SYNERGIE - Réseau Ville Hôpital

 

POLITIQUE DES DROGUES - ACTUALITÉ 2012 - 2nd SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier

En France : le gouvernement réaffirme la ligne prohibitionniste

En 2011, le nombre d'interpellations pour usage de stupéfiants s'est élevé à un peu plus de 143.000, un chiffre en progression de 6 % par rapport à 2010, selon un rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies publié jeudi 20 décembre. Ces interpellations représentent 89 % du total des ILS (le cannabis est à l'origine de 90 % des interpellations pour usage de stupéfiants). Les 11 % restants sont des interpellations pour usage-revente, pour trafic international et trafic local ; celles-ci sont en baisse, respectivement de 20 %, 17 % et 16 %. Le nombre de condamnations a doublé entre 1990 et 2010, pour atteindre 50 000, dont plus de 28 000 pour usage simple.

Les règlements de compte sanglants à Marseille, en août, suscitent des appels d’élus du PS à durcir la répression. La sénatrice PS maire des 15e et 16e arrondissements, Samia Ghali, prône le recours à l'armée : "Ça ne sert plus à rien d'envoyer un car des CRS pour arrêter des dealers. Quand dix d'entre eux sont arrêtés, dix autres reprennent le flambeau ! C'est comme combattre une fourmilière. Aujourd'hui, face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n'y a que l'armée qui puisse intervenir. Pour désarmer les dealers d'abord. Et puis pour bloquer l'accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des barrages. Même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir." Et le député PS Patrick Mennucci approuve l’idée d’un "contrôle des entrées" dans plusieurs cités, pour "bloquer la route aux acheteurs qui se rendent en voiture sur les spots de vente de stupéfiants [...]. Si les forces de police ne suffisent pas, on peut faire appel à l’armée." François Hollande répliquera que "l'armée n'a pas sa place" dans les quartiers et Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, qu’ "il n’y a pas d’ennemi intérieur" à Marseille.

En juillet, Daniel Vaillant, ancien ministre de l’intérieur du gouvernement socialiste de Lionel Jospin et auteur d’un rapport, en 2011, pour la "légalisation contrôlée" du cannabis, publie sur sa page facebook un plaidoyer pour l'ouverture d'un "grand débat national" sur le cannabis dans un texte intitulé "Cannabis : le laxisme, c'est de ne rien changer" et il déposera ensuite une contribution pour la légalisation du cannabis thérapeutique au congrès du Parti socialiste... sans rencontrer beaucoup  d’écho.

Jusqu’à ce que Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, le 14 octobre, se déclare en faveur d’un débat national sur la dépénalisation du cannabis : "Je vois maintenant quasiment tous les soirs sur nos chaînes de télévision des reportages pour montrer les trafics illicites de nos banlieues et le danger dans lequel vivent nos concitoyens, y compris les enfants des écoles.

"On peut lutter par les moyens de la répression, je suis absolument pour, mais en même temps je vois que les résultats ne sont pas très efficaces", a-t-il poursuivi [...]"Cette question [de la dépénalisation] est posée et je souhaite que l'on puisse avancer sereinement". Avant de préciser qu’il s’agit, là, d’une "réflexion personnelle" qui ne contrevenait pas à "sa solidarité totale et entière" avec le gouvernement. Précaution oratoire inutile, car il sera dès le lendemain rappelé à l’ordre par le premier ministre Jean-Marc Ayrault, comme Cécile Duflot l’avait été quelques mois plus tôt [Voir A Gauche : quelques divergences vis-à-vis d’une ligne officielle prohibitionniste in Politique des drogues - Actualité 2012 - 1er semestre]. JM Ayrault déclare alors que le cannabis est "un très grave problème de santé publique pour la jeunesse" et qu’il fait de la lutte contre les trafics une priorité. L’opposition exploitera cette cacophonie en dénonçant l’ "irresponsabilité" du ministre de l’Education et Jean-François Copé, candidat de la "droite décomplexée" à la présidence de l’UMP, souhaite mettre en place des dépistages dans les collèges et les lycées. Le gouvernement et l’opposition en récusant tout débat sur le statut légal du cannabis restent en phase avec la majorité des français qui sont, à 65%, contre la dépénalisation. Les sympathisants de gauche sont toutefois plutôt favorables à la dépénalisation (55% pour les électeurs de Hollande ; 68 % pour ceux qui ont voté Mélenchon), alors qu'à droite, les électeurs de Le Pen (26 %) sont légèrement plus favorables à la dépénalisation que ceux de Sarkozy (17 %).

Sources :
07.07.12. Seronet. Cannabis : l’écran de fumée du PS
18.07.12. Agoravox. Daniel Vaillant demande un débat public sur le cannabis
30.08.12. La Provence. Samia Ghali (sénatrice-maire PS) : Marseille,"L'armée au secours des cités"
30.08.12. Libération. Hollande : «L'armée n'a pas sa place» dans les quartiers
05.10.12. Romandie. Daniel Vaillant prône la légalisation du cannabis à visée thérapeutique
15.10.12. 20 Minutes. Cannabis: Vincent Peillon se prononce en faveur de la dépénalisation
15.10.12. Libération. Cannabis : un an de déclarations contradictoires au PS
15.10.12. Le Monde. Légalisation ou dépénalisation du cannabis : l'arlésienne politique
16.10.12. Le Point. Ayrault : le cannabis est "un très grave problème de santé publique pour la jeunesse"
18.10.12. Nouvel Obs. Sondage. Cannabis : 65% des Français contre la dépénalisation
22.10.12. Le Parisien. Jean-François Copé veut des dépistages du cannabis à l'école
27.12.12. Rue89. Cannabis Social Clubs : les producteurs-fumeurs ne veulent plus se cacher (encart : Hausse des interpellations pour usage de stupéfiants).

Mme Jourdain-Menninger, nouvelle présidente de la MILDT

Mme Danièle Jourdain-Menninger a été nommée le 12 septembre 2012 présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) en Conseil des ministres. Inspectrice générale des affaires sociales (Igas) depuis 2002, elle a occupé entre 1991 et 1992 les fonctions de conseillère technique au cabinet de Claude Evin, ministre des Affaires sociales, de directrice du cabinet de Véronique Néiertz, secrétaire d'Etat aux Droits des femmes et de directrice adjointe du cabinet de Bernard Kouchner, ministre de la Santé. Entre 1997 et 2002, elle a occupé, au cabinet de Lionel Jospin, Premier ministre, les fonctions de conseillère technique chargée de la santé publique, des questions sociales, de l'égalité entre les femmes et les hommes, et de la vie.

La nouvelle présidente souhaite revenir à une approche plus centrée sur la conduite addictive que sur les produits, par une sensibilisation à l’ensemble des risques - tabac, alcool, médicaments psychotropes, stupéfiants, polyconsommation, pratique du dopage, addictions sans substance, notamment "les influences comportementales liées à Internet et aux réseaux sociaux". Les publics prioritaires sont les jeunes, les précaires, les femmes enceintes, les domiens et tomiens. Elle rendra public prochainement un plan gouvernemental de lutte contre les drogues et toxicomanies (2013-2015).

Ce plan visera à "mieux prévenir les comportements addictifs (notamment chez les jeunes et personnes en situation de précarité), de réaffirmer l’importance de la politique de réduction des risques, de proposer des actions dans le domaine de l’accompagnement et du suivi (notamment des personnes sous main de justice), d’améliorer l’efficacité de la lutte contre les trafics, de mener des actions de communication régulières et pérennes et d’engager une action déterminée dans les territoires ultra-marins, comme sur le plan international et européen".

 

Sources :
14.09.12. Gazette-santé-social. Danièle Jourdain-Menninger, nouvelle présidente de la Mildt
25.09.12. Le quotidien du médecin sur blogdrog. Changement de cap sur la lutte contre la drogue et la toxicomanie, interview de Danièle Jourdain Menninger, présidente de la MILDT
18.10.12. Le Quotidien du médecin. Drogues : la feuille de route de Jean-Marc Ayrault à la  nouvelle présidente de la MILDT

La question du statut légal du cannabis : une arlésienne politique

Année après année, on constate la difficulté, en France, à débattre de cette question. En 1978, les socialistes s’étaient engagés à dépénaliser l’usage. Entre 1997 et 2002, le gouvernement de la "gauche plurielle" mené par Lionel Jospin s'était divisé à plusieurs reprises sur le sujet, notamment après les interventions de deux de ses ministres, l'écologiste Dominique Voynet (environnement et aménagement du territoire) et Bernard Kouchner (santé), qui appelèrent à "ouvrir le débat". Le cannabis apparaîtra, marginalement, dans la campagne présidentielle de 2002 où Noël Mamère, candidat des Verts et Olivier Besancenot, candidat du NPA, se prononceront pour la dépénalisation du cannabis. Le premier ministre Jean-Pierre Raffarin envisagera en 2003 de contraventionnaliser (sanction par le biais d’une amende) l'usage du cannabis, mesure alors prônée par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur. En juin 2006, le Parti socialiste inclut dans son programme l’idée d’une "régulation" du cannabis par l’Etat. Lors de la présidentielle de 2007, Sarkozy réaffirmera sa préférence pour la contraventionnalisation, jugeant la loi de 1970, "répressive", "ridicule" et n'ayant "aucun sens". Invité de la radio Skyrock, il affirme : "Je propose la contraventionnalisation et le fait que chacun qui se retrouve dans cette situation puisse être soutenu et aidé pour s'en sortir."

