Le Canada est aux prises avec une crise du logement. L’incapacité systématique à fournir des logements décents et abordables signifie que beaucoup trop de personnes se retrouvent sans abri. Des politiques rigides et inadaptées perpétuent l’adversité et alimentent la stigmatisation qui fait porter la responsabilité aux individus. Et pour les personnes déjà vulnérables et marginalisées, trouver un endroit convenable où vivre peut s’avérer d’autant plus difficile.
Cela inclut les personnes atteintes du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). Le terme TSAF désigne les effets sur le cerveau et le corps des personnes exposées à l’alcool avant la naissance. En d’autres termes, lorsque l’alcool est consommé pendant la grossesse, il peut traverser le placenta et avoir un impact sur le développement du fœtus.
Si vous n’êtes pas familier avec le terme, vous n’êtes pas seul : malgré les estimations selon lesquelles 1,5 million de Canadiens vivent avec ce trouble, la sensibilisation au TSAF est limitée et le soutien demeure insuffisant.
Cependant, le manque de soutien systématique et cohérent signifie que 90 % des personnes atteintes de TSAF connaîtront des problèmes de santé mentale et qu’elles sont environ 20 fois plus susceptibles d’avoir des difficultés avec la consommation de substances que la population générale.
En raison de ces difficultés, de nombreuses personnes atteintes de TSAF sont également sans abri : que ce soit de manière cachée (en se déplaçant d’un canapé à l’autre ou en résidant dans un refuge) ou plus visible (en n’ayant pas d’abri physique à leur disposition). Cependant, avec la reconnaissance et l’adaptation, le succès et la stabilité sont possibles.
Le mois de septembre est le mois de sensibilisation au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. C’est le moment idéal pour en apprendre davantage sur ce trouble et sur les personnes que vous connaissez qui en sont atteintes.
Impacts du TSAF
La façon dont l’alcool provoque des déficits cognitifs est complexe et, comme le nom du trouble l’indique, les effets se manifestent sur un spectre. Le TSAF est un trouble permanent qui touche tout le corps. Les personnes atteintes de ce trouble peuvent avoir besoin de soutien en matière de motricité, de santé physique, d’apprentissage, de mémoire, d’attention, de communication, de régulation émotionnelle et de compétences sociales pour atteindre leur plein potentiel.
Ces répercussions peuvent rendre les personnes atteintes de TSAF plus difficiles à accomplir les tâches quotidiennes. Par exemple, des problèmes de mémoire peuvent rendre difficiles des tâches comme payer le loyer et prendre les médicaments à temps. Les répercussions cognitives du trouble peuvent également nuire au rendement au travail d’une personne. Cela peut rendre la recherche et le maintien d’un logement d’autant plus difficiles.
Dans notre étude récente, Alice, mère adoptive de deux garçons atteints de TSAF, a décrit une fois où elle est venue rendre visite à l’un d’eux et où son fils a accepté de la rencontrer à une heure et à un endroit précis. Lorsqu’elle est arrivée, son fils n’était pas là. Il ne savait pas quel jour de la semaine on était. Si l’on ne comprend pas comment le TSAF peut modifier le cerveau, les gens peuvent être perçus comme peu coopératifs, provocateurs ou peu disposés à participer aux mesures de soutien. En réalité, comme l’a dit Alice, « il y a tout simplement un manque total de compréhension du fait que ce n’est pas volontaire ».
Les personnes handicapées sont victimes de discrimination dans leur vie quotidienne et dans le domaine du logement. Les personnes atteintes de TSAF ne font pas exception.
Les personnes en situation de crise peuvent être victimes de discrimination de la part de propriétaires qui ne comprennent pas leur trouble, qui ont des stéréotypes négatifs ou qui ne veulent pas louer à des personnes qui perçoivent des prestations d’invalidité comme principale source de revenus. La discrimination fondée sur la source de revenus est particulièrement problématique pour les personnes en situation de crise : être pénalisé pour avoir recours à des aides aux personnes handicapées va à l’encontre de leur objectif.
