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L'actualité vue par la cyberpresse par Emmanuel Meunier
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Ciudad Juárez : anti-utopie d’une mondialisation passée entre les mains des trafiquants | ||
La montée en puissance de la mise en cause des politiques de prohibition des drogues n’est pas sans lien avec l’horreur et l’effroi suscité par Ciudad Juárez. Milagros Ezquerr (Université Paris-Sorbonne), dans un article publié sur Médiapart décrit cette ville mexicaine, frontalière des USA, qui accueille, depuis 1994 (Traité de Libre-Echange Nord-américain), « un très grand nombre de multinationales manufacturières de sous-traitance, les maquiladoras, qui profitent d'un énorme réservoir de main-d'œuvre peu qualifiée et payée misérablement, constituée majoritairement de femmes jeunes. La présence dans cette ville des cartels de la drogue est fort ancienne, à cause de la proximité du marché consommateur des Etats-Unis. » Ciudad Juárez s’est fait connaître par des centaines de meurtres cruelles de jeunes femmes (et même de petite fille). La misère sociale nourrie une criminalité extrême : « Il y a une population flottante qui contribue à l'insécurité quotidienne, mais surtout une délinquance multiforme liée à la présence du cartel le plus puissant du pays (cartel de Juárez). Les drogues dures ne sont plus seulement à destination des Etats-Unis, elles alimentent aussi une consommation intérieure de plus en plus forte qui génère de la violence, une énorme quantité d'argent sale qui demande à être blanchi à travers tout un réseau d'établissements de loisirs, de jeux, de prostitution. » La corruption gangrène la ville, « depuis le simple policier jusqu'aux politiques les plus en vue, au plan local et au plan national. » |
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Une « ploutocratie » corrompue s’y mue en « groupe de prédateurs » et y côtoie « une grande réserve de proies virtuelles. Du côté des proies, les hommes deviendront des sicaires, des hommes de main, des exécuteurs de basses besognes qui seront appâtés par l'argent, les belles voitures, les armes et la drogue. À la moindre incartade, ils seront abattus sans hésitation: faire régner la terreur est le premier impératif des grands prédateurs. Pour les femmes, les choses se compliquent: elles sont à la fois les proies les plus vulnérables, les plus méprisées et les plus convoitées. » Dans cette « zone de non-droit, où ceux qui détiennent la réalité du pouvoir ne connaissent aucune contrainte, et où ceux qui représentent le pouvoir légal ne se font pas respecter, mais plutôt acheter ou intimider », règne « la guerre des mâles entre eux, chacun devant prouver qu'il est le dominant, car ils n'ont d'autre loi que celle de la force. La dominance suppose la force (par les armes et les hommes de main), la richesse (dans l'ostentation), l'influence (par la corruption), et la puissance sexuelle (par le nombre de femmes que l'on peut se payer et le mépris avec lequel on les traite en les ravalant au rang d'objets sexuels jetables). La mise en scène de la puissance sexuelle est l'orgie, où l'on démontre que l'on peut repousser indéfiniment les limites de la jouissance, c'est-à-dire jusqu'à la mise à mort avec tous les raffinements de la cruauté. » Source : |
La guerre à la drogue au Mexique : une population prise en otage | ||
En 2006, le président mexicain Felipe Calderon, a lancé une offensive contre les cartels de drogues, faisant un usage intensif de l'armée et de la police fédérale. Mais cette guerre contre les cartels, va rapidement se redoubler d’une guerre sanglante de territoire entre les différents cartels. L’ampleur de la corruption permet aux différents cartels d’infiltrer les forces de l’ordre et d’utiliser l’appareil répressif de l’Etat pour poursuivre leur guerre. L’écrivain Juan Villoro raconte comment le pays tout entier s’est mit ressentir cette guerre, d’abord confinée aux grandes villes. « A moins de 100 kilomètres de la capitale, Cuernavaca était l’image même