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Cannabis

Cannabis : typologie des usages

CANNABIS : TYPOLOGIE DES USAGES
Par Emmanuel Meunier, chargé de prévention au CSST Rivage.

Correspondances, Hiver 2005/2006
 
Massification de l’usage du cannabis
L'expérience du CSST Rivage auprès de jeunes usagers de cannabis nous amène à formuler plusieurs hypothèses de travail. Par delà la variété des situations individuelles, nous pouvons poser une sorte de cadre général, afin de mieux appréhender la question des usages intensifs et quotidiens de certains adolescents et jeunes gens. Nous mettons de côté la question des usages ponctuels, récréatifs ou de simple curiosité qui posent peu de problèmes hors de contextes particuliers (conduite automobile), ainsi que celle la question des usages par des jeunes ayant des troubles psychiatriques (voir l'article de G. Nester).
Nous nous intéressons ici à des jeunes gros consommateurs, plus ou moins bien portant, plus ou moins en souffrance psychique. Nous commencerons par énoncer nos hypothèses de travail et nous présenterons ensuite quelques cas, sous la forme de "vignettes" afin d'illustrer notre propos.
 
Les hypothèses que nous souhaitons étayer sont les suivantes : Nous assistons à un phénomène de massification de l'usage du cannabis dans la jeunesse. L'enquête ESCAPAD 2002 établis qu'à 18 ans, 3,7% des filles et 10,9% des garçons consomment quotidiennement du cannabis (soit + ou - 7,3% des jeunes) et 11,2% des filles et 12,7% des garçons consomment entre 10 et 30 fois dans le mois (soit + ou - 12% des jeunes), soit au total 19% de jeunes consommant fréquemment du cannabis. Il est inadapté d'expliquer les consommations à partir de données exclusivement psychologiques ou par de simples effets de modes ou par des facteurs sociaux (les jeunes de tous les milieux consomment) ou encore par "l'inconscience" ou le "manque d'informations" des jeunes. Seuls des "bénéfices" réels, éprouvés, par les jeunes consommateurs réguliers expliquent une consommation aussi massive.
Anxiété et effet de « mise à distance »
Notre hypothèse est que le cannabis est aussi séduisant parce qu'il facilite une prise de distance avec les difficultés de l'adolescent à accomplir les taches psychiques de l'adolescence, en tant qu'il est un processus de séparation/individuation.
Les difficultés d'accès à une autonomie réelle (emploi stable, logement) confrontent le jeune à une "adolescence qui n'en finit pas de finir", et à une dépendance durable envers la famille. Certains profitent de cet allongement de l’adolescence et de la protection parentale pour s'inscrire dans des études longues ; d'autres souffrent de leur "dépendance malheureuse" vis-à-vis de leur famille. Dans tous les cas, l'élaboration d'une identité sociale stable est rendue plus délicate.
L'effet "destressant" du cannabis est souvent invoqué par les jeunes pour expliquer leur usage ; et il faut croire que ce produit facilite une prise de distance avec un état d'anxiété généré ce rapport ambivalent à l'environnement où s'opposent désir de protection et rejet de la dépendance à autrui.

Entre ici en ligne de compte les caractéristiques du produit, à la fois sédatives et légèrement "hallucinogène".

 
Classifié en pharmacopée comme hallucinogène, psychodysleptique ou psychotomimétique, le cannabis modifie légèrement les perceptions et les émotions. Baudelaire a signalé ses effets sur les perceptions visuelles, auditives, tactiles, et sa capacité à altérer la perception du temps.

La consommation intensive et quotidienne, après une période plus ou moins longue, induit une dépendance psychologique. Les bénéfices liés à la "mise à distance" de la souffrance psychique sont tels que le jeune usager chronique de cannabis n'appréhende pas sans crainte l'arrêt de la consommation. Cette crainte serait celle d'entrer dans un état de morosité, d'anxiété ou de dépressivité. La morosité est normale chez l'adolescent en raison même de la difficulté des tâches psychiques auxquels il est confronté. Mais le fait d'avoir trouver dans le cannabis un produit qui "tient à distance" la dépressivité lui rend l'arrêt de la consommation problématique et indésirable.

Enfin, il semble que cette dépendance soit renforcée lorsque les parents sont eux-mêmes en dépression.

