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Conduites à risque

Conduites à risques - Actualité 2012 - 1er Semestre

CONDUITES À RISQUES - ACTUALITÉ 2012 - 1er SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier


Conduites à risques : approches théoriques

Elserevue.fr a mis en ligne une série d’articles sur la notion de conduites à risques.

David Le Breton propose des conduites à risque, cette définition très générale : « un mot valise englobant une série de comportements disparates mettant symboliquement ou réellement l’existence en danger. Leur trait commun consiste dans l’exposition délibérée du jeune au risque de se blesser ou de mourir, d’altérer son avenir personnel, ou de mettre sa santé en péril. » Le sens de ces conduites échappe au sujet, car « l’agir est une tentative psychiquement économique d’échapper à l’impuissance, à la difficulté de se penser même s’il est parfois lourd de conséquences ». Le Breton distingue quatre « figures anthropologiques » pour différentier une pluralité de sens que ces conduites peuvent avoir pour le sujet, en particulier à l’adolescence : l’ordalie, le sacrifice, la blancheur et l’affrontement. Le corps prend le relais de la parole informulable.

- L’ordalie c’est la conduite à risque en tant qu’elle est vécue comme une épreuve personnelle auto-infligée « pour tester une légitimité à vivre », c’est une confrontation à la mort qui vise « une redéfinition radicale de l’existence ».

- Le sacrifice est une réponse à un « sentiment d’être dépossédé de tout avenir, de ne pouvoir se construire comme sujet. » La conduite à risque, ici, « à l’opposé des passages à l’acte, se veut « actes de passage ».

- La blancheur est « l’effacement de soi dans la disparition des contraintes d’identité », vécues comme aliénantes et elle se traduit dans une « recherche du coma et non plus de sensations ».

- L’affrontement « est une confrontation brutale aux autres à travers violences », une « fuite en avant en se cognant contre le monde à défaut de limites de sens bien intégrées et heureuses ».

Pour Remi Casanova, ces conduites où l’agir se substituent à la parole, sont à considérer en lien avec un processus d’adolescence.

L’adolescent est « celui qui poursuit l’acquisition d’une parole instituante par un processus d’accroissement de ses compétences ; le processus aboutit à la capacité à autoriser à son tour, le développement de ce processus ». L’adolescence met en évidence un processus d’autonomisation initié dès l’enfance, autonomisation qui ne va pas sans se confronter à la parole qui « autorise », qui fait autorité pour « s’autoriser », parole « instituante » et « qui fait loi », qui sera « écoutée, entendue, respectée », et qui s’inscrira « dans une filiation et qui se transmettra. »

« Si la vocation même de l’adolescence correspond au mouvement plus ou moins naturel d’implications et de prise de responsabilités au sein de l’espace «adulte», observe-t-il, cette implication débouche, inexorablement, sur l’occupation des postes à responsabilité. Et en fonction des époques, il est plus ou moins difficile d’occuper ces postes. » S’autoriser à prendre place pour l’adolescent, suppose, « en miroir », que « la vocation de l’adulte est de faire place, de procéder à une transmission et à un effacement adaptés correspondant aux mouvements d’institutionnalisation de la parole de l’adolescent. » Il y a « un processus de double autorisation qui consiste à être autorisé et à s’autoriser. »

La conduite à risque « survient lorsqu’il y a défaut d’autorisation de l’un ou de l’autre des partenaires. Lorsque l’adulte pose mal le cadre de l’autorisation (trop lâche, trop exigu, décalé au regard de ses missions etc.), lorsque l’adolescent ne s’autorise pas ou s’autorise «hors cadre» un certain nombre d’actes. »

Sources :
10.01.12. Elserevue. Risques à l’adolescence (sur les Conduites à Risques) (Par David Le Breton, professeur de sociologie à l’université Marc Bloch de Strasbourg, membre de l’Institut Universitaire de France, membre du laboratoire UMR-CNRS : Cultures et sociétés en Europe)
23.05.12. Elserevue. De la vocation de l’adolescence (par Remi Casanova, maître de conférences en Sciences de l’Education. Université de Lille 3)

Évaluer les conduites à risque

Marie Choquet rappelle que les conduite à risque ne sont pas pathologique, mais qu’il convient, pour en évaluer la gravité de s’intéresser à deux facteurs : le cumul des conduites à risque et l’insertion des conduites selon les sexes. « Si la majorité des jeunes ont de temps en temps un des troubles (ou conduites), seulement la moitié (50% des garçons, 54% des filles) ont un de ces troubles (ou conduites) régulièrement, et ceux qui cumulent trois (et plus) de ces troubles (ou conduites) représentent moins de 15% d’une population juvénile (12% des garçons, 13% des filles)… Même si le cumul des troubles et conduites a tendance à augmenter : entre 1993 et 2003, le cumul est passé pour les garçons de 7% (1993) à 12% (2003) et pour les filles de 6% (1993) à 13% (2003). »

