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Méthadone

Prescription et dispensation de la méthadone (sirop et gélule) : Questions-Réponses

PRESCRIPTION ET DISPENSATION DE LA MÉTHADONE (SIROP ET GÉLULE) : QUESTIONS-RÉPONSES
*
Nicolas AUTHIER, Clermont-Ferrand (63), Nicolas BONNET, Paris (75), Grégory PFAU, Paris (75),
Stéphane ROBINET, Strasbourg (67), Dr Saman SARRAM, Bordeaux (33), Gilbert FOURNIER,
Chatenay-Malabry (92). (précisions en fin d'article)

Le Flyer N°45, décembre 2011


Introduction

La prescription des traitements de substitution et, en particulier, de la méthadone suscite en permanence de nombreuses questions. Nous avons souhaité, sous l’impulsion de Stéphane Robinet, lui-même membre du Comité de Rédaction de la revue, répondre à la plupart d’entre elles, de façon la plus pédagogique qu’il soit, en donnant un éclairage à des textes (mentions légales, textes officiels…) qui manquent parfois de clarté.

Nous avons séparé les questions qui relèvent spécifiquement de l’une ou l’autre des 2 formes galéniques de méthadone, pour finir par un paragraphe consacré aux questions communes aux deux formes.

MÉTHADONE, SIROP
1.Qui peut prescrire un traitement par Méthadone, sirop ?

Les règles de prescription et de délivrance de la méthadone imposent que la prescription initiale soit réservée aux médecins exerçant en centre spécialisé – CSAPA - ou aux médecins exerçant dans un établissement de santé (1,2).

Les services d’accueil et de traitement des urgences des établissements de santé, compte tenu de leurs modalités de fonctionnement, ne constituent pas un contexte adapté à la primoprescription de la méthadone (1).

S’il n’y a donc pas de contre-indication à l’initialisation d’un traitement par la méthadone par ces services, elle reste toutefois peu pertinente, sauf si le médecin s’assure du suivi de sa prescription et de l’accompagnement psycho-social préconisé par l’AMM.

1. Circulaire DGS/DHOS n°2002/57 du 30 janvier 2002
2. Mentions légales Chlorhydrate de Méthadone AP-HP, sirop
2. Qui peut poursuivre la prescription du traitement par la méthadone, sirop

Une fois le traitement initié, les patients peuvent être suivis par ces primo-prescripteurs autorisés (médecins de centre ou hospitaliers) avec une délivrance soit sur place, soit en pharmacie de ville.

Dans ce second cas, l’ordonnance pour la prescription, rédigée par ces primo-prescripteurs, répondant aux spécifications fixées par l’arrêté du 31 mars 1999 (ordonnance sécurisée).

Le primo-prescripteur peut ensuite déléguer la prescription à un médecin de ville (choisi en accord avec le patient). Dans ce cas, lors de la 1ère délivrance en pharmacie d’officine, le patient doit présenter 2 ordonnances :

 

1) L’ordonnance de délégation rédigée par un primo-prescripteur autorisé (médecin exerçant en service spécialisé - CSAPA - ou hospitalier) indiquant les mentions obligatoires et le nom du médecin qui va assurer le relais. Cette délégation est permanente. Classiquement, l’ordonnance de délégation peut se présenter sous 2 formes. Soit une ordonnance du primo-prescripteur avec une durée de délivrance et la mention « À renouveler par le Dr X ». Soit, plus fréquemment, une ordonnance sans délivrance avec la mention « Délégation de prescription au Dr X ».

 

2) L’ordonnance du médecin de ville, sur laquelle le médecin de ville aura indiqué, en plus des mentions obligatoires, le nom du pharmacien ou de la pharmacie qui assurera la délivrance.

Il n’y a pas de délai imposé entre l’initiation du traitement en milieu spécialisé et la délégation vers un médecin de ville. Celui-ci peut être très court si le patient répond aux critères fixés dans la circulaire de janvier 2002 faisant état notamment à des capacités d’autogestion du traitement et de facteurs de stabilité.