1ère vignette : José : la dépendance psychologique au groupe et/ou au produit.
José ne supporte pas les effets du cannabis. Craignant de revivre une expérience de "bad-trip" qui lui a laissé un mauvais souvenir, il n'en consomme qu'à peine (il "crapote" une bouffée de temps à autre, en évitant d'inhaler profondément). Mais pour conserver sa place au sein d'un groupe d'amis fortement consommateurs, il s'est fait une réputation d'expert pour "rouler" les joints. Nul dans son groupe ne les confectionne mieux que lui. Cette position de "non-consommateur / rouleur de joint" lui permet de concilier la protection de sa santé et la sauvegarde de sa place dans le groupe.
Position ambiguë qui l'a conduit à être interpellé, devant un cinéma, en compagnie de sa petite amie et d'un camarade d'origine africaine qui fumait ostensiblement son joint dans la queue du cinéma.
 
L'acte éveille bientôt l'intérêt de maréchaussée. Face aux policiers, José se présente comme le principal auteur de l'infraction, en donnant pour preuve de ses dires, le fait qu'il ait lui-même roulé le joint. Son ambition est alors d'épargner à son copain une sévère correction paternelle.

Si son récit témoigne d'un "bel esprit" de camaraderie, José n'est pas dupe du comportement de son ami : en "s'affichant" de la sorte, ce dernier a plus ou moins sciemment fait "capoter" la sortie au cinéma et mit de l'eau dans le gaz entre José et sa petite amie, celle-ci ayant peut prisé la garde-à-vue.

Jeu avec la « réalité »
Ce récit est, sans doute, "limite" puisque José n'est pas un vrai consommateur. Mais il est révélateur de nombre de caractéristiques de certaines consommations adolescentes, en particulier celles des gros fumeurs qui consomment principalement en groupe.

Le groupe est un espace de découverte de soi et de construction de l'identité, par la confrontation avec l'autre, mais aussi un espace protecteur. Le groupe est aussi, en l'espèce, l'espace où s'initie la consommation de cannabis.
Il y a dans les débuts des consommations, en raison du caractère légèrement hallucinogène du produit, quelque chose qui tient du jeu avec la réalité ou de l'apprentissage de la gestion d'une relation "troublée" à la réalité, ainsi que l'expérimentation d'une perte relative du contrôle que l'on a sur soi-même.

L'expérience du "bad trip" est assez fréquente et certains adolescents, comme José, la vivent péniblement au point de renoncer à consommer. Le groupe joue un rôle protecteur pour le consommateur novice.

 
Baudelaire note dans les Paradis artificiels : "J'ai oublié de dire que le haschich causant une exaspération de sa personnalité et en même temps un sentiment très vif des circonstances et des milieux, il était convenable de ne se soumettre à son action que dans des milieux et des circonstances favorables".

Les groupes, en particulier pour les garçons, sont un espace où s'élabore l'identité "générationnelle" et "sexuelle". José perçoit sa vulnérabilité face au cannabis comme une "défaillance", un individu "normalement constitué" devant, d'après-lui, pouvoir consommer ce produit sans inconvénients. "Tenir" le cannabis est un enjeu, en terme de virilité, au même titre que "tenir" l'alcool. La présence de non-consommateurs dans les groupes de gros fumeur est rare, mais pas tout à fait exceptionnelle. Un "bon" groupe comprend des "incitateurs", mais aussi des "modérateurs", et c'est bien la place qu'il occupe en "ritualisant" la consommation avec ses joints presque "artistiques" et par le fait qu'il détermine le "dosage" des joints.

L’illusion… de la lucidité
La place de José dans le groupe est ambiguë. Qu'apprécie-t-il, au juste, de cette consommation auquel il ne participe qu'à la marge ?

Il insiste sur le fait que les jeunes de son groupe "contrôlent" leur consommation et s'insurgent contre les adultes qui imaginent que les jeunes se "défoncent". José, comme beaucoup de jeunes invoque - non sans naïveté -, qu'ils sont plus "lucides" quand ils fument, qu'ils se sentent alors disponibles pour engager de grandes discussions sur tout et sur rien, par exemple, sur le sens de la vie. Produire ce sentiment de lucidité calme est une caractéristique du produit.