Le 19 mai 2011, dans un rapport présenté au groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Daniel Vaillant, député de Paris et ancien ministre de l'intérieur, appelle à une "légalisation contrôlée" par l'Etat [Voir Le parti socialiste et la « légalisation contrôlée » in Politique des drogues - Actualité 2011 - 1er semestre]. La question du cannabis ressurgira lors de la primaire socialiste où, à l’exception de Martine Aubry, l’ensemble des candidats socialistes se prononceront contre la dépénalisation [Débat en France : la question du cannabis durant la primaire socialiste in Politique des drogues - Actualité 2011 - 2ème semestre]. Pendant la campagne présidentielle de 2012, à la veille du premier tour, François Rebsamen, conseiller sécurité du candidat PS, proposera lors d’un meeting de supprimer le délit de consommation de cannabis du Code pénal, pour le remplacer par une simple contravention. Mais le sénateur-maire de Dijon est vite rabroué par François Hollande qui, sur Europe1, réaffirmera son attachement à rester dans une "logique pénale".

Sources :
15.10.12. Libération. Cannabis : un an de déclarations contradictoires au PS
15.10.12. Le Monde. Légalisation ou dépénalisation du cannabis : l'arlésienne politique
05.12.12. Libération. En France, des interdits artificiels

La « gauche de la gauche » entre dépénalisation et légalisation

La gauche de la gauche semblait s’être ralliée à l’idée de la légalisation. EELV et le NPA semblaient pouvoir s’entendre avec les députés PS proches de Daniel Vaillant. Une partie de la gauche du PS, animée par G. Filoche, a soumis au Congrès du PS une motion portant, à la fois, sur le renforcement des moyens de répression du trafic et sur la légalisation du cannabis. Concernant la légalisation contrôlée, ils proposent une "dépénalisation de la consommation dans la sphère privée pour les majeurs" et la possibilité de détenir jusqu’à 12 grammes. L'usage en public, la vente au mineur, la vente entre particulier serait pénalisée". Pour les mineurs l'usage serait interdit et un programme obligatoire et complet d’information et de prévention serait mis en place à lors de la première infraction constatée, les récidivistes devant faire l’objet d’une orientation socio-sanitaire et être condamné à des travaux d’intérêts collectifs. Les consommateurs pourraient autoproduire leur cannabis en disposant de cinq plants maximum. Mais il pourrait aussi déléguer leur droit à produire à une association qui gèrerait, dans un cadre contrôlé, la production et la distribution du cannabis, le cas échéant dans le cadre d’une salle de consommation à moindre risque. "L’adhérent EST majeur et résident en France afin de ne pas stimuler le narco-tourisme. Le bureau et les employés des cercles peuvent faire l’objet d’enquêtes de moralité. L’autorisation d’ouverture est donnée par un organisme de contrôle. Elle peut être révoquée par cet organisme, par la préfecture pour motif administratif, par une décision de justice."

Le PCF semble, lui, se rallier à l’idée de dépénalisation. La sénatrice CRC (Communiste), Laurence Cohen, associée à divers personnalités, propose dans le cadre d’une "charte pour une autre politique des addictions", une refondation de la politique de santé publique.

Constatant "une dérive sécuritaire fondée sur l’interdit de certaines drogues et le libéralisme vis-à-vis d’autres (alcool, tabac) en laissant se développer une offre massive, une prévention lacunaire et inefficace […], une obsession autour du cannabis, laissant de côté les enjeux principaux de santé publique que représentent le tabagisme, la croissance des consommations d’alcool à risque et la forte croissance d’utilisation des stimulants dans tous les milieux sociaux, un retour à la pénalisation effective de l’usage de drogues", les signataires concluent à une "nécessaire révision de la loi  comprenant une dépénalisation de l’usage." Ils précisent que "dépénaliser les usages ne veut pas dire supprimer l’interdit sur les drogues : cet interdit, comme le niveau requis de régulation, devrait être réexaminé, produit par produit, objet d’addiction par objet d’addiction." Et ils se démarquent d’un projet de légalisation en faisant observer que "la question de la légalisation, ou du niveau de contrôle sur l’offre des drogues, est un autre débat, moins évident, à mener également mais à un autre niveau (international) car la marge de décision de la France en ce domaine est restreinte." Pierre Laurent, secrétaire général du PCF, se rallie prudemment à cette perspective en se déclarant qu'il faut changer la loi de 1970 "pour dépénaliser progressivement l'usage" du cannabis. "Le mode répressif ne fait pas reculer la consommation", dit-il, plaidant pour "une politique de santé publique, d'éducation au risque".

Sources :
13.07.12. Le Parisien. Drogues et addictions: une sénatrice et des experts appellent à mettre fin à la répression
15.09.12. Parti socialiste. Contribution au congrès "Régulation contre la société de violence : un autre monde est possible"
18.10.12. Le Point. Pierre Laurent (PCF) veut "dépénaliser progressivement" l'usage du cannabis

Des usagers « autoproducteurs » en quête d’une stratégie de « désobéissance civile »

Selon les estimations de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 11,5% du cannabis consommé en France serait produit en "autoculture" et il y aurait 200.000 petits autoproducteurs. Certains d’entre eux parviennent à produire un cannabis qui leur revient à 24 centimes le gramme (contre 10-15 € auprès des dealers).

Dans une perspective de légalisation, certains économistes estiment que la France pourrait produire la totalité du cannabis qu’elle consomme, en y affectant 53.000 hectares et beaucoup moins avec une culture en "indoor", avec du matériel comme des lampes chauffantes et des conduits d’irrigation dans des hangars, ce qui permet notamment de se dégager des contraintes climatiques. C’est le cas au Canada, où une entreprise privée fournit du cannabis au ministère de la Santé pour fournir les programmes de cannabis thérapeutique.

Candidat aux dernières législatives sous la bannière "Cannabis, santé, libertés, justice", rédacteur en chef de La Gazette du chanvre et militant anti-prohibition, Farid Ghehiouèche, s’efforce de fédérer 150 "Cannabis social clubs" qui associent des petits auto-producteurs. En Espagne (où chaque citoyen est autorisé à cultiver 5 plants), les "Cannabis social clubs" se veulent des sortes d’AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), ces associations qui mettent en lien des agriculteurs bio avec un réseau de clients qui s’engagent à acheter régulièrement une certaine quantité de sa production. Farid Ghehiouèche souhaite mener des actions de "désobéissance civile".

Si l’un des membres d’un "Cannabis social club" était arrêté (l'article 222-35 du code pénal dispose que la production ou la fabrication illicite sont punies de vingt ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende), il y aurait une réaction collective sous la forme d’auto-dénonciation : "Là, nous débarquerons au commissariat et demanderons à être interpellés pour trafic en bande organisée afin d’aller aux assises [lorsque les faits sont commis en bande organisée, la peine grimpe à trente ans de prison et à 7,5 millions d'amende].

Si le Parquet décide de classer sans suite, ce sera une victoire pour tout le monde et nous aurons réussi à faire avancer les choses et à faire bouger les marges de la tolérance." Renée Kaddouch, avocate à Paris et docteure en droit, a des doutes sur cette stratégie : "Il y a tout de même un principe de responsabilité individuelle devant la loi en droit français, et s’accuser d’être co-responsable d’un délit ne vous conduit pas immédiatement aux assises."

Dominique Broque prône lui une stratégie consistant à déclarer les "Cannabis social clubs" comme association loi 1901 en préfecture et ainsi provoquer une réaction des autorités. Pour le moment il n’y a que 3 "Cannabis social clubs" qui se disent prêts à se déclarer en préfecture, admet-il avant de déplorer : "Malheureusement le milieu cannabitique n’est pas d’un naturel militant."

Sources :
08.10.12. Libération. Bientôt des «cannabistrots» ? (Des «Cannabis social clubs» en France)
15.10.12. Slate. A quoi ressemblerait une filière nationale du cannabis?
26.10.12. Slate. Cannabis social clubs : des fumeurs de joints solidaires jusqu’aux assises
04.12.12. Free.actualité. Des cultivateurs de cannabis bientôt déclarés en préfecture ?
25.12.12. Le Monde. Les coopératives de cannabis sans but lucratif aspirent à la légalité
27.12.12. Rue89. Cannabis Social Clubs : les producteurs-fumeurs ne veulent plus se cacher

L’échec de la "guerre à la drogue"

La Commission mondiale sur la lutte contre les drogues (GCDP), groupe qui réunit plusieurs anciens présidents latino-américains et diverses personnalités, continue son travail de lobbying en faveur d’un changement radical de politique sur la question des drogues [Voir Des appels de personnalités internationales pour en finir avec la guerre à la drogue in Politique des drogues - Actualité 2011 - 1er semestre]. La dernière réunion, à Varsovie, en octobre, a permis de réaffirmer que "les mesures de répression et de criminalisation très coûteuses, prises contre les producteurs, les trafiquants et les consommateurs de drogues illégales, ont clairement échoué à en réduire l'offre et la consommation".
En dépit de la déclaration de "guerre à la drogue" de Nixon en 1970, de l’"objectif d’éradication des drogues" fixé par le programme 1998-2008 de l’ONU, des moyens toujours croissant affecter à la repression (181 milliards de dollars chaque année aux USA), rien n’a pus empêcher l’augmentation de la consommation de drogues (qui a augmenté depuis que les pays du Sud devenus consommateurs), le développement des trafics et des mafias. La corruption liée à l’argent criminel devient une menace pour le développement, la paix et la démocratie.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- Selon la GCDP, la production mondiale de substances dérivées de l'opium telles que l'héroïne a augmenté de plus de 380% en 30 ans, passant "de 1.000 tonnes en 1980 à plus de 4.800 tonnes en 2010". Sur la même période son prix aurait diminué de 79 % en Europe. Au Mexique, la production d’héroïne aurait augmenté de plus de 340 % depuis 2004, période de début de la lutte contre les cartels.
- Le prix du gramme de cocaïne, aux USA, a chuté de 74 % en 30 ans, et de 16 % depuis 2001.
- 40% des étudiants en dernière année de lycée aux Etats-Unis admettent avoir utilisé des substances illégales en 2001. C'est une augmentation de 30 % en vingt ans.
- 1.664.000 personnes ont été arrêtées aux Etats-Unis, en 2010, pour des délits liés à la drogue, du trafic au meurtre en passant par la simple possession de substances illicites. Aux USA, un prisonnier sur cinq est incarcéré pour ce type de délit.