de la tranquillité. Peu à peu, la violence a cessé de se produire “ailleurs” pour se rapprocher de notre vie. Les narcos sont entrés dans une phase de terrorisme. Répandre la peur s’inscrit dans leur stratégie. » Terroriser la population est un moyen d’installer l’omerta. Les autorités tente d’impliquer la population en promouvant la délation auprès d’une population qui craint la collusion entre les trafiquants et les agents des forces de répression. « Il est indispensable de s’interroger sur le poids social de la délation. Le narcotrafic ne tolère aucune ingérence, il criminalise les victimes, il attribue au dénonciateur la responsabilité de sa propre mort. » Le nombre annuel de morts attribuées aux activités du crime organisé en 2010 a presque sextuplé depuis 2007, passant de 2.700 à 15.273. |
Il y renvoie dos-à-dos politiciens et criminels : « Nous en avons par-dessus la tête de vous, les politiques... Nous en avons plus qu’assez parce qu’avec cette corruption qui signe l’échec des autorités, chaque citoyen de notre pays est réduit à ce que le philosophe Giorgio Agamben appelle, utilisant un mot grec, zoe : la vie non protégée, la vie d’un animal, d’un être qu’on peut séquestrer, violenter, assassiner impunément... Nous en avons jusque là de vous, les criminels, de votre violence, de votre déshonneur, de votre cruauté, de votre déraison. Nous en avons jusque-là parce que votre violence est devenue inhumaine, même pas animale — des animaux ne feraient jamais ce que vous faites —, mais imbécile, démoniaque. Nous en avons jusque-là parce que la soif de pouvoir et d’enrichissement vous amène à humilier nos enfants, à les broyer. Vous ne laissez dans votre sillage que la peur et l’épouvante. » Sicilia a lancé une marche partie le 5 mai de Cuernavaca pour arriver le 8 mai à Mexico. Dans 32 villes du Mexique, des manifestations contre la violence de la guerre à la drogue eurent lieux le même jour. Sources : |
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Mondialisation, drogue, blanchiment & finance internationale | ||
A côté de la mondialisation criminelle et miséreuse de Ciudad Juárez, il y a la mondialisation criminelle et fortunée des groupes financiers qui s’associent aux réseaux maffieux. La crise des liquidités de 2007-2008 a facilité des rencontres entre des maffieux et hommes d’affaires « respectables ». Le journal The Observer, dans son édition du 3 avril, fait état de la condamnation de la banque Wachovia, filiale de Wells Fargo, la 4e banque des Etats-Unis. Wachovia a blanchit pour le compte du cartel de Sinaloa (le cartel mexicain rival du cartel de Ciudad Juárez), 378,4 milliards de dollars, soit l'équivalent du tiers du PIB mexicain. La banque s’en est tirée en payant 160 millions de dollars d'amende. |
L’office de police criminelle européen Europol, dans son rapport bi-annuel, constate que les organisations maffieuse s’achètent une sorte de respectabilité sur le dos de la crise en rachetant des entreprises affaiblies par la crise ; « dans certains cas, l’acquisition d’entreprises en difficulté permet de se doter d’un réseau neuf de sociétés écrans. » En outre, l’office constate le recrutement de spécialistes des marchés financiers. L'Organe international de contrôle des stupéfiants, dans son rapport 2010, constate que « la corruption sape les efforts internationaux en faveur d'une élimination des problèmes liés à la drogue. En recourant systématiquement à la violence et à la corruption, en usant d’intimidations et de chantage à l’égard des agents publics, les puissants et riches groupes criminels organisés sont parvenus à affaiblir les services de détection et de répression et les appareils judiciaires. » Sources : |
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USA : crise de la dette et audit de la guerre à la drogue | ||