Le cumul des troubles n’est pas un indicateur suffisant, car il faut les apprécier d’après l’identité sexuelle. En effet, « les garçons adoptent plutôt des troubles de la conduite (ou troubles de l’agir) et ce, d’autant plus que ces comportements sont considérés comme socialement acceptables (et donc fréquents) parmi les hommes adultes, alors

que les filles, elles s’expriment plutôt à travers des troubles du corps (ou troubles corporalisés) et ce, d’autant plus que ces troubles font partie d’un mode d’expression typique des femmes adultes.

A la fin de l’adolescence, les différences entre garçons et filles sont donc bien établies. » Chez les garçons, « l’insertion » des troubles est signe de gravité : « Comme ces troubles (ou comportements) «inversés» sont plus rares, leur présence signe la gravité du malaise ressenti, surtout pour les garçons peu enclins à adopter un mode d’expression féminin (alors que l’inverse est plus fréquent). Ainsi, les garçons qui ont des troubles alimentaires ou font des tentatives de suicide devraient être considérés «à haut risque». Chez les jeunes filles, c’est la conjonction du cumul et de l’inversion qui est « indicateur de gravité ».

Source :
23.05.12. Elserevue. L’adolescence. Une période critique ? (Expertise de Marie Choquet,
Directeur de recherche, INSERM U 669, Maison des adolescents, Paris)

Les usages de substances psychoactives chez les jeunes

Le volet français de l’enquête HBSC 2010 (menée auprès de 11 500 élèves scolarisés du CM2 à la classe de seconde) montre que dès 11 ans, près de 60 % des élèves ont déjà expérimenté l’alcool et près de 6% ont été ivres. A 15 ans, ces chiffres passent respectivement à 86 % et 38 % et 8,5 % des adolescents déclarent un usage régulier. En ce qui concerne le tabac et le cannabis, à 11 ans, environ 9 % des élèves ont déjà expérimenté la cigarette et moins de 1% du cannabis. Et à 15 ans, près de 19 % reconnaissent fumer régulièrement du tabac et 3 % du cannabis. A 17 ans, une baisse de l’usage régulier de cannabis (au moins 10 usages dans le mois) est constatée par rapport aux années précédentes (6,5 % vs 7,3 % en 2008).

Ces chiffres sont à peu près constants depuis la dernière enquête HBSC de 2006 ; ils battent donc en brèche l’idée selon laquelle les jeunes ont une consommation de plus en plus précoce.

Les usages expérimentaux, occasionnels et même réguliers de tabac et de cannabis sont depuis plusieurs années soit en légère baisse, soit stable parmi les jeunes de 17 ans. Par contre, l’usage régulier d’alcool progresse de 18,0 % entre 2008 et 2011 (10,5 % vs 8,9 %, p<0,001) Ce niveau d’usage reste majoritairement masculine, malgré l’augmentation des niveaux parmi les filles (5,6 % vs 4,0 % en 2008, p<0,001).

Pour la première fois, une enquête ESCAPAD constate que l’expérimentation et les usages occasionnels de tabac deviennent plus prégnants chez les filles (69,9% vs 66,9% pour l’expérimentation et 11,5% vs 9,6% pour l’usage occasionnel). Toutefois les garçons continuent de fumer de manière plus fréquente : ils sont en effet 32,7 % à déclarer un usage quotidien, contre 30,2 % chez les filles (p<0,001). De même, ils sont 9,6 % à fumer au moins dix cigarettes par jour, contre 5,8 % parmi les adolescentes (p<0,001).

La féminisation du tabagisme à l’adolescence, avait déjà été signalée lors de l’enquête HBSD de 2006 et se trouve confirmée par celle de 2010. Si les garçons expérimentent le tabac plus précocement que les filles (16,5 % vs 8,4 % en 6e), ils sont rattrapés par ces dernières dès la classe de 4e (31% vs 35,5%), année scolaire pendant laquelle le sex ratio s’inverse (en classe de 3e : 48,9% vs 54,6%)

Sources :
Tendances N°79 - Les drogues à 17 ans : premiers résultats de l’enquête ESCAPAD 2011 (PDF, 4 pages)
Avril 2012. OFDT. Alcool, tabac et cannabis durant les « années collège » (Tendances N°80),
Résultats du volet drogues, en France, de l’enquête Health Behaviour in School-Aged Children (HBSC) 2010 (PDF, 6p.)
Avril 2012. inserm. Les substances psychoactives largement expérimentées dès la 4ème (MILDT)