- 55 à 60.000 personnes sont mortes au Mexique dans des crimes liés directement ou indirectement au trafic de drogues. La fragmentation des cartels les a rendus de plus en plus incontrôlables et à induits le développement du racket et des enlèvements contre rançon, sans compter les décapitations, dont le nombre, rien que pour l'année 2012, atteint plus de 500. La guerre à la drogue s’est au Mexique muée en vrai guerre : "L'Etat ne traite pas les narcos comme des délinquants qu'il faut combattre avec des policiers mais comme des ennemis de l'Etat qu'il affronte en envoyant l'armée, observe Ioan Grillo. D'ailleurs, les militaires ne capturent pas les narcos pour les juger, elle les élimine, comme cela se fait dans une guerre." Et en réponse "la tactique des cartels est une tactique de guerre. Ils n'ont certes aucune idéologie -d'ailleurs, qui en a de nos jours?- mais ils agissent comme des insurgés désireux de contrôler des territoires."

Les rapports officiels, notamment celui de l’OEDT en 2012, ne constate pas de baisse de la consommation des drogues, mais plutôt des jeux de déplacement et de vase communiquant : si la consommation d’héroïne baisse continument en Europe (ce qui s’explique moins par la répression que par le fait que la moitié du 1,4 million de consommateurs d’opiacés répertoriés dans l’UE et en Norvège ont accès à un traitement de substitution) et si la consommation de cocaïne se tasse (ce qui semble s’expliquer par sa médiocre qualité), les drogues de synthèse séduisent, elles, de nouveaux consommateurs et ne cessent de se diversifier (entre 2005 et 2011, 164 nouvelles substances ont été détectées). Si la lutte contre le trafic international de cannabis marque des points, on constate aussi que le marché est de plus en plus alimenté par du cannabis cultivé en Europe, notamment grâce à des méthodes « indoor ».

Sources :
04.07.12. bigbrother.lemonde. Lapidaire – La faillite de la « guerre contre la drogue » en chiffres
24.10.12. Le Parisien. La guerre contre la drogue a échoué, l'avenir est dans la prévention (GCDP)
04.11.12. C-possible. Drogues : ce qu'il faut savoir (citations d’Anne Coppel)
15.11.12. Libération. L'Europe devient un producteur majeur de cannabis (OEDT)
15.11.12. Le télégramme. Drogues. Les produits de synthèse continuent leur progression  OEDT)
01.12.12. L'Express. Drogue et violence: "Le Mexique a touché le fond sous Felipe Calderon", Ioan Grillo, auteur de "El Narco, la montée sanglante des cartels"
20.12.12. Santé Log. Lutte contre les Drogues : La criminalisation aggrave la pandémie  (Global Commission on Drug Policy)

Trafics et puissance de l’économie criminelle

D’après l'Office des Nations Unis contre la drogue et le crime (UNODC), le crime organisé international (Prostitution, exploitation forestière illégale, drogues, trafic d'armes, contrefaçon, piraterie maritime...) pèserait pour 713 milliards d'euros (870 milliards de dollars), soit 1,5% du PIB mondial. Cet argent serait pour partie blanchie. Dans leur ouvrage paru en mai 2012 (Crime, trafics et réseaux, géopolitique de l'économie parallèle, édition Ellipses), l'historien-ethnologue Michel Koutouzis et le docteur en géographie Pascale Perez constatent que "les crises économiques et financières à répétition ont accéléré l'intégration de ces trafics et de leurs bénéfices, créant un espace mixte d'économie et d'échanges qui rend d'autant plus difficile l'identification de ces nouveaux réseaux." En France, la drogue rapporterait plus de deux milliards d'euros par an aux trafiquants, selon de Figaro, qui cite "un rapport confidentiel" du Service de renseignement d'analyse sur la criminalité organisée (Sirasco) : le "chiffre d'affaires" du trafic de cannabis est "de plus d'un milliard d'euros pour environ 250 tonnes de résine de cannabis consommées annuellement [...] L'ensemble des autres drogues rapportent également un milliard d'euros."

Pour Pietro Grasso, procureur de la direction italienne antimafia, "la crise rend les groupes criminels encore plus puissants, car ils ont de l’argent liquide, de l’argent frais et disponible, et pas seulement en Europe, mais dans d’autres pays où les économies sont fragiles et où ils influencent les politiques." Un rapport d’Europol expose comment le crime organisé profite de la crise en investissant en bourse, dans l’immobilier et en rachetant des entreprises en difficulté. Chantal Cutajar, directrice du Groupe de recherches actions sur la criminalité organisée (GRASCO) et enseignant-chercheur Université de Strasbourg, estime que les mafias ont profité de la crise pour se faire une place au cœur même de la finance mondiale, notamment en investissant dans des banques que la crise a rendue moins regardantes sur l’origine des fonds proposés.

Lors de son intervention au Parlement européen, le 12 novembre, Antonio Maria Costa, ancien directeur de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), a renouvelé son appel aux gouvernements pour qu’ils agissent contre le blanchiment massif de l’argent de la drogue par le système bancaire [Voir Mondialisation, drogue, blanchiment & finance internationale in Politique des drogues - Actualité 2011 - 1er semestre] : "La pénurie de liquidités dans l’après 2008 a été une occasion formidable pour les mafias, fortement dotées en cash, de pénétrer le secteur bancaire – dépôt de coupures, acquisition d’actions et entrée dans les conseils d’administration. La supervision bancaire a échoué (délibérément selon moi) à sanctionner ces comportements illicites. […]. En réalité, je ne vois pas une seule banque internationale qui n’ait pas été contaminée. La capacité des autorités publiques à entraver le crime organisé dépend fondamentalement de la volonté des gouvernements à éliminer chirurgicalement la métastase cancéreuse de la mafia dans la banque et la finance. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas : comme l’a dit récemment le plus haut responsable anticriminel italien, ‘ce n’est pas la mafia qui cherche des banques pour recycler son argent, ce sont les banquiers qui cherchent l’argent de la mafia’ !"

Sources :
15.10.12. La Tribune. Crime organisé international : une facture à 713 milliards d'euros (UNODC)
22.10.12. Nouvel Obs. La drogue rapporterait plus de 2 milliards d'euros aux trafiquants (en France)
09.11.12. Le blog des Jeco. Le crime organisé, grand gagnant de la crise
15.11.12. S&Progrès. Blanchiment : Antonio Costa (Onudc) s’en prend aux criminels en col-blanc

Blanchir l’argent de la drogue : les vieilles méthodes

Le juriste G. Moréas rappelle l’efficacité, en France, des outils de lutte contre le blanchiment "artisanal", tel que peuvent le pratiquer les petits dealers de Cité : "Il ne semble pas que les truands de quartier aient suffisamment d’entregent pour fréquenter le monde de la finance. Le blanchiment se fait donc souvent via de petits commerces (qui bidonnent leur CA – chiffre d’affaire) – du moins pour l’instant." C’est le blanchiment de papa, celui d’Al Capone qui tenta de blanchir son argent en ouvrant des laveries automatiques, dont une partie du chiffre d’affaire était en fait constitué de l’argent de ses trafics qu’il faisait passer pour de l’argent d’utilisateurs de ses machines à laver. Une législation draconienne permet de saisir les avoirs des trafiquants. "En matière de stups, une loi de 1996 a inscrit dans le code pénal la présomption d’illicéité pour les individus douteux incapables de justifier de leur train de vie et qui sont en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant au trafic (ou à l’usage) de stupéfiants. Un véritable renversement de la preuve, puisqu’il appartient au suspect de prouver qu’il n’est pas coupable. Ce principe a été généralisé en 2006 (321-6 du CP) pour tout crime ou délit."

Le procédé de la "blanchisserie" perdure chez les gros trafiquants, comme en témoigne une affaire à l’instruction au tribunal fédéral d'Austin qui révèle que quinze personnes faisant partie du cartel de drogue mexicain "Las Zetas" utilisaient une société hippique, la Tremor Enterprise, qui enregistrait l’argent de la drogue comme de l’argent de paris.

