A LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS TRAITES PAR LA METHADONE OU LA BUPRENORPHINE Anne MIALON, Claudette BERNY, Laboratoire de Biochimie et Toxicologie, Pierre Bénite (69) |
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Le Flyer N° 23, Février 2006 |
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Introduction | ||||||||||||||||||||
Depuis Décembre 1994, date de création d’un ‘Centre Méthadone’ au sein du Centre Hospitalier Lyon-Sud, nous avons pris en charge les bilans urinaires de suivi des patients de cette structure. Puis, nous avons élargi notre recrutement en réalisant des analyses de deuxième intention, pour une confirmation de résultats, pour des patients pris en charge par des centres situés dans d’autres départements de la région Rhône-Alpes.
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A ce jour, nous avons un recul lié à la réalisation de 6 000 analyses. Nous limiterons cet article à la mise en évidence des opiacés et des médicaments de substitution, méthadone et buprénorphine, à l’origine des difficultés d’interprétation les plus fréquentes. Une interprétation correcte passant par une bonne connaissance du métabolisme de ces produits et des techniques utilisées par le laboratoire, ces deux volets seront abordés. |
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1. Métabolisme des opiacés et des médicaments de substitutions | ||||||||||||||||||||
1.1. Métabolisme des opiacés
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Après administration digestive, nasale ou intra veineuse, la métabolisation des opiacés se fait au niveau du foie. La voie urinaire est la principale voie d’élimination et, hormis l’héroïne, les molécules citées ci-dessous sont toutes susceptibles d’être présentes dans les urines. On retrouve aussi les opiacés dans la sueur et la salive.
Durée de détection des opiacés dans le sang et les urines : |
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1.2. Métabolisme de la méthadone | ||||||||||||||||||||
Après une absorption digestive la méthadone est métabolisée dans le foie par les enzymes de la famille des cytochromes P450. La variabilité individuelle des effets de la méthadone a pour origine, entre autres, la variabilité génétique des cytochromes avec, comme conséquence, des durées d’action extrêmement variables, pouvant aller de quelques heures à quelques jours. Aux valeurs extrêmes de ces durées d’action , il y a ce que l’on appelle les métaboliseurs lents et rapides.
Aux valeurs extrêmes de ces durées d’action , il y a ce que l’on appelle les métaboliseurs lents et rapides. Au niveau hépatique la méthadone subit une N-déméthylation et une cyclisation. Le métabolite cyclisé formé est le 2-Ethylidène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine (EDDP), il est inactif. La voie urinaire est la principale voie d’élimination de la méthadone et de son métabolite. La méthadone est excrétée par filtration glomérulaire puis est réabsorbée par le tubule. |
Si le pH urinaire augmente la réabsorption de la méthadone augmente, son élimination urinaire est moindre. Après administration d’une dose unique de méthadone, 20% sont excrétés dans les urines sous forme inchangée et 13% sous forme EDDP.
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1.3. Métabolisme de la buprénorphine | ||||||||||||||||||||
Comme pour la méthadone, ce sont les cytochromes P450 hépatiques qui interviennent dans la métabolisation de la buprénorphine et les mêmes remarques concernant la variabilité individuelle et les interférences médicamenteuses peuvent être formulées.
Au niveau hépatique, la buprénorphine subit une désalkylation et une conjugaison. Les trois métabolites formés, buprénorphine conjuguée, norbuprénorphine, et norbuprénorphine conjuguée sont inactifs. |
L’élimination de la buprénorphine se fait majoritairement (70%) par la bile et les fécès.
Dans les urines on retrouve 25% de la dose absorbée, la norbuprénorphine conjuguée est le métabolite prédominant. |
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2. Intérêt et limite des milieux biologiques utilisables | ||||||||||||||||||||
Le milieu biologique de routine pour le suivi des patients dépendants des opiacés traités par un produit de substitution reste l’urine.
Pour cela, deux raisons majeures : - Après une prise unique de produit illicite, l’élimination urinaire s’étend sur deux à trois jours augmentant ainsi les chances de dépistage. - Les concentrations urinaires en produits illicites ou en produits de substitution sont fortes et facilitent l’analyse technique. Chez nos patients, c’est le milieu de choix pour mettre en évidence une éventuelle consommation d’opiacés et pour s’assurer de l’élimination conjointe de la méthadone et de son métabolite (ou de la buprénorphine). Cependant l’urine est un milieu facile à frauder. Malgré des conditions de recueil strictes (absence de lavabo dans les toilettes, eau de la cuvette des WC colorée en bleu, recueil des urines dans un verre transparent) nous avons personnellement rencontré les problèmes suivants : - Forte dilution des urines par boisson abondante dans l’heure qui précède la venue au centre - Echange d’urines avec un autre patient du centre - Utilisation d’une urine conservée pendant une période d’abstinence. |
Le sang et la salive sont deux milieux biologiques qui présentent l’avantage de refléter l’imprégnation du patient au moment du prélèvement, et de ne pouvoir être fraudés par le patient. Pour faire la preuve qu’un délit ou crime a été commis sous l’emprise d’un produit illicite, la mesure de la concentration sanguine est nécessaire.