Alcoolisation et binge drincking

La modification des comportements d’alcoolisation avec une augmentation des ivresses ou des alcoolisations ponctuelles importantes se confirme à chaque nouvel exercice de l’enquête ESCAPAD auprès des jeunes de 17 ans. L’alcoolisation ponctuelle importante (API) concerne plus de la moitié des jeunes : en 2011, 53,2 % disent avoir bu au moins cinq verres en une même occasion au cours du mois écoulé. Ils étaient 48,7 % en 2008 et 45,8 % en 2005. L’API est nettement plus souvent le fait des garçons (59,7 % en ont déclaré au moins une dans le mois, contre 46,5 % des filles). Les ivresses répétées (soit au moins trois ivresses dans l’année) passent de 25,6 % à 27, 8 % (p<0,01) et les ivresses régulières (au moins dix ivresses dans l’année) de 8,6 % à 10,5 % (p<0,001), aussi bien chez les filles que chez les garçons (respectivement 5,7% et 15,0 % en 2011 contre 4,6 % et 12,4 % en 2008).

Le volet français de l’enquête European School Survey Project on Alcohol and other Drugs (Espad), montre qu’en 2011, 44 % des adolescents français âgés de 15-16 ans déclarent avoir connu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante (API) au cours des 30 derniers jours précédant l’enquête, les garçons l’ayant fait plus souvent que les filles (46 % contre 41 %). L’écart entre garçons et filles se réduit (8 points en 2007 contre 5 points en 2011) à la faveur d’une légère hausse chez les filles et d’un tassement du niveau parmi les garçons.

Le volet français de l’enquête Health Behaviour in School-Aged Children (HBSC) auprès des élèves de collèges, montre que les niveaux d’expérimentation d’alcool sont élevés dès l’âge de 11 ans : près de 6 élèves sur 10 sont concernés (57,7 %) Ces niveaux augmentent à 13 ans (71,7 %) et 15 ans (85,8 %). Les premières ivresses, globalement stables, concernent 5,8 % des 11 ans, 13,6 % des 13 ans et 38,1 % des 15 ans. Pour Mickael Naassila, professeur à l'Université d'Amiens et directeur du groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances (Grap) de l'Inserm, « une donnée importante sur l'alcool c'est la banalisation et l'acceptation sociale » dont bénéficie ce produit.

La vodka associée à une boisson énergisante est de plus en plus fréquente. « Les adolescents utilisent ces boissons énergisantes pour boire encore plus et plus longtemps », explique le psychiatre Xavier Pommereau. Parce que ces boissons diminuent la perception des effets de l'alcool, les médecins déconseillent très fortement le mélange. "Les scientifiques se posent actuellement la question de la toxicité de la taurine lorsqu'elle est associée à de l'alcool", ajoute le docteur Pommereau.

Outre la taurine, ces boissons contiennent des ingrédients "stimulants" : caféine, guarana, ginseng, vitamines, D-glucuronolactone (substance qui peut être toxique), etc. Le 6 juin, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a fait état de six remontées d'effets indésirables graves (épilepsie, coma, tremblement, angoisse) depuis 2009, dont deux décès par arrêt cardiaque, pour lesquels le lien avec la consommation de boisson énergisante est en cours d'évaluation.

Les conduites à risque mobilisent fortement le corps. Une étude menée par Nicolas Guéguen de l'Université de Bretagne-Sud et publiée dans la revue spécialisée Alcoholism: Clinical and Experimental Research établit une étrange corrélation entre piercings et tatouages, d’une part, et niveau de consommation d’alcool, d’autre part. Cette étude menée auprès de 1.965 jeunes clients de bars (1.081 hommes et 884 femmes) montre que les jeunes porteurs de piercings et/ou de tatouages sont de plus gros consommateurs d'alcool que les autres. Parmi les femmes, les 537 sans tatouage ni piercing présentaient en effet un taux d'alcool moyen de 0,12 mg par litre d'air expiré, contre 0,14 mg/l pour les 124 femmes tatouées, 0,20 mg/l pour les 138 femmes avec piercing et le double (0,24 mg/l) pour les 85 femmes avec à la fois piercing et tatouage. Concernant les hommes, les 903 ni tatoués ni percés présentaient un taux d'alcool moyen de 0,18 mg par litre d'air expiré, contre 0,19 mg/l pour les 98 hommes tatoués, 0,23 mg/l pour les 53 hommes percés et 0,26 mg/l pour les 27 hommes à la fois tatoués et percés.

