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Conduites à risque

Conduites à risques - Actualité 2012 - 2nd Semestre

 

CONDUITES À RISQUES - ACTUALITÉ 2012 - 2nd SEMESTRE

L'actualité vue par la cyberpresse
par Emmanuel Meunier

Discours sur les conduites à risque et contrôle de la sexualité des jeunes filles

L’Internet et les médias exposent précocement à la pornographie et à des réalités de la sexualité sur lesquelles les adultes peinent à poser des mots, tout particulièrement en présence de leurs enfants. D’où l’émergence de discours alarmistes sur "l’hypersexualisation" des jeunes filles, voire des petites filles, et sur les conduites sexuelles "déviantes" des jeunes que certains prétendent de plus en plus courantes, sans que leurs affirmations soient documentées.
 
Les travaux de Yaëlle Amsellem-Mainguy, Wilfried Rault et Nathalie Bajos, sociologues, publiés dans le numéro 60 de la revue Agora Débats/jeunesse de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, tendent au contraire à valider l’existence de normes toujours plus étroites, qui enserrent non seulement la sexualité des jeunes, mais aussi leur propre perception des relations entre les genres. Alors que les progrès de la mixité et de l’égalité garçons-filles a eu pour conséquence de rapprocher l’âge du premier rapport sexuel, pour lequel les garçons n’ont plus que quatre mois d’avance par rapport aux filles, les discours s’efforcent de reconstruire une différence homme-femme. Pour Nathalie Bajos "les discours alarmistes qui sont tenus servent avant tout à valoriser la perspective différentialiste, en prenant le prétexte de la protection des jeunes femmes". Selon elle, le discours s’articule autour de plusieurs axes, parmi lesquels l’entretien d’un imaginaire erroné autour d’une prétendue sexualité débridée des jeunes, le retour de poncifs comme le fait que les hommes auraient plus de "besoins" que les femmes et sur l’incapacité des jeunes filles à contrôler leur sexualité : "Ce n’est pas un hasard si ce sont toujours le corps sexuel des filles dont on parle" et l’on s’effraye que la sexualité féminine puisse se réaliser hors du cadre sentimental. En outre, faute de pouvoir contrôler l’hypersexualisation généralisée de la société via les médias, on exerce un contrôle, explicite ou latent, en dénonçant les concours de mini-miss et la génération "lolita".

Un rapport de 2011, commandé par la communauté urbaine de Bordeaux, sur la place des femmes dans l’espace urbain fait le même constat : "toute la journée, on t'explique ce que tu dois être en tant que femme, les télévisions et les journaux font de même, et tu finis par ne plus te définir en tant qu'être humain, explique l'urbaniste Louise Montout. Jusqu'à la puberté, on demande aux filles davantage de déplacements que les garçons, car on les considère plus dégourdies. Mais après, le viol devient la peur structurante des femmes en milieu urbain, alors que la ville est bien plus le lieu des incivilités que des agressions physiques." Alors que dans les faits, les femmes sont rarement agressées dans l’espace urbain - en 2011, selon l'Insee, 1,9 % des femmes ont déclaré avoir subi une agression physique -, la crainte des viols, très médiatisés, inhibe la capacité des femmes à s’approprier l’espace public.

Chantal Jouanno, sénatrice UMP, a d’ailleurs rendu un rapport parlementaire sur la question de l’hypersexualisation qui avoue la méconnaissance de la portée du phénomène et de ces conséquences sur le devenir des enfants. Elle propose quatre champs d’action qui ont le mérite d’interpeller les médias et les acteurs économiques.
- Pour mesurer la réalité d’un phénomène mal connu, et comprendre ses implications, le rapport préconise de réaliser des études pluridisciplinaires et longitudinales par le biais du CNRS. Il recommande également la création d’une mission d’observation quinquennale, pilotée par l’Observatoire national de l’enfance en danger (Oned) en lien avec l’observatoire de la parité.
- Pour informer et sensibiliser les premiers acteurs  de l’enfance, le rapport propose de jouer sur deux tableaux. Celui de la responsabilité parentale d’une part, en diffusant des supports informatifs aux parents. Celui de la responsabilité nationale d’autre part, en donnant les moyens à l’école de développer l’esprit critique, la notion de respect et d’égalité des sexes, et ce dès le primaire. Autre recommandation : l’harmonisation des règlements intérieurs en vue de définir le caractère ‘respectable’ des tenues vestimentaires.
- Pour responsabiliser les médias et les entreprises, le rapport souhaite établir une charte d’engagement contre l’hypersexualisation, évaluée chaque année.
- Des interdictions seraient posées, comme celle pour les mineurs de moins de 16 ans de devenir égéries de marques et de participer aux concours de beauté.

Reste que la sexualité féminine induit un risque de grossesse précoce et/ou non désirée. Celle-ci s’explique, notamment, par des difficultés à imposer l’usage du préservatif masculin et des difficultés d’accès à la contraception pour partie imputable à la dégradation de la situation économique des jeunes filles et des jeunes femmes (20-24 ans), chez qui le taux de chômage est passé de 16,5% à 21,1% entre 2000 et 2010. 42% des pilules prescrites sont non remboursées et seulement 4 utilisatrices sur dix en situation financière difficile ont leur contraception totalement remboursée. Réalité qui justifie les nouvelles mesures qui rendront, à compter de 2013, les contraceptifs gratuits pour les mineures et leurs délivrances confidentielle et de prendre en charge à 100% les interruptions volontaires de grossesse des mineures.

Sources :
02.08.12. Elserevue. Hypersexualisation des enfants, le rapport qui alarme
10.09.12. Elserevue. Adolescence et sexualité. Emancipation ou contrainte ? (Yaëlle Amsellem-Mainguy, Wilfried Rault & Nathalie Bajos, sociologues)
04.10.12. Le Monde. La rue, fief des mâles (Sexisme)
26.10.12. 20 Minutes. IVG remboursées à 100%, pilule gratuite pour les mineures
11.10.12. Seronet. Contraception, l’illusion du choix
27.11.12. Le Parisien. Contraception : les mineures pourront se faire prescrire la pilule en toute confidentialité (amendement au projet de budget de la Sécurité sociale)
Perception des risques et illusion de gérer les risques

Plusieurs études interrogent la perception des risques et le sentiment de « gérer » les risques.

