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Tabac

Tabac - Actualité 2010

TABAC - ACTUALITÉ 2010

L’actualité vue par la cyberpress
par Emmanuel Meunier
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Hausse de la consommation en 2010 : tabagisme féminin et chômage

Après plusieurs années de baisse de la consommation, 2009 et 2010 marquent une légère inversion de tendance. Le Baromètre Santé-INPES 2010 constate une augmentation de la consommation de 1,8% sur les 5 dernières années et l’OFDT (Tabagisme et arrêt du tabac en 2009) recense 64.664 tonnes de tabac vendues en France métropolitaine en 2009, soit une hausse de 2 % par rapport à 2008. La part de fumeurs quotidiens a augmenté de 2 points entre 2005 et 2010, passant de 26,9 % à 28,7 % chez les 15-75 ans. Cette augmentation semble imputable à la progression du tabagisme féminin et à la précarité, celle-ci vulnérabilisant les individus face à cette conduite addictive.

Le Baromètre Santé-INPES 2010 identifie le chômage comme un facteur de risque et de prévalence élevée : les chômeurs présentent la hausse la plus forte entre 2005 (43,5 % de fumeurs quotidiens) et 2010 (49,6 %) en comparaison des actifs en légère hausse (33,2% en 2010 vs 30,8 % en 2005). L’augmentation de la prévalence du tabagisme quotidien se révèle assez forte parmi les femmes (de 23,0 % à 25,7 % ; p<0,001) alors qu’elle reste plutôt stable parmi les hommes. Ainsi, la hausse est particulièrement forte pour celles âgées de 45 à 64 ans, avec une augmentation de l’ordre de 7%. 
Source :
OFDT. « Tabagisme et arrêt du tabac en 2009 »
INPES « Premiers résultats du baromètre santé 2010- Evolutions récentes du tabagisme en France »

Tabagisme Féminin

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a choisi de consacrer la Journée mondiale sans tabac du 31 mai 2010, au tabac et à l’appartenance sexuelle en mettant l’accent sur le marketing auprès des femmes.

Une étude à partir de deux enquêtes de l’OMS (Monica : 1985-1997 et Mona Lisa : 2005-2007) a été publiée dans l’édition de décembre de la revue scientifique European Journal of Cardiovascular Prevention and Rehabilitation. S’agissant des données pour la France, le tabagisme masculin a chuté de 16,5% entre 1985 et 2007, lorsque le tabagisme féminin accusait une hausse de 1,1%, si bien que l’écart de consommation entre hommes et femmes tend à se réduire. En 2007, 24,3% des hommes âgés de 35 à 64 ans fumaient, contre 20 % des femmes du même âge. Et si l’âge de la première cigarette restait stable chez les hommes (17,5 ans), il était en baisse chez les femmes (18,8 ans contre 21,4 ans en 1985). Les conséquences sanitaires s’observent au plan des maladies cardiovasculaires : le risque de décès prématuré lié à une pathologie cardiovasculaire a augmenté de 5 % chez les femmes, alors qu’il a diminué de 10 à 15 % chez les hommes.

L’Institut de veille sanitaire (InVS) fait le point, à partir d’une étude réalisée par l’Institut en cancérologie Gustave Roussy (IGR), sur l’épidémie de cancer du poumon due au tabagisme qui fait ressortir des effets dramatique pour les femmes, dont la mortalité par cancer du poumon s’accroît de près de 7% par an, depuis 1997. Si la mortalité par cancer a atteint un maximum en 1993 chez les hommes mais elle baisse depuis que la consommation masculine diminue. La mortalité augmente chez les femmes depuis 1980 et s’accélère au cours des dernières années. La hausse de la mortalité observée chez les femmes de 45 à 64 ans depuis 1997 s’élève à 6,9% et s’explique par l’augmentation de leur consommation de tabac ces 50 dernières années. En somme, la mortalité par cancer du poumon, chez les femmes, a été multipliée par 4 en 15 ans. La classe d’âge des 35 à 44 ans montre des variations spectaculaires: la mortalité chez les hommes a été divisée par deux en 10 ans et la mortalité chez les femmes a été multipliée par quatre en 15 ans.