 
Cela n'a pas échappé à Baudelaire, qui note ironiquement : " C'est une béatitude calme et immobile. Tous les problèmes philosophiques sont résolus. Toutes les questions ardues contre lesquelles s'escriment les théologiens et qui font le désespoir de l'humanité raisonnante, sont limpides et claires. Toute contradiction est devenue unité. "
En abaissant le seuil d'anxiété, le cannabis favorise des conversations sur des sujets délicats. Mais le sentiment de performances intellectuelles est illusoire, ce que l'on juge aisément quand on l’évalue à l'aune de la détérioration des résultats scolaires de nombre de jeunes consommateurs.
Cannabis et relation à l’autre
Un dernier point dans l'histoire de José est éclairant : il n'est pas dupe du fait que son copain a " voulu " gâcher sa sortie avec sa copine. Les groupes de jeunes, d'après nombre de sociologues, sont aujourd'hui beaucoup plus " unisexués " que par le passé, et cela dans tous les milieux sociaux.

Le cannabis joue probablement un rôle, de part ses vertus relaxantes, dans la gestion des frustrations qu'engendre le manque de relations satisfaisantes entre jeunes des deux sexes. C'est fréquent chez des jeunes musulmans, dans la mesure où les filles de leur communauté sont soumises à une morale ascétique et à un étroit contrôle familial.
Dans des milieux plus libéraux des jeunes utilisent volontiers le cannabis avant les relations sexuelles. Ce qui ne signifie pas que le produit favorise la relation à l'autre.

 
La relation sexuelle, au lieu d'être cet échange par lequel on se découvre dans le dévoilement du corps de l'autre, devient, de part l'inattendu des impressions légèrement hallucinogènes que procure le cannabis, une activité centrée sur soi, une exploration de son propre corps, une activité témoignant d'une auto-affection.

Les effets relaxants du cannabis ont une influence sur les relations interpersonnelles. Nombre de jeunes parmi les consommateurs "groupal" se reconnaissent dépendants, ils admettent qu'ils ont du mal à arrêter et qu'il leur est très pénible de résister à l'offre de consommation quand ils sont en groupe. Leur dépendance est une dépendance psychologique, en partie analogue à la "dépendance" au groupe de José.

2e vignette : Laurent, les consommateurs solitaires
et la gestion des aléas du projet professionnel et du projet de vie.
Laurent, 18 ans, apprenti boulanger, ne comprend pas pourquoi "cette fois" il a été interpellé. Certes, il y a longtemps, il avait été interpellé alors qu'il fumait son "joint de l'aube" entre le métro et la boulangerie. Mais, invoquant qu'il devait se présenter à son travail, les policiers l'accompagnèrent chez le boulanger, et là, ils écoutèrent un patron faire l'éloge d'un employé exemplaire. Les policiers en restèrent là.
Depuis lors, sa consommation coutumière et matinale ne lui n'occasionna plus de problème.
 
Jusqu'à cette matinée de juin où, pour des raisons qu'il ne s'explique pas, la tolérance policière passa de mode et où il fut interpellé comme un vulgaire délinquant. Laurent ne se passerait, pour rien au monde, de ce joint du petit matin et il déplore que la société fasse de lui un délinquant.
La dépendance de Laurent est "assumée". Il est sans doute "accro" à ce joint du matin (les autres, il peut s'en passer) et juge les dommages éventuels insignifiants tant pour lui-même que pour la société.
Insertion et temps de transition
L'entrée dans un parcours d'insertion (formation, apprentissage), dans une formation supérieure (lycée, DEUG, DUT, etc.) ou une entrée dans l'emploi (généralement sous une forme précaire) implique une réorganisation psychique pour atteindre un surcroît d'autonomie et une aptitude à gérer de relations nouvelles avec les adultes (autorité du patron, les clients, les collègues, etc.). Les difficultés d'accès aux logements et à des rémunérations correctes maintiennent une dépendance vis-à-vis des parents, dépendance qui contraste avec les nouvelles exigences d'autonomie. C'est dans ce contexte qu'émerge une autre figure de consommateur, celle du consommateur quotidien et solitaire.

