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Le complexe d’Ulysse ou les métamorphoses de l’identité dans le contexte de l’immigration (1/2)

LE COMPLEXE D'ULYSSE OU LES MÉTAMORPHOSES DE L'IDENTITÉ
DANS LE CONTEXTE DE L'IMMIGRATION (1/2)

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Charles DI, psychologue, hôpital Avicenne, service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent.
Emmanuel MEUNIER, éducateur, chef de projet à la Mission de prévention des conduites à risques du conseil général de la Seine-Saint-Denis, diplômé en anthropologie historique (EHESS).
Marie Rose MORO, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, université Paris-Descartes, chef de service de la Maison de Solenn – Maison des adolescents de Cochin (AP-HP, Paris) www.clinique-transculturelle.org*

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Texte publié, sous une forme remaniée, dans Psycho média n° 32 - novembre-décembre 2011 et n° 33 - janvier-février 2012, sous le titre "Voyage d’Ulysse, voyage migratoire"

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Le Complexe d’Ulysse : pérégrinations migratoires et identité

Parler de Complexe d’Ulysse paraîtra sans doute osé à tous ceux qui ne voient en Ulysse qu’un simple nostalgique du pays natal. Nous proposons une autre lecture, en montrant que L’Odyssée métaphorise des situations typiques du parcours de migration et ses effets sur l’identité du migrant. En outre, le péril et le naufrage, au cœur de l’expérience d’Ulysse, évoquent immanquablement les épreuves, parfois mortelles, qu’affrontent les migrants qui dans des embarcations de fortunes tentent de rejoindre la « forteresse Europe ». Dans ces périples, le migrant doit parfois ruser, allant jusqu’au déguisement ou à la renonciation de son identité, pour survivre à la menace de destruction, d’anéantissement. Comme le dit Devereux (1), la renonciation ou le déguisement de l’identité sont les défenses de choix contre la destruction, puisque c’est la connaissance de son identité qui révèle la vulnérabilité de celui dont on connaît l’identité.

 

Dans La Renonciation à l’identité. Défense contre l’anéantissement, Devereux attire l’attention sur plusieurs passages de L’Odyssée, notamment celui qui rapporte comment le roi Ménélas retenu – comme Ulysse – en terre étrangère, trouve le chemin du retour (chant IV, v 455s).

Sur les conseils d’une déesse, il capture le dieu Protée, le « vieillard de la mer », divinité douée du don de transformer son apparence à l’infini. Déguisé en phoque pour pouvoir l’approcher sans éveiller ses soupçons, Ménélas attrape le dieu endormi et le tient fermement avec l’aide de deux compagnons. Sous cette prise, la divinité qui tente en vain de s’échapper en se transformant, finit par se lasser de se métamorphoser.

Ménélas obtient alors de Protée des indications sur la route à suivre pour retourner dans sa patrie  (2).

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Cet épisode « condense » le parcours migratoire d’Ulysse. La migration serait, tout d’abord, un processus marqué par une succession d’épreuves qui obligent le migrant à transformer, ajuster et adapter son identité, face à un monde qui, à ses yeux, n’arrête pas, à l’instar des métamorphoses de Protée, de changer. Cette situation comporte un risque considérable d’emballement générateur de confusion et de désorientation. Cette absence de point de repère pourra néanmoins être compensée par la rencontre d’une personne secourable (la déesse empathique par exemple), capable d’aider le sujet à trouver la voie d’un « ressaisissement » de lui-même et la possibilité d’une maîtrise du monde de dehors, ne fût-elle que parcellaire.

On le voit, avec Ménélas qui finit par apprivoiser Protée. Mais pour se « ressaisir » et retrouver quelques repères, jusqu’au chemin du retour, le migrant ne saurait faire l’impasse sur l’idée que la migration l’a effectivement transformé, comme Ménélas se déguisant en phoque.

 

D’où cette seconde dimension du parcours de migration : le migrant, pour retrouver une « carte du monde », pour s’y réorienter, doit consentir à s’exposer à l’inévitable transformation de son identité, processus périlleux qui peut vider le sujet de sa vitalité. Ce récit montre aussi qu’il existe des dieux qui veillent sur les migrants, même s’ils conditionnent leur aide à la réalisation d’épreuves. Et toutes les divinités indigènes ne sont pas absolument attachées à leurs lieux, à leurs territoires ; il en existe qui habitent les lieux changeants et mouvants pour protéger ceux qui errent sur les terres et les mers.

Par Complexe d’Ulysse nous entendons donc les différents états que traverse la psyché assaillie par des processus de transformations parfois radicales et violentes de l’identité dans un contexte migratoire. Nous présenterons le parcours d’Ulysse en distinguant deux parties : l’épreuve de la désorientation et du délabrement de l’identité, et l’épreuve de la transformation de soi et de la construction du sens.

I. L’épreuve de la désorientation et du délabrement de l’identité

Avant d’analyser le récit de L’Odyssée, nous apportons quelques précisions sur sa structure. Si la tragédie – de par la fonction d’un chœur qui met des mots sur ce que subissent (pathos) les personnages – entretient des liens étroits avec le logos, c’est-à-dire le discours rationnel tourné vers la quête d’une vérité, le récit épique entretient, lui, un lien étroit avec la mètis, c’est-à-dire l’intelligence créative, adaptative, ingénieuse.