Autre méthode, rappelée par E. Joly, ce "sont des dépôts en espèces dans des banques complaisantes, comme on a vu, par exemple, pour HSBC au Mexique." Un rapport du Sénat américain a en effet pointé les méthodes de la banque britannique HSBC, qui entre 2007 et 2008, a fait transiter de sa filiale mexicaine vers la filiale américaine HBUS, environ 7 milliards de dollars en liquide. "Des transferts d'argent liquide ne peuvent atteindre de tels volumes que s'ils impliquent de l'argent de la drogue", note les auteurs du rapport. Concernant les complaisances d’HSBC, le rapport note aussi que HSBC Mexique gère 50.000 comptes et fonds aux îles Caïman, pour un montant de 2,1 milliards de dollars, alors même qu’elle n'a ni bureaux, ni employés sur cette île. HSBC, pour mettre fin aux poursuites aux USA, a négocié une amende de 1,92 milliard de dollars US (1,5 milliard d'euros). Il est a noter qu’HSBC est également dans le collimateur de la justice britannique après la publication d'articles de presse indiquant que de gros trafiquants vivant au Royaume-Uni avaient ouvert des comptes offshore chez HSBC à Jersey pour blanchir de l'argent ou frauder le fisc. Selon les informations du Daily Telegraph, il y aurait parmi les clients, une personne condamnée pour trafic de drogue, un homme condamné pour possession de centaines d'armes et trois banquiers poursuivis pour des fraudes de grande ampleur.

Sources :
09.07.12. AFP/Le Monde. Bank of America citée dans une affaire liée à un cartel de la drogue mexicain
17.07.12. Les Échos. Blanchiment, argent de la drogue, paradis fiscaux : une liste de forfaits longue et illustrée
18.07.12. AFP-Romandie. Mexique: le système bancaire fragile face au blanchiment (HSBC / argent du trafic de drogue)
15.10.12. NouvelObs. Eva Joly : "La fraude fiscale et le blanchiment sont connectés"
21.10.12. LeMonde. Le blanchiment au cœur de la finance mondiale, par G.Moréas
11.12.12. Nouvel Obs. Blanchiment: HSBC échappe aux poursuites (notamment pour blanchiment de l'argent des cartels mexicains) américaines  par une amende record

Blanchir l’argent de la drogue : de nouvelles méthodes

Les nouvelles méthodes passent par de l’ingénierie financière de haut niveau. Comme le rappelle G. Moréas, le blanchiment comprend trois étapes :
1/ Le placement, qui consiste à transformer les billets de banque en monnaie électronique ou en d’autres biens, comme des biens immobiliers ou des œuvres d’art.
2/ L’empilage, qui vise à brouiller les pistes en fragmentant cette première activité, et à créer suffisamment d’écrans pour qu’il soit impossible de remonter à la source.
3/ L’intégration, autrement dit l’injection des produits frauduleux (qui ont désormais l’apparence de la légitimité), dans l’économie traditionnelle.
L’empilage utilise à fond les facilités qu’offrent la finance internationale et, comme l’observe E. Joly, "en l'absence de coopération judiciaire et de coopération fiscale automatique (d'obligation faite aux autres pays de dénoncer les comptes au pays du domicile), on ne peut évidemment pas avancer."

Le système mis en place par les frères El-Maleh, dans laquelle une élue écologiste, Florence Lamblin, s’est trouvée impliquée avec d’autres « notables » présente l’originalité de fonctionner comme un système de « compensation ». Meyer El-Maleh, directeur d’une société financière genevoise, GPF SA, et Nessim El-Maleh, cadre chez HSBC à Genève, étaient en relation avec des clients français qui dissimulaient de l’argent sur des comptes en Suisse et qui souhaitaient le récupérer en liquide. Mardoché El-Maleh, en lien avec en lien avec Simon Pérez, installé en France, étaient lui chargé de collecter l’argent de dealers qui souhaitaient blanchir de l’argent. Quand un titulaire d’un compte en Suisse voulait rapatrier des fonds vers la France, Mardoché El-Maleh lui apportait de l’argent collecté auprès de dealers. Une somme correspondante était aussitôt décaissée des comptes suisses par Meyer et Nessim El-Malehn sous couvert de fausses factures, notamment émises par une sociétés basées à Londres, la Yewdale Ltd, « coquille vide » en lien avec une nébuleuse de sociétés gérées par Meyer El-Maleh, localisées dans des paradis fiscaux, notamment aux Bahamas et au Panama, mais aussi en Suisse, en France, en Grande-Bretagne, aux Emirats arabes unis, en Espagne, en Israël et aux Etats-Unis.

Les sommes étaient ensuite investies, pour le compte des dealers, dans de grosses opérations immobilières en Afrique du Nord, notamment au Maroc et à Dubaï. Les frères El-Maleh prélevaient une commission de 4% aux clients français qui voulaient rapatrier leur argent de Suisse et 8% pour le blanchiment de l’argent de la drogue. Ceux qui rapatrie de l’argent de Suisse peuvent ignorer le fait que l’argent qui leur est apporté vient du trafic de drogue, ce qui semble le cas de l’élue écologiste, Florence Lamblin, qui souhaitait récupérer l’argent d’un héritage placé sur un compte ouvert en Suisse par son père en 1920. Meyer El-Maleh qui nie avoir eu connaissance de l’origine criminelle de ces fonds est sans doute moins convaincant, quand il jure qu’il a toujours été persuadé que l’argent remis en liquide à ses clients provenait de dons récoltés "auprès des communautés israélites de France" par son frère. 11 octobre 2012, les policiers français et suisses interpellent 21 personnes, dont 17 en France. La banque britannique HSBC, qui employait Nessim El-Maleh, n’est pas mise en cause, mais l’affaire a suscité le départ de plusieurs employés de la banque. On notera aussi qu’HSBC est mis en cause, en Espagne, pour avoir mis en place un système de "compensation" en tout point semblable à celui des frères El-Maleh."L'intérêt de cette affaire, observe E. Joly, consiste surtout à montrer au public la connexion existant entre la fraude fiscale et le blanchiment." Au total 17 personnes ont été mises en examen. Florence Lamblin a été placée sous contrôle judiciaire. Elle a démissionnée de ses mandats et elle a été invitée à régulariser sa situation à l'égard de l'administration des impôts en produisant des déclarations rectificatives et en réglant l'impôt qu'on lui reprochait de ne pas avoir déclaré.

Sources :
14.10.12. FranceTVinfo. Ce que l'on sait du blanchiment de l'argent de la drogue
14.10.12. L'Humanité. Blanchiment: l'affaire Florence Lamblin décryptée
15.10.12. Rue 89. Trafic, blanchiment, évasion fiscale : ce qu’on sait de l’affaire Lamblin
15.10.12. NouvelObs. Eva Joly : "La fraude fiscale et le blanchiment sont connectés"
21.10.12. LeMonde. Le blanchiment au cœur de la finance mondiale, par G. Moréas
22.11.12. Europe1. Drogue et fraude fiscale: Lamblin a régularisé
30.11.12. Tribune de Genève. Affaire de blanchiment (drogue) : HSBC fait le ménage
24.12.12. RTS.ch. HSBC Genève aurait été impliquée dans une affaire de blanchiment en Espagne
02.01.13. LeMonde. Blanchiment : le chaînon manquant entre financiers et trafiquants arrêté

Trafics et violence : conséquences géopolitiques

Des territoires entiers peuvent passer entre les mains des trafiquants producteurs de drogues (notamment en Afghanistan, en Birmanie, en Colombie…). Le plus souvent, la production de drogue dans une région est liée à un encrage historique. Par exemple, la culture du cannabis, à des fins d’autoconsommation, serait apparue au Maroc dès le XVe siècle. En 1906, la Conférence d’Algésiras (qui plaça le Maroc sous la protection des puissances européennes) concéda le monopole du commerce du tabac et du cannabis à la Régie marocaine des kifs et tabacs, une compagnie multinationale à capitaux français, qui contrôlait les terres allouées à la culture du tabac et du cannabis et qui commercialisait le kif (mélange de tabac et cannabis). Toutefois, le cannabis cultivé dans les régions montagneuses du Rif, se trouvant en zone espagnole, échappait à son contrôle et une activité de trafic débuta à partir de Tanger, ville au statut international. Durant les cinq ans pendant lesquels Abdelkrim engagea une lutte de libération contre les Espagnols et les Français (1921-1926), la production de cannabis diminua notablement. Après sa défaite, les autorités espagnoles autorisèrent, pour amadouer les tribus récalcitrantes d’Al Hoceima, la culture du cannabis autour du noyau initial du village de Kétama. En 1926, les Français décidèrent de permettre la culture du cannabis dans une zone limitrophe de Fès. A l’indépendance, bien que le cannabis fût interdit, la monarchie toléra la production de cannabis dans ces régions pauvres et frondeuses.

Le fait nouveau avec la mondialisation, c’est que des territoires où le trafic de drogue n’a pas d’ancrage historique peuvent passer entre les mains de trafiquants. La situation, par exemple, du Nord Mali n’est pas sans lien avec la question du trafic. En 2003-2004, pour diversifiés leurs voies d’accès aux marchés européens, les trafiquants de cocaïne colombiens, ont ouvert une route « africaine », passant, notamment, par la Guinée-Bissau [Voir Trafic international : l’Afrique déstabilisée par les Cartels in Cocaine - Actualité 2010], avant de rejoindre le Maroc, où la cocaïne emprunte les mêmes circuits que le cannabis. A partir de 2008, pour éviter les côtes maritimes surveillées, la cocaïne passe par le Sahel, ce qui va impliquer, d’une part, le recrutement de groupes, comme AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique) et le Front Polisario, pour protéger les convois et, d’autre part, la corruption des autorités locales. En particulier celle du Mali, où en novembre 2009, un scandale éclata du fait d’un Boeing 727 (surnommé "Air Cocaïne") qui a été abandonné et incendié suite à une avarie, après avoir transporté de la cocaïne, à Tarkint, au nord de Gao. Grâce aux trafics (pas exclusivement de drogues), AQMI a pu se constituer un trésor de guerre qui lui permet, en dépit d’une absence d’assise populaire au Nord Mali, de s’y installer et de recruter et équiper sur place des combattants afin de renforcer son groupe.  

