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Alcool

Alcool - Actualité 2010

ALCOOL - ACTUALITÉ 2010

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier
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Consommations précoce

Le contact précoce avec l’alcool est confirmé par les enquêtes européennes HBSC 2005–2006, et ESPAD 2007. En France, 59% des élèves de 11 ans ont consommé de l’alcool au cours de leur vie, 72 % à 13 ans et 84 % à 15 ans. La première ivresse survient en moyenne vers 14 ans chez les garçons et les filles, mais 9 % des garçons et 4 % des filles déclarent avoir été ivres pour la première fois à 11 ans (HBSC 2005–2006). Entre 2002 et 2006, les ivresses ont augmenté de manière significative : 30 % des élèves de 15 ans déclarent avoir été ivres en 2002, pour 41 % en 2006. Les ivresses avant 13 ans sont reconnues par 6 % des filles et 11 % des garçons en France. Le nombre d’hospitalisations pour ivresse chez les mineurs a été multiplié par deux entre 2002 et 2006. La précocité des ivresses est liée à de multiples facteurs, culturels, familiaux, lié au groupe de pairs.

L’alcoolisation précoce est nettement préoccupante quand l’alcoolisation est un moyen pour l’adolescent de réinterroger la généalogie alcoolique familiale. L’étude souligne que le risque de dépendance à l’âge adulte pour l’alcool, et donc d’alcoolisme, semble très dépendant de la précocité de l’initiation. Il existe un très fort risque pour des initiations avant 14 ans. L’étude pointe les stratégies des alcooliers : les adolescents sont une des cibles importante du marketing des alcooliers qui développent des produits ciblés, en modifiant les goûts et les couleurs, en proposant des mélanges sucrés, des produits prêts à boire, des emballages spécifiques (maxicannettes ou minibouteilles d’apéritifs, etc.).
Source :
01.10.10. Sfpédiatrie. L’alcoolisation des adolescents : une précocité inquiétante ?
(Archive de pédiatrie) (PDF)

Alcool et grossesse

Le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) parle d’alcoolisme passif (comme on parle de tabagisme passif) pour évoquer les 7.000 enfants au moins concernés chaque année par des séquelles du syndrome d’alcoolisation fœtale. L'alcool n'est pas filtré par le placenta, de sorte que le fœtus a une alcoolémie identique à celle de sa mère. Dans le liquide amniotique, sa concentration est même dix fois supérieure à celle retrouvée dans le sang de la mère.
Présentée par le professeur M. Naassila lors d’un colloque de l’Inserm, une évaluation menée dans plusieurs maternités révèle que 17 à 25% des Françaises continuent à boire régulièrement lorsqu’elles sont enceintes (1 verre de temps en temps), dont 6% en excès (2 verres ou plus dans la même journée). Tous les bébés né d’une mère consommatrice d’alcool ne présenterons pas de syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Le SAF reste la première cause de retard mental en France et concerne 1 à 3 naissances pour 1000, avec des bébés au visage particulier (face plate, nez court, oreilles basses, lèvre supérieure très fine, yeux un peu bridés…) avec des déficiences mentales, voire des malformations cardiaques, rénales, etc. Toutefois des enfants peuvent présentés des séquelles de l’alcool beaucoup plus discrètes, qui pourront se révéler handicapantes plus tard. Certains médecins parlent d’Etcaf (ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale). Selon le Pr M. Naassila « de nombreux enfants chez qui on détecte, à l’âge scolaire, des problèmes d’hyperactivité, de déficits d’attention, de troubles du comportement sont en fait des enfants dont la mère a consommé de l’alcool enceinte. C’est d’autant plus délicat que le problème ne se voit pas à la naissance. »

Pour le Pr M. Naasila il n’y a pas de seuil dangerosité, car il y a toujours un risque : « un seul verre fait courir un risque au bébé, car l’alcool est un toxique tératogène, pouvant provoquer des malformations. Le cerveau du fœtus est l’organe le plus sensible à l’alcool, car il se développe pendant neuf mois, alors que les autres organes se forment au premier trimestre. »
Une étude britannique parue dans le Journal of Epidemiology and Community Health, vient nuancer les mises en garde faites aux mères, notamment par les autorités de santé françaises. L'étude s'appuie sur les cas de 11 500 enfants, nés au Royaume-uni entre septembre 2000 et janvier 2002. L'étude ne portait que sur des buveuses modérées et occasionnelles. Les chercheurs ont constaté que lorsque la maman admettait avoir bu un à deux verres d'alcool par semaine durant sa grossesse, ses enfants ne présentaient pratiquement aucun problème de comportement ou de retard intellectuel à l'âge de 5 ans. Si l'étude montre aussi que les enfants de ces femmes sont à 30% plus avancés que les autres, les auteurs attribuent ces performances, non pas à l'alcool, mais à la catégorie sociale, plutôt aisée, des mères qui maîtrisent sereinement leur consommation d'alcool durant ces neuf mois.

