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Cocaïne et crack

Cocaïne - Actualité 2013 - 1er Semestre

COCAÏNE - ACTUALITÉ 2013 - 1er SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier

Histoire du Coca-Cola et histoire du Crack

Le site Internet américain The Atlantic relate l’histoire du Coca-cola et rapporte les circonstances qui conduisirent le docteur John Stith Pemberton, morphinomane depuis la guerre de sécession, à retirer la coca de la formule du Coca-Cola. Après avoir créé le "Pemberton's French Wine Coca" sur le modèle du vin Mariani, il remplace en 1886 l’alcool qu’il contenait par un sirop sucré pour se mettre en conformité avec la législation de l’Etat de Géorgie qui vient de voter la prohibition de l’alcool. En 1899, le docteur John Stith Pemberton, décide de démocratiser son produit en en abaissant le prix. Le coca-cola gagne les milieux populaires et devient la boisson de prédilection des noirs. En 1903, il subit des campagnes de presse qui dénoncent sa boisson qui exciterait les noirs et menacerait l’ordre social. Pour parer à ces attaques, il retire la coca de la formule.

Swaps revient sur l’histoire du crack. Le crack trouve son origine à la Jamaïque, où, au sein de tendances du mouvement rastafari, émerge dans les années 1970 cette cocaïne fumée. Il s’agit alors d’un produit très artisanal, de mauvaises qualités. Les gangs jamaïquains ("posses") déjà actif dans le trafic de marijuana vers les Etats-Unis vont diffuser modestement ce produit aux Etats-Unis dès 1976. C’est l’alliance des posses et des cartels de Colombie à la recherche de nouveaux débouchés qui va, d’une part modifié le processus de fabrication du produit et permettre son ample diffusion au sein des minorités ethniques des grandes villes américaines, afro-américaines et latinos, avec, en leur sein, une forte proportion de caribéens. Le crack fait son apparition à Los Angeles, San Diego, Houston et Miami en 1981, à New York en 1983 puis se répand largement à l’ensemble du territoire à partir de 1985 (en 1985, l’approvisionnement en cocaïne des Etats-Unis passe essentiellement par les îles anglophones des Caraïbes). Les gangs se livrent une guerre sans merci et la puissance addictive du crack induit une explosion de l’insécurité. Les autorités, relayées par les médias qui créent un état de panique générale, s’empare de ce phénomène de société, le "Crack Summer" de 1986 dépeint au public américain l’insécurité, l’état de déréliction des usagers, les crack-babies qui naissent avec des lésions majeures et l’Etat durcis sa législation.

 

En France, le crack apparaît tout d’abord aux Antilles. Après l’introduction de la cocaïne en 1982, puis à de la free-base produite avec de l’éther en 1983-1984, l’usage du crack se développe à partir de 1984-1985. Sur le territoire métropolitain, la première affaire de crack référencée par l’OCRTIS date de 1986. Mais, après une consommation sporadique, c’est en 1989 que le phénomène se précise. Bien que très marginal (quelques centaines de consommateur), le nombre de consommateurs reçu dans les centres spécialisés pour usage de Crack double entre 1991 et 1992. Le crack se diffuse parmi les usagers les plus précarisés, souvent déjà consommateurs d’héroïne, mais pas toujours : pour les prostituées, le recours aux opiacés ou tranquillisants permet de maîtriser l’état de surexcitation ou de manque induit par le crack pour aller travailler, sans être pour autant d’anciennes consommatrices d’héroïne ; pour d’autres, il s’agit simplement de "gérer la descente" après une nuit entière passée à fumer le crack. Des foyers de trafic apparaissent à Paris, d’abord entre Strasbourg-Saint-Denis et Nation, puis place Stalingrad. L’opposition de mouvements de riverains en 1994 et l’action de la police, obligeront les crackers à se replier vers le secteur de La Chapelle... pour revenir quelques années plus tard. Le crack ne s’est réellement étendu qu’en banlieue nord en particulier sur la ville de Saint-Denis [Voir "Trafic : une scène de Crack à Saint-Denis" in Cocaine - Actualité 2010].

Les associations de réduction des risques vont prendre en charge ces usagers et développer des outils spécifiques de prévention, l’existence de lésions mains-bouche liées à l’utilisation de pipes à crack en verre et à la manipulation de fils électriques pour fabriquer des filtres, constituant des vecteurs de transmission du VHC (décret n° 2005-347 du 14 avril 2005).