Sources :
21.06.12. Lalibre.be. Coke en stock à travers le Sahel (interview de Georges Berghezan sur les trafics de cocaïne au nord Mali)
17.10.12. Slateafrique. Comment le Maroc est devenu le royaume du cannabis
09.12.12. Le Figaro. Fabius pointe la «menace narcoterroriste»

Trafics et violence : l’emprise des trafics dans les quartiers populaires (Naples)

Si la France connaît des situations problématiques dans certains quartiers populaires, notamment à Marseille où plus d’une vingtaine de règlement de compte sanglants on eu lieu au cours de l’année, l’exemple napolitain offre une illustration de la dérive extrême de quartiers passés aux mains des trafiquants. A Naples, la Camorra exerce son emprise sur les quartiers populaires. Dans un contexte de chômage de masse, les capopiazza (chef de place) coordonnent l’activité d’une paranza (littéralement : un chalut), terme qui désigne un groupe composé de  pushers (dealers), de vedetta (guetteurs), ainsi que de femmes qui occupent divers emplois, comme celui de "tenancière du registre" (qui comptabilise les ventes et les recettes), de "nourrisses" (qui gardent la drogue ou l’argent chez elles) et de "tenancière d’échoppe" qui tiennent des espaces qui tiennent lieu de salle de shoot et où elles vendent "le kit sanitaire utile aux toxicomanes : seringue, garrot hémostatique, feuilles d’étain, insuline, citrons, eau distillée, flacons. Je découvre, écrit le journaliste Carlo Puca, qu’à la différence des femmes de la mafia sicilienne, reléguées au rang de ménagères, celles de la Camorra font partie intégrante du système et peuvent postuler aux places laissées vacantes par leurs proches “malchanceux” – comprendre : abattus ou arrêtés."

"Pour accéder aux barres de Scampia, écrit encore Carlo Puca, il faut bien étudier le code dicté par le système. Ce système criminel qui surveille chaque barre, chaque hall d’entrée, chaque habitant." Pour réduire le risque de se faire arrêter, le client récupère la drogue qu’il a acheté dans un panier qui descend depuis un toit. Pour archaïque que paraisse le procédé, observe Charles Haquet, "le système de paniers n'en est pas moins redoutable. Réfugiés au dernier étage de la tour, les dealers ont, depuis longtemps, neutralisé les ascenseurs. Au grand dam des habitants, qui doivent emprunter les escaliers pour remonter leurs courses, mais aussi des policiers, qui doivent grimper une centaine de marches quatre à quatre afin de prendre les trafiquants en flagrant délit..."

Mais c’est surtout la violence qui inspire de la terreur aux habitants. Roberto Saviano, dans Gomorra, avait relaté la victoire, en 2005, des clans Pagano et Amato - les "sécessionnistes" qui se fournissaient en cocaïne en Espagne - sur la famille Di Laoro, qui se fournissait auprès de la 'Ndrangheta. La guerre qui fit 130 morts a débouché sur une "paix des braves" qui reste précaire, et les meurtres restent fréquents.

Si l’omerta règne, "le soir, dans les Vele, raconte Carlo Puca qui a infiltré un groupe de camorristes, devant un plat de pâtes et de pommes de terre, les langues se délient : “Lelluccio a été attaché, tabassé, torturé. Puis ils l’ont écorché avec un couteau de boucher tandis qu’ils attaquaient ses poignets au sécateur, pour lui arracher les mains. Et, alors que le sang giclait des moignons et qu’il s’écroulait terrassé par la douleur, l’heure de la délivrance est arrivée. Brûlé vif.” Une histoire d’horreur que l’on raconte, de l’admiration dans la voix, devant des enfants ni choqués ni amusés. Indifférents, c’est tout. Ils n’en perdent pas l’appétit. Moi, si."

Cette violence semble devoir s’accentuer avec la "modernisation" du trafic, comme le suggère Carlo Puca : "La grande nouveauté pour les revendeurs, [...] c’est que la vente de rue est devenue presque anachronique à l’heure d’eBay, de Groupon et des colis express. Les camorristes sont jeunes, ils vivent avec leur temps. La drogue est donc livrée à domicile. Les commandes passent directement par les réseaux sociaux. Ultime précaution : utiliser de fausses identités pour qu’il soit impossible de remonter jusqu’aux titulaires des comptes. Les dealers de rue comme les chauffeurs de Punto [qui livrent la drogue] sont des proies faciles pour la police. Ils finissent donc par servir d’“idiots utiles” sous le contrôle des guetteurs, cette avant-garde des boss. Se faire prendre par la police avec un paquet de drogue sur soi revient à s’endetter pour toujours. Parce qu’il faut bien le rembourser, ce fameux paquet. Et, les salaires étant relativement bas, le dealer devient l’esclave du boss concerné, le temps de “faire” l’argent nécessaire à son affranchissement. A moins qu’il n’exécute d’ici là un ordre particulier. Genre un meurtre. [...] Nous n'avons aucun avenir, confie ce chef de place, qui dirige une vingtaine de jeunes dealers à Scampia. Aucun d'entre nous ne sait s'il sera vivant demain. C'est pour ça que l'on flambe tout notre fric ! Ceux qui ne finissent pas en prison se font buter, surtout s'ils réussissent trop bien. Ça crée des jalousies. Dans ce boulot, vous tenez quatre ou cinq ans. Jamais plus."
 
Sources :
10.07.12. L'Express. Cocaïne: enquête au cœur de la Mafia (Charles Haquet, avec Bertrand Monnet (professeur à l'Edhec)
11.10.12. Courrier international. Mes cent jours dans le fief de la Camorra
11.10.12. Courrier international. Interview : Carlo Puca, journaliste infiltré : "la Camorra affiche ses crimes"

Trafics et violence : les « petites mains » du trafic en France

Une série d’émissions produites par "Les Pieds sur terre", sur France culture, intitulée "Pourquoi les dealers vivent-ils chez leur maman ?" recueillent la parole de petits dealers de Marseille. La réponse à la question de l’émission est : "parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour se payer un appartement". Tout simplement. Les jeunes, entre 18 et 20 ans, décrivent un commerce bien rodé, organisé, hiérarchisé. Il y a le guetteur, qui gagne entre 40 et 80 euros la journée, le rabatteur, le charbonneur ou vendeur, qui gagne 80 à 200 euros, le coupeur et le ravitailleur, 100 à 200 euros, puis la nourrice, le gérant du terrain, et le patron, qui gagnent respectivement 1 500, 6 000 et 10 000 euros par mois maximum, selon la journaliste. On apprend sur le tas, et on peut monter en grade Certains se souviennent des premiers pas. "Je tremblais. Comme si c'était le jour de la rentrée", raconte l'un. Mais voilà : "on voulait aller au cinéma, et j'avais pas de sous." "J'ai commencé, parce que je voyais autour de moi des gens bien sapés. Comment ça se fait qu'ils ont ça ? (...) J'ai suivi leur chemin", explique un autre. Qui peut désormais s'acheter des vêtements "Armani" et "Hugo Boss". "Ceux qui ont fait de la cocaïne, ils ont tous été en prison ou ils sont morts", explique l'un d'eux. Certains ont perdu des amis. "Dans les trafics de stupéfiants, y a pas de justice." Loin de se satisfaire d'un job "facile" mais risqué et peu stimulant, ils conçoivent de plus grands rêves. "Comme notre vie changerait, si on avait un travail, qu'on était bien, stable, avec de l'argent. Ma petite femme, un bon petit travail, ma petite voiture. C'est ça la vie de rêve pour moi."

La Mission de prévention des toxicomanies de Paris et la Mission de prévention des conduites à risque du 93 ont publiées la synthèse d’une recherche menée avec des professionnels de terrain. Les constats sont que "résister à la pauvreté est bien la fonction que remplit le trafic de détail pour beaucoup de jeunes. Et même si ce travail rapporte peu puisque les vendeurs de cannabis sont rémunérés à un taux horaire nettement inférieur à celui du Smic, cette activité leur semble souvent l’unique moyen de gagner leur vie. [...] Persuadés que l’emploi, en admettant qu’ils en trouvent un leur correspondant, leur échappera du fait de leur origine ou de leur lieu d’habitation, ils anticipent, soucieux de s’épargner un échec. L’économie de la rue leur semble alors la seule à pouvoir les embaucher et leur offrir une place acceptable. [...]