Il apparaît impossible d’évaluer combien de banques et fonds spéculatifs se sont renfloué en acceptant l’argent du crime. Reste qu’en 2007-2008 les secteurs financiers ont été principalement renfloué par de l’argent public et que des plans de soutien à l’économie ont du être mis en œuvre. Il en résulte un endettement sans précédent des Etats et une crise dites des « dettes souveraines » qui conduisent à des politiques de réduction des dépenses et à des politiques d’audit. Le bulletin de l’Amérique rend compte de deux rapports parlementaires américain parue le 8 juin qui constate que, depuis le début de la « war on drugs » lancée en 1971 par Richard Nixon, les USA auront dépensé trois trilliards de $ (soit trois mille trillions de $, ou trois mille milliard de milliards $, soit 3.000.000.000.000.000.000.000 $). « Nous gaspillons l’argent des contribuables et injectons de l’argent pour régler un problème, sans même savoir ce que nous obtenons en retour », a déclaré la sénatrice Claire McCaskill (Dém.), l’une des rédactrices de l’un des rapports. En outre, les parlementaires constatent que le credo libéral qui impose de sous-traiter au privé, a permis à cinq multinationales DynCorp, Lockheed Martin, Raytheon, ITT et ARINC d’absorber des sommes considérables avec à la clé une « augmentation des dépenses de 32% au cours des cinq dernières années, passant de 482 millions de dollars en 2005 à 635 millions de dollars en 2009. » |
Les résultats ne sont pas au rendez-vous. L’activité policière n’enraye pas le trafic : « La plupart des personnes impliquées dans le trafic de drogue ne sont que de petits dealers et n’ont rien à voir avec la caricature du gangster des films à grand frisson. La plupart des prisonniers pour trafic ne sont finalement que du menu fretin, aisément remplaçable par le premier venu. » Pour ce qui est du soutien au programme d’éradication des productions de drogues en Amérique latine, « la production s’est déplacée, de nouvelles filières d’importation ont vu le jour et la politique de répression a surtout eu pour effet d’accroître la violence des cartels et leur contrôle sur le trafic. » C’est aussi ce que constate l’ONUDC dans son rapport 2010. Dans le même temps où les saisies en Colombie représentent 40% des feuilles de coca produites, le Pérou serait devenu le premier producteur de feuilles de coca, et aurait supplanté la Colombie comme premier fournisseur mondial de cocaïne. Dans le même temps où, grâce à un champignon, la production d’opium afghan s’effondre, la Birmanie redevient un producteur majeur d'héroïne, sa production ayant augmenté de 20% en 2010. Sources : |
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Un G8 contre la drogue pour contrer l’émergence de l’Afrique sur la scène du trafic | ||
Le rapport annuel de l’ONUDC constate la montée en puissance du trafic en Afrique : « C'est une nouvelle tendance et ce que nous observons en Afrique de l'Ouest est semblable à ce que nous observions au Mexique » La situation est suffisamment inquiétante pour que, pour que le narcotrafic entre, pour la première fois à l'agenda d'une réunion du club des nations les plus industrialisées. Les ministres de la Justice ou de l'Intérieur du G8 et de plusieurs pays d'Amérique latine et d'Afrique soit producteurs, soit consommateurs ou terres de transit de la cocaïne (Algérie, Afrique du Sud, Bolivie, Brésil, Colombie, Espagne, Ghana, Maroc, Mexique, Nigeria, Pays-Bas, Pérou, République dominicaine et Sénégal) et des organisations internationales (Interpol, ONUDC, Banque mondiale...) se sont retrouvés, le 10 mai à Paris, pour adopter les grandes lignes d'un plan d'action contre le narcotrafic. Organisée à l'initiative de la présidence française du G8, cette rencontre vise à améliorer la coordination de la lutte contre la cocaïne latino-américaine qui transite par le continent africain, en particulier la mutualisation du renseignement, le développement des capacités des Etats de transit, les interventions maritimes et la lutte contre les avoirs criminels. Ce dernier point est décisif : les pays d’Afrique manquent cruellement de moyens pour contrôler les trafics, surtout dans un contexte ou AQMI (entre al-Qaida au Maghreb islamique) est soupçonné d’avoir des liens avec les trafiquants, au moins sous la forme de « taxes » prélevé sur le transit des drogues à travers la bande sahélo saharienne. Mais en l’absence d’argent, ce plan sera financé par un fonds, géré par l'ONUDC, qui sera alimenté... par la saisie des avoirs criminels. Christophe Champin, journaliste à RFI, auteur d' "Afrique noire, poudre blanche", dans un interview à Slate afrique, estime que les Etats africains ont besoin de moyens considérables, car le contrôle des voies terrestres insuffisants : « la coke est aussi transportée par des passeurs sur des vols commerciaux à partir d'aéroports africains. |