Parmi les formes extrêmes que peuvent prendre les conduites à risque, on a observé aux USA des ivresses par ingestion de « gels désinfectant », gels qui contiennent 60 % d'éthanol.

Sources :
Tendances N°79 - Les drogues à 17 ans : premiers résultats de l’enquête ESCAPAD 2011 (PDF, 4 pages)
05.04.12. France Soir. Alcool précoce : Les premières cuites dès l'âge de 10 à 11 ans
Avril 2012. OFDT. Alcool, tabac et cannabis durant les « années collège » (Tendances N°80,
Résultats du volet drogues, en France, de l’enquête Health Behaviour in School-Aged Children (HBSC) 2010
17.04.12. France Soir. Alcool : Les tatoués et les percés en consomment plus
20.04.12. Le Figaro. Trop de jeunes filles adeptes de beuveries (avec le psychiatre Xavier
27.04.12. bigbrowser.blog.lemonde. Qu'importe le flacon, des ados américains se saoulent au gel désinfectant
31.05.12. OFDT. Premiers résultats du volet Français de l'enquête European School Survey
Project on Alcohol and other Drugs (Espad) 2011
25.06.12. Le Monde. Vodka-Red Bull, le cocktail explosif

Sexualité, contraception et prise de risque

Une étude espagnole publiée dans l'édition du 18 mai de la revue Health & Place, met en évidence l'importance d’une prise en compte des caractéristiques sociales et économiques pour promouvoir la contraception. Cette étude a porté sur la prévalence de l'utilisation des contraceptifs chez 5.141 femmes lors des premiers rapports sexuels. 30% d’entre elles n’ont pas utilisé de contraceptifs lors des premiers rapports sexuels.

L'utilisation de contraceptifs lors du premier rapport montre une association positive chez les femmes ayant une formation universitaire et une corrélation négative chez les femmes issues des milieux les plus démunis. Et qu’elle est plus élevée chez les femmes non-religieuses, ayant eu un haut niveau de scolarité et qui étaient de âgées de 18 à 19 ans lors de leur première expérience sexuelle.

Comme l'Inspection générale des affaires sociales en 2010, la députée (UMP) Bérengère Poletti dans un rapport de 2011 ou encore le Centre d'analyse stratégique, un nouveau rapport, cosigné par le gynécologue Israël Nisand, fait le constat d'un accès défaillant des jeunes à la contraception et prône, entre autres, sa gratuité. Les auteurs proposent donc un « "forfait contraception pour mineures" auquel les laboratoires [...] pourraient adhérer", qui serait remboursé "directement aux pharmaciens", à un prix de 7 euros mensuels environ. La proposition est soutenue par la secrétaire d'Etat à la Jeunesse Jeannette Bougrab mais pas par sa collègue de la Santé Nora Berra.

Sources :
15.02.12. AFP Google. Rendre la contraception gratuite pour les mineurs, le sujet fait débat au gouvernement
25.05.12. Santé Log. Contraception : 30% des femmes ont un premier rapport non protégé

« Sexting » et « hypersexualisation »

Selon une enquête du département de psychologie de l'université de l'Utah auprès de lycéens âgés de 15 à 17 ans, publiée le 7 juin dans les Archives of sexual behavior, près de 20% des adolescents américains ont déjà envoyé des images érotisées d’eux même par téléphone portable (sexting). La première image peut avoir été envoyée pour faire plaisir à son partenaire amoureux ou un(e) ex, pour tenter de séduire un garçon ou une fille, ou pour s'amuser avec des amis. Les problèmes surviennent lorsqu’une personne mal intentionnée va faire usage de cette photo ou film « confidentiel », pour exercer un chantage, nuire à une réputation, se venger, etc. Mais c'est aussi le premier pas dans ce qui peut devenir un engrenage infernal. Une enquête Harris Interactive réalisée en mai 2009 pour Cox communications auprès de jeunes Américains âgés de 13 à 18 ans montrait que parmi ceux qui avaient déjà envoyé des images intimes, 10% avaient eu des mauvaises surprises par la suite et ils étaient même 63% à avoir un(e) ami(e) à qui une telle mésaventure était arrivée.

Le Conseil d'analyse stratégique (CAS), rattaché au Premier ministre, a remis un rapport sur l’hypersexualisation (utilisation de l'image « érotisée » des enfants par la publicité et les médias, vente de biens de consommation «érotisés» aux plus jeunes) qui recense les réponses élaborées par d’autres pays.