Les Grecs distinguaient trois formes du savoir :
– le mythos qui, par son pouvoir de métaphorisation, exprime les liens qui unissent les hommes entre eux, et les liens de ceux-ci avec le cosmos et les divinités ;
– le logos, le discours rationnel, permet de discerner le vrai du faux ;
– la mètis est, elle, le savoir issu de l’expérience, dont la validité, à l’instar du travail, est déterminée par la réussite ou l’échec ; c’est le savoir issu de la praxis.

 

Autant la tragédie articule mythos et logos (ce qui est particulièrement vrai de l’Œdipe de Sophocle, où la trame est formée par une enquête et une recherche de vérité), autant le récit épique tend à articuler mythos et mètis. Ce qui est particulièrement vrai de L’Odyssée ; Ulysse est dit polumètis : il est la mètis faite homme, l’homme ingénieux par excellence. La mètis est une intelligence créative, rusée, expérimentale qui permet d’inventer des solutions face à l’inconnu, de s’adapter face à l’adversité et à l’indéterminé (3).

Le sens contenu dans le récit épique n’émerge pas d’un discours rationnel. Il se déduit des « leçons » que le lecteur peut tirer des expériences, des réussites et des échecs d’Ulysse. Ajoutons que Mètis est aussi une divinité qui possède, comme Protée, le don de métamorphose et qu’elle fut la première épouse de Zeus et la mère d’Athéna – déesse qui joue un rôle éminent dans L’Odyssée.

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L’Odyssée, un guide de survie pour le peuple de migrants ?

Dans cet article, nous voulons discuter l’hypothèse que L’Odyssée peut être lue comme un « guide de survie » pour les migrants, comme un recueil d’expériences métaphorisées, qui doit permettre au migrant de penser les processus de fragilisation et de métamorphose de son identité inhérents au parcours migratoire. Mais c’est aussi une tribune par laquelle le pays d’accueil peut se représenter non seulement les difficultés, les égarements, les méprises et les souffrances des migrants, mais aussi prendre la mesure des compétences que mettent en œuvre ceux qui viennent d’ailleurs.

La civilisation grecque fut une civilisation de migrants : des hommes et des femmes quittaient volontiers leur cité pour s’installer en terre inconnue, sur le pourtour de la Méditerranée ou de la mer Noire, pour y établir des cités nouvelles. La pauvreté de la Grèce, la faiblesse de ses ressources, tant en minerais qu’en bois ou en terres agricoles, poussaient les jeunes gens à fuir la misère en partant au loin, en cherchant à se faire accepter par les autochtones, en négociant avec eux un pacte commercial, qui leur permettrait d’établir une cité nouvelle, indépendante – voire concurrente – des autres cités grecques. La civilisation grecque – au contraire de la civilisation romaine – est « thalassocratique » : ce qu’il importe de dominer, c’est la mer comme espace d’échange et non les terres et les peuples. Aussi ceux qui migrent recherchent-ils un modus vivendi avantageux, pour eux-mêmes, mais aussi pour les autochtones, afin d’assurer la sécurité de leurs comptoirs commerciaux et maritimes.

Les historiens ont observé que le livre d’Homère contenait de nombreuses informations sur la partie occidentale de la Méditerranée, cette sorte de « Far West » grec.

 

Ces terres étaient largement méconnues des puissances dominantes du VIIIe siècle, à savoir la Phénicie, la Crète et l’Égypte.
Les indications topographiques contenues dans L’Odyssée ont permis aux historiens de reconstituer le parcours probable d’Ulysse : Troie (Turquie), Kikones (nord-est de la Grèce), les Lotophages (île de Djerba, Tunisie), les Cyclopes (baie de Naples, Italie), Éolie (île de Stromboli, Italie), les Lestrigons (Porto Pozzo, Sardaigne), Circée (Monte Circeo au nord de Naples), Les Enfers (cap Misène, au sud de Naples), Charybde et Scylla (détroit de Messine entre la Sicile et l’Italie continentale), Calypso (Gozo, Malte), Phéaciens (Corfou, nord de la Grèce) et enfin Ithaque (4).

Les indications topographiques sont métaphorisées, mais reconnaissables. Ainsi, pour l’île d’Éolie (Stromboli), le texte évoque une « île qui flottait et qu’entourait un mur de bronze indestructible et des à-pics de roche nue (5) ». Le mur de bronze rappelle l’aspect de Stromboli quand elle est abordée par la mer, et l’indication « flottante » renvoie au fait que son volcan fabrique des pierres ponces. Les Grecs considéraient Homère comme le fondateur de la géographie. Et si les indications topographiques sont métaphorisées, c’est sans doute pour protéger, en les gardant secrètes, les routes commerciales ; la pierre ponce est, dès l’Antiquité, une marchandise prisée.

L’Odyssée contient en outre des conseils précieux pour les voyageurs : elle décrit précisément les techniques et manœuvres nautiques ou les étapes de la construction d’un radeau de sauvetage (6).
Ce que nous supposons, c’est que le récit d’Homère ne contient pas seulement des conseils « pratiques », mais aussi des conseils sur la manière d’aller à la rencontre d’autrui et sur l’expérience de la migration.