La cocaïne emprunte aussi la voie maritime, notamment à l’intérieur de conteneurs à partir de ports africains. Selon l'ONUDC, 178.000 conteneurs sont arrivés aux Pays-Bas en provenance d'Afrique en 2009 et 2010. Impossible de les contrôler tous... » De plus certains réseaux sont très bien structuré : « Dès les années 80... des Nigérians sont devenus des acteurs majeurs de ce trafic, au point d'être implantés aussi bien en Amérique latine, en Amérique du Nord, en Asie et en Europe. Depuis le début des années 2000, ces trafiquants font affaire avec les organisations criminelles colombiennes pour le trafic de cocaïne via l'Afrique. Mais l'héroïne continue à y transiter, en entrant notamment par l’Ethiopie et le Kenya. » L’Afrique a aussi un marché intérieur : « il y aussi le mandrax, une drogue synthétique fabriquée en Asie, qui inonde l'Afrique australe depuis trois décennies, où elle fait des ravages. » Si on ne peut parler de « Narco-Etats » pour l’Afrique, cela « ne veut pas dire que les organisations criminelles n’ont pas réussi à s’infiltrer dans les institutions politiques de certains pays » ou que les trafiquants n’acquiert pas une puissance économique : « le Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (Giaba) a publié, récemment, un rapport qui dresse un constat inquiétant à propos de l’infiltration de l’argent sale dans les économies de nombreux pays de la région, notamment dans l’immobilier, le tourisme et l’import-export. » Sources : |
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Des appels de personnalités internationales pour en finir avec la guerre à la drogue | ||
Depuis quelques années, des personnalités, en Amérique Latine comme Fernando Henrique Cardoso (président du Brésil de 1995 à 2002), César Gaviria (président de Colombie de 1990 à 1994), Ernesto Zedillo (président du Mexique 1994 à 2000) et plus récemment Vicente Fox (son successeur à la tête du Mexique de 2000 à 2006), ou le prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa ont déjà contribué à faire évolué les consciences. Mario Vargas Llosa, lors d'une conférence de presse, le 3 mars à Paris, qu’il fallait se pencher sur des alternatives à la prohibition. La situation mexicaine est « un indice, une annonce de ce que vont vivre les peuples latino-américains à court ou à long terme, eux qui subissent déjà les conséquences du narcotrafic dans bien des domaines. » L'auteur insiste sur le fait que sans réponse adaptée le trafic de drogue « viendra à bout de la démocratie » |
Parmi lesquelles : Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération Helvétique, le Premier ministre grec George Papandréou, l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, l’ancien secrétaire d’Etat américain George Shultz, l’ancien Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, l’Espagnol Javier Solana, l’ancien ministre des Affaires étrangères norvégien et responsable du HCR Thorvald Stoltenberg, l’ancienne procureure du TPI et haut-commissaire aux réfugiés de l’ONU, la Canadienne Louise Arbour, l’économiste Paul Volcker, le milliardaire britannique Richard Branson, le directeur général du Fonds global de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Michel Kazatchkine... Sources : |
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Des fissures dans les politiques prohibitionnistes | ||