Les enjeux économiques et financiers, malgré leur importance, ne suffisent pas à expliquer le rôle pris dans les trafics. Se mêlent en effet des dimensions subjectives. Tout d’abord, cette implication peut venir satisfaire un besoin d’adrénaline. Le deal peut en effet être source de plaisir pour ces adolescents car il appelle des prises de risques et les confronte au vertige de la peur. [...] Souvent il cherche à redorer une estime de soi ternie, notamment par l’humiliation vécue à l’école. À la honte succède alors la fierté, celle d’être reconnu par les clients, de donner de l’argent à ses parents, de monter dans la hiérarchie du trafic, de se bâtir une réputation à l’échelle de la cité. [...] Une fois entrés dans les réseaux, beaucoup de jeunes peinent à en sortir. [...] Leur économie ne repose pas, en effet, sur l’échange mais bien sur des relations de créancier à débiteur, calquant d’ailleurs en cela les fondements de l’économie libérale. Pris par la fièvre de l’argent, le besoin de flamber et d’afficher une image de réussite, les petits trafiquants se lancent très vite, et à corps perdu, dans une consommation ostentatoire : ils s’équipent en objets de prestige, s’habillent avec des vêtements de marque, paradent dans de belles voitures… Les jeunes dépensent ainsi les billets qui leur passent entre les doigts, jusqu’à se retrouver endettés auprès de leurs fournisseurs et finalement englués dans le deal. [...] Enfermés dans l’économie de la rue, ses fonctionnements et ses codes sociaux, les jeunes s’éloignent de leurs proches et de ceux qui pourraient les aider, et ne parviennent pas à se projeter dans un autre milieu. Le marquage pénal contribue enfin à enfermer les jeunes dans l’impasse de l’illégalité."
La recherche met aussi en avant des pistes de travail pour les professionnels comme une prévention précoce autours des "illusions" du trafic, des expériences visant à aider ces jeunes à élaborer sur leurs souffrance grâce, notamment, à des supports artistiques, ou à développer l’estime de soi ou encore proposant un un "recyclage" des "capabilités" acquises dans les trafics (capacité à gérer les risques, habileté relationnelles et commerciales...) dans l’économie légale ou encore des actions de soutien aux parents et aux habitants...

Sources :
24.12.12. LeMonde/bigbrowzer. POINTE – Paroles de dealers de Marseille, qui vivent encore « chez leur maman »
24.12.12. rvh-synergie. Engagement des jeunes dans les trafics : quelle prévention? (PDF)

Trafics et violence : exploitation des sans-papiers

Les plantations de cannabis, en France, restaient jusqu’à il y a peu, le fait quasi exclusif de petits "auto-producteurs" [Voir Développement de l’autoproduction in Cannabis - Actualité 2011 - 1er semestre]. Mais attiré par une demande d'herbe en forte hausse (elle représenterait 40% de la consommation de cannabis) et bénéficiant de savoir-faire qui se sont développé dans d’autres pays d’Europe (la Belgique et les Pays-Bas produisent à eux deux 1.000 tonnes par an), des réseaux criminels développent aujourd’hui la culture "indoor" en France. En Grande-Bretagne, pas moins de 250 "cannabis factories" ont été démantelées en 2010. En 2011, à la Courneuve, a été démantelée une "usine à cannabis" de 700 pieds produisant 100 kg par an d'une variété d'herbe appelée sinsemilla (la sinsemilla, comme l'Amnesia, est une variété crée par des croisements de plusieurs variétés de cannabis et cultivée en prenant soin d’arracher les plants mâles de la plante pour accroître la concentration en THC, qui peut alors monter jusqu’à 15 à 20%). En 2012, ont été démantelées, près de Strasbourg, des plantations de 2000 pieds,  situées dans des appartements et une maison.

Ces "usines à cannabis" employaient des immigrés clandestins vietnamiens. Ils devaient, contre par un travail gratuit s’acquitter des 15 à 20 000 euros réclamés par les passeurs qui les avaient conduits en Europe. Dans ces usines à cannabis, "tout est fait en sorte de cultiver le plus de cannabis possible. Ainsi, la plupart du temps, l'installation électrique n'est pas aux normes et risque de prendre feu à tout moment", affirme l'économiste Christian Ben Lakhdar de l'Université catholique de Lille. Pis, ajoute-t-il, "les jardiniers sont soumis à des conditions de vie inhumaines. Ils habitent ces fermes 24 heures sur 24 et bien souvent dorment dans des sous-sols calfeutrés. Ils sont là pour rembourser leur passage en France, du coup la main-d'œuvre est gratuite. C'est ni plus ni moins de l'esclavage moderne."

Sources :
25.09.12. AFP sur romandie. "Plantations de cannabis à grande échelle, un phénomène émergent en France" (Michel Gandilhon, OFDT)
07.12.12. L'Express. Des clandestins vietnamiens cultivaient du cannabis pour financer leur voyage en France
25.12.12. Le Monde. Les fermes de trafiquants (de cannabis) se multiplient en Europe

Trafics et violences : la corruption des forces de l’ordre

L’implication des forces de l’ordre dans les trafics a pour effet de rendre impossible leur dénonciation. C’est le cas au Mexique où, selon Alejandro Poiré, le secrétaire du gouvernement mexicain, seuls 20% des crimes commis dans le pays sont effectivement signalés par les victimes, qui craignent des représailles et/ou ne font pas confiance aux autorités. Google a d’ailleurs organisé un sommet (Info summit) en juillet pour proposer la création d’un réseau qui permettrait aux citoyens, en toute sécurité, de signaler des activités criminelles. Convaincue que "la technologie est la solution", Google a rencontré le scepticisme d’experts qui ont fait observer que les cartels utilisaient déjà une technologie de plus en plus sophistiquée comme des logiciels de cartographie qui permettent de suivre les déplacements de la police et des sous-marins téléguidés pour transporter la drogue. Les narcotrafiquants peuvent aussi intercepter les flux des satellites, y compris les images diffusées par les drones des agences de renseignement. "Vous ne devriez jamais sous-estimer la puissance de ces gars-là, a déclaré Eduardo Guerrero, consultant en sécurité à Mexico. Ils sont probablement au courant de ce qui se passe ici, et ils sauront trouver un moyen de l’utiliser à leur avantage".

Sans que la situation française soit comparable, l’affaire de la BAC de Marseille, après celle de Neyret et des douaniers de Roissy [Voir L’usager de cannabis et la répression du trafic in Politique des drogues - Actualité 2012 - 1er semestre] atteste de la nécessité pour la police de républicaine de restée vigilante face au risque que certains de ses agents ne s’impliquent dans des trafics.

Début octobre, l’IGPN (la police des polices), après des mois d’enquêtes, a perquisitionné les locaux de la BAC nord de Marseille, et trouvé de la drogue, de l’argent liquide et des bijoux dissimulés dans les plafonds. Les policiers rackettaient les dealers, extorquainet de la drogue, qu’ils revendaient ensuite. La BAC nord de Marseille a été dissoute et 16 fonctionnaires de police ont été mis en examens. La question de l’implication de la hiérarchie policière est posée dans la mesure où des fonctionnaires avaient dénoncés ces agissements, de même qu’est posé la question de l’aveuglement de juges qui n’ont pas tenu compte de déclarations de prévenus qui relataient de tels faits. Plus grave, l'IGPN soupçonne certains policiers d'avoir volontairement désigné un indic, Lyes Gouasmia, comme un indic auprès de ses rivaux. Il aurait été tué trois jours après un faux rendez-vous fixé par téléphone passé depuis le commissariat du 15e arrondissement par ceux qui souhaitaient vérifier s'il divulguait des informations à la police, notamment sur les trafics de stupéfiants. Les policiers auraient agi de cette manière pour se débarrasser de Lyes Gouasmia, impliqué dans le trafic de résine de cannabis, mais qui refusait d'être racketté par les policiers mis en cause.

Sources :
20.07.12. Ecrans/Libé. Criminalité : Google abat ses cartes contre les cartels
Criminalité : Google abat ses cartes contre les cartels
04.10.12. Metro. Marseille : de la drogue cachée dans les plafonds de la BAC
05.10.12. Le Point. Exclusif. Marseille : "Les collègues se servaient sur la bête" (témoignage d'un policier)
11.10.12. La Provence. Bac Nord de Marseille : trois nouveaux policiers déférés, une autre enquête ouverte
05.12.12. LaProvence. Marseille : l'assassinat qui met encore la Bac Nord en accusation

Réduction les risques liés aux trafics de rue ?

Le Consortium International sur les Politiques des Drogues (IDPC), ONG internationale, propose un Guide sur les politiques des drogues. Pour l’IDPC, une politique des drogues doit comprendre des volets préventifs, sanitaires et sociaux et ne pas surévaluer ce qui peut être attendu de la répression. Si l’ouvrage – dense et riche - reprend beaucoup de choses bien connue (réduction des risques, accès aux soins, prévention, action sociale et éducative, approche communautaire, etc.), il développe aussi une réflexion originale sur la répression du trafic, en appliquant à celle-ci, la notion de réduction des risques. L’objectif de la répression ne peut pas être d’éradiquer la consommation de drogue, ni même de réduire significativement le marché de la drogue, car les causes de la consommation de drogues ne sont pas liées au fait de pouvoir en consommer "impunément". "Les responsables politiques doivent accepter l’idée que c’est l’exclusion sociale, politique et économique qui est à l’origine de contextes au sein desquels la criminalité et la violence prennent racine", écrivent les auteurs. Dès lors, les efforts de maintien de l’ordre doivent viser, en priorité, à réduire la violence associée au marché des drogues plutôt qu’à réduire le trafic proprement dit. Doivent être ciblés en priorité, les trafics qui génèrent de la violence (intimidation de la population, usage d’armes, recrutement de mineurs, etc.).

"Les gouvernements doivent veiller à ce que les sanctions pour les infractions liées à la drogue soient proportionnées et à ce que les ressources disponibles soient utilisées de façon efficace." L’action de répression doit ainsi distinguer les consommateurs occasionnels ou "à des fins récréatives", auquel devrait être appliqué des stratégies de réduction des peines pénales (par exemple, en imposant des avertissements informels de la part de la police ou des contraventions), et les usagers dépendants auquel devrait être proposé un accès à un programme de traitement de la dépendance adapté. Le modèle portugais est cité en exemple : la possession de drogues pour usage personnel est sanctionnée administrativement et non pénalement. 