De la perte de l’orgueil de soi à la dissimulation de l’identité

Entrons à présent dans le récit du parcours d’Ulysse. La première étape du périple d’Ulysse et de ses compagnons est l’île de Kikones (7), une cité qu’ils investissent en se comportant en pirates, ne se privant ni de piller, ni de tuer ceux qui s’opposent à eux, ni de capturer et violer les femmes qu’ils rencontrent. Dès le lendemain, ils sont rejetés à la mer par les habitants de Kikones et leurs alliés. Cela vaut avertissement pour nos candidats à l’immigration : vous pouvez toujours vous percevoir comme supérieur aux autres peuples, mais cela ne garantit en rien votre victoire. Les Grecs ne sont-ils pas les vainqueurs de la superpuissance troyenne ? Et puis l’autochtone ne vous connaît pas et ne reconnaît rien de votre grandeur et de votre gloire. Il n’en est pas impressionné et refusera de se laisser subjuguer. Vous n’avez pas beaucoup de chances de le dominer dans la durée, car il dispose d’alliés. Tout recours à la force brute comporte un grand risque d’échec à effet boomerang.


L’Odyssée contient ainsi plusieurs évocations de ce comportement de « piraterie » qui est durement sanctionné par les dieux (8) Cette condamnation de l’usage de la force tient aussi au fait qu’il n’est rien de plus opposé à la mètis que la force. La mètis est intuition, ingéniosité, expérimentation, ruse. La mètis, c’est le cheval de Troie qu’invente Ulysse, quand s’impose l’évidence que la force ne mène à rien. Pour développer en soi la mètis, cette intelligence qui permet de faire face à l’inconnu, il faut renoncer à user de la force.

 

Un tel « avertissement » est explicitement adressé aux candidats à l’immigration dans les pays scandinaves, en particulier en Norvège et au Danemark. Cet avertissement s’appelle la loi de Jante (Janteloven), expression forgée par l’écrivain dano-norvégien Aksel Sandemose (1899-1965). Marc Auchet, professeur à la Sorbonne, a rappelé les conditions dans lesquelles cette expression est née (9). Dans son roman au titre évocateur : Un réfugié dépasse ses limites, Aksel Sandemose transcrit les dix principes  que la population de la petite région de Jante impose aux étrangers. Ils sont formulés comme des maximes.

Si la loi prescrit au migrant de s’abstenir de manifestation orgueilleuse, elle ne le protège évidemment pas du mépris de l’autochtone. Car la loi de Jante ajoute à ces premières et prudentes recommandations cette dernière : « Tu ne vaux rien, personne ne s’intéresse à ce que tu penses, la médiocrité et l’anonymat sont le meilleur choix. Si tu agis ainsi, tu n’auras jamais de grands problèmes dans la vie. »

Feindre la médiocrité, et même la revendiquer, ou bien encore se fondre dans l’anonymat, sont des modalités de survie pour les migrants. La leçon de Kikones, c’est bien évidemment qu’aucune violence ne sera pardonnée au migrant, mais bien vite, il apprendra que toute affirmation péremptoire de ce qui fait sa fierté est perçue comme une forme de violence. Cette médiocrité contrainte, parfois intériorisée, nous la rencontrons encore dans nos villes, en ce XXIe siècle, avec le cortège de souffrance psychique qu’implique cette contrainte à l’effacement, à l’abdication de soi.

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L’ivresse et l’oubli de soi en migration

Ce renoncement à soi est facilité par les séductions qu’opère le monde des autochtones, comme en témoigne l’escale chez les Lotophages (11). Ces derniers sont d’aimables mangeurs de fleurs de lotos, plante aux vertus enivrantes. Les Lotophages sont accueillants et ne cherchent nullement à dominer les Grecs par la force. Ils n’ont guère besoin de les contraindre.

Les plaisirs enivrants du terroir s’en chargent : « Quiconque goûtait le fruit aussi doux que le miel (le lotos)/ Ne voulait plus rentrer chez lui ni donner de nouvelles,/ Mais ne rêvait que de rester parmi les Lotophages/ À se repaître de lotos, dans l’oubli du retour. »

 

Les Lotophages représentent la dissymétrie du processus d’assimilation, où, dans l’ivresse de la consommation, l’avoir se substitue à l’être. Qui goûte le lotos devient Lotophage, et cesse d’être lui-même au point de délaisser son projet migratoire. Combien de migrants, abordant une terre de consommation, ne se muent-ils pas en consommateurs enivrés, en « consommateur-objets », oublieux d’eux-mêmes ? L’illusion créée par la Liberté et sa flamme éclairant un port de New York gorgé de marchandises, ainsi que les extases procurées par l’alcool et les drogues (12) ont sans nul doute égaré nombre de migrants. Ulysse aura le plus grand mal à arracher ses compagnons à leur ivresse et à les ramener vers leurs navires.

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L’invisibilité salvatrice

L’étape suivante est celle de l’île des Cyclopes (13). Cette fois la dissymétrie n’est plus celle de l’assimilation, mais celle de la dévoration. La force est du côté de ces monstres buveurs de lait et mangeurs de chaires crues.  

