfiants» (PEPS), rattaché au service d’addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève. Le traitement s’adresse aux personnes gravement dépendantes et ayant eu auparavant au moins deux échecs thérapeutiques.
En février, le Danemark a ouvert, à Copenhague, sa première clinique de distribution gratuite d’héroïne sous surveillance médicale, après des années de débats, pour aider un noyau dur de toxicomanes très fortement dépendants. Le royaume scandinave rejoint ainsi l’Allemagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne qui ont avalisé la prescription médicalisée d’héroïne à un nombre restreint de personnes restées accrochées à cette substance en dépit de thérapies de substitution.

Une étude valide la démarche de prescription d’héroïne

Les résultats d’une étude randomisée réalisée par des chercheurs du  King's College et du Centre national des addictions de Londres et de l’Université de Sydney, publiés dans l’édition du 29 mai 2010 du Lancet, concluent que le traitement de sevrage par injection d’héroïne, sous supervision médicale, est plus efficace dans le sevrage d’héroïnomanes chroniques et problématiques que l’injection ou la prise de méthadone par voie orale. Ces héroïnomanes persistant à ne pas souhaiter bénéficier ou ne répondant pas à des traitements conventionnels,  les chercheurs ont voulu comparer  l’efficacité des traitements de sevrage par injection, d’héroïne (diamorphine ou diacétylmorphine) ou de méthadone,  sous supervision médicale, à la prise orale de comprimés de méthadone. Le résultat a été l’arrêt de la consommation personnelle d’héroïne pour 50% des participants – contrôlé par analyses d'urine toutes les semaines au cours des semaines 14 à 26.

 Le traitement supervisé à l'héroïne injectable, conduit, pour ce type de public, à un recours beaucoup plus faible à l'héroïne « de rue », qu’un traitement par méthadone injectable ou par voie orale. Cette étude, réalisée au Royaume-Uni, devrait servir de base à de nouvelles propositions au gouvernement sur l’opportunité d’un traitement médicalisé par injection d’héroïne pour les héroïnomanes chroniques qui ne répondent pas aux autres traitements.


Source : The Lancet, doi:10.1016/S0140-6736(10)60349-2 .“Supervised injectable heroin or injectable methadone versus optimised oral methadone as treatment for chronic heroin addicts in England after persistent failure in orthodox treatment (RIOTT): a randomised trial”, traduction, adaptation, mise en ligne Alexis Yapnine, Santé log, le 31 mai 2010

Traitements de substitution et syndrome de sevrage du nouveau-né

Selon une étude menée par des chercheurs du Johns Hopkins University School of Medicine et coordonnée par le National Institute on Drug Abuse (NIDA-NIH), publiée dans l’édition en ligne du 9 décembre, du New England Journal of Medicine, la buprénorphine apparaît aussi pertinente que la méthadone chez la femme enceinte. Le syndrome de sevrage du nouveau-né apparaît après un intervalle de quelques heures à 10 jours et associe irritabilité, hyperactivité, hyperexcitabilité, trémulations, mouvements anormaux, hypertonie, tachypnée avec parfois alcalose, apnées et diarrhée avec déshydratation.

L’étude randomisée et contrôlée en double aveugle et double placebo, sur 175 femmes, dans laquelle l’utilisation de la buprénorphine et la méthadone ont été comparée.L’étude conclue que l’utilisation de la buprénorphine est un traitement acceptable pour la dépendance aux opiacés chez les femmes enceintes et peut permettre de réduire les symptômes de syndrome de sevrage néonatal chez l’enfant.

Source : N Engl J Med 2010; 363:2320-2331 December 9, 2010 « Neonatal Abstinence Syndrome after Methadone or Buprenorphine Exposure », traduction, adaptation, mise en ligne Claire Tancrède, Santé log, le 10 décembre 2010

Trafic International

Selon ONUDC, l’Afghanistan est la principale source d’opiacés illicites au monde (6 900 tonnes d’opium ou 89 % du total mondial en 2009), d’importantes quantités sont également produites au Myanmar (330 tonnes) et en Amérique latine (notamment au Mexique et en Colombie). Le Mexique est depuis 2003 la troisième source d’opium au monde et les quantités qui y ont été produites en 2008 (325 tonnes) avoisinent celles produites au Myanmar en 2009.  La production massive d’héroïne en Afghanistan accroît la déstabilisation du pays. Selon l'ONUDC près d'un million d'Afghans âgés de 15 à 64 ans seraient dépendants aux opiacés, soit 8% de la population, deux fois plus que la moyenne mondiale. En cinq ans, le nombre de consommateurs d'opium serait passé de 150 000 à 230.000, soit une augmentation de 53%. L’argent de la drogue finance les seigneurs de guerre alliés au gouvernement, les insurgés et plus généralement, elle alimente la corruption. Les télégrammes diplomatiques révélés par Wilileaks font apparaître que les diplomates américains rapportent à propos du président afghan Hamid Karzaï : « Ahmed Wali Karzaï, avec lequel nous devons traiter en tant que chef du conseil provincial de Kandahar, est largement considéré comme corrompu et comme un trafiquant de drogue…

Cette rencontre avec Ahmed Wali Karzaï souligne l'un de nos principaux défis en Afghanistan : comment lutter contre la corruption et établir un lien entre la population et son gouvernement lorsque les principaux responsables du gouvernement sont corrompus. » Certains pays de la coalition, qui n’ont pas de mandat pour lutter contre la drogue, ont tenté isolément des actions ponctuelles de lutte contre la culture de l’opium.

Les Etats-Unis ont ainsi pratiqué l’éradication systématique des cultures dans certaines régions, ruinant les paysans concernés et leurs familles. Vu la production massive, les réseaux de trafiquants n’ont pas été fragilisés ; par contre les populations se sont plus encore éloignées des troupes alliées, assimilées à des affameurs. Les Britanniques ont de leur côté procédé au rachat de l’opium à un prix supérieur au cours habituel, ce qui n’a fait qu’accroître la production locale. Faute de subvention en faveur de cultures vivrières alternatives, la guerre à la drogue semble vouée à l’échec.