L’auteur de l’infraction est renvoyé devant des "Commissions de dissuasion pour la dépendance à la drogue" (Comissões para a Dissuasão da Toxicodependência), constitués de trois personnes, un(e) assistant(e) social(e), un conseiller juridique, un professionnel de la santé, et soutenu par une équipe d’experts techniques. Les commissions utilisent une panoplie de réponses pour dissuader les nouveaux usagers et encourager les usagers dépendants à prendre un traitement. Elles peuvent, par exemple, imposer des sanctions telles que des travaux d’intérêt général, des amendes, la suspension de licences professionnelles et l’interdiction de fréquenter certains lieux.

La répression doit distinguer les dealers de petite envergure des grands trafiquants. Concentrer les ressources policières et de la justice sur les seuls petits dealers est problématique, "et ce pour deux raisons. Tout d’abord, une fois arrêtés et mis à l’écart du marché des drogues, ils sont rapidement remplacés. Cette politique a donc un impact très limité sur le marché noir." D’autre part, le marquage pénal peut les radicaliser dans leur engagement. Ici, le modèle de Boston semble efficient. Il s’agit d’une démarche communautaire fondée sur des réunions où les petits dealers sont convoqués par des officiers de police, des prêtres et des employés de services sociaux. Après qu’on leur ait exposé les preuves réunies contre eux, une alternative leur est proposée, tout en leur laissant le choix, "soit d’accepter de l’aide à travers des programmes éducatifs et d’apprentissage, soit d’être poursuivis par la police pour leurs activités violentes."
Les trafiquants de grande envergure doivent être la véritable cible de la répression. "Ces réseaux contrôlent le marché des drogues à grande échelle et font souvent usage de niveaux de violence extrêmement élevés. Ces individus sont les plus nocifs pour la communauté." Enfin, la crédibilité de la répression exige que "les agences gouvernementales doivent constamment agir dans le cadre de la loi dans leur combat contre les marchés des drogues" et "il est nécessaire de restructurer les agences de maintien de l’ordre et les systèmes de justice pénale qui sont touchés par la corruption."

Source :
Mars 2012. Dropbox.Idpc. Guide sur les politiques des drogues (Consortium International sur les Politiques des Drogues, Réseau mondial pour un débat ouvert et objectif sur les politiques liées à la drogue) (PDF, 167p.)

Légalisation du cannabis dans le Colorado et l’Etat de Washington

Aux USA, on assiste à un important changement de l’opinion concernant le statut légal des drogues. Selon un sondage Gallup de novembre, le nombre d'Américains favorables à la légalisation (46 %) a doublé en quinze ans et un sondage récent d’Angus Reid Public Opinion, donne même 54% d’Américains favorables à la légalisation de la marijuana (dont 65% des 18-34 ans). Hollywood commence s’engage de plus en plus nettement contre la guerre à la drogue. Kate Winslet, Morgan Freeman, Yoko Ono, Richard Branson, Sean Parker, Sting, Gael García Bernal ont soutenu un film intitulé "Breaking The Taboo" dont l’argumentaire est le suivant : "Après plus de 50 ans d'interdiction, la drogue est désormais la troisième industrie la plus rentable au monde après l’alimentation et le pétrole, tout en étant contrôlée par des criminels. La corruption et la violence, en particulier dans les pays producteurs, mettent en danger la démocratie. Des dizaines de milliers de personnes meurent chaque année à cause de la guerre de la drogue."

Par référendum, le Colorado (à 53%) et l'Etat de Washington (à 56%) ont légalisé la vente et la consommation de cannabis. Une mesure similaire a été rejetée dans l'Oregon. En novembre 2010, la légalisation du cannabis avait été rejetée à 55% en Californie [Voir Tentative de légalisation du cannabis en Californie in Politique des drogues - Actualité 2010]. Dans ces deux Etats, la production et la vente de marijuana sera supervisées par les autorités locales (municipalités, comtés) et la consommation et la possession seront légales pour les plus de 21 ans (28 grammes maximum, autorisation de posséder 6 plants dans le Colorado). La consommation dans les lieux publics est interdite (à Denver, capitale du Colorado, la consommation de tabac dans les lieux publics est interdite). Ces lois légalisent aussi la culture industrielle du chanvre (à la lumière artificielle, en entrepôt), jusqu’ici illégale, mais qui était tolérée par le Colorado pour la fabrication du cannabis thérapeutique, légal dans ces deux Etats. Si Denver devrait avoir une règlementation libérale, des municipalités du Colorado ont interdit la création de points de vente et obligent les résidents à cultiver les 6 plants légalement autorisés dans un endroit fermé. Un projet de loi interdira prochainement de conduire sous l’emprise du cannabis (limite de 5 nanogrammes de THC par millilitre de sang). La police de Seattle (Etat de Washington) rappelle que "la possession et la vente de marijuana reste illégale en vertu des lois fédérales, et la police de Seattle ne peut pas prévoir ou contrôler les activités d'application des autorités fédérales". Ainsi, les consommateurs de cannabis sont invités à s’abstenir de toute consommation dans les bâtiments fédéraux et dans les parcs nationaux. La Maison Blanche a fait savoir que la lutte contre le cannabis dans les Etats qui l’avait légalisé n’était plus une priorité et les Américains, sourcilleux sur les libertés locales, estiment à 64 % que le gouvernement fédéral n'a pas à intervenir si le cannabis a été légalisé à l'échelon local.

Pour obtenir une majorité électorale en faveur de la légalisation il a fallu convaincre que les taxes prélevées sur le cannabis serviraient à des investissements publics et, parmi les slogans de la campagne, l’un fut particulièrement martelé : "Utilisons l’argent généré par les ventes de marijuana pour améliorer nos écoles, pas pour enrichir des criminels mexicains."

Grâce à une taxe de 25 % sur la vente, c’est 1 milliard de dollars (764 millions d’euros) de revenu annuel que la légalisation pourrait générer dans l’Etat de Washington. Un autre grand thème de la campagne était que la police serait plus efficace si elle ne perdait pas son temps avec des affaires de cannabis.

La banalisation du cannabis thérapeutique aux USA (autorisés dans 18 Etats), a favorisé l’acceptation publique de ce produit. A Denver, Colorado, il y a déjà plus 107.000 "patients", titulaires d’une carte d'utilisateur de marijuana médicale, qui s’approvisionnent dans des "dispensaires". Un magazine local, le Westword, a même embauché un critique "cannabique" spécialisé, qui décrit les saveurs de des joints à la ma,ière des œnologues. "On entre dans une autre sphère, moins hypocrite, observe Christian Ben Lakhdar. En Californie en effet, l'usage du cannabis est théoriquement à visée thérapeutique, mais dans les faits, des personnes bien portantes s'en procurent et en consomment sans problème. Cette fois-ci, il est admis que le cannabis peut avoir un usage récréatif, c'est-à-dire divertissant et plaisant." Le cannabis thérapeutique, qui a été légalisé en 1996 en Californie avec le passage de la loi Compassionate Use Act (qui autorise la vente et l’usage de cannabis pour les malades munis d’une ordonnance, qui peuvent détenir jusqu’à 226 grammes de marijuana). Cette légalisation permet déjà des activités lucratives. L’université Oaksterdam enseigne la culture du cannabis et l’énorme dispensaire Harborside Health Center d’Oakland accueille 108.000 patients, et l’administration fiscale de l’Etat, collecte entre 58 et 105 millions de dollars annuels de taxes sur la vente de cannabis en dispensaire… Le marché du cannabis thérapeutique représenterait d’ailleurs deux milliards de dollars selon See Change Strategy, un cabinet d'études spécialisé dans les nouveaux marchés. Soit autant que le Viagra. Il pourrait atteindre 9 milliards en 2016 si une vingtaine d'autres États l'autorisaient. Après le vote, la société américaine Medbox, qui commercialise des distributeurs de cannabis médical capables de vérifier l'identité d'un patient par son emprunte digitale, cotée à Wall Street, a vu le cours de son action passé de 3$ à... 215$, avant de redescendre à 20$... Et le géant du tabac, Philip Morris, semble intéressé par la production de cannabis.

Sources :
26.10.12. Rue 89. Californie : obtenir une ordonnance de marijuana ? Facile
06.11.12. Slate. Le Colorado et l'Etat de Washington légalisent la vente et la consommation de cannabis
07.11.12. NouvelObs-blog. Le cannabis "récréatif" légalisé dans le Colorado : la fin d'une hypocrisie, par Christian Ben Lakhdar
17.11.12. Le Figaro. Le cannabis légalisé, une opportunité d'investissement
19.11.12. LeMonde/blog. Pot - Le guide de l’utilisateur de cannabis… par la police de Seattle
03.12.12. Le Matin. Ces people qui brisent un tabou ("Breaking the Taboo", film contre la guerre à la drogue)
05.12.12. Atlantico. Légalisation du cannabis dans certains Etats américains : la guerre contre la drogue en plein brouillard... de fumée
05.12.12. Libération. Repères. Cannabis. Le cannabis thérapeutique aux Etats-Unis
05.12.12. Libération. Seattle, un petit joint de paradis
14.12.12. lavoixdelamerique. Obama: le cannabis n'est pas une priorité
26.12.12. Le Monde. United States of marijuana