La survie des Grecs va dépendre de leur capacité à se rendre « invisibles » : invisibilité obtenue en crevant l’œil du Cyclope, en fuyant accroché au ventre des boucs. Invisibilité couronnée quand Polyphème demande son nom à Ulysse, et que celui-ci répond qu’il s’appelle : « Personne  ». Cette ruse le sauve, car lorsque Polyphème aveuglé appelle les autres cyclopes et que ceux-ci lui demandent qui donc lui a fait du mal et qu’il leur répond que c’est « Personne (14) », ceux-ci s’en vont, convaincus que Polyphème est la victime d’un simple accident ou d’un sort ; ils s’exclament : « Personne ? Aucune violence ? Et seul comme tu l’es ? Ton mal doit venir du grand Zeus et n’y pouvons rien (15). »

Se rendre « invisible » est une stratégie de survie fréquemment adoptée par le migrant : ne pas se faire remarquer, ne pas faire de vague, se noyer dans la masse…

Combien de migrants changent jusqu’à leur nom de famille pour effacer ou masquer leur appartenance à telle ou telle origine.
 

La réussite du parcours migratoire ne suppose-t-elle pas, au vu des dommages produits par la dissymétrie, la création d’un lien de symétrie relative avec l’autochtone, fondé sur un rapport d’échange ? Mangeurs de lotos et Cyclopes mangeurs de chairs crues n’appartiennent pas à ce qu’Homère appelle la « race des mangeurs de pains (16) », celle des êtres effectivement humanisés, le pain étant l’objet du partage par excellence, l’orge et le froment étant nommés par le poète la « moelle de l’homme (17) ». Établir un rapport d’échange est une condition de réussite de la migration. Mais le migrant, placé dans un rapport dissymétrique, fait coup sur coup l’expérience du fait que l’autochtone possède un pouvoir de séduction et/ou de contrainte qui peut l’amener à renoncer à son identité, et qu’il est dangereux pour lui d’affirmer la sienne. La « leçon » de la « lotophagie » et de la « cyclopie » tient en peu de mots : migrant, le mieux pour toi est de renoncer à ton identité.

Le danger lié à l’affirmation de soi est symbolisé par l’imprudence d’Ulysse qui, s’éloignant de l’île des Cyclopes, estime pouvoir proclamer à Polyphème son nom véritable (18). Cette maladresse va lui coûter cher. Car Polyphème se plaindra à son père, Poséidon, le dieu des mers, qui pour venger son fils aveuglé obtiendra de Zeus qu’Ulysse ne puisse revenir chez lui qu’« après bien des maux, sur un vaisseau d’emprunt,/ Privé de tous ces gens, pour trouver le malheur chez lui . »

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Le salut du migrant ne tient-il donc pas – en partie du moins – à la possibilité d’une attitude raisonnable et ouverte de l’autochtone envers lui ? Attitude qui pourrait se résumer à la reconnaissance de leur commune humanité… qui seule peut permettre de regarder l’étranger comme un autre moi et non comme un moi étrange. Le déni d’une commune humanité passe bien souvent par l’essentialisation des usages locaux, par un mépris de l’autre au motif qu’il n’a pas les mêmes usages. Les anciens savaient quoi penser de ces « usages ». Ambroise, évêque de Milan (IVe siècle) répondit à saint Augustin qui lui demandait si le jour du jeûne était le samedi – comme à Rome –, ou le dimanche – comme à Milan : « À Rome, je jeûne le samedi, à Milan, je ne le fais pas ; je suis la coutume de l’Église où je me trouve (20). » Réponse qui donna naissance au fameux adage « Si fueris Romae, Romano vivito more ; si fueris alibi, vivito sicut ibi » (« À Rome, fais comme les Romains ; si tu es ailleurs, fais comme ceux qui vivent là (21) »). Les Anciens avaient assez de sagesse pour dire :


« À Rome, fais comme les Romains »


et non :

 

« À Rome, devient Romain »,

car il n’y a rien de moins essentiel qu’un usage, puisque ce qui importe, c’est bien évidemment l’acte de dévotion, et non la date du jeûne en soi.

Respecter l’usage local, c’est se mettre au diapason des autochtones pour qu’une expérience de dévotion, le jeûne, puisse être partagée avec ceux-ci. L’adoption des usages locaux ne fait sens qu’autant qu’il y a quelque chose à partager, que l’autochtone est ouvert au partage, qu’il se reconnaît lui-même et qu’il reconnaît le migrant comme appartenant à la « race des mangeurs de pain ». Autrement dit, si l’autochtone vous propose de partager un repas, il est mal venu de le refuser sous prétexte qu’il est midi et que votre habitude est de manger à 13 heures 30 ; mais pourquoi se soumettre à une injonction du type « chacun mangera dans son coin à 12 heures, car il est d’usage, ici, de manger à 12 heures », si votre préférence va à un repas servi à 13 heures 30 ? L’essentialisation des usages et l’injonction à adopter les usages locaux sans perspective de partage ne sont finalement que des expressions du « narcissisme des petites différences (22) » et des contraintes conformistes à l’invisibilité imposée au migrant.