Un peu partout les législations évoluent, y compris en Amérique. Aux États-Unis, début novembre 2010, l'Arizona a été le 15e État américain à légaliser le cannabis à des fins médicales. Le District de Columbia, où se trouve Washington, a également voté une loi en ce sens qui devrait entrer en application début 2011. Treize États (pas toujours les mêmes) ont quant à eux décriminalisé la possession de cannabis, possession qui reste néanmoins illégale au niveau fédéral... En Amérique latine, les législations évoluent : en août 2009, le Mexique a décriminalisé la possession pour « usage personnel » jusqu'à 5 grammes de marijuana, un demi-gramme de cocaïne, 50 mg d'héroïne, 40 mg de méthamphétamine et 0,015 mg de LSD. La Colombie a fait de même, et la Cour de justice argentine a déclaré que les poursuites pour usage personnel étaient inconstitutionnelles. |
Elle prévoit de réprimer plus durement la vente de drogues aux mineurs et de pérenniser le cadre légal qui autorise la distribution de cannabis ou d’héroïne à des fins médicales. S’agissant de l’héroïne sous contrôle médical, « seuls pourront en bénéficier les toxicodépendants chez qui les autres types de traitements ont échoué ou dont l’état de santé ne permet pas d’en envisager d’autre. » La Suisse débat sur un projet qui ferait de la consommation de cannabis une simple contravention punie d'une amende d'ordre de 100 francs. « Une commission du National a mis sur pied un projet en ce sens, qui a récolte un large soutien politique au terme de la consultation. Selon la commission de la sécurité sociale et de la santé publique, le fait de punir immédiatement les consommateurs de cannabis doit simplifier le travail de la police et éviter de lancer une procédure pénale pour chaque fumeur de joint. Les amendes ne sont toutefois prévues que pour les quantités « minimes », soit moins de 10 grammes. » Plus audacieux, pour contrer le trafic, les villes de Zurich et Bâle s’interroge sur la question d’une filière légale de distribution de cannabis : « dans les deux villes, le but recherché vise à casser le marché noir et mieux cibler la prévention. «Ce projet pilote est une chance de toucher directement les consommateurs et de les sensibiliser aux risques liés à cette drogue ». Sources : |
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S. Gatignon, un maire en lutte contre le trafic et pour la légalisation du cannabis | ||
En France, le débat sur le statut des drogues a été largement porté par Stéphane Gatignon, Maire écologiste de Sevran en Seine-Saint-Denis, qui publie « Pour en finir avec les dealers ». Sevran possède les caractéristiques des villes où le trafic est fortement implanté, ville qui selon le sociologue Michel Kokoreff, professeur de sociologie à l’université de Nancy-II, combine trois caractéristiques : la désindustrialisation (Sevran connaît des taux de chômage de 40% parmi les jeunes de certains quartiers), une antériorité dans l’engagement dans les trafics (ils y sont installés depuis plus de trente ans) et une puissance symbolique (« dealer », c’est être quelqu’un »). |
S. Gatignon ira même jusqu’à demander la présence de l’armée, de « casque bleu » pour protéger la population des règlements de compte. Sources : |
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Le parti socialiste et la « légalisation contrôlée » | ||
Le parti socialiste, via le think tank, terra nova construit un réquisitoire contre la politique répressive du gouvernement, qui souligne que la « politique du chiffre » conduit, au détriment d’une lutte efficace contre les trafic, à l’accroissement des interpellations d’usagers, en premier lieu de cannabis : « plus de 800 000 usagers de cannabis ont été interpellés et poursuivis pénalement, durant la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2009. Les interpellations pour stupéfiants concernent dans 90 % des cas des usagers de cannabis. L’augmentation des interpellations pour usage a été d'environ 200% en quinze ans, et de 75% ces huit dernières années. » Cette politique est coûteuse : « le coût, a minima, des seules interpellations des 800 000 usagers de cannabis verbalisés pour la période 2002-2009 » se situe « entre 2,7 et 6,2 milliards d'euros. » La politique du chiffre dissuade le policier de travailler sur les trafic : « Les petites et les grandes criminalités organisées sont complexes, pour ne pas dire délicates, à appréhender (blanchiments, corruptions, protagonistes transnationaux…). Chaque filière exige de longues investigations, peu compatibles avec la politique du chiffre. » |