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3. Techniques d'analyse | ||||||||||||||||||||
3.1. DANS LES URINES
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Créatinine : La créatinine urinaire est mesurée par la méthode de Jaffé. La concentration attendue en créatinine sur les urines d’une miction est variable mais reste comprise entre 8 et 35 mmo/l. Lorsque la concentration en créatinine est inférieure à 5 mmo/l, on peut affirmer que le patient a bu une grosse quantité d’eau dans l’heure qui a précédé le prélèvement ce qui entraîne une dilution physiologique de ses urines. Une telle dilution abaisse les concentrations de tous les constituants de l’urine et en particulier celle des opiacés : on risque alors des « faux négatifs ».
Couleur et odeur : Couleur et odeur de l’urine doivent être physiologiques Recherche de produits chimiques adultérants : L’ajout de produits oxydants (javel, nitrites …) va perturber les méthodes du laboratoire. Il existe des bandelettes pour dépister ces additifs indésirables : Bandelette Adultacheck Société Dade Behring. |
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3.1.C. Les techniques immunologiques | ||||||||||||||||||||
Le dépistage immunologique des opiacés est rapide et facile à réaliser.
Cet anticorps réagit et dépiste toutes les molécules possédant ce noyau morphinane soit : |
Mais cet anticorps ne réagit pas avec les molécules possédant un noyau morphinane modifié, celui des antalgiques morphinomimétiques d’usage volontiers détourné par les toxicomanes. La recherche est toujours négative avec ce type de réactif pour ces molécules : En conséquence l’interprétation de la recherche immunologique des opiacés reste délicate : |
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Le dépistage immunologique des produits de substitution | ||||||||||||||||||||
Le point clef est toujours le réactif anticorps et la spécificité de l’anticorps.
L’autre point important est le milieu dans lequel peut se dérouler la réaction immunologique, soit le milieu est entièrement liquide (méthodologie EMIT, CEDIA ou FPIA), soit la réaction immunologique se fait sur un support solide avec des étapes de lavages intermédiaires (méthodologie ELISA). Dans le premier cas (milieu liquide) la technique est rapide automatisable et bien adaptée à la réalisation de petites séries fréquentes, dans le deuxième cas la technique est longue (minimum deux heures) et convient pour les grandes séries d’analyse. Pour la méthadone : |
S’il faut choisir entre recherche de méthadone ou d’EDDP il faut privilégier l’EDDP car :
- Certains sujets fournissent une urine vierge additionnée de solution de méthadone : l’absence de métabolite révèle immédiatement cette fraude. - Dans les cas où les urines émises sont alcalines, la méthadone est réabsorbée en plus grande quantité et peut être parfois absente de l’urine, l’EDDP est toujours présent. Pour la buprénorphine : |
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3.1.D. Les techniques chromatographiques séparatives | ||||||||||||||||||||
La séparation des molécules présentes dans les urines est réalisée grâce à la différence de vitesse de déplacement à l’intérieur d’une colonne chromatographique remplie par une phase stationnaire parcourue par un gaz ou un liquide vecteur.
