Des constats à l'enquête prospective "MEPRISE" Yasmine LIENARD, CSST Lille |
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Au cours des traitements de substitution, on observe parfois des prises de poids importantes et rapides, souvent déclarées comme un effet secondaire du médicament de substitution. C'est le cas en particulier avec la méthadone. La littérature scientifique, notamment au niveau de la clinique, nous renseigne très insuffisamment sur ces prises de poids. Le Flyer N°10, Nov. 2002 |
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Quelques idées reçues | ||
Il est courant dans une population de patients usagers de drogue d'attribuer toute perturbation ou 'effet indésirable' au 'produit', plus qu'à leurs comportements alimentaires. Concernant la prise de poids excessive, les patients substitués imputent assez facilement celle-ci à la méthadone, plus qu'à leur alimentation ou à leur sédentarité. Les équipes soignantes habituées depuis de longues années aux échanges avec les usagers de drogue, où le produit est rendu responsable de tous les maux, savent faire la part des choses. Ils suscitent alors un questionnement chez l'usager pour établir la part qui revient à leurs habitudes alimentaires, leurs consommations annexes et, globalement, leur hygiène de vie. |
Concernant le comportement alimentaire des patients sous méthadone, il existe une enquête australienne (1) menée auprès d'un groupe de 86 femmes suivant un traitement de substitution par la méthadone. Elle établit que celles-ci ont un apport calorique peu élevé, provenant principalement de sucres rapides, consommés plusieurs fois dans la journée (environ 6 repas par jour). A l'inverse, l'apport calorique provenant de sucres lents, ainsi que l'apport de fibres est insuffisant, ce qui conduit en réalité à un déséquilibre nutritionnel préjudiciable. Mais leur indice de masse corporelle est normal.
Ou s'agit-il d'une idée reçue ? Et si elle existe, à quoi est-elle imputable ? |
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Prises de poids et amélioration du statut nutritionnel | ||
"En premier lieu, il faut définir ce que l'on peut qualifier de 'prise de poids'. On peut distinguer schématiquement (ou superposer) : |
Prises de poids et récupération de la courbe de poids Dans le cas (théorique) ci-dessous, un patient substitué à l'âge de 29 ans, et qui est resté à son poids d'adolescent pendant sa période d'héroïnomanie, peut potentiellement récupérer une partie du poids qu'il aurait 'normalement' pris dans un mode de vie moins marginalisé Prises de poids et récupération de la courbe de poids (Voir tableau plus bas). |
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Facteurs associés : médicaments psychotropes, compulsions, sédentarité | ||
3. Les prises de poids explicables par des facteurs associés : c'est le cas notamment lors des co-morbidités psychiatriques, traitées par des médicaments psychotropes comme les neuroleptiques et les anti-dépresseurs, dont on sait qu'ils peuvent avoir un impact sur l'appétit ou la prise de poids. Par ailleurs, la dépression non traitée, et plus généralement l'ennui, sont des situations classiques de compensation alimentaire. Les consommations annexes, comme le cannabis, puissant orexigène, pour lequel ses utilisateurs décrivent un effet vide-frigo. Les consommations d'alcool, souvent importantes, et à ce titre représentant un apport calorique considérable. Il est à cet égard assez singulier d'entendre un patient qui boit plus d'une dizaine de bières par jour dire que c'est la méthadone qui le fait grossir ( ! ). |
Certains cliniciens observent ce qui pourrait ressembler à un transfert d'addiction, d'une pratique compulsive des opiacés vers une alimentation sucrée tout aussi compulsive (barres chocolatées, bonbons, boissons très sucrées), ce que confirmerait les observations de l'étude australienne (Zador) précédemment citée. |
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Prises de poids et méthadone, l'enquête "MEPRISE" | ||
4. Les prises de poids qui pourraient être liées à la méthadone : une étude américaine (3) a exploré les modifications de fonctions neuro-hormonales. Nul doute que la méthadone modifie certaines de ces fonctions, sans pour autant qu'il soit aisé de faire une relation étroite avec des prises de poids. Pour autant, on ne peut éliminer l'idée que certains patients réagissent particulièrement à la molécule. Après avoir éliminé la présence de facteurs associés précédemment décrits, on pourrait alors parler d'effet indésirable imputable au seul médicament. |
Ces questions, et le manque de réponses à une partie de celles-ci, nous a conduit à élaborer un projet d'enquête prospective, baptisé MEPRISE (MEthadone et PRISE de poids). Il s'agit de suivre une cohorte de patients qui démarrent un traitement de substitution par la méthadone pendant 1 an. A 4 reprises, M0, M1, M6, M12, les patients feront l'objet de mesures anthropométriques (Poids, Pli cutané tricipital), d'un questionnaire sur leurs situations sociales, et d'un questionnaire médical et alimentaire. En même temps que ce questionnaire, chaque patient remplira un auto-questionnaire pour évaluer ses consommations d'alcool et illicites. |
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Notes | ||
Bibliographie : |
Remerciements : Voici les centres qui participent à cette enquête, et que nous remercions pour leur participation, le temps et l'énergie qu'ils y consacrent, sont : FST à AIX en PROVENCE, Le MAIL à AMIENS, CSST St-Roch à NICE, GAINVILLE à AULNAY S/BOIS, CSST à AUXERRE , SOLEA à BESANCON, CEID à BORDEAUX, CADI à BREST, CMA à CHARLEVILLE MEZIERES, SATO à CREIL, USID à DOUAI, LE SQUARE à LENS, B. VIAN à LILLE, CEDRE BLEU à LILLE, CITD à LILLE, ETAPES à MAUBEUGE, BAUDELAIRE à METZ, La MOSAIQUE à MONTREUIL, ALTERNATIVE à MULHOUSE, UFATT à NANCY, La FRATRIE à NANTERRE, CSST à ANTIBES, NOVA DONA à PARIS , CSPT à RENNES, La FRATERNITE à NANTERRE, RIVAGE à SARCELLES, CEDAT à VERSAILLES.
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