Les consommateurs se déclarent particulièrement attachés à certains joints de la journée. Ce sont bien souvent des joints consommés lors de temps de "transition" : le matin avant une prise de poste, le soir avant de rentrer au domicile parental, la nuit avant de s'endormir. Dans ces temps où la personnalité doit s'adapter à la situation nouvelle (redevenir l'apprenti au matin, redevenir le fils de la maison au soir).

 
Le cannabis semble favoriser une distance à soi-même et faciliter les "changement de peau". Le calme éprouvé permet une transition sans heurts. L'ivresse, que le consommateur a appris à contrôler par un dosage satisfaisant, n'est que légère et passagère.

Cette action du cannabis sur la personnalité n'a pas échappé à Baudelaire : "Une grande langueur, qui ne manque pas de charme, s'empare de votre esprit…Vous avez jeté votre personnalité aux quatre vents du ciel, et maintenant vous avez de la peine à la rassembler et à la concentrer".
Ces jeunes évoquent des bénéfices substantiels : la prise de poste se fait sans humeur négative ; le soir, les retrouvailles et les contraintes de la cohabitation avec la famille semblent plus légères. Le jeune, grâce au cannabis, se sent protégé de ses affects et protège les autres d'éventuelles sautes d'humeur. Ces jeunes encaissent mal que l'on perçoive leur consommation comme un acte antisocial. C'est, à leurs yeux, tout le contraire : en consommant pour gérer leurs affects négatifs, ils protègent quelque chose du lien social.

Précarité et « temps morts »
Une autre modalité de consommation parmi les jeunes en processus d'insertion, ce sont celles qui contribuent à gérer les "temps morts" de la journée : les longues pauses obligées pour les serveurs ou certains employés de commerce qui ne sont en magasin qu'aux heures d'affluence ; les heures creuses des lycéens (dont les emplois du temps sont fréquemment "troués") ; les temps des heures de pointes où les chauffeurs-livreurs sont quasi-immobilisés dans les embouteillages ; les longs temps de transport en commun ; les heures vides de ceux qui effectuent des gardes postées… Tous ces temps où l'individu est contraint à l'inaction, confronte l'individu à "rien"… et à lui-même. Ces temps "vides", potentiellement générateurs d'angoisses, rendent la consommation désirable.
 
Ces consommateurs ne sont pas inconscients des problèmes que pourrait causer leur consommation : risques de licenciement, accidents du travail, fautes qui pourraient être imputées à l'ivresse cannabique. Ils sont sourcilleux sur la qualité des produits car ils ont le souci de doser correctement leur joint afin que les effets s'estompent au moment voulu et ne les handicapent pas.

Pour certains, renoncer au cannabis signifie renoncer à un travail ou à un cadre de travail trop stressant, et bien souvent, ils ne savent où puiser les ressources nécessaires pour trouver des alternatives efficaces à la gestion de leur anxiété.

3e vignette : Mina, le cannabis
et la souffrance psychique " sans famille "

Mina se porte bien (aujourd'hui) et ne consomme plus. En danger dans sa famille, elle a fait plusieurs foyers ASE. Une association habilitée avait trouvé judicieux de la loger, à 15 ans, dans une chambre d'hôtel.

Elle passait ses journées à l'association pour pouvoir toucher son "argent de poche", qu'elle dépensait en achetant du shit. Elle a vécu une sorte d'histoire d'amour avec ce produit : elle le consommait seule, dans sa chambre.

 
Elle trouvait en lui, tantôt, la possibilité de regarder avec une distance ironique les programmes télé qui occupaient le vide de son existence ; tantôt, elle en usait pour atteindre un état de faiblesse générale qui lui permettait de pleurer sur elle-même, chose qu'elle ne serait jamais autorisée en temps normal.
Elle ne consomme plus depuis qu'elle a trouvé une formation pour un métier qui lui plaît beaucoup.
Cannabis, émotions et « relâchement »
Le cannabis est, pour certains jeunes, un médiateur qui autorise un relâchement quand la dureté de l'existence contraint à une posture défensive et vigilante. Braconnier observe à propos de l'usage vespéral du cannabis que l'adolescent "dans l'impossibilité de s'appuyer sur ses ressources internes constituées au cours de l'enfance pour se sentir maître de son propre relâchement (…) est dans l'impossibilité de se laisser aller tranquillement à l'endormissement." ("Cannabis et Adolescence ", Collectif sous la direction de P. Huerre et F. Marty, Albin Michel, 2004, p. 69-70).
 