Le résultat final est un chromatogramme, présentant autant de pics que de molécules - opiacés et autres - présentes dans les urines ; chaque pic ou molécule est ensuite identifié à l’aide de son temps de rétention (lié à sa vitesse dans la colonne) et son spectre dans l’ultra-violet ou son spectre de masse. La méthode séparative chromatographique est de réalisation longue et délicate. Elle est coûteuse en temps technique. Le délai de rendu du résultat est de l’ordre de la demi-journée Cotée B 250 à la nomenclature des actes de Biologie médicale, elle est facturée 67,5 euros. L’interprétation des tracés exige une compétence acquise avec l’expérience. Plusieurs sociétés (Biorad, Waters, Agilent…) commercialisent des systèmes de chromatographie en phase gazeuse (GC) ou de chromatographie en phase liquide haute pression (HPLC), ces systèmes sont équipés de détecteur de masse (MS) ou ultra-violet (UV). |
Pour les opiacés, la valeur ajoutée par une méthode séparative est la suivante :
Présence de 6 MAM : Certitude de prise récente d’héroïne Présence de Morphine > Codéine : Présomption forte de prise d’héroïne datant de plus de 12 h ou de morphine ; mais n’exclut pas une prise ancienne de codéine Présence de Morphine < Codéine : Présomption de prise récente de codéine Présence de Morphine < Codéthyline : Prise de codéthyline Présence de Morphine < Pholcodine : Prise de pholcodine Présence d’alcaloïdes du pavot (thébaïne, noscapine, paravérine) : Prise d’opium Pour la méthadone, comme pour la buprénorphine, les méthodes séparatives qui permettent de visualiser produit parent et métabolite sont bien sûres idéales. 3.1.E. En conclusion, le choix conseillé serait : - sans équipement chromatographique : EDDP – Buprénorphine – opiacés (et si cette recherche est positive recherche de 6 mono-acétyl-morphine) |
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3.2. Dans le sang | ||||||||||||||||||||
3.2.A. VOLUME ECHANTILLON : 10 ml de sang prélevés sur tube sans anticoagulant sont nécessaires
Pour les opiacés, les méthodes immunologiques ne sont pas adaptées, en effet avec les kits du marché le seuil de positivité à 300 ng/ml de morphine place la barre du dépistage positif trop haut pour détecter les faibles concentrations opiacés sanguines. |
3.2.C.METHODES CHROMATOGRAPHIQUES SEPARATIVES
Le principe et les indications sont les mêmes pour les opiacés, la méthadone et la buprénorphine. Les méthodes employées seront les méthodes chromatographiques séparatives décrites pour l’urine avec une étape supplémentaire : l’étalonnage à l’aide de solutions de concentrations connues et certifiées en 6 mono-acétyl-morphine, morphine, codéine, méthadone et buprénorphine. Seuls, quelques laboratoires en France effectuent ces dosages dans le sang. Certains sont habilités à les effectuer sur réquisition de la justice. Le délai de rendu des résultats est de l’ordre de la semaine. Plus longues délicates et coûteuses que la recherche dans les urines, cette méthode est cotée B 400 à la nomenclature des actes de Biologie médicale soit 108 euros. 3.2.D. EN CONCLUSION Pour la méthadone et la buprénorphine, les méthodes immunologiques ont des performances suffisantes pour nos patients. |
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3.3. Dans la salive | ||||||||||||||||||||
3.3.A. VOLUME ECHANTILLON 3.3.B. METHODES IMMUNOLOGIQUES |
La sensibilité des trousses est correcte pour ces substances.
3.3.C. METHODES SEPARATIVES |
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4. Quand serait-il nécessaire de recherche, doser méthadone ou buprénorphine ? | ||||||||||||||||||||
La recherche dans les urines est largement passée en pratique courante ; d’abord au moment de la prise en charge d’un nouveau patient pour s’assurer qu’aucun traitement substitutif n’est pris à l’insu du praticien, puis chez un patient traité pour s’assurer de la bonne observance du traitement de substitution.
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- Pour repérer des métaboliseurs lents et expliquer des signes de surdosage inattendus, ou plus généralement des effets secondaires liés à une accumulation de méthadone (hypersudation, hypersomnie…). Le prélèvement doit être fait juste avant la prise de méthadone ou de buprénorphine. Compte tenu de la variabilité individuelle pour ces traitements, on peut conseiller de faire un prélèvement sanguin « témoin », correspondant pour le patient à une période de stabilité, ce qui permettrait d’avoir un point de repère lorsque les dosages sanguins deviennent nécessaires. |
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5. Aide apportée par les dosages sanguins de méthadone |
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Inférieur à 200 ng/ml : Inefficacité thérapeutique, Signes de manque probables
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500 à 700 ng/ml : Signes de manque improbables, Surveillance clinique, Risque d’overdose
Supérieur à 700 ng/ml : Signes de manque improbables, Rechercher les raisons d’une posologie/méthadonémie élévée, Surveillance clinique, Risque d’overdose Nous avons récemment revu à la hausse notre fourchette de méthadonémie. Désormais l’objectif à atteindre se situe entre 400 et 600 ng/ml. |
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6. Aide apportée par les dosages sanguins de buprénorphine | ||||||||||||||||||||
Il y a peu de corrélation entre les concentrations sanguines de buprénorphine et l’efficacité clinique. Ceci s’explique par le volume de distribution important de la buprénorphine et sa liaison prolongée aux récepteurs opiacés.
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A l’équilibre, les concentrations sanguines obtenues chez les patients traités par la buprénorphine haut dosage sont comprises entre 1 et 10 ng/ml. Le dosage sanguin est indiqué en cas d’inefficacité inexpliquée ou d’intoxication suspectée.
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Conclusion | ||||||||||||||||||||
La contribution du laboratoire à la prise en charge des patients traités par méthadone ou buprénorphine nécessite une étroite collaboration clinico-biologique pour adapter l’étude analytique des échantillons biologiques aux problèmes posés par le patient.
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En règle générale, le laboratoire utilise des méthodes immunologiques et/ou séparatives dont il faut bien connaître les limites pour une bonne exploitation des résultats.
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