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L’épreuve de la désorientation

Ulysse et ses compagnons parviennent à fuir l’île des Cyclopes et ils sont accueillis par Éole, le dieu des vents (23). Éole confie à Ulysse une outre qui renferme les vents contraires, en telle sorte que seul soufflera le Zéphyr, vent qui les poussera vers Ithaque. On sait ce qui adviendra : les compagnons d’Ulysse, lorsqu’ils aperçoivent Ithaque à l’horizon, transgressent l’interdiction d’ouvrir l’outre, parce qu’ils suspectent Ulysse d’y dissimuler un trésor. L’outre ouverte, les vents contraires libérés se déchaînent et ramènent les marins à leur point de départ, nez à nez avec Éole furieux… qui les chasse de son île. La convoitise et la stupidité envieuse semblent être la cause de l’échec du retour à Ithaque. C’est ce que l’on peut déduire du « contenu manifeste » du mythe ; mais le « contenu latent » du mythe indiquerait plutôt que, pour le migrant, la route du retour est barrée si, comme le disent les matelots d’Ulysse, « c’est les mains vides que nous regagnons notre demeure  (24) ». Un migrant ne rentre jamais les mains vides, il ne se présente jamais devant les siens avec du « vent ».

Ce déchaînement des vents contraires évoque le « syndrome d’Ulysse (25) » formulé par Joseba Achotegui, psychiatre et professeur à l’université de Barcelone, qui décrit un état dépressif chronique qui affecte l’immigrant vulnérabilisé par un pays d’accueil qui exige de lui des comportements qui dépassent ses facultés d’adaptation.

 

L’origine de ce syndrome serait le « deuil migratoire ». Ce deuil se distingue de celui qui est causé par la perte d’un être aimé, puisque ici l’objet du deuil – le pays d’origine – n’a pas disparu, mais une séparation est réellement vécue avec le pays d’origine du fait de l’impossibilité d’un retour dans de bonnes conditions.

Joseba Achotegui observe que ce syndrome s’accompagne de sentiments de désorientation et de confusion : des difficultés d’expression, qui traduisent un état de confusion où le migrant ne contrôle plus le fait qu’il pense tantôt dans sa langue d’origine et tantôt dans la langue du pays d’accueil ; le syndrome s’accompagne de confusion temporelle, le migrant ne déterminant plus si tel souvenir renvoie à ce qu’il a vécu là-bas ou ici, si ça vient de dedans ou de dehors, comme dans le collapsus topique décrit par Janin (26).

Il nous semble alors possible d’inférer un lien intime entre vulnérabilisation/ vulnérabilité de l’identité, errance et confusion spatio-temporelle : l’identité, c’est ce qui fait « point de repère » pour le sujet. Ulysse et ses compagnons sont donc désorientés : « Nul ne sait où sont le couchant ni l’aurore./ Ni où le soleil des vivants s’enfonce sous la terre/ Ni où il reparaît (27) » ; telle est l’expérience d’Éolie.

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L’assignation à renoncer au désir et l’expérience du stigmate infâmant

Ulysse et ses compagnons reprennent leur odyssée et abordent une île de géants, appelés les Lestrigons (28). Un groupe s’enfonce dans l’île : ses membres rencontrent une jeune fille géante et ils lui demandent de les conduire jusqu’à la cité la plus proche. La petite géante les guide. Mais à peine les Grecs ont-ils passé les portes de la cité que la mère de la petite demoiselle ameute les géants. La colère saisit les Lestrigons qui se jettent sur les Grecs, dévorent ceux qu’ils peuvent attraper et les obligent à reprendre la mer en catastrophe.

L’immigré fait ici l’amère expérience de la violence des projections négatives dont il fait l’objet, projection haineuse qui attribue à l’étranger des désirs infâmes et une existence dominée par le « biologique ». Cette question est traitée crûment et avec force par Frantz Fanon qui décrypte « l’imago de nègre » dans la conscience coloniale (29), qui tend à réduire le « nègre » au « biologique » : « Nègre = biologique, sexe, fort, sportif, puissant, boxeur, Joe Louis, Jess Owen, tirailleurs sénégalais, sauvage, animal, diable, péché. »

Et Zygmunt Bauman (30), à propos de l’« underclass », évoque ces existences dominées par des projections infâmantes : 

 

« Ceux qui n’ont pas leur mot à dire et se voient imposer une identité qui leur colle douloureusement à la peau. Identité stéréotypée, humiliante, déshumanisante, stigmatisante [...]. Au fond du fond gisent (ou plutôt sont poussés) ceux à qui l’on refuse le droit de revendiquer une identité différente de celle qui leur a été attribuée de force [...]. L’underclass c’est tous ceux dont Giorgo Agamben dirait que la bios (la vie du sujet socialement reconnu) a été réduite à une zoé (une vie simplement animale, amputée de toute dimension humaine). Autre catégorie qui partage le même sort : les réfugiés, les apatrides, les sans-papiers, ceux qui, dans un monde de souveraineté territoriale, sont sans terre (31). »

La réduction de l’autre à une « zoé » implique de lui interdire tout droit à l’expression du désir.

La leçon des Lestrigons tient en peu de mots : migrant, le mieux pour toi, serait que tu renonces au désir, car nous percevons tes désirs comme une forme de violence.