Sources :
InVS, BEH, Numéro thématique – Journée mondiale sans tabac, 31 mai 2010, 25 mai 2010 / n° 19-20
09.12.10. Carevox. La consommation de tabac augmente chez les femmes

Tabac et Addiction

Jean-Pol Tassin, directeur de recherche, chercheur en physiopathologie des maladies du système nerveux central (Unité Inserm-UPC 952.) apporte une nouvelle compréhension de l’addiction au tabac. Le plaisir éprouvé lors de la consommation d’une drogue joue un rôle important dans le développement des conduites addictives. Le plaisir que procurent les substances psychoactives vient de ce qu'elles ont pour effet de libérer dans le cerveau une molécule, appelée dopamine, qui active un circuit cérébral, dit « de récompense », qui produit une sensation de satisfaction, sinon de plaisir. Mais le tabac est l’une des substances la plus addictive, alors même qu’elle se situe très bas dans l'échelle des plaisirs. D’où la recherche d’autres paramètres entrant en jeu dans l’addiction au tabac. « Deux autres ensembles de cellules nerveuses interviennent aussi dans l'addiction, écrit J-P Tassin. Ces neurones synthétisent et libèrent de la noradrénaline ou de la sérotonine. Ces neuromédiateurs contribuent pour le premier à réguler l'attention, les émotions, le sommeil et l'apprentissage et pour le second à diverses fonctions comme la régulation de la température, du sommeil, de l'humeur, de l'appétit et de la douleur. Le premier ensemble intervient dans la mise en valeur des événements extérieurs, l'autre est chargé de réguler les impulsions. »

En principe ces deux circuits se régulent mutuellement, mais la prise régulière de substances psychoactive, a pour effet de les découplé. « Le désir, en lien avec le premier ensemble, n'est plus canalisé par le second ensemble qui contrôle les impulsions. Ce déséquilibre semble responsable des processus d'addiction, les personnes dépendantes ne pouvant plus refréner leur attirance vers le produit ; elles ressentent les stimuli environnementaux de façon plus intense (y compris le désir du produit) et perdent la possibilité de contrôler leurs impulsions. » Le tabac pose une nouvelle énigme, car la nicotine, par elle-même, n’induit aucun découplage entre les deux circuits. C’est parmi les 3 000 autres composés contenus dans le tabac et sa fumée qu’il faut rechercher les substances qui « découplent » les deux systèmes, en particulier « des produits qui bloquent la dégradation de certains neurotransmetteurs cérébraux appelés inhibiteurs de monoamines oxydases (IMAO). » Ces données expliqueraient la faible efficacité des substituts nicotiniques comme les chewing-gums et les patchs.
Source :
03.05.10. Le Figaro. Pourquoi est-il si difficile de s'arrêter de fumer ?

Tabac, cancer et génétique

Des épidémiologistes américains du Centre Anderson contre le cancer, au Texas, viennent de publier une étude dans la revue Cancer Research, sur un gène de susceptible de favoriser le cancer du poumon même en cas de tabagisme limité. L’étude évalue les effets du tabagisme sur le risque de cancer en fonction de la présence ou non d’une spécificité génétique sur le chromosome 6.

Dans les familles sans ce facteur de risque génétique, le risque de développer une tumeur du poumon s'est avéré lié à un tabagisme important. Mais dans celles où se transmet ce gène prédisposant, même un tabagisme faible induit un risque élevé de cancer du poumon.
Source :
15.03.10. Le Figaro. Cancer du poumon : un gène prédisposant

Tabagisme Passif

Une étude de l’Institut Karolinska de Stockholm, en Suède, et à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), publiée par le Lancet, affirme que le tabagisme passif provoque la mort de 600.000 personnes par an, dont 165.000 enfants. Cette étude a été conduite sur 192 pays, avec des données de 2004. Selon les estimations de l'étude, l’exposition à la fumée du tabac a causé 379.000 décès dus à des maladies coronariennes, 165.000 dus à des infections des voies respiratoires basses, 36.900 dus à l'asthme et 21 400 dus à un cancer du poumon. Soit un total de 602.300 décès causés en 2004 par le tabagisme passif.

