Dr Jean-Christophe PAGIN, Bruno RESSUCHE Centre Méthadone des Ardennes, Charleville-Mézières Suivi de : Commentaires du Dr Jean-Jacques DEGLON, Fondation PHENIX, Genève, Suisse |
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Le Flyer n°14, nov. 2003 |
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Présentation de l'étude | ||
Les usagers de drogues pris en charge présentent des problèmes sexuels fréquents. Il semble évident que l'aspect sexuel joue un rôle non négligeable, voire majeur dans les traitements de substitution.
Les études disponibles, principalement d'origine outre-Atlantique, tendent surtout à démontrer que les effets négatifs de la méthadone sur la sexualité sont les mêmes que ceux des opiacés en général ou de l'alcool. L'étude présente concerne un public d'héroïnomanes (24) recevant de la méthadone dans un cadre de soins multipartenarial dit "à haut seuil d'exigences". Dans cette étude, nous avons tenté d'évaluer l'efficacité du citrate de sildénafil (Viagra®) lorsqu'il a semblé qu'une composante psychologique liée à l'histoire du sujet, à type d'inhibition, de manque de confiance en soi et/ou de timidité pouvait expliquer les troubles érectiles chez l'homme. |
Cette étude s'est déroulée en deux phases :
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Présentation des résultats | ||
54 % des patients déclarent
1. n'avoir pas eu de trouble sexuel avant leurs premières intoxications par l'héroïne 2. avoir eu des troubles sexuels induits par l'intoxication à l'héroïne 3. n'avoir pas eu de trouble sexuel se maintenant anormalement dans le temps après l'arrêt de l'intoxication par l'héroïne, c'est à dire pendant le traitement par le chlorhydrate de méthadone. 29 % des patients 1. ont présenté ou non des troubles sexuels avant leurs premières prises d'héroïne, 2. ont présenté des troubles au cours du traitement par la méthadone 3. qui ont disparu après la période de prises répétées de sildénafil (Viagra®). |
16,5 % des patients Dans les cas de psychose étudiés, le traitement par neuroleptique associé au traitement méthadone semble apporter une régression des troubles sexuels dans le temps. |
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Interprétation des résultats | ||
- Les premières prises d'héroïne n'affectent pas systématiquement la sexualité, voire même permettent parfois la rémission momentanée des troubles sexuels chez les patients présentant certains troubles de la personnalité. - Lorsque des troubles de la personnalité parfois préexistants (immaturité, inhibition, manque de confiance en soi, timidité) affectent le patient (essentiellement par des troubles de l'excitation), la prise de sildénafil (Viagra®) lui permet de reprendre de l'assurance et confiance en lui. Cette disparition des troubles érectiles semble définitive et son éventuelle réapparition n'est que situationnelle (nouvelle partenaire). |
Il semble également que, le cas échéant, seuls les hommes présentent des troubles de l'excitation dus à cette carence d'assurance. Cet état de fait nous paraît essentiellement lié aux représentations mentales masculines.
Seuls les traitements antipsychotiques semblent induire une amélioration durable. Lorsqu'il n'y a pas de traitement antipsychotique associé au chlorhydrate de méthadone, on n'observe pas de rémission spontanée des troubles sexuels même à dose moyenne (35 mg).
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Commentaires du Dr Jean-Jacques DEGLON, Fondation PHENIX, Genève, Suisse | ||
Bien que l'Autorisation de Mise sur le Marché du chlorhydrate de méthadone signale, comme effet indésirable possible, une "baisse de la libido", ce traitement de substitution ne semble pas affecter significativement la sexualité des patients à des doses quotidiennes maximales de 120 mg. L'utilisation ponctuelle du Viagra® semble intéressante pour "relancer" la libido des patients substitués par la méthadone. Pendant des années, nous avons sous-estimé l'importance des problèmes sexuels de nos patients sous méthadone, qui cumulent plusieurs facteurs de troubles sexuels (baisse de la libido, difficultés d'érection et d'éjaculation). Le traitement à long terme des héroïnomanes chroniques par la méthadone s'est imposé ces dernières années pour des centaines de milliers d'entre eux ainsi suivis dans le monde, à vie pour un certain nombre. |
Si la grande majorité d'entre eux peuvent ainsi parvenir à une abstinence durable des drogues et maintenir une bonne qualité de vie, beaucoup souffrent d'un certain nombre d'effets secondaires, dont la baisse de libido, des difficultés érectiles et des troubles de l'éjaculation. En 1998, une évaluation de 378 patients en cure de méthadone dans les différents programmes de la Fondation Phénix nous apprend que seuls 38 % d'entre eux indiquent une bonne libido, 50 % signalent des troubles de l'éjaculation et 28 % des difficultés d'érection plus ou moins graves. Les toxicomanes en cure de méthadone cumulent plusieurs facteurs de risques de troubles sexuels. |
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Intérêt du Viagra® | ||
Nous avons donc été particulièrement intéressés par l'étude de nos collègues du centre méthadone des Ardennes. Leurs résultats confirment nos propres expériences cliniques et le succès des prescriptions de Viagra®.
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Indépendamment des facteurs psychologiques importants dans la libido tels que la réduction de l'angoisse de performance et le rétablissement d'une bonne confiance en soi grâce à la sûreté d'érection apportée par le Viagra®, on peut se poser la question de l'influence de la reprise d'activités sexuelles sur la stimulation de la testostérone. Une meilleure connaissance des mécanismes biologiques à la base des dysfonctions sexuelles et la mise sur le marché de plusieurs médicaments efficaces nous permettent maintenant d'envisager des recherches complémentaires pour pouvoir proposer à nos patients les meilleurs prises en charge possibles. |
Prévalence des troubles sexuels chez des patients héroïnomanes traités par la méthadone
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