Méthadone, sirop : combien de patients en France bénéficient du traitement ?

En 2011, il y avait en France près de 8 000 patients recevant un traitement par méthadone sirop, délivré en centre spécialisé ou en prison. On estime qu’un nombre identique se faisait prescrire par un médecin de centre (ou hospitalier) un traitement par la méthadone avec une délivrance en pharmacie d’officine. Au total, environ 16 000 patients traités par le sirop de méthadone sont suivis par un médecin du milieu spécialisé (service hospitalier, CSST/CSAPA, établissements pénitentiaires). En 2011, le nombre de patients suivis par un médecin de ville dont le traitement est délivré par un pharmacien (avec une délégation de prescription) est environ de 15 000 patients. Soit au total 31 000 patients bénéficiant d’un traitement par méthadone, sirop.

Note du Comité scientifique : Dans la réalité, les durées de maintien en milieu spécialisé avant le relais en ville dépendent également de pratiques différentes au sein des équipes en matière de relais. La présence ou non de médecins acceptant le relais de patients traités par substitution opiacée peut également faire varier la mise en place de cette option. Enfin, la situation psycho-sociale de certains usagers de drogue nécessite parfois un accompagnement de longue durée en milieu spécialisé.

3. Peut-on délivrer de la méthadone à un patient se présentant pour la 1ère fois dans une , pharmacie d’officine avec une ordonnance d’un médecin généraliste (et sans l’ordonnance de délégation) ?

NON. Il existe schématiquement 2 cas de figure :

* Le patient a bénéficié d’une ordonnance non conforme par un médecin de ville qui a initié le traitement en dehors du cadre médico-légal. Dans ce cas, le traitement ne doit pas être délivré. Idéalement, il faudrait informer le médecin de la nonconformité de sa prescription.

* Le patient a changé de pharmacie. Il faut alors lui demander dans quelle pharmacie a été exécutée la 1ère délivrance en ville et demander au confrère qui a assuré cette 1ère délivrance, de faxer l’ordonnance de délégation, attestant l’initialisation du traitement par un prescripteur autorisé et du relais vers un médecin de ville.

Dans tous les cas, le nom du pharmacien ou de la pharmacie devra être inscrit sur l’ordonnance.

Note du Comité Scientifique :

Selon l’article R 5132-35 du Code de la Santé Publique, une copie de toute ordonnance comportant la prescription d'un ou plusieurs médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants, doit être conservée pendant trois ans par le pharmacien. Ces copies sont présentées à toute réquisition des autorités de contrôle. Nous recommandons également au pharmacien de conserver une copie de l’ordonnance de délégation sur laquelle est indiqué le nom du médecin généraliste autorisé à poursuivre le traitement par la méthadone.

4. Quelle est la durée de validité d’une ordonnance de délégation pour la forme sirop méthadone ?

La délégation est, par défaut, permanente. Elle n’a donc pas à être renouvelée. Ce n’est pas une PIH (Prescription Initiale Hospitalière).

Pour autant, dans des situations cliniques qui le justifient, le médecin peut ré-adresser le patient à un service spécialisé pour une réévaluation de l’indication, une adaptation du traitement ou un mode de suivi conjoint avec le service spécialisé.

MÉTHADONE, GÉLULE
1. Quelles sont les indications ?

Elles sont identiques au traitement par le sirop de méthadone : « traitement des pharmacodépendances majeures aux opiacés dans le cadre d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique ». 

En revanche, la forme gélule est réservée à des patients traités par la forme sirop depuis au moins 1 an et stabilisés, notamment au plan médical et à celui des conduites addictives.

2. Comment déterminer si un patient est stabilisé au plan médical et à celui des conduites addictives et s’il est donc éligible à un traitement par gélule de méthadone ?

Cette notion de stabilité n’est pas définie strictement dans les textes. Elle reste donc à l’appréciation du médecin prescripteur, selon la situation de son patient.

