SYNERGIE - Réseau Ville Hôpital

Cocaïne et crack

Comparaison de l'efficacité de deux approches différentes dans le traitement de la dépendance à la cocaïne auprès de patients traités par la méthadone

COMPARAISON DE L'EFFICACITE DE DEUX APPROCHES DIFFERENTES DANS LE TRAITEMENT DE LA DEPENDANCE A LA COCAÏNE AUPRES DE PATIENTS TRAITES PAR LA METHADONE
Dr Christine RIVIERRE, Marseille

Analyse bibliographique de "A comparison of contingency management and cognitive-behavioral approaches during methadone maintenance treatment for cocaine dependence" de R. A. Rawson and al., Arch GenPsychiatry. 2002;59.817-824e.

Le Flyer N°13, sept. 2003
 
Hypothèse : la méthadone accompagnée d'un traitement psychothérapeutique serait plus efficace que la méthadone seule

La dépendance à la cocaïne constitue un problème de santé publique important aux Etats Unis. Depuis une dizaine d'années, des méthodes de traitement axées sur la psychologie et le comportement se sont développées et se sont révélées efficaces. Parmi elles, la CM (Contingency Management) basée sur la notion de récompense reçue en échange d'une baisse de consommation de drogue, et la CBT (Cognitive Behavioral Therapy), basée sur des réunions thérapeutiques régulières en petit comité.

Dans cette étude, les auteurs ont comparé l'utilisation de ces deux méthodes, seules et en association, chez des individus cocaïnomanes traités par la méthadone.

 
L'hypothèse de départ était que ces trois formes de traitement (CM, CBT, CM + CBT) seraient plus efficaces que la méthadone seule ; que si la CM s'avérait plus efficace pendant la phase d'initiation de traitement, la CBT se révèlerait d'une efficacité similaire au long cours ; et qu'un effet synergique lors de l'association CM + CBT était prévisible.
120 patients en MMT (Methadone Maintenance Treatment) cocaïnomanes furent répartis en 4 groupes de manière aléatoire : CM, CBT, CM + CBT, et MMT seulement. L'étude s'est déroulée sur 16 semaines et a nécessité 3 visites par semaine au centre méthadone. Les patients étaient évalués pendant le traitement, puis dans les semaines 17, 26 et 52 après l'admission.
Premiers résultats
3 analyses urinaires étaient requises par semaine pour chaque groupe, et un report de la consommation hebdomadaire de cocaïne était demandée à chaque individu.
Démographie : 55 % étaient des hommes et l'âge moyen de 43,6 ans. Il y avait 39 % de blancs, 32 % d'afro-américains et 26 % d'hispaniques. Il n'y avait pas de différence statistiquement significative entre les différents groupes en ce qui concerne les caractéristiques démographiques et les troubles psychiatriques.
Assiduité : elle a été difficile à analyser compte tenu de la rémunération attribuée à chaque participant, quelque soit son groupe.
Participation aux réunions (pour les groupes CBT et CBT + CM) : les individus du groupe CBT + CM ont participé à plus de sessions que ceux du groupe CBT.
 

Consommation de cocaïne durant l'étude : pendant les 16 premières semaines de traitement, les analyses urinaires des participants des groupes CM et CM + CBT étaient plus souvent négatives que celles des 2 autres groupes (CBT seul et méthadone seule). La différence était statistiquement significative avec le groupe méthadone seule mais pas avec le groupe CBT.


Le pourcentage de participants ayant réussi une abstinence totale de cocaïne pendant 3 semaines consécutives était différent suivant les groupes. La différence était statistiquement significative entre les groupes CM et méthadone seul (63 % versus 27 %), ainsi qu'entre les groupes CBT + CM et méthadone seul (57 % versus 27 %).

Résultats sur la durée
Consommation de cocaïne à la semaine 17 : le CM avait le pourcentage le plus élevé d'analyses urinaires négatives (60 %), devant le groupe CM + CBT (47 %), puis le groupe CBT (40 %), et enfin le groupe méthadone seul (23 %). La seule différence significative était entre les groupes CM et méthadone seul.
A la semaine 17, la consommation de cocaïne (évaluée en nombre de jours de prise) était plus faible pour les patients des groupe CM, CBT, CM + CBT comparé au groupe méthadone seul.
Aux semaines 26 et 52, il y a eu une nette amélioration des patients du groupe CBT, avec une performance alors identique à celle du groupe CM (en ce qui concerne les analyses urinaires et la consommation de cocaïne) :
 

à la semaine 26, 53 % des patients du groupe CBT avaient des analyses urinaires négatives, contre 47 % pour le groupe CM, 37 % pour le groupe CM + CBT et 33 % pour le groupe méthadone seul. La différence n'était pas significative entre les groupes, mais elle s'est renforcée à la semaine 52 : 60 % pour le groupe CBT, contre 53 % pour CM, 40 % pour CM + CBT et 27 % pour méthadone seul, et elle est devenue significative entre les groupes CBT et méthadone seul.


Rapport global de consommation de cocaïne : les individus des groupes CM, CBT, CM + CBT ont déclaré avoir consommé moins de cocaïne à la fin de l'étude par rapport au mois précédent le début de l'étude.

Conclusions
Cette étude montre que les méthodes CM et CBT sont efficaces lors de la prise en charge de patients cocaïnomanes. Cependant, l'impact de ces deux méthodes est quelque peu différent selon que l'on se situe pendant la phase d'initiation du traitement, ou des semaines après. En effet, l'efficacité de CM semble être supérieure à l'autre méthode (en terme de pourcentage d'analyses urinaires négatives) en phase active de traitement; en revanche, la CBT se révèle être une méthode aux effets plus tardifs et la différence d'efficacité entre les deux méthodes s'annule sur le long terme (semaines 26 et 52).
L'efficacité de ces méthodes repose sur des mécanismes différents : lors de CM, la notion de récompense associée à un prélèvement urinaire négatif entraîne une réduction quasi-immédiate de la consommation de cocaïne.
 

Lors de la CBT, le développement et l'assimilation des compétences développées au cours des différentes sessions requiert plus de temps et l'effet bénéfique ne se fait sentir que plus tard.


En revanche, ces méthodes n'ont pas montré d'efficacité en ce qui concerne la consommation d'opiacés ou d'autres drogues illicites.


Pour finir, cette étude ne met en évidence aucun effet synergique de l'association de ces deux méthodes. Ceci ne s'explique pas réellement ; il est possible que le suivi simultané des deux méthodes ne soit pas utile, mais qu'en revanche associer ces deux méthodes selon un protocole différent puisse apporter une synergie réelle.