Sortis de cette épreuve, ils atteignent l’île de Circée, et là, nombre des compagnons d’Ulysse, ensorcelés par la magicienne, sont transformés en porcs (32).

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L’identité, la reconnaissance et le désir

L’étonnant, à ce point du récit, c’est que le désir d’Ulysse d’aller au-devant de l’altérité ne se soit pas éteint. La répétition des malheurs n’épuise pas son désir de rencontre, comme s’il savait que sa persévérance amènera la bonne rencontre.

Étrange besoin d’aller au-devant d’autrui ! Ulysse, sur l’île des Lestrigons, avant d’envoyer ses éclaireurs, avait remarqué qu’il n’y avait sur cette île « ni labour ni culture » et pourtant, il s’est demandé quelles sortes de « mangeurs de pain » peuplaient cette île (33). Étrange inconséquence ! Arrivés sur l’île de Circé, les Grecs – qui se sont déjà ravitaillés sur une autre île –, ne l’explorent que pour satisfaire le besoin de rencontre qui anime Ulysse.

Et si ses compagnons obéissent à son ordre d’aller explorer l’île, c’est à contrecœur : « Ils pleuraient à grands cris et versaient des torrents de larmes (34) » ; et l’un de ses plus fidèles compagnons finit même par dénoncer l’« orgueil insensé » d’Ulysse (35) qui met chacun en danger. Étrange naïveté, pourrait-on penser. Mais les géants sont aux hommes ce que les grandes personnes sont aux enfants, aussi peuvent-ils représenter un substitut de l’amour parental et pousser des hommes égarés à courir au-devant d’eux. Et Circée la merveilleuse incarne l’amour de la femme, amour capable de produire, comme chacun sait, des métamorphoses.

Le délabrement de l’estime de soi qui résulte du mépris social de l’autochtone pour le migrant réactive un désir presque enfantin d’être aimé. Axel Honneth (36) enracine le sentiment de la confiance en soi, strate première de l’estime de soi, dans le regard aimant d’autrui :
 

« L’expérience intersubjective de l’amour ouvre l’individu à cette strate fondamentale de sécurité émotionnelle qui lui permet non seulement d’éprouver, mais aussi de manifester tranquillement ses besoins et ses sentiments, assurant ainsi la condition psychique du développement de toutes les autres attitudes de respect de soi (37) ».

Frantz Fanon, dans Peau noir et masque blanc, explorant son propre mal-être de migrant (un Guadeloupéen en France), observe le surgissement de ce désir impérieux d’être reconnu par l’autre : « Quand les Nègres abordent le monde blanc, il y a une certaine action sensibilisante. Si la structure psychique se révèle fragile, on assiste à un écroulement du Moi. Le Noir cesse de se comporter en individu “actionnel”. Le but de son action sera Autrui (sous la forme du Blanc), car Autrui seul peut le valoriser (38). » Frantz Fanon note aussi le surgissement de ce désir d’être aimé et reconnu par la femme autochtone : « De la partie la plus noire de mon âme, à travers la zone hachurée me monte ce désir d’être tout à coup “blanc”. Je ne veux pas être reconnu comme “Noir”, mais comme “Blanc”. Or – et c’est là une reconnaissance que Hegel n’a pas décrite – qui peut le faire, sinon la Blanche ? En m’aimant, elle me prouve que je suis digne d’un amour blanc. On m’aime comme un Blanc. Je suis Blanc. Son amour m’ouvre l’illustre couloir qui mène à la prégnance totale (39). »

Miser sur l’amour, comme forme primaire de la reconnaissance, est un choix risqué qui expose le migrant désorienté au danger de se retrouver manipulé par ceux qui exploiteront sans vergogne son besoin de reconnaissance ; et cela aussi bien de la part de patrons qui payeront leurs employés avec de la « bienveillance paternaliste » plutôt qu’avec des espèces sonnantes et trébuchantes que, de la part de pervers, de tout acabit.

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La confrontation comme moyen de défense face au processus de délabrement de l’identité

Ulysse ayant appris les mésaventures de ses compagnons transformés en porcs s’enfonce dans l’île pour rencontrer Circé. Hermès (40), le dieu messager, se manifeste alors à Ulysse. Et pour le protéger, il lui offre « l’herbe de vie » qui l’immunisera contre les filtres de la magicienne (41). Il lui donne aussi ces instructions : quand la magicienne lui proposera d’entrer dans sa couche, il devra accepter, mais au lieu de la pénétrer avec son sexe, il devra la menacer de la pénétrer avec son glaive, et l’obliger à jurer sur les dieux de l’Olympe « qu’elle ne trame contre [lui] nul autre mauvais coup/ Pour [lui] prendre, ainsi nu, [s]a force et [s]a virilité  (42) ».

La reconnaissance s’obtient ainsi dans la lutte, dans la confrontation. De cette confrontation naît la reconnaissance. Sans qu’Ulysse ait prononcé son nom, Circé le reconnaît : « Tu es donc Ulysse aux mille tours, dont si souvent/ Hermès à la baguette d’or m’annonçait qu’il viendrait (43). »
 

Parce qu’il y a soudain reconnaissance mutuelle, reconnaissance de la valeur personnelle de chacun, l’amour devient possible : « Montons tous les deux/ Sur cette couche, afin qu’unis par une même étreinte/ Nous puissions, forts de cet amour, nous fier l’un à l’autre (44). »

Mettant en œuvre les conseils d’Hermès, Ulysse obtient que ses compagnons retrouvent leur véritable apparence et ceux-ci reçoivent les faveurs des servantes de Circé.