Le Bureau de prévention des accidents (BPA) suisse constate l’augmentation des décès liés à des activités de loisirs dont les risques sont nettement sous-évalués. Le ski, le football et le vélo figure en bonne place. "Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les activités extrêmes comme le speedflying, le parapente ou la varappe qui provoquent le plus de dégâts, explique Jean-Luc Alt. Pour le ski, comme pour la randonnée en montagne, il s’agit la plupart du temps de chutes que les victimes ont faites toutes seules. En cause, le manque d’entraînement et de condition physique. Nous avons aussi beaucoup de problèmes avec les tournois de football où l’alcool coule à flots. Et, en ce qui concerne le vélo, il n’y a malheureusement que 40% des cyclistes qui portent un casque, alors que la plupart des accidents graves impliquent une blessure à la tête." Pour le sociologue David Le Breton, les accidents dus aux loisirs vont encore continuer à croître ces prochaines années: "Nous sommes dans une société pour laquelle le travail devient monotone et s’effectue en position assise. Les individus bénéficient d’un nombre limité de jours pour se défouler physiquement et le font de manière excessive. Lorsqu’ils sont en vacances, ils veulent «profiter à fond», s’encanailler, retrouver une intensité de vivre en gravissant des sommets ou en faisant du canyoning. Alors que, auparavant, ce genre de comportements et d’activités était réservé aux adolescents, il touche de plus en plus d’adultes, et des adultes de plus en plus âgés: après 50 ans, on veut se tester et prouver aux autres ce qu’on est encore capable de faire."

> Alcooliers : Une étude de la Brown University (USA) interroge les stratégies de marketing des alcooliers en direction des jeunes. Non seulement ils s’emploient à associer leur produits à la culture jeune, mais surtout ils développent une communication qui représente le jeune consommateur de leurs produits comme un buveur déjà averti... et, donc, comme une personne qui gère les risques.
Une étude de l'Université d'Indiana et de la Wayne State University a évalué à partir de neuro-imagerie l’impact de différents messages sur le cerveau de personnes dépendantes et de personnes non dépendantes, pour montrer que les premières sont moins réceptives aux messages les alertant d’un danger. Les participants aux tests ont pris part à un jeu virtuel, l'Iowa Gambling Task, utilisé dans les études psychologiques sur la prise de décision. 4 jeux de cartes apparaissent sur un écran, et les participants sont informés qu'ils vont gagner ou perdre de l'argent en choisissant certains jeux. Les participants dépendants montrent moins d'activité cérébrale en réponse au message négatif qu'un type de jeu va les conduire à perdre. Les messages négatifs entraînent dans ce groupe des décisions beaucoup plus risquées. Les résultats suggèrent, pour les chercheurs, un niveau d’activité cérébrale bien plus faible dans les régions du cerveau qui permettent d'évaluer le risque chez les personnes dépendantes. Une région en particulier, le cortex cingulaire antérieur, est fortement impliquée par cette baisse d’activité.

Sources :
17.10.12. L'Hebdo.ch. Les loisirs, c’est mortel (conduites à risque)
29.11.12. Santé Log. L’Addiction brouille la perception des messages de prévention (Université d'Indiana et de la Wayne State University, revue Psychology of Addictive Behaviors)
27.12.12. Santé Log. Alcool : Comment les fabricants exploitent l'identité des adolescents (Alcoholism: Clinical & Experimental Research)

Consommations chez les étudiants

Les usages de substances psychoactives chez les étudiants remplissent de nombreuses fonctions. Se développerait, aux USA, notamment, l’usage de « smart drugs », des médicaments ayant des effets psychostimulants, comme la Ritaline (traitement de l’hyperactivité), l’Adderall (traitement des troubles de l’attention et de la narcolepsie) et le Modafinil (traitement de la narcolepsie) pour accroître les performances scolaires et la capacité de travail. Se développeraient aussi les alcoolisations massives (binge drincking) ayant plutôt une fonction d’exutoire face à la pression des études.

Une étude de l'American Sociological Association constate que "le binge drinking est symbole de statut élevé dans les écoles". Selon Carolyn L. Hsu, co-auteur de cette étude menée auprès de 1.600 étudiants, et professeur agrégé de sociologie à l'Université Colgate,  la consommation massive serait perçue comme un "comportement des étudiants "les plus puissants, les plus riches et les plus heureux" du campus. Cela devient donc une activité souhaitable et enviable pour les autres étudiants". Le binge drinking serait perçu par nombre d’étudiants comme un moyen de s’intégrer, de s'adapter, de vivre une vie meilleure à la fac, voire de survivre dans un environnement social hostile…

La combinaison alcool – boisson énergisante est fortement associée à l’idée de performance sexuelle. Une étude de l'Université de Buffalo sur la consommation boissons énergétiques- alcool et comportements sexuels à risque chez les étudiants montre que "le mélange boissons énergétiques avec de l'alcool peut conduire à boire involontairement de manière excessive car, avec la caféine, il est plus difficile d’évaluer son niveau d'intoxication. Les boissons énergisantes renforcent "l’effet d’amorçage" en augmentant la soif pour un autre verre". Sur les 648 participants - dont 47,5% de sexe féminin âgés de 18 à 40 ans mais plutôt proches de la vingtaine (+ de 60% âgés de moins de 21 ans) -, l’étude constate que 29,3% ont déclaré consommer des boissons énergétiques au cours du mois précédant l'enquête et qu’au cours de leur dernier rapport sexuel, 45,1% l’ont partagé avec un partenaire occasionnel, 24,8% dans un état d’ivresse et 43,6% sans préservatif.

Une étude espagnole menée auprès d’étudiants constate que la pratique du binge drinking est plus répandue chez les jeunes étudiantes (56,1%) que chez les étudiants (41,3%).

"La quantité bue par unité de temps est plus élevée chez les femmes. En d'autres termes, si les garçons boivent plus souvent, les jeunes femmes consomment l’alcool de manière plus intensive sur de courtes périodes de temps, ce qui s’appelle le …binge drinking", explique le Dr José Cancela Carral, de l'Université de Vigo.

Un rapport de la commission des lois du Sénat fait le constat de l’augmentation de ces pratiques d’alcoolisation massives, particulièrement chez les étudiants des grandes écoles, notamment lors des "soirées étudiantes", termes qui recouvre des pratiques aussi diverses que les soirées dites "d'intégration" où des bizutages peuvent être pratiqués, les soirées organisées par des associations étudiantes et des fêtes auto-organisées par des étudiants. Les directions des grandes écoles s’impliquent de moins en moins dans l’organisation des "soirées" et dans l’accompagnement des fêtes étudiantes, parce qu’elles craignent que les débordements entachent la réputation des établissements. Le rapport constate que l’administration fait en sorte que les fêtes soient "externalisées hors de l'enceinte universitaire pour le seul motif de décharger l'autorité administrative en charge de l'ordre public dans l'établissement de sa responsabilité. Pire, ont été indiqués [...] des cas de week-ends d'intégration se déroulant, avec l'assentiment tacite de la direction d'écoles de commerce, à l'étranger dans le seul but d'échapper à la loi française." D’autre part, nombre d’associations étudiantes trouvent dans la vente de boissons alcoolisées au cours des fêtes qu’elles organisent une source de financement. D’où un encadrement décroissants des fêtes par l’administration et une tendance des associations étudiantes à encourager la consommation, en dépit d’actions de prévention ça et là.