Sources :
21.03.10. Le Figaro. Au moins 10.000 victimes d'«alcoolisme passif»
07.10.10. Le Parisien. Boire très modérément pendant la grossesse ne nuirait pas à l'enfant
(Angleterre : Journal of Epidemiology and Community Health)
08.12.10. Le Parisien. Près de 25% des femmes enceintes continuent de boire

Alcool et vieillesse

Une étude menée à l’Université de Nimègue, aux Pays-Bas montre que pour les plus de 60 ans, la coordination des gestes était fortement réduite dès le deuxième verre d’alcool. Treize femmes et hommes âgés en moyenne de 62 ans, ont dû marcher sur un tapis de course après avoir ingurgité deux verres d’alcool.

Un tapis de course pas comme les autres, puisque les chercheurs avaient déposé un obstacle à son extrémité. Quasiment pour tous les participants, une inaptitude à éviter l’obstacle a été constatée.
Source :
27.09.10. Destination santé. Senior : Deux verres d’alcool suffisent pour tituber…

Alcool et génétique

Des recherches en génétique s’intéressent aux gènes susceptibles de « protéger » de l’alcoolisme, c’est-à-dire qui auraient pour effets de faire sur-réagir à l’alcool (somnolence, ivresse rapide). Ces gènes seraient « protecteurs » dans la mesure où cette sur-réaction rend peu agréable la consommation d’alcool et donc en limite l’usage chez ceux qui en sont affecté. Une étude de l'Université de Chapel Hill (Caroline du Nord) et publié par Clinical and Experimental Research (ACER) porte sur le gène CYP2E1, gène connu depuis longtemps par les chercheurs qui s'intéressent à l'alcoolisme, car il code une enzyme capable de métaboliser l'alcool. L'étude à montré que les personnes qui ont ce gène (10 à 20% des personnes) ont dès les premiers verres un sentiment d’ébriété plus important que les autres.

Une étude du Denis McCarthy (université du Missouri) publié dans Clinical & Experimental Research a porté sur le gène ADH1B qui n’est présents que dans les populations ayant des ascendants africains. L’étude à montré que ceux qui avaient le plus tendance à somnoler après avoir bu étaient plus souvent porteurs d'un gène appelé ADH1B. D'autres chercheurs avaient déjà établi que ce variant du gène de l'alcool déshydrogénase (une des enzymes responsables du métabolisme de l'alcool) est associé à une faible dépendance à l'alcool.

Sources :
10.05.10. Le Figaro. Un gène qui endort et protège de l'alcoolisme
21.10.10. Santé log. ALCOOLISME : Découverte du gène qui pourrait «dégouter» de l’alcool

Types et modes de consommation

Les effets de l’alcool sont étroitement liés au mode de consommation. La 1ere Journée scientifique de l’IREB a souligné les paradoxes de ce produit.
Il y aurait un effet protecteur des faibles doses d’alcool (10 à 20 g par jour) sur le risque de démence de type Alzheimer. Des études épidémiologiques mondiales de plus en plus nombreuses montrent qu’une consommation modérée d’alcool diminue la mortalité cardiovasculaire totale, le risque d’infarctus du myocarde et le risque d’accidents vasculaires cérébraux grâce à la diminution du stress. En revanche, ces bénéfices apparaissent soumis à une consommation inférieure à deux verres par jour, de préférence au moment des repas, celle-ci ne pouvant se substituer à une bonne hygiène alimentaire et à l’exercice physique.
Une consommation élevée aura des effets négatifs : 3,6 % des cancers sont d’origine alcoolique, en particulier le cancer de l’œsophage et le cancer du foie. Dans ces deux cancers, plusieurs études suggèrent une relation dose-effet, l’augmentation du risque passant par exemple de 1,5 à 3,5 selon que la consommation représente 25 g ou 100 g/alcool pur par jour.
Une étude française (CHU de Toulouse) publiée dans le British Medical Journal (BMJ), souligne qu’à quantité égale, l'alcool consommé de façon importante et épisodique (alcoolisation importante le week-end par exemple) est plu délétère pour le cœur qu’une consommation étalée dans le temps (quelques verres sur plusieurs jours de la semaine). Cette étude a été menée auprès de Français et d’Irlandais.

L'incidence de l'infarctus (nombre de nouveaux cas par an) s'avère deux fois plus élevée chez les Irlandais que chez les Français.

