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L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier
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Epidémiologie | ||
L’OFDT retrouve en 2010 les constatations faites les années précédentes : la consommation quotidienne d’alcool, principalement de vin, tend à diminuer : elle est passée de 16 % en 2005 à 12 % en 2010, continue à concerner principalement les hommes (18 % contre 6 %) et plus souvent des personnes de 45 ans et au-delà. Par contre, la consommation ponctuelle et massive « binge drinking » tend à augmenter. Les épisodes d’ivresse au cours de l’année augmentent globalement (de 15 % en 2005 à 19 % en 2010), et ce dans toutes les classes d’âge et quel que soit le genre. |
Cependant, l’ampleur de la hausse a été plus importante chez les jeunes de 18 à 34 ans, et en particulier chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans, pour qui les niveaux ont le plus nettement augmenté : leur consommation ponctuelle de quantités importantes est passée de 30 à 42 % entre 2005 et 2010, et l’ivresse au cours de l’année de 20 à 34 %. Source : |
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Morbidités et pathologies organiques | ||
L'aide mémoire N°349 de l'OMS (Févier 2011) rappelle que l’usage nocif de l’alcool entraîne 2,5 millions de décès chaque année dans le monde. 320 000 jeunes gens âgés de 15 à 29 ans meurent de causes liées à l’alcool, qui représentent 9% de la mortalité totale dans ce groupe d’âge. L’alcool est le troisième facteur de risque de morbidité ; c’est le principal facteur de risque dans les régions du Pacifique occidental et des Amériques et le deuxième en Europe. L’alcool, en France serait responsable de 37.000 décès. Pour ce qui est des pathologies organiques liée à l’alcool (cancers de la bouche, de la gorge, de l'œsophage et du foie, hypertension artérielle…) la consommation quotidienne est le facteur déterminant. D’où un recentrage de certaines campagnes de prévention en direction des quadras, car seuls 3,4% des 15-39 ans boivent de l'alcool tous les jours, quand près de 15% des hommes de 40 à 75 ans sont dans ce cas de figure, contre 3% des femmes. « Des études en cours laissent penser que la plupart des patients qui meurent de leur consommation d'alcool ne sont pas encore dépendants », souligne Philippe Batel, alcoologue à l'hôpital Beaujon.
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« Or ces dommages sont réversibles, souligne le Dr Batel. Il suffit ainsi de réduire sa consommation sous le seuil des 21 verres par semaine pour limiter les risques. » L'Institut allemand de nutrition humaine (Potsdam-Rehbruecke) vient de publier dans la revue scientifique British Medical Journal (7 avril) une étude portant sur 350.000 participants venant de 10 pays européens (France, Italie, Espagne, Hollande, Grèce, Allemagne, Danemark, Norvège, Suède et Royaume-Uni). L’étude établit qu’en Europe, 10% de tous les cancers chez les hommes et 3% de tous les cancers chez les femmes peuvent être attribués à la consommation d'alcool. L'excès de risque imputable à l’alcool est corrélé avec un excès de consommation d’alcool situé au-delà de 24g d'alcool pur pour les hommes (3 unités) et plus de 12g pour les femmes (1,5 unités). Sources : |
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Morbidité et conduites à risque | ||
Les délits routiers graves ont flambé en janvier et février 2011 par rapport à 2010, notamment pour les grands excès de vitesse - 50 km/h ou plus au-dessus de la limite autorisée - (+55,75%) et la conduite sous l'effet de l'alcool et/ou des stupéfiants (+16,42%), selon l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). La conséquence, dramatique, est une hausse du nombre de morts au volant depuis le début de l'année : +7,5% en février par rapport à février 2010, après un bond de 21,2% en janvier. En avril 2011, la hausse des morts sur la route s’est poursuivie (+19,9%). Ces mauvais chiffres relancent la polémique sur l’assouplissement du permis à points.Le parlement avait décidé d’une réduction à six mois (au lieu d'un an) du délai pour récupérer un point, et à deux ans (contre trois) du délai pour récupérer l'intégralité des points, sauf les infractions et délits (conduite en état d'ivresse...) pour lesquels la règle reste inchangée. Et également, une réduction du délai entre les stages pour récupérer les points perdus (un tous les ans, contre un tous les deux ans avant) a été adoptée. Pour faire bonne mesure, le parlement étudie la possibilité de baisser le taux d’alcool autorisé dans le sang à 0,2 gramme d’alcool/l de sang (correspondant à un demi-verre de vin)… pour les jeunes. |
