Une activité physique régulière est bénéfique pour la santé… mais lorsqu’elle devient trop intense, trop longue et surtout mal encadrée, elle peut perturber certains équilibres physiologiques. L’un des effets peu connus et sous estimé du sport de haute intensité concerne l’intestin : une pratique extrême peut altérer la perméabilité de sa paroi, avec des conséquences parfois délétères sur la santé et le confort quotidien…
Comprendre le rôle de la barrière intestinale
L’intestin n’est pas “juste” un organe digestif : il constitue aussi une frontière immunologique.
Un épithélium intestinal cohésif en première ligne de défense
La paroi intestinale est tapissée d’un épithélium intestinal cohésif : une couche unique de cellules étroitement liées entre elles, qui forme une barrière sélective. Cette structure permet d’absorber les nutriments essentiels, mais aussi d’empêcher le passage de substances nocives vers le sang, bactéries et toxines notamment. La perméabilité intestinale représente donc un enjeu de santé majeur.
Les jonctions serrées : gardiennes de l’étanchéité
Ces cellules épithéliales sont reliées entre elles par des structures spécialisées appelées jonctions serrées dont le rôle est de réguler finement la perméabilité de la barrière intestinale.
Lorsque ces jonctions sont altérées, par un stress, une inflammation ou un manque d’oxygène, elles deviennent plus « lâches », et laissent passer des éléments indésirables. On parle alors d’hyperperméabilité intestinale.
L’impact de l’exercice trop intense sur l’intestin
Le sport intense a un impact direct sur nos intestins.
La redistribution hémodynamique : la sphère digestive moins irriguée
Pendant un effort intense, l’organisme privilégie l’apport sanguin aux muscles actifs et au cerveau : on parle de redistribution hémodynamique. Le sang est redirigé vers les zones à forte demande énergétique, au détriment des organes digestifs. L’intestin se retrouve temporairement moins irrigué…
Ischémie transitoire : un manque d’oxygène délétère
Cette baisse de circulation provoque un manque temporaire d’oxygène au niveau de la muqueuse intestinale : une ischémie transitoire. Or, les cellules épithéliales sont très sensibles à l’hypoxie :
- elles se détériorent rapidement
- les jonctions serrées se disloquent
- la barrière devient perméable…
La reprise du flux sanguin peut de plus générer un “stress de reperfusion » aggravant l’inflammation locale.
Conséquences cliniques : un intestin qui “fuit”
Lorsque l’intestin devient perméable, des molécules normalement exclues infiltrent la circulation sanguine. Ce phénomène peut entraîner des symptômes digestifs :
- ballonnements ;
- diarrhées ;
- douleurs…
Mais aussi des troubles d’ordre général :
- fatigue inexpliquée ;
- baisse de performance ;
- réactions inflammatoires ;
- hypersensibilités alimentaires.
Certains sportifs développent également un terrain propice aux infections à répétition.
Quels sportifs sont concernés ?
Les adeptes de sport d’endurance – marathon, triathlon, trail, utratrail, cyclisme longue distance – sont les plus concernés, en particulier lors d’épreuves prolongées, et notamment en conditions chaudes ou humides.
La déshydratation, le stress oxydatif, une stratégie nutritionnelle inadaptée ou une mauvaise récupération accentuent les risques. Un intestin déjà fragilisé par des troubles digestifs préexistants ou un microbiote déséquilibré y sera aussi plus vulnérable.
Prévention : prendre soin de sa barrière intestinale
La prévention des risques passe par une attention particulière aux conditions de maintien de l’intégrité de la barrière intestinale.
Hydratation, nutrition et récupération
Préserver l’intégrité de la paroi intestinale passe en premier lieu par une hydratation régulière, une nutrition adaptée, une limitation du stress oxydatif par un bon dosage de l’effort et un sommeil réparateur.
Soigner son microbiote intestinal
Un microbiote intestinal sain contribue directement à la cohésion de l’épithélium. Certains probiotiques contribuent à renforcer la barrière intestinale et à moduler positivement la réponse immunitaire locale.
L’intestin est un organe discret, mais central dans la santé et la performance du sportif. Une pratique mal dosée ou inadaptée peut compromettre la barrière intestinale, entraînant des symptômes qui altèrent la qualité de vie et imposent d’aménager sa pratique. Comprendre les mécanismes de perméabilité intestinale et les prendre en compte dans la stratégie d’entraînement et de nutrition est nécessaire pour la performance comme pour la santé et le bien-être à long terme.