Dans les pays pauvres, les enfants sont les principales victimes du tabagisme passif, dans la mesure où celui-ci les vulnérabilises face à d’autres risques mortels : « Les maladies infectieuses et le tabac semblent former une combinaison mortelle pour les enfants de ces régions. » Dans les pays d'Europe à hauts revenus, au contraire, 71 décès d'enfants sont attribués au tabagisme passif en 2004, contre 35.388 décès d'adultes.
Source :
26.11.10. Libération. Le tabagisme passif : 600.000 morts par an

Tabac et Alzheimer

Selon une étude épidémiologique finlandaise (l'hôpital universitaire de Kuopio), publiée par le Journal of the American Medical Association, une consommation importante de tabac entre 50 et 60 ans pourrait doubler le risque de développer la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence vingt ans après. Cette étude a portée sur 21.123 personnes, âgées en moyenne de 71,8 ans et ayant participées à une enquête de 1978 à 1985 (ils avaient alors entre 50 et 60 ans), portant notamment sur leur consommation de tabac. Au total, 5.367 participants (25,4%) à cette enquête ont été diagnostiqués comme souffrant de démence durant une période de suivi moyenne de 23 ans, dont 1.136 d'Alzheimer et 416 de démence vasculaire.
L’étude corrèle le fait que ceux qui ont fumé plus de deux paquets de cigarettes par jour dans la cinquantaine souffraient deux fois plus souvent de démence et d'Alzheimer en particulier comparativement aux non-fumeurs.

D'anciens fumeurs dans la cinquantaine ou ceux fumant moins de la moitié d'un paquet de cigarettes, n'ont pas paru avoir plus de risque de démence ou d'Alzheimer. Les auteurs reconnaissent que « le lien entre le fait de fumer et le risque de la maladie d'Alzheimer est l'objet de controverse, certaines recherches laissant penser que la cigarette minimiserait le risque de déclin cognitif » Mais cette première enquête permet de poser l’hypothèse d’un « lien entre le risque élevé à long-terme de démence dont Alzheimer chez les personnes fumant beaucoup entre 50 et 60 ans. »

Source :
26.10.10. TF1. Fumer beaucoup entre 50 et 60 ans doublerait le risque d'Alzheimer

Baisse de l’accès aux traitements pour l’arrêt du tabac en France

Sur l’ensemble de l’année 2009, les ventes en officines de ville de traitements pour l’arrêt du tabac enregistrent une très légère augmentation par rapport à 2008 : 1 930 655 « patients traités » contre 1 903 295 en 2008, soit 1,4 % de plus. Le recours aux traitements pharmacologiques (Zyban et Champix) diminuent alors que les substituts nicotiniques progressent. Un système de prise en charge partielle (à hauteur de 50 € par an) des substituts nicotiniques a été mis en place par l’Assurance Maladie en février 2007. En 2008, 488 441 forfaits avaient été versés, représentant plus de 24 millions d’euros.

Par contre l’étude de l’INPES fait apparaître, pour 2010, une baisse de volume des traitements pour l'arrêt du tabac: Si les substituts nicotiniques sous forme orale  (57,3 % de part de marché), n’accusent qu’une légère baisse en volume (-2,4%) ,  en revanche, les timbres transdermiques (patchs) sont en chute libre (-46,1%) et le Champix® connaît de son côté la désaffection, avec une baisse de 29% de ses ventes et  le Zyban® (bupropion), en baisse continue depuis 2007, continue son déclin, avec une diminution de 9,4%.
Sources :
OFDT. « Tabagisme et arrêt du tabac en 2009 »
INPES « Premiers résultats du baromètre santé 2010- Evolutions récentes du tabagisme en France »

Augmentation et prix du tabac

Une augmentation de 6% du prix du tabac a eu lieu en novembre 2010. Le Comité national contre le Tabagisme estimait récemment qu'une hausse de six pour cent resterait « insuffisante pur modifier le comportement » des fumeurs et qu’il faudrait augmenter le prix du tabac d'au moins 10% pour avoir un effet en terme de santé publique. Cette augmentation de 6% a été faites à la demande des fabricants de tabac, sur la base d’un montant qui améliore leurs marges sans trop affecter le niveau de consommation.
Selon Altadis distribution, le marché des cigarettes a représenté 13,98 milliards d'euros en 2009, 54,9 milliards d'unités (+2,6%) ou encore 2,745 milliards de paquets. Le tabac à rouler représentait 1,22 milliard d'euros, soit 7.770 tonnes de tabac.

