SYNERGIE - Réseau Ville Hôpital

Association méthadone et psychothérapie

ASSOCIATION METHADONE ET PSYCHOTHERAPIE
L’association d’un programme de soutien modéré au traitement
substitutif par la méthadone est d’un bon rapport coût-efficacité
Kraft MD, Rothbard AB, Hadley TR, et al. Are supplementary services provided during methadone maintenance really cost-effective ?
Am Psychiatry 1997;154:1214-9.
 
Le Flyer N°10, nov.2002
Objectif
Déterminer le rapport coût-efficacité de trois niveaux de soutien en complément du traitement substitutif par la méthadone.
Plan expérimental
Analyse du rapport coût-efficacité à partir des données d’un essai contrôlé randomisé d’une
durée de 24 semaines et avec une durée de suivi de 6 mois.
Cadre
Centre de traitement substitutif par la méthadone d’un hôpital des Veterans Affairs à
Philadelphie, en Pennsylvanie (Etats-Unis).
Patients
100 patients admis dans le centre de traitement substitutif par la méthadone (âge moyen : 43 ans ; hommes : 85 % ; durée
 
moyenne de la toxicomanie à l’héroïne : 16 ans). Tous les patients ont été suivis pendant 6 mois après les 24 semaines d’essai.
Intervention thérapeutique
Tous les patients ont reçu la méthadone, à une posologie comprise entre 60 et 90 mg/jour, et ont été assignés à l’un des trois niveaux de soutien suivants : programme minimal (méthadone et une séance d’assistance psychologique par mois ; n = 31), programme méthadone et psychothérapie (méthadone, 3 séances d’assistance psychologique par
 
semaine et interventions comportementales ; n = 36) ou programme renforcé (méthadone, 7
séances d’assistance psychologique par semaine, offre élargie de soutien médical, psychiatrique, professionnel et familial, sur place ; n = 33). Pendant les 6 mois de suivi, le programme méthadone et psychothérapie a été appliqué à tous les patients.
Principaux coûts et critères de jugement
Besoins médicaux, dépendance à l’aide sociale, jours d’activité illégale, revenus illégaux, problèmes psychologiques, consommation de drogues et amélioration de la situation d’emploi. Le rapport coût-efficacité a été calculé en utilisant les chiffres de

 

 
rémunération du personnel soignant, la durée moyenne des contacts par séquence thérapeutique, le nombre et le type de contacts par patient, et les critères de jugement relatifs au patient. Les coûts étaient exprimés en dollars américains.
Principaux résultats
Après 24 semaines, les patients ayant bénéficié du programme renforcé présentaient de meilleurs résultats que ceux des 2 autres groupes, pour tous les critères de jugement. Cependant, après 12 mois, les patients ayant initialement bénéficié du soutien renforcé ne présentaient des résultats supérieurs que pour le taux de sevrage de l’héroïne (p = 0,02).
 
L’analyse de coût a montré que le programme méthadone-psychothérapie présentait le meilleur rapport coût-efficacité pour le sevrage de l’héroïne et de la cocaïne. Le coût annuel par patient abstinent était de 16 485 $ pour le programme minimal, de 9 804 $ pour le programme méthadone-psychothérapie et de 11 818 $ pour le programme renforcé.
Conclusion
Un programme de 24 semaines associant un traitement de substitution par la méthadone, des séances de psychothérapie tri-hebdo- madaires et des interventions comporte- mentales s’avère d’un meilleur rapport coût-efficacité que des programmes de soutien d’un niveau supérieur ou inférieur, d’une même durée.
 

Source de financement : Department of Veterans Affairs.Tirés à part : Dr M.K. Kraft, Robert Wood Johnson Foundation, College Road East, P.O. Bos 2316, Nf 08453-2316, Etats-Unis. Fax : 609-514-5451.
Abstract et Commentaire publiés dans Evidence-Based Medicine 1998 ;3 (3) :94 et Evidence-Based Mental Health, mai 1998.

 

Commentaire
Cette étude de Kraft et al. est importante en raison du faible nombre de travaux publiés sur cette question pourtant pertinente. Les bénéfices du traitement substitutif par la méthadone sont aujourd’hui admis de façon quasi-consensuelle et des preuves raisonnables plaident en faveur d’une fourchette posologique allant de 60 à 90 mg par jour. Mais peu d’études ont porté sur la fréquence d’administration, l’effet des interventions psychosociales et le cadre de délivrance du traitement substitutif.
L’étude originale de McLellan et al. (1) est souvent citée et fournit des arguments en faveur de l’assistance psychologique et d’autres interventions, mais c’est la seule du genre. De plus, dans un contexte où les besoins excèdent largement l’offre thérapeutique, la demande insistante d’interventions psychosociales par les soignants a été critiquée.
En fait, ce débat a été trop polarisé. Le vrai défi est que nous parvenions à proposer à la vaste population de toxicomanes un traitement efficace et de bonne qualité, selon un niveau d’exigences élevé.
 

Les auteurs ont évalué, dans le cadre d’un programme des Veterans Affairs, le coût de trois niveaux de soutien à une population de toxicomanes à l’héroïne de longue date et d’âge moyen, avec comme principal critère de jugement, l’abstinence d’héroïne. Ce contexte expérimental limite peut-être la transposition des résultats à d’autres cadres. L’observation probablement la plus importante, et qui mérite des évaluations complémentaires, est le fléchissement des résultats avec le programme renforcé : le programme de soutien modéré a présenté le meilleur rapport coût-efficacité à 12 mois, alors que le programme renforcé a coûté plus cher pour des gains supplémentaires minimes.

Comme le souligne l’étude, il reste à établir des critères de coût-efficacité en matière de traitement substitutif par la méthadone. Eu égard à son caractère multidimensionnel complexe, faisant intervenir des coûts de natures diverses (autres soins médicaux, frais de justice et autres coûts sociaux…), les prochaines études sur le rapport coût-efficacité global devront utiliser toute une palette de critères d’évaluation.
Michael Farrell, Rachel Churchill, John Strang
Institute of Psychiatry, Londres, Angleterre, Royaume-Uni

Référence
1. McLellan AT, Arndt IO, Metzger DS, et al. The effects of psychosocial services in substance abuse treatment. JAMA 1993;269:1953-9.
 
Cet article et son commentaire, publié dans le N° 16 de Mai 1999 de l’EBM Journal, est reproduit ici avec l’autorisation aimable de la société RanD, responsable de l’édition française de l’EBM Journal.