Il n’y a pas de critère précis d’évaluation d’une non stabilité qui exclurait d’emblée le patient d’un traitement par gélule de méthadone (posologie élevée par exemple).

Ainsi, certains professionnels de santé définissent un patient stabilisé comme abstinent aux opiacés illicites ou avec des consommations stables, y compris pour toute autre substance psychoactive (alcool, tabac, cannabis, cocaïne, benzodiazépines…) permettant une amélioration significative de son état de santé physique et psychologique ainsi que de sa situation sociale. D’autres appliquent des critères moins stricts. Là encore, la définition de ce que sont des consommations stables peut varier d’un médecin à un autre.

3. Un médecin de ville qui suit un patient recevant un traitement par sirop de méthadone, peut-il lui prescrire directement des gélules de méthadone ?

NON.

Seuls, les médecins primo-prescripteurs autorisés de méthadone (exerçant en CSST/CSAPA ou en milieu hospitalier spécialisé) peuvent primo-prescrire des gélules de méthadone à un patient traité depuis au moins un an par méthadone sirop et stabilisé.

Si c’est un patient suivi en médecine de ville, le médecin doit l’adresser à un primoprescripteur autorisé, qui ré-adressera le patient au médecin de ville avec une nouvelle délégation de prescription. Celle-ci lui permettra de prendre le relais. Dans ce cas, comme pour le sirop de méthadone, lors de la première délivrance, le patient doit présenter 2 ordonnances (l’ordonnance de délégation et l’ordonnance du médecin de ville).

4. Quelle est la durée de validité d’une ordonnance de délégation pour la forme gélule de méthadone ?

Lors de la mise à disposition des gélules de méthadone en avril 2008, l’ordonnance de délégation d’un médecin primo-prescripteur vers un médecin de ville devait être renouvelée tous les 6 mois.

Depuis juin 2011, comme pour le sirop, la délégation est permanente. Pour autant, là aussi, dans des situations cliniques qui le justifient, le médecin peut ré-adresser le patient à un service spécialisé s’il le souhaite pour une réévaluation de l’indication ou une adaptation du traitement.

Méthadone, gélule : combien de patients en France bénéficient du traitement :

En 2011, près de 1 500 patients se faisaient délivrer de la Méthadone, gélule par un centre de soins spécialisé et environ 7 000 patients (estimation approximative sur la base d’observation par les pharmaciens) avaient une prescription d’un médecin de centre ou hospitalier, avec une délivrance en pharmacie d’officine. Dans le même temps, un peu plus de 6 000 patients faisaient l’objet d’une prescription par un médecin de ville (après avoir eu une première prescription en milieu spécialisé et bénéficié d’une délégation).

5. Y a-t-il d’autres obligations dans le cadre de prescription des gélules de méthadone ?

Les conditions de prescriptions ont été complétées (Journal Officiel du 8 avril 2008) par un arrêté comportant, entre autres, l’obligation d’un protocole de soins pour tout traitement méthadone gélule, dès son initiation.

C’est le médecin traitant qui établit le protocole de soins (L. 324-1). Les médecins de CSAPA ou de service hospitalier qui prescriront des gélules de méthadone avec délivrance en officine pourront demander à la CPAM, à titre dérogatoire, un protocole de soins, sans toutefois être médecin traitant. Ils peuvent également, même si la pratique n’est pas courante, devenir médecin traitant.

6. Y a-t-il une surveillance particulière ?

La commercialisation des gélules de méthadone est accompagnée d’un PGR (Plan de Gestion des Risques) dont les objectifs sont de déterminer les risques identifiés ou potentiels liés à l’utilisation des gélules de méthadone, d’assurer un suivi spécifique pour évaluer ces risques et de mettre en oeuvre des mesures pour les minimiser.

La mise en place d’un PGR pour la gélule de méthadone comprend donc un suivi renforcé de pharmacovigilance, de pharmacodépendance et de toxicovigilance.