Sources :
15.04.13. Atlantico. L'incroyable histoire du retrait de la cocaïne du coca
25.06.13. Vih.org. Pipes à crack : historique et mise en place des nouveaux outils (RdR)
26.06.13. Vih.org. L’arrivée du crack en France, entre fantasmes et réalités

Dépendance à la cocaïne et cerveau et génétique
La recherche sur le phénomène de la dépendance, en particulier à la cocaïne, s’intéresse aux zones orbito-frontale et hippocampique du cerveau qui sont impliquées dans le contrôle de soi et la capacité de décision. Il a été observé une grande variabilité des personnes face à la dépendance à la cocaïne, certaines étant très vite dépendante, d’autre ne l’étant pas même après un usage récréatif sur plusieurs années. La revue Biological Psychiatry publie les travaux de chercheurs de l’Université de Cambridge, qui ont fait passer à des usagers réguliers de cocaïne, un scanner du cerveau et une série de tests de personnalité. Il apparaît que les usagers non dépendants présentent une augmentation anormale du volume de matière grise dans les zones orbito-frontale et hippocampique (augmentation qui pourrait être antérieure à l'usage de drogues), augmentation qui contribuerait à donner à ces usagers une meilleure maîtrise de soi et la capacité de prendre les décisions critiques pour éviter la dépendance. Inversement, les lobes frontaux du cerveau s’avèrent réduits de façon significative chez les personnes dépendantes à la cocaïne, ce qui induirait une plus forte sensibilité, impulsivité et compulsivité.
Une expérience menée par le National Institute on Drug Abuse (USA), publiée par la revue Nature, a consisté à implanter dans les neurones du cortex pré-frontal de 100 rats des protéines sensibles à la lumière appelées rhodopsine. Celles-ci pouvaient être activées grâce à un laser. Au cours de l'expérience, les rongeurs rendus dépendant à la cocaïne, avaient accès à un levier qui, s'ils appuyaient dessus, leur délivrait une dose de cocaïne. Les chercheurs ont ainsi exposé les rats dépendants à des impulsions laser et ont observé ce qu'il se passait. Ils ont alors constaté que les rongeurs accros appuyaient de moins en moins sur le levier jusqu'à ne plus du tout l'utiliser lorsque les neurones étaient stimulés. L’expérience a fonctionné dans les deux sens : le fait d’inactivé les neurones du cortex pré-frontal a favorisé l'apparition d'une addiction à la cocaïne.
 

D’autres zones du cerveau sont impliqués dans la dépendance et notamment le noyau accumbens (circuit de récompense). Des chercheurs de l’Université du Michigan rapportent, dans une étude publiée par le Journal of Neuroscience, qu’ils ont stimulé, chez des rats, certaines cellules du noyau accumbens avec pour effet de stimuler la production de 2 protéines (FosB et CaMKII), protéines entretiennent une relation réciproque, en telle sorte qu’elles augmentent respectivement la production de l’autre protéine et régulent leur stabilité dans les cellules. Ils ont constatés qu’avec l’augmentation de la production de protéines, les animaux se comportent comme s'ils étaient exposés à la cocaïne, même quand ils ne sont pas. Inversement, l’inhibition de cette production, perturbe le processus induit par la cocaïne.

L’inégalité des réactions à la cocaïne pourrait aussi avoir des causes génétiques. Une étude de l’Université Ohio, publiée par Transl Psychiatry, suggère que des variations sur deux gènes  pourraient être responsables d’un sur-risque de décès par surdose. Les mutations sont principalement des polymorphismes nucléotidiques simples ou SNPS et concernent deux gènes, tous deux liés à la dopamine : le récepteur dopaminergique DRD2, cible des antipsychotiques et le transporteur de la dopamine DAT, principale cible de la cocaïne et des amphétamines.

Sources :
23.01.13. LeQuotidienduMédecin. Overdose de cocaïne : 2 gènes multiplient le risque de décès
25.02.13. Santé Log. Cocaïne : Le risque de dépendance se lit dans le cerveau
24.03.13. Sante Log. Cocaïne : Vers une thérapie génique contre l’addiction ?
05.04.13. Maxisciences. L'addiction à la cocaïne soignée par un traitement au laser ?

Amphétaminiques et traitement de l’addiction à la cocaïne

Les stimulants et plus particulièrement les amphétaminiques jouent un rôle croissant dans le traitement de l’addiction à la cocaïne [Voir "Cocaïne et thérapeutiques" in Cocaïne - Actualité 2012 - 2nd Semestre]. Une étude ANRS-Stimago, met en avant le méthylphénidate (MPH) qui permettrait d’obtenir une diminution de la consommation de cocaïne et du craving chez des personnes dépendantes à la cocaïne ou au crack. Des essais cliniques randomisés sont en préparation.

 
En France, le MPH (Ritaline®, Concerta®, Quasym®) est actuellement utilisé pour traiter les déficits de l’attention avec hyperactivité chez l’enfant de plus de 6 ans ainsi que les troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité chez l’adulte. Le Concerta®, médicament "à libération prolongée", permet une prise quotidienne unique (le matin) et présente moins de risque de détournement (effet immédiat moins puissant).

Source :
29.05.13. VIH.org. Produits de substitution pour la cocaïne ; mythe ou réalité ? (méthylphénidate)