Les personnes atteintes de TSAF sont tout à fait capables de réussir. Leur plus grand obstacle réside dans le manque de compréhension, ou plutôt de compréhension, de la part de la société en général. Les personnes atteintes de TSAF sont souvent aussi aimables, drôles, intelligentes et attentionnées que n’importe qui d’autre. Cependant, cela peut masquer les différences cérébrales sous-jacentes qui rendent les aides au logement classiques peu adaptées à leur situation.
Les refuges, par exemple, sont des environnements bruyants et trop stimulants, mais si une personne atteinte de TSAF quitte les lieux, on considère qu’elle rejette les soutiens plutôt que de se protéger. Les personnes atteintes de TSAF peuvent avoir besoin d’aide pour régler des conflits avec leur propriétaire ou se débattre avec des règles et des règlements rigides. Une meilleure connaissance du TSAF permettrait d’éviter que la situation ne dégénère en expulsion.
Une meilleure compréhension est nécessaire
Dans le monde de la recherche sur le TSAF, on s’efforce de trouver des moyens de mettre en œuvre les connaissances acquises pour mieux favoriser un logement sûr et stable. Le cadre du Réseau canadien de recherche sur le TSAF vise à refléter les voix des personnes qui luttent pour se loger tout en donnant aux prestataires de services les moyens de soutenir leurs efforts.
Les fondamentaux qui doivent changer se résument à plusieurs points : l’accès, l’individualisation et la collaboration. Ces éléments doivent être améliorés à plusieurs niveaux systémiques, notamment le logement lui-même, les ressources autour du logement (y compris les ressources de base, comme la nutrition) et la création de politiques flexibles et adaptatives.
La connaissance du TSAF est l’élément fondamental de ces améliorations. Une meilleure compréhension de ces différences cérébrales éclairerait les changements de politique, mettrait l’accent sur les besoins en ressources et éliminerait les malentendus qui peuvent faire en sorte que les personnes atteintes du TSAF perdent l’accès aux soutiens dont elles ont besoin.
Cadre national sur le TSAF
Le Réseau canadien de recherche sur le TSAF a présenté un cadre national sur le TSAF, proposé sous la forme du projet de loi S-253 au Sénat en 2022. Le projet de loi attend actuellement d’être soumis au comité sénatorial. S’il est adopté, le cadre constituerait l’effort systématique et coordonné qui est vraiment nécessaire pour répondre au soutien apporté aux personnes atteintes du TSAF tout en reconnaissant ce trouble à l’échelle nationale.
À l’heure actuelle, les personnes atteintes de TSAF reçoivent un soutien dispersé et inégal au Canada. Le projet de loi décrit un plan d’élaboration d’un cadre qui permettrait de remédier à ce problème. Il comprend la consultation des soignants, des défenseurs des droits des personnes atteintes et des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux.
Il s’agit également de veiller à ce que le cadre réponde aux besoins de formation des professionnels qui travaillent avec des personnes atteintes de TSAF et d’établir des mesures nationales de soutien pour les personnes touchées par ce problème. L’adoption du projet de loi garantirait l’élaboration de ce cadre, qui constituerait une étape essentielle vers l’amélioration de la vie des personnes atteintes de TSAF.
Si les mesures de soutien systémiques sont essentielles, il faut favoriser la compréhension et l’éducation à tous les niveaux, en commençant par l’individu. Une meilleure compréhension, une meilleure sensibilisation et une meilleure acceptation favoriseront ensuite le diagnostic, ce qui permettra aux individus de recevoir le soutien dont ils ont besoin.
Un logement décent est la base d’une vie saine et stable. Pour les personnes atteintes de TSAF, cette base est trop souvent absente. La base de compréhension n’a pas encore été établie. La restructuration du logement accompagné pour répondre aux besoins de chaque personne nécessitera un effort considérable et coordonné, mais ses effets se feront sentir au-delà de cette population. Des soins personnalisés et centrés sur l’humain profiteront à toutes les personnes sans abri.