Il est d’ailleurs rappelé aux professionnels de santé qu’ils ont obligation de déclarer tout cas d’abus ou de dépendance grave à une substance (sauf alcool et tabac) au Centre d’Addictovigilance (Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance) dont ils dépendent (articles R5219-1 à 5219-15 du Code de la Santé Publique).

Par ailleurs, lors de la primo-prescription ou primo-délivrance d’un traitement par méthadone gélule, les patients doivent recevoir une lettre d’accompagnement (disponible sur le site www.afssaps.fr ou auprès des Laboratoires BOUCHARA-RECORDATI - 01 45 19 10 59). Celle-ci les informe notamment sur le danger d’intoxication mortelle (plus particulièrement chez l’enfant) et les risques encourus en cas de mésusage, pour eux-mêmes et pour leur entourage.

Note du Comité Scientifique :
Le bilan après 2 années de commercialisation des gélules de méthadone a été jugé globalement positif par les Autorités de Santé. Les détournements de voie d’administration ont été exceptionnels (injection, sniff) et le risque avéré le plus important est l’intoxication pédiatrique par absorption accidentelle. Il semble néanmoins nécessaire de sensibiliser les patients à ce risque d’intoxication chez l’enfant et de la nécessité de conserver leur traitement dans un lieu inaccessible aux enfants.

MÉTHADONE, SIROP et MÉTHADONE, GÉLULE
1. Le médecin généraliste peut-il modifier la posologie de méthadone ?

OUI.

L’ordonnance de délégation d’un traitement par la méthadone, rédigée par un médecin de CSAPA ou hospitalier, confère au médecin de ville le statut de prescripteur de méthadone pour un patient donné. Le médecin de ville peut donc augmenter ou diminuer les posologies en fonctions des besoins du patient. Il peut accompagner le patient vers l’arrêt progressif du traitement, ou envisager de recommencer le traitement par la méthadone (par exemple suite à une rechute après une période d’abstinence).

Si le médecin de ville éprouve des difficultés à réinstaurer le traitement par la méthadone chez son patient, il peut également l’adresser à un service spécialisé.

Quoi qu’il en soit, après une période d’arrêt de traitement par la méthadone, il est fortement recommandé de recommencer à une posologie basse (au maximum 40 mg/jour, mais plutôt à 10 ou 20 mg par jour si le patient est devenu abstinent aux opiacés) et d’augmenter progressivement (par palier de 10 mg tous les 4 à 10 jours) conformément au schéma d’induction préconisé par l’AMM.

2. Existe-t-il une posologie maximale de méthadone ?

NON,

il n’existe pas de posologie maximale pour la méthadone, ni de relation clairement établie entre la posologie optimale de méthadone et la quantité d’opiacée consommée avant l’entrée en traitement par la méthadone.

En France, la posologie moyenne se situe plus particulièrement dans la fourchette basse, c’est-à-dire aux alentours de 60 mg, alors que les recommandations internationales préconisent quant à elles une posologie moyenne de méthadone comprise entre 60 et 100 mg/jour, voire 80 à 120 mg/jour.

3. Quelles sont les contre-indications strictes ?

- Age inférieur à 15 ans

- Insuffisance respiratoire grave

- Hypersensibilité à la méthadone

- Traitement concomitant par un agoniste-antagoniste morphinique (nalbuphine, buprénorphine, pentazocine) ou sultopride ou par un antagoniste ;

La prescription de morphiniques à visée antalgique (morphine, fentanyl) n’est pas contre-indiquée, mais nécessite des précautions d’emploi (potentialisation des effets dépresseurs centraux)

La prescription de naltrexone (Révia® et ses génériques) à un patient recevant un traitement par la méthadone peut entrainer l’apparition d’un syndrome de sevrage.

4. Quel est le statut du médecin de ville assurant le relais dans le suivi du traitement ?

Le médecin de ville qui assurera le suivi du traitement est désigné par l’ordonnance de délégation établie par un primo-prescripteur autorisé. En cas de vacances ou absence du médecin de ville, le patient devra présenter lors de la délivrance en pharmacie, une nouvelle ordonnance du centre précisant le nom du nouveau médecin relais.