« L'examen des mesures débattues ou mises en place à l'étranger depuis le début des années 2000 permet de mettre en évidence deux modèles: le premier mise sur l'information et l'éducation ; le second, sur l'encadrement des pratiques jugées abusives. Les dispositifs les plus pertinents semblent être ceux qui sont adaptés à l'âge des enfants et qui privilégient une démarche éducative, tout en luttant contre les excès. »

Au Québec, en Norvège et en Suède, les publicités télévisuelles destinées aux enfants de moins de 13 ans sont tout simplement interdites. Le soutien à la création de magazines pour enfants et adolescents au contenu non stéréotypé est préconisé dans de plusieurs rapports. Au Québec, plusieurs publications mettant en avant l'estime de soi et l'humour plutôt que la beauté et la séduction à destination des 8-12 ans sont nés comme «Audacieuse, le défi d'être soi», financé par le ministère de la Famille.

Sources :
06.03.12. Le Figaro. Hypersexualisation : ce que font les autres pays
15.06.12. Santé.Le Figaro. Les ravages du sexting chez les ados américains

Usages problématiques des Technologies de l’Information et de la communication (T.I.C.)

La multiplicité des écrans et des supports technologiques, ainsi que l’absence de clarté de la notion de cyberdépendance, à conduit l’Institut Wallon pour la Santé Mentale à préférer une notion d’usages problématiques des TIC : « Le groupe dénonce la tendance contemporaine à pathologiser et médicaliser tout comportement qui s’écarte de la norme et se montre sceptique quant à la pertinence de l’utilisation d’une nouvelle catégorie diagnostique faisant référence à la « cyberdépendance ». Nous préfèrerons à l’expression « cyberdépendances » une alternative moins stigmatisante et moins pathologisante comme l’expression « usages problématiques des TIC ». »

Que l’usage des TIC puissent présenter des risques est une chose, mais cela n’en fait pas une conduite à risque. C’est en lien avec d’autres facteurs, individuels et environnementaux que cette pratique peut devenir problématique : « Les usages problématiques des TIC constituent souvent les manifestations visibles (« symptômes ») d’un mal-être plus profond. En focalisant notre réflexion sur les propriétés « addictives » ou « dépravantes » des TIC, nous prendrions le risque de ne pas entendre ce qui fait souffrance pour le sujet et/ou son entourage. Pour ce faire, le triptyque « TIC – individu – environnement » (inspiré du modèle d’Olivenstein) peut constituer une base de lecture intéressante. »

La stigmatisation des usages des TIC est contreproductive. Il faut reconnaître pleinement ce que ces technologies peuvent avoir de positif, car « un utilisateur de TIC sera d’autant plus en capacité d’en faire un bon usage qu’il aura les mots et les interlocuteurs pour parler de ce qu’il ressent, de ce qu’il vit. Il s’agit de pouvoir reconnaître ce qu’ils y font et d’y apporter du sens, penser avec eux des significations et développer un esprit critique et constructif. Cette prise de recul est nécessaire à la digestion de toutes les images et sensations auxquelles nous sommes confrontés constamment. »

Vanessa Lalo, psychologue clinicienne, partage cette approche : « Dans le cas de la dépression par exemple, la personne peut ne pas manger, ne pas dormir, et s’enfermer dans un jeu vidéo. Ce sont des symptômes associés qui vont faire la pathologie de la dépression, mais si on se contente de dire « Il est accro aux jeux », on ne voit pas que s’il joue c’est peut-être parce le sujet ne va pas bien et que le jeu n’est qu’un symptôme. » Et d’ajouter : « Pour être honnête, l’addiction aujourd’hui, ce n’est plus un terme médical, c’est un terme médiatique, et parler de pratique excessive a beaucoup plus de sens, c’est un symptôme parmi tant d’autres. » Reconnaître ce qu’il y a de positif dans le jeu est de même nécessaire au lien clinique : « Il ne faut pas prendre le problème à l’envers, sinon on ne peut pas comprendre le lien relationnel que l’individu met en place avec cet objet spécifique, ce qu’il projette sur cet objet, ce qu’il essaye de fuir, quelle guérison il essaye peut-être de mettre en place tout seul... Cela fait partie de tout un fonctionnement, et ce qui est intéressant, c’est que l’écran agit comme un reflet de l’intérieur de la personne. »

De même, Marie-France le Heuzey, pédopsychiatre à l'hôpital Robert-Debré, invite à ne pas mélanger les « causes » et les « effets ». Par exemple, sur le lien de causalité éventuel entre un usage abusif de jeux vidéo et l'hyperactivité de certains jeunes, il faut être extrêmement prudent. Ce lien entre TDAH (trouble déficit de l'attention/hyperactivité) et Internet a été repéré depuis plusieurs années, y compris chez les enfants, la seule étude portant sur les jeux vidéo « ne permet pas de dire si c'est le fait de jouer aux jeux vidéo qui aggrave l'inattention et le TDAH ou si les adolescents TDAH sont enclins à jouer plus».