Sources :
20.08.12. Santé Log. Binge drinking : Une sorte d'ascenseur social pour les étudiants défavorisés? (American Sociological Association)
12.11.12. Les inrocks. Alcoolisation massive des jeunes: “Boire vite et beaucoup est devenu une compétition en soi” (rapport du Sénat, Entretien avec Corinne Bouchoux, sénatrice du Maine-et-Loire Europe écologie les Verts)
21.12.12. Etudiant.Le Figaro. Les nouvelles drogues de la performance scolaire
29.12.12. Santé Log. Binge Drinking : Plus expéditif chez les jeunes filles (Journal of Environmental Research and Public Health, étude espagnole, Université de Vigo)

Vers une reconnaissance de la « cyberdépendance » par le DSM ?

La prochaine édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), la bible de la psychiatrie américaine, devrait évoquer un nouveau "trouble" : le "Internet-use disorder" (littéralement «trouble de l’utilisation d’Internet»). Les systèmes de classification actuels (CIM-10, DSM-IV) ne reconnaissent pas la "cyberaddiction" comme un trouble à part entière ; il n’existe donc pas de critères de diagnostic officiels, ni de traitement thérapeutique préconisé. Jusqu’à présent, seul le jeu pathologique (de hasard et d’argent) est classé CIM-10 parmi les "troubles des habitudes" et les "troubles des impulsions" ou classé DSM-IV-TR comme "troubles des impulsions".  

Les auteurs qui reconnaissent la validité de la notion de "cyberdépendance", retiennent généralement cinq critères de diagnostique :
1. Rétrécissement de l’espace comportemental (majorité du temps disponible est consacrée à l’utilisation d’Internet sur une période prolongée).
2. Perte de contrôle (tentatives de réduire ou d’interrompre l’étendue de l’utilisation s’avèrent infructueuses ou ne sont même pas entreprises bien que la personne ait conscience de problèmes personnels ou sociaux associés à sa pratique).
3. Evolution de la tolérance (la "dose de comportements" doit être augmentée pour continuer à atteindre l’humeur positive recherchée et un niveau suffisant de satisfaction).
4. Phénomènes de manque (l’interruption temporaire prolongée de l’utilisation d’Internet se manifeste par des troubles de l’humeur psychique - agitation, nervosité, insatisfaction, irritabilité, agressivité) et un besoin psychique irrépressible de reprendre l’activité  ("craving").
5. Conséquences sociales négatives (les activités en ligne ont des conséquences négatives dans les domaines du travail et de la performance ainsi que sur les relations sociales).

La notion de cyberdépendance est loin de faire l’unanimité. Des auteurs préfèrent parler d’usages problématiques des technologies de l’information et de la communication [Voir "Usages problématiques des Technologies de l’Information et de la communication (T.I.C.)" in Conduites à risques - Actualité 2012 - 1er Semestre].  Pour ces auteurs ces usages compulsifs "sont des révélateurs de problèmes sous-jacents et préexistants. Alors, bien sûr, il existe parfois un symptôme de manque, mais celui-ci n’est pas suffisant pour prouver un véritable syndrome, un terme psychiatrique précis : l’addiction", affirme Vanessa Lalo.

Notons que l’inclusion d’un trouble dans le DSM permet le remboursement des soins par les mutuelles et que la création de ce nouveau "trouble" ouvre un marché. En Australie, il existe déjà des cliniques privées spécialisées dans les "troubles" liées aux technologies de l’information et de la communication.
 

Sources :
06.09.12. cqft.wordpress. Dangers potentiels d’Internet et des jeux en ligne (rapport)
03.10.12. Slate. L'addiction à Internet bientôt un trouble psychiatrique reconnu? (le «Internet-use disorder» du prochain DSM)
18.10.12. terrafemina. "Il n'existe pas d'addiction aux réseaux sociaux" selon Vanessa Lalo, psychologue

Une "cyberdépendance" révélatrice de vulnérabilités aux conduites addictives ?

Dans le cadre du monitorage cannabis (2010), Addiction Suisse a cherché à déterminer s’il y avait un rapport entre le gaming excessif et la consommation de substances psychoactives chez les jeunes âgés de 13-29 ans. Il s’est avéré que les jeunes considérés comme des gamer « problématiques » consommaient davantage de stupéfiants (tabacs, alcool et cannabis) que les jeunes dont le comportement de gaming n’est pas "problématique". Les gamer excessifs comptaient une part nettement accrue de fumeurs (42,6 %) que les gamer non problématiques (31,8 %) ou les jeunes qui ne jouent pas (31,8 %). La consommation d’alcool à risque était également beaucoup plus répandue parmi les gamer problématiques (14,2 %) que les non gamer (5,1 %). Il en va de même de la consommation de cannabis. Ainsi, les gamer excessifs présentaient-ils une part nettement plus élevée de consommateurs actuels de cannabis (23,0 %) que les adolescents et jeunes adultes qui ne jouent pas ou dont le comportement n’est pas « problématique ». Un gamer problématique sur dix présentait aussi des problèmes liés au cannabis. [Voir aussi les travaux de chercheurs de la Queen’s University (Canada) - "Internet et la pratique excessive de l’ordinateur peuvent-ils sources de mal-être et de conduites à risque ?" in Conduites à Risques - Actualité 2011 - 1er Semestre]

Des chercheurs de l'Université de Bonn et de l'Institut central de santé mentale de Mannheim ont publiés une étude dans l’édition de septembre du Journal of Addiction Medicine qui porte sur la comparaison des profils génétiques d’internautes addicts avec celui de sujets témoins en bonne santé. Ils ont constaté que les utilisateurs problématiques du web étaient plus fréquemment porteurs d’une mutation sur le gène du récepteur de l'acétylcholine CHRNA4, déjà repérée comme plus fréquentes chez les fumeurs de tabac. La nicotine du tabac se fixe- comme l'acétylcholine, qui est produite par le corps - comme une clé dans ce récepteur. Ce neurotransmetteur joue un rôle important dans l'activation du système de récompense du cerveau.
 