Pour étudier l’impact de la consommation simultanée d’alcool et de boisson énergisantes, l’Université Northern Kentucky a menée une étude (publiée par la revue scientifique Alcoholism : Clinical & Experimental Research) auprès de 56 participants étudiants (28 hommes, 28 femmes), âgés de 21 à 33 ans, à 4 groupes qui ont reçu de manière aléatoire quatre doses différentes de boissons: 0,65 g / kg d'alcool, 3,57 ml / kg de boisson énergétique, une boisson énergétique, de l'alcool ou une boisson placebo. Le comportement des participants a été évalué avec la vitesse d’exécution et de suppression d’une tache. Les participants ont également exprimé la manière dont ils se sentaient, leur sentiment de stimulation, de sédation, de dépréciation et leur niveau ressenti d'intoxication. D’après l’étude, la boisson énergétique modifie la réaction à l'alcool et le consommateur agit de manière impulsive, ce qui aurait pour effet, d’après les auteurs, installer un scénario à risque. Sources : |
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Alcool et grossesse | ||
La consommation d'alcool pendant la grossesse est associée à un risque accru de fausse couche, de naissance prématurée et de plus faible poids de naissance. Une étude menée sur 60.000 femmes enceintes et publiée dans BioMed Central (Dublin) a mesuré l’association entre les quantités d’alcool consommées durant la grossesse et l'effet sur les bébés et conclut à un risque de grande prématurité multiplié par 3 par une consommation d’alcool élevée durant la grossesse. Une autre étude menée par le National Birth Defects Étude (USA) et publiée dans l’édition de mars du Journal de l'American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (JAACAP) s’interroge sur le rapport entre alcoolisation fœtale et troubles du comportement. L’étude à suivi 592 adolescents et leurs mères à la lumière de données d'une étude longitudinale qui évaluait leur exposition prénatale à l’alcool. L'étude a débuté en 1982, et les femmes ont été évaluées sur leur consommation à leur 4è, 7è mois, avec leurs enfants à la naissance, puis 8, 18 mois, et 3, 6, 10, 14, et 16 années après la naissance. |
Elle corrèle le fait que les adolescents exposés à une moyenne d'un ou plusieurs verres d'alcool par jour pendant le premier trimestre de la grossesse ont 3 fois plus de risque de répondre aux critères d'un diagnostic de troubles du comportement que les adolescents dont les mères ont consommé moins d’alcool ou se sont abstenues. Sources : |
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Soins : polémique autour du Baclofène | ||
C’est le professeur Olivier Ameisen, cardiologue (Le dernier verre, Denoël, 2008), qui a découvert les effets du baclofène (Lioresal®) sur les patient alcoolo-dépendants. Le baclofène est un myorelaxant destiné à traiter les contractures dans les cas de sclérose en plaques. Le baclofène n’agit que sur un aspect de l’alcoolo-dépendance, à savoir le besoin irrépressible d'alcool, le « craving », qui se trouve apaisé. Il est prescrit à haute dose (par rapport à son objet premier) et cela peut être un traitement à vie, car le craving réapparait avec l’arrêt du traitement si le patient n’a pu suffisamment transformer son existence ou améliorer significativement la prise en charge d’autres troubles, notamment psychiatriques. La prescription du baclofène pour cette indication se fait hors AMM (autorisation de mise sous le marché), ce qui n’est pas illégal, mais se fait aux risques et périls du prescripteur. D’où la difficulté des patients à trouver des médecins prescripteurs et l’apparition d’une automédication grâce à l’achat du médicament via Internet. Pour créer un cadre sécurisant et obtenir l’AMM, il faudrait mener des recherches. Novartis Pharma, le laboratoire qui a mis au point ce médicament, a fait savoir qu'il ne souhaitait pas financer une telle étude. « Comme le Baclofène est déjà « génériqué », ils n'ont aucun intérêt à faire des recherches pour le développer. Ils ne gagneraient pas d'argent avec un tel produit. C'est la logique financière qui prime », observe le Dr Annie Rapp. |