Le cannabis est ici un "artifice extérieur" pour compenser une difficulté à se "relâcher".

Le cannabis, observe Baudelaire, permet d'atteindre un état passivité satisfaisante : "Vous ne luttez plus, vous êtes emporté, vous n'êtes plus votre maître et vous ne vous en affligez pas. Tout à l'heure l'idée du temps disparaîtra complètement (…) Cet état nouveau est ce que les orientaux appellent le kief. Ce n'est plus quelque chose de tourbillonnant et de tumultueux ; c'est une béatitude calme et immobile, une résignation glorieuse".

Bizness et dureté
Certains jeunes marginalisés consomment parfois du soir au matin, jusqu'à plus d'une dizaine de joints. Cette consommation compense et régule un quotidien marqué par la dureté dans les relations. Ils sont fréquemment dans des petits bizness, c'est-à-dire une économie de débrouille.
Les profits y sont dérisoires pour les petites mains du système. Pour y entrer, il leur faut souvent emprunter de l'argent, se mettre en dettes vis-à-vis de "familles" plus ou moins maffieuses.
 
Et plus on a de dettes plus il faut s'exposer sur des marchés lucratifs (vendre en dehors de la cité) et par conséquent risquer d'éveiller l'attention policière. Il leur faut aussi se méfier des concurrents. Ces jeunes vivent à l'écart du foyer familial souvent surpeuplé. Les groupes sont souvent rudes (les insultes et les coups s'échangent comme s'il s'agissait de plaisanteries). Les consommations collectives permettent d'apaiser les tensions tant internes que celle du groupe et d'installer des moments où la détente est possible.
4e vignette : Pierre, le cannabis et la souffrance psychique " en famille "
Pierre, 17 ans, consomme depuis l'âge de 14 ans. Ces résultats scolaires se sont effondrés et la famille se saigne à blanc pour lui payer une école privée. Il fume à minima chaque soir dans sa chambre pour s'endormir. Il y a des jours où il consomme beaucoup, mais jamais au-delà de son record personnel : 40 joints avec deux copains un samedi soir. L'argent de poche étant trop chiche, il fait un peu de bizness. Il s'endette auprès de ses fournisseurs.
 
Puis, il réclame des sommes astronomiques à ses parents les mettant en demeure de payer s'ils ne veulent pas le retrouver " égorgé ". Crâneur, il affiche son indifférence face à son " destin " : il " assume " une mort éventuelle. Effarée, elle payera, deux fois de suite. Le père, au chômage, passablement dépressif, n'ose rien dire, car ce n'est pas avec son argent que l'on paye les dettes et l'école privée.
Dépendance et distance relationnelle
La dépendance au produit devient ici un élément dans une entreprise de manipulation et de mise en dépendance tyrannique de la famille. La famille se réorganise autour de l'enfant qui va mal. Elle vit au rythme de ses humeurs et de ses désespoirs. La conflictualité sur la question du cannabis est savamment entretenue par le jeune. Les parents y trouvent eux aussi des bénéfices, en particulier celui de ne pas avoir à aborder ce qui met en souffrance le couple ou ce qui cause la dépression d'un ou des parents.
 
Ph. Jamet observe à propos de ces consommations et de ces comportements tyranniques qu'ils peuvent devenir "un moyen de maîtrise de la distance relationnelle avec les parents… Ce risque est d'autant plus grand chez des adolescents vulnérables et insécures que ces conduites les protègent à la fois de l'angoisse d'abandon et de l'angoisse de fusion et d'intrusion" ("Cannabis et Adolescences", op.cit. p 265). L'inquiétude des parents génère un lien conflictuel que l'adolescent préfèrera à leur indifférence.
Conclusion
Des adolescents ont manifestement besoin d'une aide pour accompagner un sevrage (ou une modération de leur usage) et la réduction de la consommation apparaît comme une condition nécessaire à une réinscription du jeune dans un projet qui le fasse progresser sur la voie de l'autonomie.
 
Le travail socio-éducatif à engager, doit être un travail à mener en première intention. Mais il ne peut être engagé sans l'appui d'un cadre thérapeutique, car la souffrance psychique de ces jeunes peut parfois nécessiter un soutien médical et/ou psychothérapeutique.