Sources :
06.09.12. cqft.wordpress. Dangers potentiels d’Internet et des jeux en ligne (rapport)
30.08.12. Santé Log. L’addiction à Internet a sa marque génétique (Universités de Bonn et de
 Mannheim, Journal of Addiction Medicine)

Une « cyberdépendance » révélatrice de problèmes psychiques antérieurs et sous-jacents

Addiction Suisse (2011) a établit une relation entre gaming excessif et troubles psychiques chez les adolescents et jeunes adultes suisses âgés de 13-29 ans. Ainsi, les gamer problématiques ont-ils eu des troubles psychiques (p. ex., comportement obsessionnel, solitude, problèmes interpersonnels, stress, faible compétence sociale) significativement plus fréquents (24,0 %) que les adolescents et jeunes adultes qui ne s’adonnent pas au gaming (15 %) ou le font de manière non problématique (11,8 %). Les résultats concernant la dépressivité sont comparables à ceux des troubles psychiques en général. Au cours des 12 derniers mois ayant précédé l’enquête, les gamer problématiques ont souffert nettement plus souvent de dépressivité (40,5 %) que les adolescents et jeunes adultes qui ne s’adonnent pas du tout au gaming (32,1 %) ou le font de manière non problématique (27,0 %)

Une enquête coordonnée par Dr Étienne Couderc, psychiatre à l'hôpital Esquirol de Limoges (Haute-Vienne) auprès de 517 utilisateurs du réseau social Facebook, âgés de 18 à 36 ans, a déterminé que 4,5% des répondants réunissent bien tous les critères de l'addiction. Cette population se connectaient en moyenne 11 fois par jour et pendant plus de 3 heures, avaient un nombre d'amis strictement virtuels, jamais rencontrés, plus important (179 vs 95), éprouvaient une envie de se connecter impérieuse et avaient délaissés tout autre hobbys. L’étude des profils psychologiques des 4,5% utilisateurs intensifs des réseaux sociaux fait ressortir que 70% ont un profil de phobiques sociaux, et que ce sont en majorité des femmes. La phobie sociale est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. "Les sujets introvertis, anxieux socialement, ayant de ce fait un faible réseau social ont tendance à vouloir utiliser Internet et ses applications socialisantes afin de compenser ce déficit, constate le Dr Étienne Couderc. Les relations sociales par le biais de Facebook sont en effet vécues par ces sujets comme plus faciles d'accès, Internet supprimant de nombreuses raisons d'être anxieux: regard, ton de la voix…" La fréquence des troubles psychopathologiques plus importante chez les utilisateurs intensifs de Facebook (48% sont dépressifs contre une prévalence limitée à 9% chez les autres utilisateurs du réseau social). Pour le Pr Aviv Weinstein, neuropsychologue spécialisé dans les addictions (Hôpital Hadassah, Jérusalem), "Internet est un média qui peut atténuer l'anxiété et la dépression chez certains individus et les aider à surmonter ces états émotionnels, au moins temporairement. Cela crée un forum pratique de communication avec les autres et donne accès à une quantité de stimulations qui autrement seraient difficiles à obtenir".

Concernant la surreprésentation féminine dans certaines conduites en ligne, Addiction Suisse a étudié l’utilisation d’Internet et le comportement de gaming des 13-29 ans en Suisse.

Il a été observé que dans le groupe des jeunes utilisateurs de jeux vidéo en ligne, la part des gamer  problématiques était légèrement supérieure chez les femmes (6,0 % vs 4,4%). D’après les auteurs, les jeunes femmes jouent certes moins fréquemment en ligne que les jeunes hommes, mais lorsqu’elles le font, elles présentent un risque nettement plus important de développer un comportement problématique.

Une étude de chercheurs de la Texas Christian University publiée dans Southern Communication Journal établis un lien entre anxiété et difficulté de communication et usage compulsif d’Internet. Elle montre aussi que certains comportements en ligne, comme la tendance d'un individu à se raconter en ligne ou à y multiplier les liens sociaux, sont très fortement corrélés, voire prédictifs, d’un usage compulsif. Ils font le constat que cet usage intensif finit par entraîner un surcroît d’anxiété, une dégradation du bien-être et de la qualité de vie.

Si les utilisateurs intensifs des réseaux sociaux ont un profil plus anxieux et dépressif, tel ne semble pas être le cas des utilisateurs intensifs de téléphones portables.

Des chercheurs de l'Université de Baylor et de l'Université de Seton Hall ont publié une étude dans la revue The Journal of Behavioral Addictions qui compare les résultats de trois tests effectués auprès d’étudiants. Etaient évalués les niveaux "d'impulsivité", de "matérialisme" (attrait pour les biens de consommations) et de "dépendance" à l'utilisation du téléphone portable et à la messagerie instantanée (SMS). Plus le niveau d'impulsivité et de matérialisme était élevé, plus le niveau d'addiction l'était aussi, une corrélation déjà observée chez les accros au shopping. L’évaluation du niveau de « matérialisme » (attrait pour les biens de consommation) se justifiait par le fait que selon le professeur James A.Roberts, par le fait que les téléphones cellulaires "ne sont pas seulement un outil de consommation, ils sont aussi un symbole de statut social".

Sources :
06.09.12. cqft.wordpress. Dangers potentiels d’Internet et des jeux en ligne (rapport)
11.10.12. Santé Log. Internet : Etes-vous plutôt compulsif ou excessif ? (chercheurs de la Texas Christian University, publié dans le Southern Communication Journal)
16.10.12. Santé. Le Figaro. Plus de 4% des utilisateurs sont «addicts» à Facebook (Dr Étienne Couderc, psychiatre à l'hôpital Esquirol de Limoges, Haute-Vienne)
03.12.12. Huffingtonpost. Addiction au téléphone portable: les plus accros seraient impulsifs et matérialistes, selon une étude américaine

Effets physiologiques et psychiques de l’usage intensif des écrans

Avant de rechercher des causes psychiques au mal-être d’utilisateurs intensifs des technologies de l’information et de la communication, il convient d’évaluer les effets physiologiques de l’usage excessif des écrans.

Une enquête d’Addiction Suisse (2011) rapporte qu’une personne sur cinq (19,3 %) âgée de 13-29 ans qui utilise Internet souffrait de différents troubles physiques réguliers, qu’elle attribuait elle-même à l’utilisation d’Internet. Les troubles oculaires (yeux secs et fatigués) ont été le plus fréquemment cités par les hommes et par  les femmes (hommes : 25 %, femmes : 31,3 %). Les troubles de l’appareil locomoteur ont également été cités relativement souvent, à savoir les contractures des épaules (femmes : 26.3%, hommes : 12.5%) et de la nuque (femmes : 23.0%, hommes : 12.1%) ainsi que les dorsalgies (femmes : 18.9%, hommes : 9.6%).

Plusieurs études ont établis que la luminosité de l’écran inhibe la sécrétion de mélatonine, hormone clé régulatrice du rythme du sommeil, au point de désynchroniser le rythme biologique des individus connectés aux écrans de manière excessive. Il en résulte une « dette » croissante de repos entraînant nervosité, irritabilité et perte d’appétit en journée. [Voir L’écran, la lumière et le sommeil in Conduites à risques - Actualité 2012 - 1er Semestre]. Une étude parue dans Applied Ergonomics  a suggéré que la lumière bleue des tablettes mobiles perturbe particulièrement la production de la mélatonine et donc notre cycle circadien ou horloge biologique et qu’une exposition de 2 heures à ces dispositifs électroniques suffirait à entraîner une réduction de plus de 20% des niveaux de mélatonine.

