Francesco LERI, Yan ZHOU, Benjamin GODDARD, Erin CUMMINS and Mary Jeanne KREEK, New-York, USA |
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Le Flyer N°33, Septembre 2008 |
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Introduction | ||
Des études cliniques ont montré que la méthadone, un agoniste µ-opiacé utilisé comme médicament de substitution, diminue la consommation de cocaïne des héroïnomanes. Ce travail se propose, à partir d’études pré-cliniques réalisées chez le rat, de quantifier ce phénomène. Ainsi, les effets de traitements chroniques à la méthadone sont étudiés sur (i) la préférence de place à la cocaïne,
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(ii) la réponse locomotrice à la cocaïne et (iii) l’autoadministration de cocaïne. Des études biochimiques complètent ce travail en mesurant ces effets sur le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire et sur la synthèse d’ARN messager du récepteur µ-opiacé dans diverses structures cérébrales.
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Méthodologie | ||
Le traitement à la méthadone est obtenu en implantant des mini-pompes sous-cutanées (0,5 µl par heure pendant 14 jours).
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Les doses quotidiennes sont de 20 ou 55 mg/kg de méthadone.
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Préférence de place | ||
Le test de préférence de place consiste à injecter aux rats en intrapéritonéal soit du sérum physiologique soit de la cocaïne (1, 5 ou 20 mg/kg) et de mettre les animaux dans deux compartiments qui ont en commun une zone intermédiaire et neutre. Chaque animal reçoit six injections en trois jours, trois injections de cocaïne et trois de sérum physiologique. Après chaque injection l’animal est posé dans l’un des deux compartiments s’il a reçu de la cocaïne et dans l’autre s’il a reçu du sérum physiologique. Trois jours plus tard, chaque animal est posé dans la zone intermédiaire et le temps passé dans chaque compartiment est mesuré.
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Au bout de 20 minutes, si le temps passé dans le compartiment associé à la cocaïne est significativement plus élevé que dans l’autre, on considère qu’il y a une préférence de place pour la cocaïne. La figure 1 montre la place préférence à la cocaïne chez des animaux ayant reçu 0, 20 et 55 mg/kg de méthadone par jour. On voit qu’il n’y a de préférence de place à la cocaïne que pour 20 mg/kg de cocaïne et que cet effet est faible mais significatif (figure 1, gauche). En présence de méthadone (20 ou 55 mg/kg/jour), ce faible effet significatif disparaît (figure 1 milieu et droite).
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Activité locomotrice | ||
L’activité locomotrice est une des méthodes les plus simples pour mesurer l’effet des psychostimulants comme la cocaïne. Bien que longtemps considérée comme due à l’activation des systèmes dopaminergiques, il semble que cette activation locomotrice soit due à l’ensemble des activations des systèmes noradrénergique, sérotoninergique et dopaminergique.
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Les effets comportementaux sont ici spectaculaires (figure 2), surtout à 20 mg/kg de cocaïne. On voit aussi que, dans ce test, le traitement à la méthadone n’a aucun effet (figure 2, milieu et droite par rapport à figure 2 gauche).
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Perte de poids | ||
La figure 3 nous montre que les animaux qui ont été traités par la méthadone ont perdu du poids et qu’il faut environ une dizaine de jours après l’arrêt de la méthadone pour qu’ils
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retrouvent un poids identique à celui qu’ils avaient avant le traitement à la méthadone, quel que soit le traitement à la cocaïne qu’ils aient reçu.
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Axe hypothalamo-hypophysaire | ||
D’une façon générale, les animaux ayant été implantés avec une mini-pompe de méthadone ont des niveaux d’hormone adrénocorticotrope (ACTH) supérieurs à ceux des animaux contrôles, les traitements à la cocaïne n’intervenant que de façon moins importante. En revanche, aucune différence n’est observée en ce qui concerne les niveaux de corticostérone, ni les niveaux d’ARN messager
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de la pro-opiomélanocortine (POMC) de l’hypothalamus.