Daniel Vaillant, député-maire PS du XVIIIe arrondissement de Paris, ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement Jospin, se rapproche des positions de S. Gatignon et propose la « légalisation contrôlée du cannabis » et présente un rapport parlementaire. Ce rapport appel à un changement de paradigme : « Il ne s’agit plus de prôner une abstinence illusoire mais de modérer la consommation des Français.... La légalisation contrôlée permet un véritable encadrement de la consommation de cannabis et de sanctionner tout abus. » Le rapport propose une « reconnaissance rapide de l’usage thérapeutique du cannabis », la mise en place d’une « politique de prévention des risques dès le plus jeune âge et tout au long de la vie » et la « légalisation de la consommation pour les majeurs avec un encadrement et un contrôle strict de la production, de l'importation et de la distribution. » La production serait contrôlée grâce à « une filière nationale du cannabis inspirée de celle du tabac. » La distribution serait « sécurisée sur les modèles de l’alcool et du tabac, en interdisant la publicité et la vente aux mineurs. » Sources : |
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Réactions gouvernementales à la proposition de Vaillant | ||
Le premier ministre François Fillon récuse tout débat : « Ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan politique, ni sur le plan moral je ne peux envisager une seconde de voir l'Etat annoncer officiellement à sa jeunesse que le cannabis est désormais en vente libre ». Claude Guéant, ministre de l'intérieur, dans une tribune publiée par le Monde, dénonce la « posture défaitiste » des anti-prohibitionnistes et un débat « biaisé ». Tout d’abord parce que la politique gouvernementale est caricaturale : « sur les 1,5 milliard d'euros que la collectivité consacre chaque année à la lutte contre les drogues et les toxicomanies, 40 % sont dévolus à la lutte contre les trafics. La recherche, le dispositif de soins, la prévention représentent donc chaque année plus de 800 millions d'euros. Nous sommes loin d'une "guerre" strictement policière. » Ensuite parce qu’il perçoit des effets positif : « les expérimentations du cannabis chez les jeunes de 17 ans diminuent en France depuis 2003, et le niveau de sa consommation a désormais été ramené à celui du début des années 2000. » |
Enfin, la pertinence de légalisation lui parait douteuse : « la dépénalisation ne permettrait pas de combattre le crime ni d'assécher les ressources des trafiquants. Ou alors il faut nous expliquer pourquoi le trafic de cigarettes, marchandise universellement légale, constitue une ressource majeure et en forte croissance de la criminalité organisée internationale. » En outre, la dépénalisation favoriserait la diffusion de nouveaux produits, « cannabis génétiquement modifié et fortement dosé, report vers la cocaïne, l'héroïne ou les drogues de synthèse... » Président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), Etienne Apaire estime que « les criminels ne sont pas fixés sur un produit mais sur l'argent. Si on légalise le cannabis, ils se reporteront vers des drogues dures. » Ce point de vue est relayé par quelques chercheurs, notamment Christian Ben Lakhdar, maître de conférences en économie à l'Université catholique de Lille et auteur d'un rapport de l'OFDT sur les revenus du cannabis en France : « le marché du cannabis est arrivé à saturation et le business du shit tend déjà à se confondre avec celui de la cocaïne. La cocaïne est plus profitable et plus facile à transporter ». Sources : |
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Les réactions politiques à gauche et à droite | ||