La différence entre Français et Irlandais vis-à-vis du risque d'infarctus s'expliquerait par trois groupes de facteurs, comptant chacun pour un tiers : 1) la façon de consommer (consommation régulière ou binge drinking) ; 2) le type d'alcool (vin rouge ou bière) ; 3) les facteurs de risque classiques cardio-vasculaires (hypertension, diabète, tabac)…
L'Institut national du cancer (INCa), dans une brochure destinée aux professionnels de santé, nuance fortement les vertus d’une consommation modérée. La brochure met en avant le fait que « la consommation de boissons alcoolisées est associée à une augmentation du risque de plusieurs cancers : bouche, pharynx, larynx, œsophage, colon-rectum, sein et foie ». Par verre d'alcool consommé par jour, le risque augmente de 9 % pour les cancers colo-rectaux et de 168 %pour les cancers de la bouche, du pharynx ou du larynx ! Ce serait également le cas dans le contexte d’une consommation régulière d'alcool à faible dose. Une conclusion qui va à l'encontre des recommandations en faveur de la consommation d'un verre quotidien de vin pour protéger sa santé. Selon l'INCa, l’augmentation du risque, même dans le contexte d’une consommation à faible dose, s'explique par le fait que le métabolisme de l'alcool, une fois ingéré, produit des substances qui augmenteraient la perméabilité des muqueuses aux agents cancérogènes comme, par exemple, le tabac.
Sources :
19.02.09. Doctissimo. L'alcool augmente le risque de cancer (même à faible dose)
16.11.10. IREB. Synthèse 1ère Journée scientifique : Les effets de l’alcool dépendent avant tout du niveau et du mode de consommation (PDF)
01.12.10. Santé Log. Infarctus : Risque double avec une consommation d'alcool de type
« binge drinking »

Mais l’alcool est bien la plus dangereuse des drogues

Une étude publiée par The Lancet réalisée par l’Independent Scientific Committee on Drugs du Centre britannique « for Crime and Justice Studies », l'alcool serait la substance la plus dangereuse pour l’ensemble de la société, encore plus nocive que certaines drogues illégales, comme l'héroïne ou le crack. Les auteurs ont mesuré la dangerosité de l’alcool et des autres substances sur l’individu et comment cela affecte son corps humain mais aussi l’impact sur l’ensemble de son environnement, sur les plans familial et social, sur les coûts de soins de santé, sociaux, établissements spécialisés…

Chaque substance a été évaluée sur une échelle sur 100, 100 correspondant au degré maximum de nocivité.

L’alcool a un score de 72, suivi de l’héroïne (55), le Crack (54), le crystal meth (33), la cocaïne (27), le tabac (26), les amphétamines (23), le cannabis (20), les benzodiazépines (15), les stéroïde à la méthadone (14), ecstasy (9) les anabolisants (9), le  LSD (7), les champignons hallucinogènes (5).

L'héroïne, le crack ou la crystal meth, sont des substances plus meurtrières que l’alcool pour les usagers. Il faut également relever le niveau de dangerosité du tabac qui devance le cannabis, par exemple. Mais l'alcool se révèle plus dangereux pour la société car lié à un taux de mortalité plus élevé, et en cause dans un plus grand nombre de crimes que les autres drogues, Pour les auteurs ces observations impliquent de revoir les systèmes actuels de classification des drogues ;
Source :
01.11.10. Santé Log. The Lancet : L’alcool en tête du classement des 10 drogues les plus dangereuses / The Lancet

Thérapeutiques

Le sevrage des personnes alcoolo-dépendantes ne pose pas de problème en lui-même. Il repose sur un protocole qui a déjà fait ses preuves : 1,5 à 2 litres de boisson par jour (sans alcool, sans sucre et sans caféine). Des benzodiazépines pendant 48 heures à fortes doses, puis diminuées progressivement, sans dépasser dix jours. De la vitamine B1 et de l'acide folique. Et en trois à dix jours, l'affaire est réglée : moins de fatigue et de sautes d'humeur, mais plus d'appétit… du moins, jusqu'aux prochains verres.
Mais le problème n'est pas tant le sevrage que la prévention des rechutes : après sevrage, au bout d'un an, environ un tiers n'a pas retouché à une goutte d'alcool. Un autre tiers passe par des phases d'abstinence et des périodes de rechutes. Un dernier tiers, n'a jamais réussi à se passer d'alcool.

Quelques 100 000 patients reçoivent l'un des deux traitements actuels d'aide au maintien du sevrage : la naltrexone et l'acamprosate. Ces médicaments visent à inhiber le plaisir lié à la prise d'alcool.

Il n’en reste pas moins que l’abstinence dépendra surtout de la capacité du sujet à retrouver un équilibre de vie sans alcool, ce qui peut exiger un soutien psychologique et social. Des recherches sont menées sur le baclofène - qui n'a pas d'autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Ce myorelaxant indiqué pour venir à bout des contractures spastiques, rend plus ou moins indifférent à alcool lorsqu'il est administré à très forte dose (2 à 4 fois la posologie habituelle). Une étude italienne randomisée en double aveugle (publication dans The Lancet, 2007), a ainsi montré qu'il y avait davantage d'abstinents chez les patients sous baclofène que chez ceux sous placebo.

Alcool, précarité et réduction des risques

Une étude du centre de recherche sur la dépendance à l'alcool de l'Université de Victoria suggère qu'offrir de l'alcool gratuitement aux sans-abri pourrait réduire les hospitalisations. La distribution d'alcool gratuite et contrôlée permet d'éviter que les sans-abris boivent des produits à base d'alcool à bas prix, mais de très mauvaise qualité.

Une expérience de ce type a été menée en  Ontario, qui a eu pour conséquence une réduction du nombre d'admissions dans les hôpitaux et une diminution des cas d'emprisonnement dû à l'abus d'alcool.
Source :
17.12.10. Radio-canada. De l'alcool gratuit pour les sans-abri