Le trio Circé-Hermès-Ulysse est uni par la mètis : Circé possède le don de métamorphoser (ce qui la rapproche de Mètis et de Protée) ; Hermès, parce qu’il est perpétuellement en mouvement grâce à ses pieds ailés, possède le don de changer toujours de lieu ; et Ulysse polumètis est l’incarnation humaine de la mètis.

Finalement, l’amour qui a son propre pouvoir de transformation sur les êtres ouvre des perspectives. Circé, de magicienne malfaisante, devient l’initiatrice d’Ulysse.  
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Elle lui impose des épreuves qui vont permettre aux Grecs de se prouver à eux-mêmes leur propre valeur. Trois épreuves vont s’enchaîner : la visite des Enfers (45), la rencontre des sirènes (46) et le passage entre Charybde et Scylla (47), trois épreuves qui vont leur permettre de se « ressaisir », de stopper le processus de délabrement et de perte d’identité.

La visite aux Enfers est une épreuve de « ré-affiliation » (même si elle est motivée par la rencontre du devin Tirésias), car Ulysse va y retrouver sa mère, puis l’ensemble des héros du monde grec. L’identité se fortifie, se reconstruit par référence à l’antériorité et au lignage. La rencontre avec les sirènes est une épreuve de résistance aux séductions du monde des autochtones. L’identité se reconstruit ici négativement, par opposition aux attraits du monde des autochtones.

La troisième épreuve consiste en l’acceptation d’un sacrifice nécessaire : les Grecs ont le choix entre passer devant Scylla, « l’effrayante aboyeuse », monstre marin avec six têtes de chiens qui ne manquera pas d’arracher du navire six des compagnons d’Ulysse, ou devant Charybde, « l’onde noire » qui engloutit puis vomit, trois fois par jour, tout ce qui est à la surface de la mer. Le sacrifice de six pour sauver le groupe tout entier est encore une manière d’affirmer la valeur du groupe auquel on se réfère et par conséquent, de renforcer le sentiment d’identité.

Ces épreuves ont pour effet de ressouder, de renforcer le groupe formé par les Grecs. Ce qui va enrayer le processus de délabrement de l’identité, c’est l’affirmation d’un « Moi » comme partie d’un « Nous ». Fréquemment, les migrants passent par une phase « communautariste » nécessaire, de repli sur le groupe d’appartenance.
 

Le sujet retrouve une forme d’estime de soi, de fierté, en réaffirmant la valeur de son groupe d’appartenance ; au risque de sombrer à son tour dans le « narcissisme des petites différences ».

Les Grecs ont retrouvé une assurance en eux-mêmes, ils ont été aimés, ils sont réaffiliés, ils forment un groupe affectivement uni. Mais en abordant l’île du Trident (48), alors que ses compagnons sont pleins d’assurance, c’est Ulysse qui hésite à aborder cette île, et il ne s’y résout d’ailleurs que sous la pression du groupe. Ulysse a reçu aux Enfers cet avertissement de Tirésias : sur l’île du Trident, le dieu Hélios, dieu solaire, fait paître ses taureaux, et il est défendu d’en consommer. Les Grecs s’installent sur l’île, s’abstenant de tuer les bœufs gras d’Hélios. Mais des vents contraires les empêchent de reprendre le large, et bientôt, ils épuisent leurs vivres : « Prenant poissons, oiseaux, ce qui leur tombait sous la main,/ Avec des hameçons crochus la faim tordait les ventres (49). » Profitant de l’absence momentanée d’Ulysse, les Grecs abattent les meilleures bêtes du troupeau du Soleil, et festoient pendant six jours malgré les risques de représailles du dieu : « J’aime encore mieux périr la bouche ouverte dans les flots/ Que me consumer peu à peu dans une île déserte (50) ! », clame un compagnon d’Ulysse. Hélios obtiendra de Zeus qu’il provoque un naufrage, dont Ulysse sera le seul rescapé.

Avec la mort de ses compagnons, sanctionnés pour leur hubris (excès), la stratégie de la confrontation comme moyen de défense trouve sa limite. Un « Moi » nu, dépouillé de l’enveloppe protectrice du « Nous », se révèle, un « Moi » ballotté par la tempête, contraint à s’agripper désespérément à quelques rochers pour ne pas disparaître dans « l’onde noire », contraint à s’arc-bouter à quelques planches de secours au milieu des flots déchaînés par Poséidon. Une déesse encore veillera à ce qu’il échoue sur quelque plage accueillante.

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Notes

(1) Devereux, G., (1967) La Renonciation à l’identité. Défense contre l'anéantissement, Paris : Payot, 2009.

(2) Ibid., p. 84.

(3) Detienne, M., Vernant, J.-P., (2009) Les Ruses de l’intelligence, la mètis des Grecs, Paris : Champs Flammarion.