Selon une étude de l'Ifop pour « Sud Ouest Dimanche », 63 % des Français seraient opposés à la dépénalisation du cannabis, contre 67 % en 1996. 36 % des sondés approuvent la dépénalisation, contre 26 % en 1996. Le clivage s'est particulièrement accentué en fonction de l'âge. Les moins de 35 ans sont majoritairement acquis (51 %) à l'idée de la dépénalisation, les hommes (43 %) y sont plus favorables que les femmes (30 %), de même que les sympathisants de gauche (48 %) plutôt que ceux de la droite (20 % à l'UMP). |
Ségolène Royal a ainsi affiché clairement sa position en expliquant qu'elle n'était « pas favorable à la libéralisation du cannabis tant qu'on n'a pas prouvé qu'on a mis tous les moyens pour démanteler les réseaux. » Pour Manuel Valls, « l'idée de légaliser le trafic de cannabis, de l'officialiser, d'en organiser la diffusion, va à l'encontre de mes valeurs » François Hollande, on a une position plus mitigée. Il favorable à la réunion d’ « une commission à l'échelle de l'Europe » pour comparer les politiques nationales sur la question, qui permettrait de faire « une proposition pour l'Europe entière ». Arnaud Montebourg avait déjà dit sur chat organisé par le site Rue89, le 30 mars, son opposition et Martine Aubry a préféré rester dans le flou, en se disant favorable à « un grand débat », estimant qu'il s'agit « d'un sujet trop sérieux pour qu'on prenne des positions tranchées. » Sources : |
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Des tests de dépistage sur le lieu de travail | ||
A la demande de la MILDT, le Comité consultatif national d'éthique a rendu, le 19 mai, un avis qui va étendre la possibilité pour les employeurs d’effectuer des tests de dépistage de drogues auprès de leurs employés. Jusqu’ici, les tests n’étaient possibles que sur des travailleurs occupant des « postes à risques. » P. Rouvillois, membre du CCNE, estime que le qualificatif de « poste à risque » est « inapproprié car il ne fait référence qu'au danger potentiel pour celui qui l'exerce. Nous pensons qu'il faut élargir cette notion et prendre en compte les métiers qui ont un impact sur le public, les fonctions importantes pour la sécurité comme les contrôleurs dans les centrales nucléaires, les contrôleurs aériens par exemple. Nous préconisons la constitution d'une liste de métiers pour lesquels le dépistage de l'usage de drogue est souhaitable. Nous estimons aussi que la détection devrait être élargie à l'abus voire à la simple consommation d'alcool ou de médicaments. En la matière que les produits soient licites ou non, les dangers sont les mêmes. » Cette extension est justifiée par le CCNE, parce que « la notion de responsabilité vis-à-vis d'autrui, et d'obligation de ne pas lui nuire a incontestablement progressé dans l'opinion publique […]. Cette évolution des esprits explique sûrement pour une large part l'acceptation par la société de la mise en œuvre par les pouvoirs publics de dispositions contraignantes, qui auraient sans doute été jugées, il y a un demi-siècle encore, comme gravement attentatoires aux libertés individuelles. » |
Ces contrôles devront être précisément prévus par le règlement intérieur et les contrats de travail. Les salariés seront en outre prévenus au moment de l'embauche. Seuls les tests salivaires et les contrôles d'alcoolémie seraient autorisés, ce qui exclut les prélèvements urinaires, sanguins et capillaires, qui permettent de retrouver des traces de consommation ancienne. Les contrôles doivent avoir lieu sous la seule responsabilité du service de santé au travail. E. Apaire, président de la Mildt, se félicite de cet élargissement du cadre des dépistages : « Aujourd'hui, on peut travailler derrière un ordinateur, dans le nucléaire, et mettre en danger une population. On peut également prendre une décision très vite, sur Internet, aux conséquences très lourdes. Il faut enfin penser à la sécurité économique : si, dans un délire de toute puissance, un trader percute vos économies et les miennes, ça peut faire des dégâts. » Sources : |