Sources :
2010. IWSM.be. Les usages problématiques d’Internet et des jeux vidéo, Cahier (N°6) de l’Institut Wallon pour la Santé Mentale, Belgique (PDF, 144 pages)
12.01.12. Santé. Le Figaro. Dépendance aux jeux vidéo : les signes à surveiller
17.05.12. Rue 89. « On ne parle pas de l’influence positive des jeux vidéo » (entretien avec Vanessa Lalo, psychologue clinicienne)

Jeux vidéo et violence

Le lien entre violence et jeux vidéo revient de manière récurrente. Bill Clinton avait désigné les jeux vidéo comme responsables de la tuerie de Colombine et récemment leur rôle a été évoqué dans les tueries d’Anders Breivik et Mohamed Merah.

Les éléments apparemment contradictoires issus des études sur le lien entre jeu vidéo et violence révèle en quoi le triptyque « TIC – individu – environnement » est éclairant. Le jeu vidéo, même violent, n’est pas à incriminer en lui-même ; c’est en lien avec des facteurs individuels et environnementaux qu’il pourra contribuer à développer des tendances violentes chez des individus. Sauf que, comme l’observe Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l'Université Pierre-Mendès-France, que « lorsque l’on parle de « cause environnementales de la violence », il faut inclure [les jeux vidéo eux-mêmes] dans la réflexion sociale et mettre l’industrie devant ses responsabilités. » De même que des discours racistes et fanatiques peuvent inciter à la violence, les jeux vidéo ne sont pas neutres.
Qu’observe-t-on dans les jeux vidéo à propos des jeux vidéo violents ? Ils mobilisent sans doute chez le joueur une dose d’agressivité, mais c’est le cas de tous les jeux de compétition (jeu vidéo non violent, sports de compétition). Dès qu’il y a compétition, il y a agressivité, observe Vanessa Lalo, psychologue clinicienne, « mais si on laisse le joueur 15 minutes, le temps qu’il intègre ce qu’il vient de se passer, que l’adrénaline redescende, que le cerveau s’apaise, que se passe-t-il ? Et bien la personne est normale. » Le jeu vidéo ne modifie pas la personnalité, il ne « rend » pas violent.

Mais, on constate, selon Laurent Bègue, tout de même, deux choses : d’abord une plus forte tendance à agresser l’adversaire chez le joueur de jeu violent et l’acquisition de compétences « militaires ».

Une étude de L. Bègue s’appuie sur l'épreuve du test sonore, qui consiste à infliger un choc de décibels à son adversaire à chaque fois qu’il perd. Donc d'après les résultats, les étudiants ayant joué aux jeux violents envoyaient des doses de décibels plus longues et plus importantes (de 15% supérieure en moyenne) que les étudiants ayant joués à des jeux de courses. Cette sur-agressivité résulterait des « effets agressogènes » des jeux vidéo violents, c’est-à-dire que le joueur ayant été plus fortement « agressé » par l’univers du jeu aurait alors une tendance à, lui-même, agresser plus fortement. D’autre part, bien des jeux violents sont la transposition d’outils servant la formation militaires et l’usage d’armes virtuelles permet d’acquérir des compétences de tireur. Une étude de l’université de l’Ohio a fait tirer au pistolet sur des mannequins des personnes qui avaient joué à différents jeux vidéo, et elle a montrée que ceux qui avaient joué au jeu de tir avec une commande en forme de pistolet avaient des tirs globalement plus précis et touchaient davantage la tête du mannequin.

Si les jeux vidéo violents qui sont seulement des jeux, ne sont pas en cause, il convient d’interroger leur influence sur des personnes vulnérables, en tant que ces jeux sont aussi des  productions intégrées à une culture qui valorise l’agressivité et qui « spectacularise » la violence.

Sources :
12.01.12. JIM. Publication d’une étude qui confirmerait que certains jeux vidéo attisent la violence
15.01.12. L'Express. Jeux vidéo: le coupable idéal
04.02.12. L'Humanité. Violence dans les jeux vidéo : le débat revient à l’écran
17.05.12. Rue 89. « On ne parle pas de l’influence positive des jeux vidéo » (entretien avec Vanessa Lalo, psychologue clinicienne)
21.05.12. Rue 89. Voulez-vous tuer avec moi ce soir ? Ce que dit la science des jeux vidéo
(Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale, Université Pierre Mendes France - Grenoble)

Facebook : lien virtuel et lien social

Autres résultats d’études contradictoires. Facebook facilite-t-il ou empêche-t-il les liens sociaux ?