Enfin, ce même messager (POMC mRNA) est diminué dans l’hypophyse antérieure des animaux traités par la méthadone. Ces résultats indiquent un effet assez faible de la méthadone sur l’axe hypothalamohypophysaire dans les dix jours qui suivent son arrêt. |
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Le messager du récepteur à la morphine (MOR mRNA) | ||
Les animaux traités par la méthadone et la cocaïne n’ont pas de différence de leurs MOR mRNA dans le caudé-putamen, l’amygdale et l’hypothalamus. En revanche, le traitement par la méthadone augmente les taux de MOR mRNA dans le cortex frontal des animaux qu’ils soient ou non traités par la cocaïne. Enfin, la figure 4 nous montre que la cocaïne augmente les taux de MOR mRNA de façon
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dose-dépendante dans le core du noyau accumbens (une sous-structure de ce noyau) mais que cette augmentation est abolie partiellement par une dose de 20 mg/kg/jour de méthadone et complètement par une dose de 55 mg/kg/jour. Ces expériences étaient réalisées dix jours après que les pompes à méthadone aient été enlevées.
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Préférence de place à la cocaïne (20 mg/kg) après extinction et réactivation par une injection de cocaïne | ||
La figure 5a nous montre que les animaux sans méthadone présentent, comme nous l’avons vu précédemment, une préférence de place à la cocaïne et que cette préférence de place est plus importante après extinction et réactivation par une injection de cocaïne.
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En revanche, ces deux effets disparaissent chez des animaux ayant reçu 55 mg/kg/jour de méthadone (figure 5c) après le conditionnement à la cocaïne (contrairement à l’expérience de la figure 1 où la méthadone était donnée avant le conditionnement à la cocaïne). Ces deux résultats ne dépendent pas de la réponse locomotrice à la cocaïne (figures 5 b et d).
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Auto-administration de cocaïne | ||
L’auto-administration est, en principe, l’épreuve reine pour tester le pouvoir renforçant d’un produit. Les animaux apprennent à mettre leur museau dans un trou pour recevoir une petite dose du produit à analyser en intra-veineuse. Un trou « inactif » (ne donnant pas lieu à injection) est disposé dans la cage afin de
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vérifier que l’animal ne s’auto-administre pas le produit par hasard. La cocaïne est un des produits que les rats s’auto-administrent le plus facilement. Les résultats de la figure 6 indiquent que la méthadone, même à 55 mg/kg/jour, ne donne pas lieu à une modification de la fréquence des auto-administrations de cocaïne.
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Discussion | ||
Les résultats obtenus montrent :
1) Que l’infusion de méthadone peut faire disparaître une faible préférence de place à la cocaïne lorsqu’elle est donnée avant le conditionnement, mais aussi une plus forte lors d’une réactivation par une injection de cocaïne et que la méthadone est donnée après le conditionnement. 2) Que l’augmentation des taux d’ARN messager du récepteur à la morphine induite par la cocaïne dans le core du noyau accumbens est abolie par la méthadone. 3) Qu’en revanche, la méthadone ne modifie pas l’auto-administration de cocaïne. 4) Enfin, les effets de la méthadone ne semblent pas liés à des modifications spécifiques de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Les points 1 et 3 suggèrent que l’infusion de méthadone modifie la recherche de cocaïne mais ne modifie pas son pouvoir renforçant. |
C’est effectivement ce que disent les héroïnomanes traités par la méthadone qui indiquent que la cocaïne leur procure autant de plaisir qu’avant leur traitement par la méthadone mais qui consomment moins de cocaïne. Notons qu’il s’agit ici d’infusion de méthadone et que les injections aiguës de méthadone ont au contraire tendance à augmenter la préférence de place à la cocaïne chez le rat et induisent un plaisir accru par rapport à la cocaïne seule chez le singe. Il est évidemment tentant, comme le font les auteurs, de suggérer que les deux résultats positifs de cette étude sont en lien : la diminution de la préférence de place à la cocaïne par la méthadone serait due à un blocage des augmentations des taux d’ARN messager dans le core du noyau accumbens. Les auteurs reconnaissent néanmoins que cette hypothèse n’est absolument pas démontrée par les expériences qu’ils ont réalisées. |
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Bibliographie sur le sujet : | ||
- PELES et al., High methadone dose significantly reduces cocaine use in Methadone
Maintenance Treatment (MMT) Patients. Journal of Addictive Diseases. Vol. 25, 2006. - PETRY et al., Randomized trial of contingent prizes versus vouchers in cocaine-using |
methadone Patients.J Consult Clin Psychol. 2007 Dec;75(6):983-91.
- KAMAL et al., Factors affecting the outcome of methadone maintenance treatment in opiate dependence. Ir Med J. 2007 Mar;100(3):393-7. |