Enfin le segment des cigares représente 497 millions d'euros pour 1,58 milliard d'unités vendues. Au total, le marché du tabac représente 15,69 milliards d'euros.

Le prix du paquet de cigarettes le plus vendu se répartit comme suit : 80,39%, pour l'Etat, soit 4,74 euros par paquet à partir du 8 novembre, dont 0,97 de TVA par paquet. 8,19% du prix va au buraliste, soit désormais 48 centimes. Une fois déduit le droit de licence et la cotisation retraite, il lui reste 6,375%, soit près 38 centimes par paquet. Cette part doit passer à 6,5% au 1er janvier 2011. 11,42% reviennent aux fabricants et au distributeur Altadis (filiale d'Imperial Tobacco), soit 67 centimes. Sur les 30 centimes d'augmentation moyenne des paquets lundi, 24 iront à l'Etat, 2,5 au buraliste et 3,5 aux fabricants, à l'origine de la demande de hausse de prix.

Philipp Morris dans le tiers monde : surexploitation et méthode d’intimidation

Philip Morris a assigné en justice l’Uruguay en raison de sa législation anti-tabac. Le 1er mars 2006, l'Uruguay est devenu le premier pays latino-américain et le cinquième au monde à interdire le tabac dans les lieux publics, sous l'impulsion du président de l'époque Tabaré Vazquez, cancérologue de profession. Le gouvernement avait aussi proscrit la publicité sur les cigarettes, augmenté les taxes sur le tabac, interdit aux cigarettiers de vendre plusieurs produits de la même marque et imposé l'impression de messages antitabac couvrant 80% de la taille des paquets de cigarettes.
Philip Morris international, installé en Suisse, estime que ces deux dernières mesures enfreignent le traité de promotion et de protection des investissements conclus entre les deux pays. Il a porté plainte contre l'Uruguay le 26 mars devant la cour d'arbitrage de la Banque mondiale. Le PIB de l’Uruguay est moitié moins élevé que le chiffre d'affaires annuel de Philip Morris (31,5 contre 62 milliards de dollars). La proportion de fumeurs dans la population uruguayenne est passée de 32% en 2006 à 25% en 2009. L’Uruguay a reçu le soutien de plusieurs organisations internationales, d’ONG et de fondations.

L'association Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport en juillet dénonçant l’utilisation d’enfants dans des fermes du Kazakhstan qui travaillent pour Philip Morris. Au cours de leur enquête, les membres de l'association ont pu recenser 72 enfants âgés entre 10 et 17 ans dans les champs de tabac. Entièrement dépendants de leur employeur qui les nourrit et les loge, beaucoup de travailleurs vivent donc en situation de servitude et sont souvent obligées de faire travailler leurs enfants. HRW dénonce aussi les conditions sanitaires imposées aux travailleurs, car les ouvriers agricoles récoltent à mains nues, ce qui favorise l’absorption de nicotine par voie transdermique. Les enfants sont particulièrement sensibles à cette intoxication qui provoque étourdissements, vomissements, maux de crâne et faiblesse musculaire. L'humidité des feuilles favorise l'absorption du poison végétal, si bien qu’après une ondée, un travailleur est exposé en quelques heures à l'équivalent nicotinique du contenu de 36 cigarettes, précise ainsi HRW.
Sources :
16.07.10. Le Figaro. Des enfants produisent du tabac pour Philip Morris
18.11.10. AFP. Tabac: plus de 170 pays soutiennent l'Uruguay en conflit avec Philip Morris