D’un côté, des études montrent que facebook est créateur de liens. Une étude de l’Université de Rochester montre que les réseaux sociaux sont, après les rencontres organisés par des amis, devenu le deuxième médium pour la formation des couples. « Ce nouveau développement possible des relations est l'un des meilleurs prédicteurs de santé physique et émotionnelle et physique», affirme Harry Reis, professeur de psychologie à l'Université de Rochester. Une autre étude de l'Université IULM (Milan) et du Massachusetts Institute of Technology a évalué l'état psychophysiologique (conductance de la peau, le pouls, l'activité respiratoire, la dilatation de la pupille, électroencéphalogramme, électromyogramme) de 30 participants  exposés durant 3 mn à un diaporama de paysages naturels (état de relaxation), à un problème mathématique (tâche stressante) et à leur compte personnel Facebook. La vue du compte Facebook crée un état de bien être très supérieur, ce qui témoigne que le compte Facebook est associé, chez les participants, au sentiment qu’ils vont vivre une expérience positive et d’ailleurs c’est probablement pourquoi, en partie, ils en répètent l’expérience.

Toutefois, selon une note récente de l'American Academy of Pediatrics (AAP), la « dépression Facebook » toucherait des adolescents ou préados qui consultent intensivement les médias sociaux.

La consultation des profils de leurs pairs ne ferait qu’accroître leur sentiment d’infériorité, la crainte d’être « dé-friendé », « humiliation suprême », les angoissent. Si « Facebook ne crée pas la dépression, il augmente la pression sur les jeunes », estime Stéphane Clerget. Constamment sous le regard de leurs pairs, sur le réseau, l’adolescent doit être beau, en forme, enjoué. « Cela réclame une mise en scène de soi qui peut stimuler la créativité. Ou accentuer les complexes. »

Là encore, ce n’est pas la pratique du réseau social en soi qui est problématique. Cette pratique le devient en raison de facteurs individuels et environnementaux particuliers. Mais un réseau social comme facebook, en tant qu’il est un élément d’une culture qui valorise à outrance l’image et le narcissisme, n’est pas neutre.

Sources :
06.02.12. Santé Log. Société : Les rencontres en ligne, facteur prédicteur de santé physique et émotionnelle (Psychological Science in the Public Interest)
08.02.12. Santé Log. Facebook ? L’appel d’une expérience émotionnelle positive (Cyberpsychologie, Behavior, and Social Networking)
07.05.12. Santé.Le Figaro. Quand Facebook déprime les ados (American Academy of Pediatrics)

L’écran, la lumière et le sommeil

Plutôt que de rechercher des explications « psychologisantes », on peut aussi constater avec les chronopsychologues, que surfer sur le Web excite psychiquement l’internaute et retarde son entrée dans le sommeil, par ce que la luminosité de l’écran inhibe la sécrétion de mélatonine, hormone clé régulatrice du rythme du sommeil, au point de désynchroniser le rythme biologique des individus connectés à la Toile. 

Il en résulte pour les utilisateurs problématiques d’écran une « dette » croissante de repos entraînant nervosité, irritabilité et perte d’appétit en journée. Et ceux qui n’ont pas de rythme de travail régulier peuvent développer un syndrome de retard de phase du rythme veille/sommeil. Leur envie de dormir se décale alors, au point de survenir tardivement au cours de la nuit ou tôt le matin.

Source :
27.02.12. Sciences Humaines. La cyberdépendance, ennemie du sommeil ?

Evaluer un usage problématique des TIC

Une étude de l’Institut Wallon pour la Santé Mentale recense plusieurs échelles d’évaluation, dont les « Critères diagnostiques de la cyberdépendance », Young (1996), « l’Internet Addiction Test (IAT) », Young (1998), « l’Internet Stress Scale ou Test » d’Orman (2001), les « Critères diagnostiques de l’usage problématique d’Internet » par Shapira et coll. (2003) et les « Critères diagnostiques de la cyberdépendance chez les adolescents » par Ko et coll. (2005)

La dernière née est l'échelle « Bergen Facebook Addiction Scale ». Elle est basée sur 6 critères de base pondérés par (1) Très rarement, (2) Rarement, (3) Parfois, (4) Souvent, et (5) Très souvent :

- Vous passez beaucoup de temps à penser à Facebook ou à ce que vous allez faire sur Facebook

- Vous avez envie d'utiliser toujours plus Facebook

- Vous utilisez Facebook pour oublier vos problèmes personnels

- Vous avez déjà essayé de réduire votre utilisation de Facebook, sans succès

- Vous devenez agité ou anxieux si vous êtes dans l’impossibilité d'utiliser Facebook

- Vous êtes tellement sur Facebook que cela a un impact négatif sur votre travail ou vos études.

