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NAHOUM-GRAPPE : Alcool et transfert d'identité, le corps comme chemin vers l'altérité

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par RVH Synergie, ajouté il y a 9 ans
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alcool

Conférence de Véronique Nahoum-Grappe, le 15/05/2014, dans le cadre du séminaire d’ALCOOLOGIE "L'alcool en corps !", conjointement organisé par CSAPA Alcoologie CIPAT (Châtellerault) et par le GRESCO(Groupe de Recherches et d'Etudes sociologiques du centre Ouest).

Véronique Nahoum-Grappe, auteur de "La Culture de l'ivresse" (1991), "Histoire et alcool" (1999), "Soif d'ivresse" (2005) et "Vertige de l'ivresse. Alcool et lien social" (2010) interroge la différence, dans la culture, entre ivresse et alcoolisme. C'est à partir du XIXe siècle avec, d'une part avec la montée en puissance du monde médical (le Dr Magnus Huss, médecin suédois qui forge la notion d'alcoolisme) et le développement des ligues antialcooliques, qui stigmatisent l'alcool comme un fléau social, que le discours sur l'alcool se modifie.
Néanmoins la culture de l'ivresse se perpétue, l'alcool ne perdant pas sa valeur symbolique complexe dans le lien social. Cette complexité s'incarne dans le fait que l'ivresse est liée tout aussi bien à des situations de jubilation sociale (fête) comme de déchéance (ivrognerie) ; il est marqueur du succès (toast) comme de l'échec (boire pour noyer la tristesse) ; il est lié à la vie (l'alcool qui "réchauffe") comme à la mort (la violence) ; à la confiance réciproque (trinquer) qu’à la disqualification de l'autre (serment d'ivrogne) ; à la bagarre comme à la réconciliation…
L'ivresse crée une situation d'emphase du corps dans la présence sociale (impudeur, élévation de la voix...) qui déconstruit la personne sociale, en telle sorte que l'être intime se fait jour, ce qui peut mettre l’individu en danger.  Dans la culture, le dimorphisme dans l’usage de l'alcool est d’ailleurs moins entre groupes sociaux, qu’entre le masculin (l’homme boit plus, a un boire socialisé et qui le virilise) et le féminin (la femme boit moins, en cachette et, ivre en public, elle laisse supposer qu’elle "consent" facilement à l'acte sexuel). L'alcool est aussi source de "performance" (tenir l'alcool) et de prestige social.
La consommation s'inscrit aussi dans la logique de don-contre don (payer sa tournée), à celle du précieux (alcool comme cadeau), aux liens qui transcendent les clivages sociaux, à la fête, à la rencontre et à la sexualité. La consommation d'alcool intervient à des moments de transition (journée, semaine, de l'année, moments importants de la vie) et il marque les changements dans l'espace-temps social ; d'où, notamment, son importance à l'adolescence.


Sur le site de l'Université de Poitiers
http://uptv.univ-poitiers.fr/program/l-alcool-en-corpsetnbsp/video/4313/alcool-et-transfert-d-identiteetnbsp-le-corps-comme-chemin-vers-l-alterite/index.html