Légalisation du cannabis en Uruguay et polémiques aux Pays-Bas

L’Uruguay s’engage dans la légalisation du cannabis. Le marché interne du cannabis pèse pour 75 millions de dollars (58 millions d’euros). Pour Eduardo Bonomi, ministre de l’intérieur, "le principal danger n’est pas la marijuana mais les narcotrafiquants qui approvisionnent en drogues autrement plus dangereuses, comme le ‘’paco’’ [une pâte à base de cocaïne bon marché], qui fait des ravages." L’Etat, par le biais de l’Institut national du cannabis (INCA), devrait octroyer des autorisations spéciales, contre le paiement d’une licence, à des particuliers ou à des associations de cultivateurs pour leur permettre de produire cette drogue. La loi n’empêche pas l’Etat de se lancer dans la production. La production sera distribuée via des dispensaires locaux de vente de cannabis. L’objectif est d’offrir au consommateur un échange personnalisé et il sera informé des dangers lié au cannabis. Des consultations de sevrage seront également proposées. Les consommateurs auront accès à quatre sortes de cannabis différents : le cannabis indica (à effet relaxant et aux propriétés pharmaceutiques), le cannabis sativa (aux effets énergisants et euphorisants) et deux autres sortes de cannabis réalisés à partir de mélanges. Les particuliers pourront se procurer jusqu’à 40g de marijuana, par personne et par mois. La culture à domicile, ou en association d’auto-producteur, sera autorisée (jusqu’à six plants de cannabis par personne) pour une récolte maximale de 480g par an, ce qui revient à une consommation de 40g par mois. Le gouvernement prévoit des sanctions assorties de peines de prison pour ceux qui ne respectent pas les quantités prévues par la loi ou qui refuse les inspections à domicile. L’Uruguay, s’il va plus loin que d’autres, n’est pas isolés en Amérique latine. Dans une déclaration commune, les gouvernements colombien, guatémaltèque et mexicain appellent les Nations Unies à proposer, de toute urgence, des solutions aux conséquences de la criminalité sur le développement, la sécurité et la démocratie.

Aux Pays-Bas, une nouvelle loi a transformé les coffee-shops en clubs privés comptant au maximum 2.000 membres, titulaires d’une "wiet pass" réservée aux résidents de la ville du coffee shop. Manière d’interdire de facto la vente de cannabis aux étrangers [Voir : Débats en Europe : Suisse, Pays-Bas et Espagne in Politique des drogues - Actualité 2012 - 1er semestre].

L’application de cette loi a rapidement rencontré des difficultés : le trafic illégal de drogues a "considérablement" augmenté depuis son entrée en vigueur, affirment des chercheurs de l'université de Tilburg. "Nous avons perdu près de 90% de nos clients", assure M. Josemans, président de l'Association des coffee shops de Maastricht, selon lequel 600 employés de coffee shops du sud du pays ont perdu leur emploi en raison de la chute libre des ventes. Il affirme en outre que la plupart de ses clients néerlandais fuient aussi les coffee shops, car ils refusent de s'y enregistrer en tant que membre, comme le prescrit désormais la loi. Des partis de l'opposition de gauche - le Parti du travail (PvdA), le Parti socialiste (SP) et le Parti pour les animaux (PvdD) -, se sont prononcés contre la nouvelle loi. Le PvdA propose que les coffee-shops soient remplacés par des "cannabis shops", où la vente de marijuana serait légale mais strictement contrôlée. Finalement, le ministre de la Justice Ivo Opstelten a annoncé l'abandon des "wiet pass" et affirmé qu'il appartiendrait aux autorités locales de décider des limitations à apporter à l'accès aux coffee shops. Dans la foulée Amsterdam a annoncé que la police ne regardera pas comme une priorité de vérifier si les personnes entrant dans les coffee shops sont effectivement résidants sur la ville. Sur les six à sept millions de touristes qui visitent Amsterdam chaque année, "un sur trois se rend dans un coffee-shop", explique le maire de la ville. "Notre crainte est que, si nous appliquons l'obligation de résidence, [ces touristes] achètent du cannabis dans la rue."

Sources :
11.08.12. l'orientlejour. Contre les narcotrafiquants, l’Uruguay veut cultiver...du cannabis
18.08.12. Le Monde. Aux Pays-bas, une "campagne cannabis" pour les législatives
19.08.12. Le Parisien. A Maastricht, la "carte cannabis" est une aubaine pour les dealers de rue
18.10.12. Droguesblog.wordpress. [Le Monde] L’Uruguay veut légaliser la vente du cannabis pour lutter contre l’insécurité
23.10.12. IDCP. Déclaration conjointe de la Colombie, du Guatemala et du Mexique demandant aux Nations Unies de revoir les politiques en matière de drogues
02.11.12. Alterinfos. Uruguay - Rejet à « la guerre contre les drogues »
20.11.12. 20minutes. Pays-Bas: Le gouvernement renonce à la «carte cannabis»
29.11.12. Courrier International. Uruguay - L’état va vendre le cannabis (El Pais)
12.12.12. Le Monde. Les touristes ne seront pas chassés des coffee shops à Amsterdam

Prohibition, dépénalisation, légalisation : combien ça coûte, combien ça rapporte ?

La prohibition, surtout au regard de ses piètres résultats en termes de limitation de la consommation, de réduction de l’emprise des trafics sur les quartiers populaires et d’une application de la loi qui vise quasi exclusivement des classes populaires et la jeunesse, est de moins en moins capable de justifier son coût exorbitant. Coûts au demeurant difficiles à évaluer, car variable selon que l’on intègre les dépenses dues aux enquêtes, aux gardes à vue, au fonctionnement des tribunaux, à l’exécution des peines... toutes mesures qui n’auraient plus lieu d’être en cas de dépénalisation ou de légalisation. D’où une disparité importante dans les évaluations : en 2005, l’économiste de Harvard Jeffrey Miron estimait que les coûts de la répression du cannabis, aux USA, à 7,7 milliards $ par an (environ 6 milliards €). En 2010, Jeffrey Miron et Katherine Waldock estimaient, eux, le coût de la répression à 42 milliards $ (34,3 milliards €) par an (The Budgetary Impact of Ending Drug Prohibition, Cato Institute, septembre 2010). L’économiste Christian Ben Lakhdar, maître de conférence en économie à l’université catholique de Lille, estime que la France dépenserait 420 millions €  du seul fait des 140.000 interpellations pour usage de cannabis [voir Les partisans de la légalisation contre-argumentent (2) in politique des drogues - actualité 2012-1er semestre]. En intégrant les coûts des enquêtes et des garde à vues on devrait se situer autour de 500 millions €. 

La dépénalisation "rapporterait" donc, environ 500 millions € d’économie. Mais, observe Christian Ben Lakhdar "la répression agit comme une taxe : quand les dealers commercialisent un gramme à 7 euros, ils incorporent dans le prix une "prime de risque". Si ce risque n’existe plus, le prix va mécaniquement baisser." D’où une possible baisse des prix et une augmentation de la consommation, et par conséquent une hausse des coûts de santé induits par la consommation de cannabis. Tout dépend donc de l’influence du prix sur la consommation. Jusqu’à quel point de nouveaux consommateurs seraient attirés par des prix bas et jusqu’à quel point les consommateurs augmenteraient-ils leur consommation ? Cette hausse de la consommation, Christian Ben Lakhdar y "croit peu, car la France est déjà un des pays les plus consommateurs de cannabis".

Et comme l’observe A. Rigaud, psychiatre et président de l'ANPAA, "aux Pays-Bas, on a aménagé l’usage avec des coffee shops qui sont des espaces de tolérance. Ça n’a pas fait augmenter drastiquement la consommation mais il n’y a pas eu non plus de diminution flagrante. Mais au moins les produits vendus sont mieux contrôlés, on connaît mieux leur concentration en produits actifs. Au Portugal, il y a une dépénalisation sur tous les produits. Là encore, on ne peut pas affirmer qu’il y a eu une diminution de la consommation, mais il n’y a pas eu d’augmentation." Dans la perspective de la simple dépénalisation, il n’y aurait donc pas forcément d’économie importante.

La légalisation permetrait, observe Emmanuelle Auriol, de l’Ecole d'économie de Toulouse, "d'utiliser les recettes fiscales générées par la légalisation pour intensifier la répression contre les réseaux mafieux." C’est ainsi, que les Pays-Bas, qui tolèrent la consommation de cannabis dans le Coffee Shop (consommation plus ou moins directement taxée, ce qui contribue à maintenir un prix élevé du cannabis qui y est vendu), ont aussi le plus gros budget de répression d'Europe (0,66 % de son produit intérieur brut contre 0,08 % pour la France en 2000). En taxant la consommation, on peut, donc, à la fois réduire la consommation et financer la répression : "Pour les jeunes Néerlandais, les bénéfices sont doubles. Ils fument moins de cannabis que les Espagnols, les Anglais ou les Français, et ils ne courent pas le risque de croupir en prison pour leur consommation." La conséquence paradoxale de la légalisation serait donc de faire payer, pour partie au moins, la prévention, le soin et la répression des réseaux maffieux aux consommateurs.

Sources :
06.06.12. Libération. Cannabis : «En légalisant, 832 millions seraient reversés dans l’économie légale» (Interview de Christian ben Lakhdar, maître de conférence en économie à l’université
16.07.12. Le Monde. Quel est le juste prix du cannabis ? (par Emmanuelle Auriol, Ecole d'économie de Toulouse)
15.10.12. Terraéco. Drogues : « La dépénalisation ne fait pas exploser la consommation » (A. Rigaud, psychiatre, président de l'ANPAA)
16.10.12. Nouvel Obs. Dépénaliser le cannabis ? Cela rapporterait 300 à 500 millions d'euros par an à l'Etat (Christian Ben Lakhdar, économiste)