(4) Historia (janvier-février 2010), numéro spécial, « Le monde d’Ulysse », p. 12-13.

(5) Homère : X, v 3-4.

(6) Homère : V, v 243-261.

(7) Homère : IX, v 40-61.

(8) Homère : XIV, v 259-284.

(9) Auchet, M., (2004) « La loi de Jante et l’imaginaire social Scandinave », Nordiques, n° 4, , p. 45-63.

(10) Les « maximes » de la loi de Jante : 1. Tu ne dois pas croire que tu es quelqu'un de spécial ; 2. Tu ne dois pas croire que tu vaux autant que nous ; 3. Tu ne dois pas croire que tu es plus intelligent que nous ; 4. Tu ne dois pas t'imaginer être meilleur que nous ; 5. Tu ne dois pas croire que tu sais plus que nous ; 6. Tu ne dois pas croire que tu es plus important que nous ; 7. Tu ne dois pas croire que tu es capable de quelque chose ; 8. Tu ne dois pas rire de nous ; 9. Tu ne dois pas croire que quelqu'un s'intéresse à toi ; 10. Tu ne dois pas croire que tu peux nous enseigner quelque chose.

(11) Homère : IX, v 83-104.

(12) Hérodote écrit à propos d’un peuple de Libye qu’il appelle « Lotophages » (Histoire, Livre IV, CLXXVII) : « Les Lotophages habitent le rivage de la mer, qui est devant le pays des Gindanes. Ces peuples ne vivent que des fruits du lotos : ce fruit est à peu près de la grosseur de celui du lentisque, et d'une douceur pareille à celle des dattes. Les Lotophages en font aussi du vin. » Selon Jean Cuisenier, le lotos serait le jujubier (Zizyphus lotus), qui contient des alcaloïdes comme la lotusine, cyclopeptides et isoquinolides (Jean Cuisenier, Le Périple d'Ulysse, Paris : Fayard, 2003). Les fruits roussâtres et pulpeux, de la grosseur de la prune sauvage, du jujubier sont aujourd’hui encore utilisés pour la confection de « vins ». Quand les fruits sont mûrs, on les cueille et aussitôt ils sont écrasés pour être renfermés dans des vases. En ajoutant de l’eau, on obtient une sorte de vin qui ne se conserve qu’une dizaine de jours.

(13) Homère : IX, v 105-566.

(14) Homère : IX, v 366-367.

(15) Homère : IX, v 409-411.

(16) Cette position des Grecs de limiter l’humanité à la race des « mangeurs de pain » établit un distinguo entre les hommes, d’une part, et les dieux ou les autres êtres merveilleux, d’autre part. On peut se demander s’ils avaient rencontré des peuples chasseurs cueilleurs qui ne mangent pas de pain, et s’interroger sur le regard qu’ils auraient porté sur ceux-ci.

 

(17) Homère : XX, v 108.

(18) Homère, IX, v 502-505.

(19) Homère, IX, v 534-535.

(20) Saint Augustin, Lettre 54 à Juanarius, VI, 8.

(21) Sous cette forme, ce proverbe semble cité pour la première fois par Jeremy Taylor (1613–1667), auteur de Ductor Dubitantium, or the Rule of Conscience (Livre I, chap. 1, règle 5, § 5), ce qui laisse penser que cet adage serait plus tardif qu’on ne l’imagine.

(22) Freud, S., (1929/2007), Le Malaise dans la culture, Paris : PUF.

(23) Homère : X, v 1-75.

(24) Homère : X, v 42.

(25) Achotegui, J., (2004) « Immigrants Living in Extreme Situation: Immigrant Syndrome with Chronic and Multiple Stress (the Ulysses Syndrome) », Journal of the Spanish Association of Neuropsychiatry, 7(21), p. 39-53.

(26) Janin, C., (1996) Figures et destins du traumatisme, Paris : PUF.

(27) Homère : X, v 190-192.

(28) Homère : X, v 81-132.

(29) Fanon, F., (1952) Peau noire, masques blancs, Paris : éd. du Seuil, coll. « Points », p. 134.

(30) Bauman, Z., (2010) L’Identité, Paris : L’Herne.

(31) Ibid., p. 55 et 57-58.

(32) Homère : X, v 187-269.

(33) Homère : X, v 98-101.

(34) Homère : X, v 201.

(35) Homère : v 437.

(36) Honneth, A., (2000) La Lutte pour la reconnaissance. Vers une nouvelle théorie critique, Paris : Cerf.

(37) Ibid., p. 131.

(38) Fanon, F., op. cit. in n. 29, p. 125.

(39) Ibid., p. 51.

(40) Hermès est comme Ulysse qualifié de « polumètis » : il incarne la mobilité et l’esprit de débrouillardise (Detienne, M., Vernant, J.-P., op. cit. in n. 3, p. 266).

(41) Homère : X, v 287.

(42) Homère : X, v 300-301.

(43) Homère : X, v 330-331.

(44) Homère : X, v. 333-335.

(45) Homère : chant XI.

(46) Homère : XII, v 165-200.

(47) Homère : XII, v 234-259.

(48) Homère : XII, v 320-419.

(49) Homère : XII, v 351-352.

(50) Homère : XII, v 350-351.