Des chercheurs de la Johns Hopkins University et du Rider University, ont publiés dans la revue Nature une étude sur la sourie qui suggère que l’exposition anormale à la lumière entraîne un trouble de l’humeur. En exposant des souris à des épisodes lumineux irréguliers vs un groupe témoin de souris exposé à des cycles de lumière normaux (12 heures de lumière et 12 heures d’obscurité), ils ont constaté que l’exposition irrégulière à la lumière élève les niveaux de coricostérone, une hormone du stress, et ils observent, par tests comportementaux, des effets négatifs sur l’humeur et la fonction cognitive. Les souris soumises à un cycle lumière/obscurité irrégulier montrent « un manque d'intérêt » pour de nouvelles expériences, une grande apathie physique, une préférence diminuée pour le sucre, une propension à l’immobilité (même pendant le test de la nage), des déficits d'apprentissage, qui disparaissent lorsqu’elles reçoivent des antidépresseurs…

Le Pr Samer Hattar de l'Université Johns Hopkins commente : "Bien sûr, on peut se demander ce que pensent ces souris…, mais nous constatons des comportements typiques de dépression comme ce manque d'intérêt pour le sucre ou de recherche du plaisir ainsi que des difficultés d’apprentissage et de mémorisation".

Menée tous les quatre ans, l'enquête HBSC (Health Behaviour in School-aged Children) de 2010, réalisée par un réseau international de chercheurs sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est notamment intéressée aux conséquences de l’usage des TIC chez les adolescents et corrèle une dégradation de la qualité du sommeil avec l’usage croissant des technologies de l’information et de la communication (TIC). En France, les collégiens se plaignent au minimum une fois par semaine de difficultés d’endormissement (31,5 %), l’insuffisance sévère de sommeil, avec des nuits de 7 heures ou moins, touche 21 % des élèves de troisième et certains déclarent des troubles d’endormissement avec des conséquences comme la fatigue, l’irritabilité, les difficultés de concentration. D’après les auteurs, l’insuffisance de sommeil est pour partie liée à l’usage des TIC. Ceux qui utilisent un ordinateur ont un temps de sommeil plus court (8h06 contre 8h50). De même, les télévisions dans les chambres et l’usage de smartphones perturberaient ce temps réparateur. Toutefois, l’étude montre que les TIC contribuent au bien-être des jeunes. L’usage des TIC a progressé de manière spectaculaire tout au long du collège. Ainsi, en y entrant, 22 % des garçons et 31 % des filles utilisent quotidiennement les TIC pour communiquer avec leurs amis et avant l’entrée au lycée, ce mode d’échange quotidien concerne 46 % des garçons et 65 % des filles. Mais, contrairement aux idées reçues, la dimension virtuelle des TIC n’empêche pas la naissance de véritables amitiés. Plus de 93 % des ados disent compter au moins trois véritables amis, et ont globalement une vie amicale plus riche qu’en 2006. Quant aux effets redoutés des TIC sur la vie sexuelle des adolescents, ils ne seraient pas si présents, nous indique le rapport. En dépit d’une plus large diffusion de la pornographie grâce aux TIC, les chiffres, avec 9 % des garçons et 4 % des filles déclarant des rapports avant 13 ans, et 25,5 % des garçons (respectivement 14 % des filles) avant 15 ans, sont  restés stables au cours des dernières années.

Source :
05.09.12. Santé Log. Nos Ados, entre bonne santé et mal-être (Health Behaviour in School-aged Children, OMS)
06.09.12. cqft.wordpress. Dangers potentiels d’Internet et des jeux en ligne (rapport)
16.11.12. Santé Log. Société : Après la Facebook depression, l’iPad depression?
 05.12.12. Elserevue. Les habitudes de vie des ados

Effets et problèmes liés à l’exposition précoce aux écrans et au TIC

Plusieurs études s’intéressent aux effets sur le développement cognitifs des usages précoces des TIC.

Une étude longitudinale menée par le professeur de psychiatrie Manfred Spitzer (basé à Ulm, Bade-Wurtemberg, en Allemagne) sur la base des études PISA, qui concerne près de 300.000 élèves de 15 ans montre que les adolescents ayant le plus accès à un ordinateur personnel à l'école étaient également ceux ayant en moyenne les moins bonnes notes. L’auteur estime que "si l'ordinateur prend en charge une part du travail mental traditionnel, travail mental qui est à la base de développements cognitifs du cerveau, alors il peut arriver que l'utilisation trop fréquente de l'ordinateur nuise au développement de mécanismes cognitifs importants, comme ceux de la concentration et de la mémoire". Une autre enquête récente, menée par 62 professeurs d'universités allemandes, auprès de leurs étudiants constatent que des compétences comme la logique argumentative, la capacité de saisir ou résumer un texte et la capacité de concentration seraient amoindries chez les plus jeunes étudiants universitaires ayant grandi avec l'avènement de l'Internet. Selon les chercheurs en neurosciences, ces déficits seraient dus à une sorte d'overdose numérique, un mécanisme chimique de stress cérébral causé par le zapping informationnel. Pour Manfred Spitzer le développement du travail rapide et multitâche, valorisé dans le monde professionnel. Créerait un contexte où l’individu s'entraînerait lui-même à un trouble de l'attention [Voir aussi les travaux de J-P Lachaux - "Effets cognitifs de l’usage excessif des nouvelles technologies" in Conduites à Risques - Actualité 2011 - 2ème Semestre].

D’après le rapport Médiamétrie de 2010, en 2009, le temps passé devant la télévision augmente sensiblement chaque année. Entre 4 et 10 ans, la consommation télévisuelle moyenne est de 2 h 12 min. Soit 7 minutes de plus qu’en 2000. Par ailleurs, « un écolier en primaire passe, tous les ans, plus de temps devant le tube cathodique que face à son instituteur (956 heures contre 864) ».

En 2010, une étude montréalaise basé sur le suivi sur huit ans de 1314 enfants pendant huit ans, exposer de manière importante à la télévision dès l’âge de deux ans, corrélait certaines caractéristiques comportementales liées au temps passé devant l’écran de télévision.