Par contre, en cas de remplacement, le médecin remplaçant prescrit sous la responsabilité et sur les ordonnances du médecin qu'il remplace. Le médecin de ville ne peut pas relayer lui-même le patient vers un autre médecin de ville

Pour ce faire, le patient doit retourner vers un médecin autorisé à la primo-prescription (CSAPA ou hôpital), qui fera une délégation vers le nouveau médecin de ville dans les mêmes conditions qu’un premier relais-ville.

Note du Comité Scientifique :
Il est fréquent que, dans les cabinets de groupe, les patients bénéficient de prescription d’un des médecins du cabinet, autre que celui désigné par la délégation (absence, congés…). Dans la pratique, ces ordonnances sont dans leur majorité honorées et le remboursement pris en charge pas les organismes payeurs. Toutefois, ceci doit rester une exception car non conforme à la législation en vigueur.

5. Le médecin doit-il contacter le pharmacien à l’instauration d’un traitement par la méthadone ?

Conformément à la Circulaire DGS/DHOS n°2002/57 du 30 janvier 2002, le médecin prescripteur devra déterminer, en accord avec le patient, le pharmacien qui réalisera la dispensation du traitement. Cela sous-entend que le pharmacien choisi doit être contacté par le médecin même si ce dernier n’en a pas clairement l’obligation.

Note du Comité Scientifique :
Pour le partage du projet de soin, et pour favoriser le partenariat entre le médecin et le pharmacien, le Comité Scientifique recommande au médecin prescripteur de contacter le pharmacien à l’instauration d’un traitement par la méthadone et de maintenir ce contact régulièrement.

6. Le médecin peut-il prescrire un traitement par la méthadone à un mineur sans accord parental ?

Les conditions pour qu’un mineur puisse consentir seul à des soins, hors autorisation de ses parents, sont nombreuses et très précisément posées (articles L. 1111-4 et L. 1111-5 du Code de Santé Publique).

* Il faut que le traitement en question s’impose pour sauvegarder sa santé ;

* Il faut que le mineur se soit expressément opposé à ce que ses parents soient au courant et souhaite conserver le secret sur son état ;

* Le médecin doit tout mettre en oeuvre pour tenter de convaincre le mineur d’informer ses parents, et ce n’est qu’en cas d’échec que les soins pourront être entrepris hors le consentement de ceux-ci ;

* Le mineur devra impérativement se faire accompagner d’une personne majeure de son choix ;

* Si le mineur est en rupture avec sa famille et bénéficie à titre personnel d’une couverture sociale, il pourra consentir seul aux soins le concernant.

Dans tous les autres cas, le praticien devra déterminer s’il s’agit de soins indispensables, insister auprès du mineur pour qu’il sollicite le consentement de ses parents et s’assurer de la présence d’une personne majeure en cas de maintien du refus du mineur. Ces conditions concernent exclusivement les mineurs de 15 à 18 ans, un âge inférieur à 15 ans étant une contre-indication à l’instauration d’un traitement par la méthadone.

7. Quelle est la durée de délivrance maximale de méthadone ?

La durée maximale de prescription est limitée à 14 jours.

Sans mention particulière, le pharmacien doit alors délivrer par fraction de périodes de 7 jours. 

Toutefois, le médecin peut, pour des raisons particulières tenant à la situation du patient, exclure le fractionnement en écrivant sur l’ordonnance : « délivrance en une seule fois ». La délivrance peut alors se faire au maximum pour 14 jours (R 5132-30 du Code de la Santé Publique).

