Le système canadien du cannabis médical a changé mais n’a pas disparu après la légalisation récréative

Lorsque le Canada a légalisé la consommation récréative de cannabis le 17 octobre 2018, des inquiétudes ont été exprimées quant aux impacts potentiels. Cela déclencherait-il une consommation accrue de cannabis, stimulerait-il la croissance économique ou affecterait-il la santé, la sécurité et les finances du pays ?

Les patients qui consomment déjà légalement du cannabis à des fins médicales sont particulièrement inquiets. Ils craignaient que la légalisation récréative n’incite les médecins à cesser d’autoriser les traitements au cannabis. Ou que les producteurs de cannabis abandonneraient le petit marché médical pour se consacrer au plus grand marché récréatif.

Après la légalisation récréative, le système du cannabis médical a connu un déclin. Entre juin 2018 et décembre 2022, le nombre de patients enregistrés a chuté de 32 pour cent, tandis que les ventes de produits ont chuté de 29 pour cent. Certaines personnes pensaient que le système du cannabis médical avait échoué ou était devenu obsolète.

En tant que personne qui étudie les aspects commerciaux de la légalisation du cannabis, je me suis également interrogé sur ces questions. Il n’était pas clair comment les patients, les producteurs ou les prestataires de soins de santé réagiraient à la légalisation des produits récréatifs. L’usage médical légal lui-même n’était devenu accessible que quelques années plus tôt.

Accéder au cannabis médical

Le Canada a commencé à autoriser l’usage médical du cannabis en 1999. Mais cela est resté difficile à obtenir jusqu’à ce que la réglementation change en 2014-2015.

Les nouvelles règles permettent à tout médecin d’autoriser ses patients à consommer du cannabis. Ces patients pourraient ensuite s’inscrire pour acheter des produits en ligne auprès de producteurs de cannabis agréés. Les commandes en ligne ne pouvaient pas dépasser un approvisionnement de 30 jours.

(Au lieu d’acheter des produits à base de cannabis, certains patients ont cultivé leurs propres plantes. Mes recherches n’ont pas examiné cela.)

Grâce à cette nouvelle procédure, le nombre de patients s’inscrivant pour acheter du cannabis a explosé. Ils sont passés de 7 914 en juin 2014 à 330 344 en juin 2018, soit près de 1 % de la population canadienne.

Toutefois, les niveaux d’inscription variaient considérablement d’une province à l’autre. En juin 2018, les inscriptions représentaient près de trois pour cent de la population de l’Alberta, contre seulement 0,1 pour cent de celle du Québec.

Il est intéressant de noter que moins de la moitié des inscrits ont acheté du cannabis médical au cours d’un mois donné. Peut-être n’avaient-ils tout simplement pas besoin de la dose complète. Ou peut-être qu’ils l’ont trouvé trop cher, peu pratique ou inefficace.

C’est également en juin 2018 que le gouvernement fédéral a adopté sa nouvelle législation sur le cannabis. La loi est entrée en vigueur en octobre 2018, lorsque les ventes récréatives de cannabis séché et d’huiles de cannabis ont commencé. Une fois les pénuries initiales de produits surmontées, les ventes de cannabis récréatif ont augmenté rapidement à mesure que davantage de magasins ont ouvert, même pendant la pandémie de COVID-19. Le choix des consommateurs s’est élargi en décembre 2019 lorsque les produits comestibles et les vapes sont devenus disponibles.

C’est là qu’intervient ma nouvelle étude. J’ai analysé les données gouvernementales sur l’utilisation par les patients du système canadien de cannabis médical entre 2017 et 2022. Cela comprenait le nombre de patients inscrits, la fréquence à laquelle ils ont passé des commandes et la quantité de cannabis qu’ils ont achetée.

Utilisation du système en évolution

J’ai découvert que dès que le Parlement a adopté la nouvelle loi sur le cannabis, les inscriptions médicales ont commencé à ralentir, même si la légalisation à des fins récréatives n’était que dans quatre mois.

Mais la réponse différait sensiblement selon les provinces. Par exemple, les inscriptions ont continué de croître de façon constante au Québec, mais ont chuté rapidement en Alberta. D’autres provinces se situaient entre les deux.

Mes données ne disent pas pourquoi ces changements se sont produits. Peut-être que l’Alberta, avec ses nombreuses cliniques de cannabis, comptait de nombreux patients peu intéressés par l’usage médical du cannabis. À l’inverse, peut-être que le Québec était encore en train de rattraper les autres provinces en matière d’usage médical.

Le système canadien du cannabis médical a changé mais n'a pas disparu après la légalisation récréative

Lorsque les ventes de produits récréatifs ont commencé en octobre 2018, les inscriptions des patients ne semblaient pas affectées. Leur taille moyenne d’achat n’a pas changé non plus. Mais ils achetaient du cannabis médical un peu moins souvent.

Cela pourrait être dû à la commodité du commerce de détail. À cette époque, les producteurs médicaux et les magasins de loisirs vendaient des produits similaires : du cannabis séché et des huiles de cannabis. Ainsi, peut-être que certains patients ont commencé à faire le plein de temps en temps dans les magasins de loisirs, mais ne voyaient aucune raison de quitter complètement le système médical en ligne.

Le système canadien du cannabis médical a changé mais n'a pas disparu après la légalisation récréative

Lorsque les produits comestibles et autres produits transformés ont commencé à être vendus en décembre 2019, les inscriptions ont encore diminué. Mais les patients restés achetaient du cannabis médical un peu plus souvent et en quantités de plus en plus importantes.

Les sélections de produits pourraient expliquer cette répartition des patients. Peut-être que les producteurs proposant de bons produits comestibles ont retenu leurs clients et ont reçu de leur part des commandes plus importantes. À l’inverse, les producteurs médicaux proposant peu de produits comestibles ont peut-être perdu leurs patients au profit des magasins de loisirs et de leurs vastes assortiments de produits.

Le système canadien du cannabis médical a changé mais n'a pas disparu après la légalisation récréative

En résumé, le système canadien du cannabis médical a connu de grands changements après la légalisation à des fins récréatives. Mais cela n’a pas disparu.

D’autres pays connaîtront-ils des résultats similaires s’ils autorisent le cannabis récréatif ?

Un monde qui change

En Europe, par exemple, les Pays-Bas expérimentent la vente de produits récréatifs. Pendant ce temps, l’Allemagne a légalisé l’usage récréatif mais pas la vente au détail. Ces pays connaîtront-ils des changements en matière de cannabis médical comme l’a fait le Canada ?

À l’inverse, certains pays tolèrent à peine l’usage médical. Il est très difficile d’obtenir légalement du cannabis médical au Royaume-Uni, par exemple, tout comme au Canada il y a 20 ans. Et la France n’a mené que quelques essais de cannabis médical.

D’autres pays, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, se situent quelque part entre les deux. Ils constatent une croissance rapide de l’usage médical légal et de l’usage récréatif illégal, mais n’ont pas légalisé l’usage récréatif. C’est à peu près là où en était le Canada il y a 10 ans.

Les expériences du Canada en matière de cannabis médical et récréatif inciteront-elles ces autres pays à s’intéresser davantage ou moins à la légalisation ? Quoi qu’il en soit, j’espère qu’ils pourront apprendre de nos expériences en traçant leur propre voie en matière de cannabis.