Parmi les effets constatés :


- une diminution de 7% de l’intérêt en classe
- une diminution de 6% de la réussite en mathématiques
- une augmentation de 10% du risque de victimisation par les camarades de classe
- une diminution de 13% de l’activité physique pendant les fins de semaine
- une diminution de 9% de l’activité physique générale
- une augmentation de 9% de la consommation de boissons gazeuses sucrées
- une augmentation de 10% du grignotage
- une augmentation de 5% de l’indice de masse corporelle (IMC) à l’âge de dix ans

Liliane Lurçat, directrice de recherches honoraire en psychologie de l’enfant au CNRS, constate une réduction de l’accès à l’imaginaire et des comportements passifs, qui semble liés au fait que le très jeune enfant est confrontés à des « thèmes répétitifs, violents, irrationnels, ou parfois pervers » qui arrachent l’enfant de l’enfance par ces « initiations très brutales » qui peuvent déclencher des « conduites inattendues ». Elle constate, avec Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherches au CNRS, une « désacralisation du monde de l’adulte » qui au lieu d’être découvert progressivement se trouve en quelque sorte dévoiler par les images de la télévision. Enfin, des chercheurs du Centre sur les enfants, les adolescents et les médias de l'université d'Amsterdam constatent les effets de la publicité et le développement précoce de l’attrait pour la société de consommation. « Les enfants deviennent conscients de la signification symbolique des objets. Contrairement aux plus jeunes, ils commencent à vouloir acquérir des produits non seulement pour le plaisir de les avoir mais aussi dans le but d'accroître leur bonheur et leur statut social. » Plus les enfants connaîtraient des difficultés psychosociales, plus l’attrait de la consommation serait puissante.

Sources :
11.09.12. techno-science. L'ordinateur nuit à la mémoire: attention à "la démence numérique" (Pr de psychiatrie Manfred Spitzer, Allemagne)
12.09.12. Terra femina. Publicité : les médias rendent les enfants matérialistes
01.10.12. Eleserevue. Conduites téléphages précoces. Observations expertes

Usages déviants et dommages psychosociaux liés à l’usage des TIC

La question du lien entre jeu vidéo et violence, menée par Laurent Bègue, professeur à l'université Pierre Mendès-France de Grenoble en collaboration avec l'Université de Hohenheim (Allemagne) et de l'Université de l'Ohio (USA), déjà évoqué [Voir "Jeux vidéo et violence" in Conduites à risques - Actualité 2012 - 1er Semestre], font l’objet d’une publication dans la revue scientifique américaine Journal of Experimental Social Psychology

La tuerie de Newton dont le jeune auteur était adepte de jeux vidéo, notamment la saga Dynasty Warriors a contribué à relancer la polémique. La NRA (National Rifle Association), qui affirme qu’aucune arme n’a jamais tué personne, et que ce sont les tueurs, seuls, qui tuent – et qu’il n’y a donc aucune raison de règlementer le commerce des armes – vient de découvrir que les jeux vidéos, eux, pouvait tuer : "Et voici une sale vérité que les médias font tout pour cacher, affirme son vice-président Wayne LaPierre. Il existe dans ce pays une industrie de l'ombre, corrompue, corruptrice et impitoyable qui diffuse de la violence contre son propre peuple. Ceci au travers de jeux vidéo violents et vicieux dont les noms sont Bulletstorm, Grand Theft Auto, Mortal Kombat et Splatterhouse". Sans doute plus crédible, Brad Bushman, professeur de psychologie à l'Université d'Ohio, estime qu’un jeu vidéo peut avoir plus d'effet qu'un film car, en jouant, "vous n'êtes pas simplement assis sur un canapé, vous êtes pleinement impliqué. Et on apprend bien plus quand on est impliqué."

Nombre de jeux ont poussé très loin la violence, susciter la polémique et ont pu être interdits dans certains pays. Ainsi Chiller (1986), est-il un "shooter" jouable avec un pistolet optique et dont l’objectif consiste à effectuer le plus gros carnage possible dans des environnements particulièrement glauques (une chambre de torture, une morgue...) où, parmi les cibles potentielles, figurent des êtres humains agonisants dans des instruments de torture. Corps dépecés, écrasés, mutilés : le jeu ne nous épargne aucun détail graphique. Mortal Kombat (1992), est un jeu de combat qui offre la possibilité d'arracher la tête, le cœur ou la colonne vertébrale de son adversaire. Carmageddon (1997) est un jeu de course automobile où écraser les piétons permet de collecter du temps supplémentaire, et constitue même une des conditions de victoire. Postal (1997) donne pour objectif au joueur de réaliser un carnage dans une ville, et, en option, d'asperger les passants d'essence avant de les brûler vifs, ou encore d'uriner sur des cadavres démembrés. La responsabilité de Postal dans la tragédie de Dawson à Montréal a été invoquée, le tueur étant un grand fan de la série.

Dans Le Punisher (2002) le jouer doit mener des interrogatoires pour trouver des coupables, sans exclure la torture : si les personnes interrogées semblent peu loquaces elles pourront avoir la tête dans un broyeur à ordures, dans un bac d'huile bouillante, ou encore sous une perceuse industrielle.

La possibilité de comportements désinhibés et affranchis des codes sociaux habituels s’épanouie aussi sur les réseaux sociaux. Pour Michael Stora, psychologue, "Internet est un espace à l'abri du regard où l'on peut s'affranchir d'une pression sociale, de l'interdit en général. [...] La sphère virtuelle constitue un lieu d'expérimentation sexuelle, un laboratoire de recherche, où l'on s'autorise beaucoup plus de choses que dans la vie dite "réelle". On assiste à un phénomène de désinhibition où les jeunes se sentent à l'abri de certains interdits psychologiques ou sociétaux." D’où des comportements qui les exposent à des manipulations perverses, par exemple sous la forme d’incitation à l’exhibitionnisme (sexting). Ainsi, à douze ans, Amanda Todd, une jeune Canadienne commet l'erreur de montrer sa poitrine à un homme rencontré sur un site de chat vidéo. Une image que ce dernier publiera ensuite sur les réseaux sociaux. L'humiliation tourne au harcèlement pour la jeune adolescente, qui perd progressivement ses amis et sa réputation et elle finira par se suicider. De plus selon la Fondation pour la surveillance d’Internet (IWF), 88% des photos intimes des ados serait récupérées et se retrouveraient ensuite sur des sites pornographiques. "Nous sommes dans une société d'anonymat où les jeunes ont besoin de montrer qu'ils existent, ils ont soif de reconnaissance, observe le sociologue Michel Fize. Un besoin quelque part d'être star. Sauf que si Warhol disait que l'on pourra tous être célèbre un quart d'heure, avec Internet, ce quart d'heure peut durer toute la vie".