8. La durée du traitement par la méthadone est-elle limitée dans le temps ?

NON, il n’y pas de durée limitée pour le traitement par la méthadone. Il est impossible de fixer une durée optimale du traitement susceptible de convenir à tous les patients. La durée d’un traitement par la méthadone doit être établie en fonction de l’évaluation clinique du médecin et de tout autre professionnel de santé impliqué dans la prise en charge. L’arrêt du traitement est une décision qui doit être prise de manière conjointe entre le médecin et son patient. Cet arrêt doit être progressif.

Note du Comité Scientifique :

En pratique, la durée d’un traitement de substitution opiacée varie de quelques mois à plusieurs années. Pour certains, on évoque parfois l’utilité d’un traitement à vie. L’arrêt du traitement par la méthadone n’est pas une fin en soi. Le risque de rechute est élevé en cas d’arrêt et il est dangereux (risque d’overdose en cas de re-consommations). Toutefois, la demande du patient est légitime et doit être accompagnée.

9. Un pharmacien peut-il refuser de délivrer un traitement par la méthadone même si la prescription respecte le cadre légal ?

A priori, il n’existe pas de texte officiel opposable qui autorise un pharmacien à refuser la délivrance d’un médicament qui fait suite à la prescription d’un professionnel de santé dans l’indication appropriée. Si le pharmacien refuse la délivrance, il lui est recommandé d’en avertir le médecin et de motiver sa position.

Comme pour tout autre médicament, un pharmacien peut également refuser la délivrance du traitement s’il a la conviction que c’est dans l’intérêt du patient et qu’il présente un caractère de dangerosité, après en avoir informé le prescripteur.

10. Le pharmacien peut-il délivrer un traitement par la méthadone à un tiers ?

OUI, mais le pharmacien doit enregistrer le nom et l’adresse du porteur de l'ordonnance, si celui-ci

n'est pas le malade, conformément à l’article R 5132-35 du Code de la Santé Publique.

11. Le pharmacien peut-il délivrer un traitement par la méthadone en bi-prise si l’ordonnance de prescription l’indique ?

NON, l’AMM de la méthadone précise que le traitement doit être pris en une prise quotidienne.

Note du Comité Scientifique :

Même si la règle de prescription pour les médicaments de substitution opiacée est la mono-prise quotidienne, dans un certain nombre de cas (clinique /métabolique), une prise bi-quotidienne peut être plus adaptée /pour le patient.

Elle ne peut être la règle pour tous mais doit répondre à une adaptation en vue d’améliorer l’efficacité et la sécurité du traitement.

Dans ce cas de la bi-prise doit être précisée sur l’ordonnance (X mg le matin, X mg le soir). En tant que prescription hors-AMM, elle doit être discutée avec le médecin-conseil, par exemple dans le cadre du protocole de soins.

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12. Dans quel cas le chevauchement de deux ordonnances de méthadone est-il autorisé ? Quelles en sont les conditions ?

Conformément à l’article R. 5132-33 du Code de la Santé Publique, « une nouvelle ordonnance ne peut être ni établie ni exécutée par les mêmes praticiens pendant la période déjà couverte par une précédente ordonnance prescrivant de tels médicaments, sauf si le prescripteur en décide autrement par une mention expresse portée sur l'ordonnance ».

Ainsi, si le médecin autorise le chevauchement avec la précédente ordonnance par une mention expresse, la nouvelle prescription peut être délivrée dans sa totalité sous réserve du respect des autres conditions de prescription et de délivrance.

13. Quel est le délai de carence et de chevauchement ?

L’ordonnance doit être présentée en pharmacie dans les trois jours suivant son établissement pour être exécutée dans sa totalité. 

Si l’ordonnance est présentée après le délai de carence des 3 jours, le pharmacien devra déconditionner la spécialité pour ne délivrer que pour la durée restant à courir (article R. 5132-33).

14. Le traitement par gélule de méthadone est-il plus cher que par le sirop ?

Cela dépend de la posologie et du nombre d’unités de prise nécessaire à celle-ci. Par exemple, pour un patient traité par 40 mg/jour, le traitement par gélule de méthadone est moins cher. 

Cette comparaison est faite sur la base du prix public en pharmacie.