Les pouvoirs publics ne font pas grands choses pour mobiliser des fonds publics pour mener les recherches qui permettraient d’évaluer les bénéfices réels, les effets secondaires, les résultats, les doses, les protocoles, les durées… L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) s’est contentée, le lundi 6 juin, d’émettre une mise en garde contre l'utilisation hors autorisation de mise sur le marché (AMM) du baclofène, en rappelant que les bénéfices du médicament ne sont pas encore été démontré scientifiquement et que les données de sécurité d'emploi du baclofène sont encore insuffisantes... Pourtant, en raison de ses effets secondaires, des études devraient être menées. Sources : |
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Témoignages sur le baclofène | ||
Le magazine Sciences et Avenir daté de mars 2011 et son site publie des témoignages de patients. Extraits : Marion : « L’effet anxiolytique du baclofène s’est fait sentir assez vite. Ma consommation a baissé de moitié dès les premiers temps. Le ressenti était incroyable. J’avais surtout l’impression d’avoir les idées plus claires. Un horizon s’ouvrait. Toutefois, parvenue à une dose journalière de 90 mg, j’ai ressenti beaucoup de fatigue et j’ai eu l’impression de retomber dans la déprime. Ces effets secondaires se sont estompés une fois atteint le pallier des 150 mg auquel je suis depuis quelques mois. Contrairement à certains, je n’éprouve pas une totale indifférence vis à vis de l’alcool. Je consomme toujours deux verres par jour. C’est «ma petite récompense du soir». Mais ce n’est plus lié à un besoin comme c’était le cas auparavant. Je vais vraiment beaucoup, beaucoup mieux. » Claire : « Comme j’étais en pleine dépression, mon médecin n’a pas voulu aller au delà de 80 mg/jr. Mais c’était insuffisant. J’ai du trouver un second médecin qui accepte d’aller plus haut dans la posologie. Dans mon cas, il a fallu monter jusqu’à 200 mg pour parvenir à un stade proche de l’indifférence. Les effets secondaires furent assez durs à endurer. J’ai notamment eu beaucoup de sudations nocturnes ainsi que des acouphènes. Depuis, j’ai baissé progressivement les doses. J’en suis aujourd’hui à 100 mg. Je peux passer trois ou quatre jours sans boire et ça c’est génial ! Je suis plus dynamique, plus sereine par rapport à beaucoup de choses. » |
Franck : « Je me suis débrouillé tout seul pour trouver du baclofène via internet. J’ai démarré mon protocole en montant les doses progressivement, la peur au ventre. J’ai du arriver à 200 mg un dimanche. J’ai ressenti quelques effets secondaires désagréables avec le baclofène, notamment une très grande fatigue physique, mais j’étais tellement habitué aux effets secondaires de l’alcool et des médicaments que je les ai très bien vécus. Au début, j’ai eu beaucoup de mal à croire que mon addiction avait reculé. » Pascal : « Depuis tout gamin, j’étais en proie à des anxiétés assez prononcées. C’est en 1993 que j’ai goûté pour la première fois à la codéine. Et ce fut une véritable révélation. Quand je n’avais pas de codéine, je buvais, mais l’alcool n’a jamais été ma tasse de thé, si j’ose dire. Source : |
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Alcool et médecin généraliste | ||
51,6 % des médecins généralistes déclare avoir vu, au cours de 7 derniers précédent l’administration du questionnaire, au moins un patient dans le cadre d’un sevrage thérapeutique en alcool. 40 % des médecins généralistes jugent qu’aborder la question des consommations d’alcool est un « sujet difficile ». Ceux qui abordent la question le plus aisément sont ceux qui ont au moins 10 % de leur clientèle à la CMU et/ou ceux qui déclarent un nombre d’actes médicaux quotidien élevé. |