Sources :
11.10.12. AFP Google. Les jeux vidéo violents rendent de plus en plus agressif avec le temps (étude menée en col. avec l'Université de Hohenheim (Allemagne) et de l'Etat de l'Ohio (USA)
25.10.12. Metrofrance. 88% des photos intimes des ados se retrouvent sur des sites pornos (étude de l'Internet Watch Foundation - IWF - fondation pour la surveillance d’Internet)
30.10.12. Le Figaro. «On assiste à une désinhibition des jeunes sur Internet» (Interview de Michael Stora, psychologue)
20.12.12. NouvelObs. La tuerie de Newtown rouvre le débat sur la violence des jeux vidéo
26.12.12. Jeuxvideo. Les jeux vidéo les plus polémiques de l'histoire
27.12.12. Gameblog. Tuerie de Newton : la NRA pointe du doigt les jeux vidéo, l'ECA réagit

Approches expérientielles des jeux vidéo

Vincent Berry, maître de conférences en sciences de l'éducation à l'université Paris XIII et auteur de "L’expérience virtuelle : jouer, vivre, apprendre dans un jeu vidéo", analyse le jeu vidéo dans son rapport de filiation et de rupture avec le jeu traditionnel. Beaucoup d’éléments plaident pour dire que le jeu vidéo "recycle" le jeu traditionnel et on peut voir des parentés entre, d’une part, les avatars et les personnages des jeux et, d’autre part, les poupées et les figurines, entre les jeux de combats et stratégiques et la masse de jeux traditionnels qui ont les mêmes ressorts, etc. On y retrouve aussi, avec l’usage des manettes et autre dispositifs, le plaisir de la manipulation, ainsi qu’une tension entre une tendance vers le ludique et une tendance vers le jeu "éducatif". De même que les jeux traditionnels sont fortement sexualisés, on a vu apparaître les "girl's games", avec une hyperféminisation des personnages et des univers, au point que Pierre Bruno à qualifier ce phénomène de "traditionalisme rénové". Ce traditionalisme n’est pas que le fait des éditeurs. Une étude de l’université de Laval sur les avatars des personnes qui fréquentent Second Life montre que 47% des avatars féminins sont à moitié nues : elles ne couvrent que 25 à 49% de leur peau avec leurs vêtements, vs 9% des hommes.

Néanmoins, ces jeux se distinguent des jeux traditionnels, selon V. Berry, en ce qu’ils "augmentent" la "puissance de l'expérience. Pour peu d'actions, il envoie beaucoup de retours, de potentialités [capacités et expériences évaluées par le jeu lui-même]. On parle d'ailleurs, au sujet des jeux vidéo, d'expériences de jeu ‘augmenté’". Ensuite, ces jeux sont fortement associés à la préadolescence et l’expérience de l’autonomisation, âge où émerge un processus d’individuation où se ressent le besoin de se découvrir. 11 ans est un âge clé, "où les objets de l'enfance, et notamment les jouets, ont tendance à disparaître au profit de l'ordinateur, de la console et des jeux vidéo". Les enfants privilégient le jeu vidéo dans leur chambre et "une sociabilité entre pairs ou, au contraire, une pratique solitaire". Enfin, ces jeux bénéficient aujourd’hui d’une forte légitimité, car nombre de jeunes adultes, qui ont grandit avec les jeux, continue à jouer. Si le jeu vidéo a pénétré toutes les classes sociales, on voit apparaître une pratique dite "cultivée" ou "savante" (Pierre Bruno) où les gens "théorisent" leurs manières de jouer et qui se distingue d’une pratique dite "vulgaire" où l’on joue pour le plaisir, sans chercher une valeur pédagogique à son activité. Cette légitimation est prolongée par des initiatives comme celle du musée MoMa d’acquérir des jeux vidéo dans ses collections.

Pour Mathieu Triclot, philosophe, auteur de « Philosophie des jeux vidéo », le jeu vidéo est une "expérience instrumentée",  non seulement parce qu’elle à besoin du dispositif technique pour se réaliser, mais aussi parce que "dans les jeux vidéo [...] la liberté ne consiste bien souvent qu’à accomplir le programme." Le sujet, pour réussir, doit s’adapter à ce qui est prescrit par le jeu. On peut trouver des parentés avec des jeux traditionnels. Par exemple, on peut comparer les jeux de vertige (balançoire, grand 8...) qui vont exiger un ajustement corporel au dispositif pour vivre un état de vertige et de contrôle relatif qui rend l’expérience du vertige agréable et les jeux d’arcade. "Dans le cas de l’arcade, les jeux accélèrent jusqu’à devenir injouables. Et au final, jouer revient à repousser une défaite que l’on sait certaine. Et pourtant, il peut y avoir un plaisir extraordinaire là-dedans, qui ne tient pas à la perte, mais au débordement de soi. Alors que le jeu va trop vite et que je sais que je ne peux plus répondre à ses sollicitations, ma main va faire le geste qu’il faut et je vais m’en sortir." Néanmoins, l’expérience se différentie du jeu de vertige traditionnel, par la dimension "adaptative" à la machine : "j’expérimente là une sorte d’automaticité de mon corps qui répond de lui-même à la machine." Le dispositif du jeu vidéo s’emploie à recréer, pour le joueur des sentiments de "liberté" et à lui dissimuler cette "liberté" réduite au fait "d’accomplir le programme". Le jeu vidéo est en effet perpétuellement menacé par le fait que le joueur "est toujours amené à se cogner sur les limites du code et à faire avec". Une des options pour recréer un sentiment de liberté est d’ "augmenter la taille des univers, [de] pousser de plus en plus loin le niveau de détail pour reculer le moment où le joueur butte sur les limites du monde".

D’où la sophistication croissante des univers des jeux. Une autre consiste, comme dans le jeu Minecraft, à "faire appel aux phénomènes d’émergence. On programme quelques règles simples pour les objets du monde, et de ces règles simples émergent éventuellement des comportements complexes." Mais "l’émergence n’est cependant pas une panacée. Pour quelques effets intéressants, quand le modèle produit suffisamment de variété, le risque est de se retrouver avec un univers morne ou des situations injouables." Une autre option est de créer des jeux "déviants", les actes déviants passant pour "libre" (mais en réalité, si écraser des piétons est une condition de victoire, le joueur devra le faire pour gagner et il applique donc une règle du jeu). Une autre manière de recréer l’impression de liberté est de créer un univers narratif de type "aventure", "quête", etc. Néanmoins, contrairement au roman ou au cinéma, où il y a de l’empathie, des identifications avec le personnage qui mène la quête, dans le jeu vidéo, du "simple fait de l’actionnabilité [inhérente au jeu vidéo], on se retrouve le plus souvent dans une relation [au personnage] qui tient à celle du montreur de marionnette. Le personnage est un vecteur d’action, plus qu’un vecteur d’empathie." L’environnement du jeu est à peine un support pour l’imaginaire, contrairement à celui du cinéma. Si l’état du spectateur est un état de relâchement propice au travail de l’imagination, "l’état du joueur est un état d’affairement. Il s’immerge dans les images parce qu’il y a toujours quelque chose à faire, des requêtes à traiter du côté du jeu [...]. Il [lui] faut discerner les éléments actifs, qui serviront de support pour l’action, et les éléments qui ne sont là que pour le décor." Dans bien des cas, cet état d’ "affairement" rend le jeu comparable à un "travail", particulièrement dans les "jeux de rôle en ligne [et les] jeux facebook qui exigent d’effectuer des tâches à intervalles réguliers.  Les tâches de jeu ressemblent à des tâches de travail [...]. Au point que certaines de ces tâches peuvent être déléguées à d’autres, en particulier le farming [Le farming est, dans un jeu vidéo, la pratique qui consiste à passer la plupart du temps de jeu à récolter de l'argent, des objets, ou de l'expérience en répétant sans cesse les mêmes actions dans le but de s'enrichir/monter en niveau rapidement.] où les joueurs occidentaux peuvent payer d’autres joueurs en Chine, au Mexique, en Roumanie pour qu’ils se chargent pour eux de la collecte des ressources. Et ce "travail" est rémunéré comme tel. On est sans doute ici au point maximum de la conversion jeu-travail."