L’étude de Cecilie Andreassen de la Faculté de Psychologie de l’Université de Bergen montre que la pondération «souvent» ou «toujours» sur au moins 4 des 6 items suggère que vous êtes « accro » à Facebook.

Sources :
2010. IWSM.be. Les usages problématiques d’Internet et des jeux vidéo, Cahier (N°6) de l’Institut Wallon pour la Santé Mentale, Belgique (PDF, 144 pages)
07.05.12. Santé Log. Facebook Addiction : Une nouvelle échelle pour mesurer votre dépendance

Dépister les conduites à risques en service d’urgence hospitalier

Le site doc.rero.ch. met en ligne un document de Tania CARVALHO sur l’accueil et l’évaluation des adolescents aux Urgences, en particulier lorsqu’ils se présentent dans des circonstances d’accident. La revue de littérature montre que ce moment de vulnérabilité consécutif à l’accident est un moment favorable pour engager un travail avec l’adolescent. Elle montre que dans ce contexte, l’adolescent et sa famille, sont ouverts pour répondre à des questionnaires qui permettent d’élaborer sur la situation vécue. Ainsi des échelles comme l’échelle E.C.A.R.R (Echelle d’évaluation des Circonstances de l’Accident et du Risque de Récidive) ou l’échelle ECRA (Echelle d’Evaluation des Conduites à Risques de l’Adolescent) peuvent être proposée. L’accompagnement du renseignement des questionnaires peut être accompagné par l’infirmière des Urgences sans trop entamer sa disponibilité vis-à-vis du service. 

L’ECARR permet de différencier les adolescents ayant des comportements à risque en lien avec des traits psychopathologiques et dont il y a une chance élevée de récidive de ceux qui n’ont pas de facteurs sous-jacents. L’infirmière peut alors intervenir auprès des jeunes ayant des scores élevés, pour les préparer à une rencontre et suivi par un spécialiste.


Source :
Juillet 2011. doc.rero.ch. Suisse : les adolescents aux urgences - programme de formation d'infirmières, infirmiers hes, Identifier les conduites à risque. Travail de Bachelor (PDF, 30 pages)

Prise en charge des jeunes usagers de substances psychoactives

La Fédération Addiction a édité un guide de bonnes pratiques pour les « consultations jeunes consommateurs » au sein des CSAPA.

L’objectif de ces consultations est d’agir dès les premiers stades de la consommation (usage, usage nocif), quelque soit le produit, voire même les "addictions sans produits". Elle accueille le jeune mais aussi son entourage (famille, proches, professionnels...). Ces consultations doivent être accessibles en transport en commun, localisée dans un lieu spécifique ou intégrer au CSAPA en garantissant la protection des jeunes consommateurs. Les horaires doivent être adaptés au rythme des adolescents et à leur entourage

Plusieurs types de prises en charge sont possibles :

1. Si un changement est envisagé par le jeune, l’intervention visera à améliorer la gestion de l’usage, qu’il souhaite le diminuer ou l’arrêter. Pour renforcer la motivation au changement, il convient de prendre en compte et d’agir sur les différentes dimensions de l’expérience d’usage : gestion du plaisir, de l’ennui, d’une dépressivité sous-jacente, d’un mal-être, des difficultés familiales etc.

2. Dans d’autre cas, le travail sera centré sur le repérage d’une problématique psycho-pathologique sous-jacente (vécu traumatique, troubles de l’identité, angoisses névrotiques, états dépressifs etc.) pour accompagner le jeune vers des soins adaptés.

3. Si des soins ne peuvent être dispensés dans le cadre du CSAPA, on oriente et assure le suivi et la continuité de la prise en charge.

4. S’il n’y a pas de souhait chez le jeune de poursuivre la démarche, le professionnel adopte une stratégie de réduction des risques.

Vis-à-vis de l’entourage, l’intervention peut prendre la forme de :

1. L’écoute et de l’information

2. La guidance et soutien, notamment auprès de parents qui souhaitent être soutenus ou confortés dans leurs attitudes éducatives, quand ils se sentent en difficulté durable ou passagère vis-vis de leur enfant.

3. La thérapie familiale

4. Le groupe multi-familial qui pose la famille en co-thérapeute au sein d’un groupe d’entre-aide composé d’autres familles partageant le même problème

Les consultations peuvent aussi développer les rencontres hors les murs.

Source :
24.04.12. federationaddiction. Guide - Les pratiques professionnelles dans les Consultations Jeunes Consommateurs (C.J.C.) (De l’analyse des pratiques d’un réseau à l’élaboration de recommandations partagées (PDF, 75p.)