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15. A l’instauration d’un traitement par la méthadone, la recherche de toxiques urinaires est-elle obligatoire ?

Lors de la mise en place du traitement par le sirop et par la gélule de méthadone, une première analyse urinaire permet de vérifier la réalité d’une prise récente d’opiacés. Ce contrôle urinaire permet de s'assurer qu'un même patient ne bénéficie pas de deux suivis parallèles avec prescription de méthadone. Les contrôles portent sur : la méthadone, les opiacés naturels et/ ou de synthèse, l'alcool, la cocaïne, l'amphétamine, les dérivés amphétaminiques, le cannabis, le LSD. La recherche et le dosage des produits listés ne sont pas systématiques mais sont effectués sur demande du prescripteur (voir RCP des spécialités à base de méthadone commercialisées en France). 

Une analyse urinaire positive à la méthadone (avant l’initialisation du traitement) n’est pas une contre-indication à l’instauration d’un traitement par la méthadone sirop. Pour autant, elle doit faire poser la question de la méthadone prise hors-circuit (dosage, fréquence) ou d’un éventuel doublon.

Une analyse urinaire positive aux opiacés n’est pas une contre-indication à l’instauration d’un traitement par la méthadone gélule. Pour autant, elle doit faire poser la question de la stabilité sur le plan des conduites addictives.

16. La délivrance d’un traitement par la méthadone doit-elle être inscrite au Dossier Pharmaceutique (DP) ?

NON, pas obligatoirement. C’est au patient de décider d'ouvrir ou pas le dossier pharmaceutique et cela n'est pas obligatoire. De même, ce sera au patient de décider s'il souhaite inscrire certains médicaments ou tous. Le patient peut aussi, à n'importe quel moment, demander la suppression du dossier pharmaceutique et cette procédure n'aura nul effet sur ses remboursements et sur le système du tiers payant.

Note du Comité Scientifique :
Le DP est un dossier électronique de santé partagé. C’est un outil professionnel pour les pharmaciens qui vise à sécuriser la dispensation des médicaments au bénéfice de la santé des patients.

Il recense tous les médicaments délivrés à un patient au cours des quatre derniers mois dans n’importe quelle officine reliée au dispositif. Le pharmacien peut ainsi repérer les risques d’interactions médicamenteuses. Le DP est créé avec le consentement du patient. Pour le consulter et l’alimenter, le pharmacien doit utiliser simultanément sa carte de professionnel de santé et la Carte Vitale du patient. Sans ces deux cartes, l’accès au DP est impossible. Aucune donnée n’est inscrite sur la Carte Vitale du patient.

17. Lors de la première délivrance de méthadone, le pharmacien doit-il demander un justificatif d’identité au patient ?

OUI, si le porteur de l’ordonnance est inconnu du pharmacien, celui-ci doit demander une justification

d'identité dont il reporte les références sur le registre prévu à l'article R. 5132-9.

Comité scientifique

• Dr Nicolas AUTHIER, Psychiatre, Pharmacien, Pharmacologue, Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier, Responsable du Centre d’Addictovigilance Auvergne, Consultation Pharmacodépendance, CHU, Clermont-Ferrand
• Nicolas BONNET - Pharmacien de santé publique, Directeur du RESPADD (Réseau des Établissements de Santé pour la Prévention des Addictions), Unité d'addictologie, Hôpital René-Muret, Sevran
• Grégory PFAU, Pharmacien, Association Charonne, Coordinateur TREND/SINTES et ECIMUD La Pitié, Paris

• Stéphane ROBINET, Pharmacien d’officine, président de Pharm’Addict, membre de la commission nationale des stupéfiants et psychotropes, membre de la commission nationale addiction et du groupe TSO, Strasbourg
• Dr Saman SARRAM - Psychiatre Addictologue, Hôpital Charles Perrens, Bordeaux
• Pr Gilbert FOURNIER – Professeur et vice-doyen à la Faculté de Pharmacie de Châtenay-Malabry