Enfin, "les jeux vidéo font de la politique", à trois strates différentes. D’abord au niveau de "ce qui est dit ou représenté à l’écran". Ensuite, au niveau des "modèles" qui structurent le jeu : "typiquement, c’est l’exemple d’un jeu comme Sim City, qui est un simulateur de gestion urbaine. Les géographes Samuel Rufat et Hovig Ter Minassian ont montré combien le modèle pouvait être biaisé. Par exemple, on ne peut pas faire de mixité sociale. Et on aboutit à des formes urbaines à l’américaine." Troisièmement, du fait que l’informatique est "une technologie de pouvoir fondée sur la capacité de traiter de manière automatique des inscriptions. Je prends une situation du monde, je la ramène à des données et à un modèle opérable. Ensuite, je peux faire varier les paramètres à distance du lieu originel de la prise d’inscriptions. C’est avec cela que l’on joue dans les jeux vidéo. Un jeu qui fait apparaître de manière extraordinaire cet effet de dispositif, ce sont les Sims où les personnages ne sont plus qu’un ensemble d’indicateurs ou de paramètres à maximiser." Les jeux vidéo véhiculent inévitablement l’idée qu’il faut maximiser les performances du monde, quand les jeux traditionnels visent surtout à développer ses propres performances.

Sources :
06.09.12. DAVDUF. « Les jeux vidéo font de la politique » (et voici comment), Un entretien avec Mathieu Triclot, philosophe
20.12.12. Le Monde. "Derrière le jeu vidéo, c'est toute notre culture ludique qui s'est transformée" par Vincent Berry est maître de conférences en sciences de l'éducation
27.12.12. Courrier international. MoMa - New York - Faut-il mettre les jeux vidéo au musée ?
27.12.12. Santé Log. Société : Dans un monde virtuel, féminité rime encore avec nudité (Jeu "Second Life", revue PLoS ONE)

Dépistage des conduites à risques et soins

Lors d’un colloque organisé par MG France, il a été suggéré de tirer parti des consultations qu’effectuent les adolescents pour obtenir un certificat d'aptitude au sport pour aborder la question des conduites à risque et leur prévention. "L'examen clinique est l'occasion d'aborder la transformation du corps, la sexualité, les addictions, les conduites à risque et de jeter un œil sur le carnet de santé" a conseillé le Dr Lefebvre qui propose de réaliser un test rapide de l'exploration du mal-être, tel que le TSTS-CAFARD, proposé par Philippe Binder et al. (Revue du Praticien, 2005) pour démasquer les idées suicidaires.

Test TSTS : traumatologie-sommeil-tabac-stress et CAFARD
T : as-tu déjà eu des blessures ou un accident (même anodin) cette année ?
S : as-tu des difficultés à t'endormir le soir ?
T : as-tu déjà fumé ?
S : es-tu stressé par le travail scolaire ou ta famille ou les 2 ?
A chaque question positive obtenue, il est proposé d'ajouter une question complémentaire (acronyme CAFARD) :
C : fais-tu des cauchemars ?
A : as-tu été victime d'une agression physique ?
F : fumes-tu tous les jours du tabac ?
A : es-tu souvent absent ou en retard à l'école ?
R D : as-tu un ressenti désagréable dans ta famille ?
La moitié des adolescents ayant fait une tentative de suicide mentionnaient 3 réponses positives au CAFARD.
 
Des psychothérapeutes suisses s’efforcent de prendre en compte la difficulté d’adolescents à s’inscrivent dans un travail thérapeutique et proposent des interventions auprès de groupes. L’intervention brève de groupe se compose de deux parties: un processus de sélection (screening) d’une part et l’intervention brève proprement dite d’autre part.

Le screening permet d’établir le comportement du consommateur avec pour objectif d’aider les participants à réduire le nombre d’occasions de boire susceptibles d’être accompagnées d’épisode d’alcoolisation massive et ponctuelle. Le screening s’effectue d’après le modèle transthéorique (MTT) qui envisage le processus de changement comme progressif, comme un «changement par phases». La première phase, dénommée « Pré-contemplation » est celle où le sujet n’a aucune motivation à modifier son comportement problématique. La « Contemplation » correspond à une prise de conscience du caractère problématique du comportement, mais le sujet reste ambivalent face à la perspective de changement. La « Préparation » correspond à l’affirmation d’une motivation sérieuse et la phase « Action » aux tentatives de mettre fin au comportement problématique. Y succède celle du « Maintien / Consolidation ».

L’entretien motivationnel vise à produire une motivation au changement, notamment par la mise en balance, au cours d’entretiens, des effets positifs (le plus souvent à court terme) et les effets négatifs (généralement à long terme), notamment sur la santé, la famille, le couple, les amis, l’école, le travail... de leur consommation excessive. Il s’agit d’amener le sujet à reconnaître l’ambivalence de ses sentiments et à envisager des possibles, notamment grâce à des questions auxquelles il faut répondre en se positionnant sur une échelle et des questions hypothétiques sont posées (Qu’en serait-il si…?). L’un des effets positifs de cette approche est que nombre de jeunes s’expriment plus ouvertement qu’en entretien individuel. Après peu de temps déjà, ils ne s’adressent plus au professionnel mais aux autres jeunes du groupe.
 
Sources :
29.08.12. addictionsuisse.ch. Interventions motivationnelles brèves de groupe : Guide à l’attention des professionnels sur la prévention indiquée des abus d’alcool dans les écoles du degré secondaire supérieur (Suisse) (PDF, 25p.)
04.12.12. Medscape. Le MG et les ados au colloque MG France