Elle est également de plus en plus fréquente à mesure que l’âge des médecins s’élève. On note que le paiement forfaitaire à l’acte ne favorise pas les actions de dépistage et de prévention. Source : |
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Neurobiologie : alcool et craving | ||
Des chercheurs de l'université du Maryland et publiée par Proceedings of the National Academy of Sciences: le désir d'alcool serait lié à un gène qui exprime une protéine (TLR4) au sein de l'amygdale. Grâce à leur travail sur des rats, les chercheurs ont découvert qu'en stimulant artificiellement la protéine en question, les rats perdent, en deux semaines, leur envie pour l'alcool. Une étude du Scripps Research Institute s’est intéressée aux rôles des circuits neuraux durant le période de transition d’une situation de consommation d’alcool à l’état de dépendance. Cette étude a été menée sur des rats ayant la possibilité de boire soit de l'eau, soit de l'éthanol après des périodes de régime basé sur l'éthanol. La transition vers la dépendance à l'alcool s'accompagne normalement d'une augmentation des quantités d'éthanol ingérées pendant la phase intermédiaire. |
Les chercheurs sont parvenu à bloquer cette augmentation de la consommation grâce à une injection chronique neurotransmetteur naturel appelé "neuropeptide Y" (nY), connu pour ses propriétés anti-stress, dans l'amygdale centrale des animaux, région du cerveau qui joue un rôle important dans la gestion et la mémorisation des réactions émotionnelles. Ils ont aussi observé que l'augmentation de transmission du neurotransmetteur GABA (associée à la transition vers l'alcoolisme) était bloquée voir inversée par l'injection de nY dans l'amygdale centrale. Sources : |
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Neurobiologie : alcool, mémoire subconsciente et Alzheimer | ||
Pour le Pr Hitoshi Morikawa de l'Université du Texas, coauteur d'une étude publiée dans le Journal of Neuroscience, l’alcool a un effet paradoxal sur la mémoire. L'alcool diminue la capacité de conserver en mémoire des informations comme le nom d'un collègue, la définition d'un mot ou l'endroit où est garée sa voiture. Mais certains apprentissages se font aussi à un niveau "subconscient", dit-il, et l'alcool favorise certains apprentissages."Lorsque nous consommons de l'alcool devenons plus réceptifs à la formation de souvenirs et d'habitudes par rapport à la nourriture, la musique, les personnes et les situations sociales. Les alcooliques ne sont pas dépendants de l'expérience de plaisir ou de soulagement qu'ils obtiennent avec l'alcool. Ils sont "accros" à la constellation de signaux environnementaux, comportementaux et physiologiques qui sont renforcés lorsque l'alcool déclenche la libération de dopamine dans le cerveau." La dopamine serait principalement un neurotransmetteur d'apprentissage qui renforce les liaisons synaptiques (zones de communication entre deux cellules nerveuses) qui sont actives lorsque la dopamine est libérée. "L'alcool, dans ce modèle, est le catalyseur. Il détourne le système dopaminergique et indique au cerveau que ce que nous faisons en ce moment est gratifiant (et donc vaut la peine d'être répété)". |
L'Institut central de santé mentale de Mannheim (Allemagne) publiée le 2 mars par la revue scientifique Age and Ageing étaye l’hypothèse qu’une consommation modérée d’alcool (à raison de 2-3 verres par jour) pourrait réduire les risques de démence chez la personne âgée, et réduirait jusqu’à 40% le risque de maladie d’Alzheimer. Cette étude a suivi 3.202 personnes allemandes, âgées de 75 ans ou plus, sans démence au départ de l’étude. Les chercheurs ont évalué leur consommation d'alcool, puis les ont suivis pendant trois ans pour identifier de nouveaux éventuels diagnostics de démence. Au total, 217 démences ont été développées, durant cette étude, dont 111 cas identifiés de maladie d'Alzheimer. Lorsque les participants ont été répartis en fonction de leur consommation, seul un apport de 20-29g par jour, soit environ 3 verres, s’avère associé à un risque significativement réduit. Sources : |