Dr Arnaud PAUWELS, C.H. de Gonesse |
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Correspondances, Sept. 2001 |
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Constats sur l'épidémie de VHC chez les usagers de drogues | |||||||||||
En 1993, le rapport Micoud révélait que six cent mille personnes étaient infectées par le virus de l'hépatite C (VHC) en France. Parmi les sujets infectés, on distinguait globalement trois groupes : 1/3 contaminés par voie transfusionnelle, 1/3 contaminés par usage de drogue en intraveineux et 1/3 contaminés de façon sporadique. La contamination transfusionnelle est en nette diminution depuis 1991 (risque résiduel estimé à 1/200.000 culots globulaires) et la contamination sporadique est mieux connue (infections nosocomiales, acupuncture, tatouage, piercing …) et prévenue. En revanche, l'épidémie à VHC ne diminue pas chez les usagers de drogues, en dépit des actions de prévention (seringues vendues sans prescription, programmes d'échange, distributeurs automatiques, trousses de prévention, automates sur la voie publique, "boutiques" pour les plus précaires, traitements de substitution, etc.), et la prévalence de l'infection VHC reste estimée entre 50 et 70% dans cette population. Chaque jour, dix Français se contaminent par le VHC par injection de drogue. |
L'épidémie à VHC n'est pas contrôlée chez les usagers de drogues pour plusieurs raisons. La contamination ne s'accompagne d'aucun signe clinique. Les jeunes ignorent l'importance de cette épidémie, dont les conséquences ne se font sentir que beaucoup plus tard : hépatite chronique, cirrhose, carcinome hépatocellulaire. Les contaminations interviennent tôt : dans une étude lilloise, la probabilité de contact avec le virus passait de 33% pour une exposition de moins de 6 mois, à 62% de 6 à 12 mois, pour atteindre 90% avant 2 ans. Le risques est d'autant plus élevé que le sujet commence plus jeune sa carrière d'injecteur, notamment parce que l'initiateur est habituellement de la même génération, qu'il a été lui-même récemment initié, qu'il est peu informé, et qu'il véhicule des idées fausses sur les risques. |
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Les causes | |||||||||||
Les causes des contaminations VHC ne sont pas liées seulement au partage des seringues, mais elles sont liées pour beaucoup à l'utilisation à plusieurs du matériel annexe et à la contamination "invisible" de l'environnement. En effet, du fait de l'extrême virulence du VHC, la cuillère commune dans laquelle chacun trempe son aiguille et sa seringue, le filtre ("coton") contaminé qui est récupéré pour l'héroïne qu'il contient encore, le pouce avec lequel l'usager comprime le point d'injection en contact avec du sang qui se répand de façon invisible, tous ces éléments représentent des sources de contamination potentielle.
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Enfin, la contamination peut également se faire par le contact des muqueuses avec un objet souillé par du sang infecté, et le sniffing représente un autre mode de contamination (partage de la "paille").
Tout ceci explique que les usagers de drogues sont devenus le groupe le plus touché par l'infection par le VHC. Les toxicomanes actifs, mais aussi les anciens toxicomanes et les sujets qui n'ont connu qu'une ou deux injections intraveineuses (danger de la seringue d'initiation), forment un réservoir important de porteurs de virus. |
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Risque collectif - Risque individuel | |||||||||||
Le risque est collectif et individuel. Collectif, car cette population contaminée sans le savoir contribue probablement à la diffusion de l'infection, comme le suggère une étude chez les dentistes new-yorkais indiquant que la probabilité de la présence d'anticorps anti-VHC était liée au nombre de patients toxicomanes pris en charge. Individuel, car la probabilité d'évolution sous une forme chronique est de 50% à 70% dans cette population. |
Après un temps habituellement long (plusieurs décennies), mais qui peut-être raccourci par la coexistence d'autres facteurs d'agression hépatique (alcoolisme, co-infection par le VHB ou le VIH), l'hépatite chronique pourra progresser jusqu'à la cirrhose ou au carcinome hépatocellulaire.
Arriver à faire passer l'information sur l'hépatite C est donc un enjeu majeur de santé publique, et les toxicomanes sont au cœur d'une prochaine campagne orchestrée par le ministère de la Santé. Informer sur la prévention et le dépistage. Informer aussi que l'hépatite C est devenue une maladie "curable". |
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Le traitement de l'hépatite C | |||||||||||
Aujourd'hui, le traitement de l'hépatite C est une bithérapie associant l'interféron pegylé et la ribavirine. L'interféron est disponible depuis le mois de mars en pharmacie hospitalière. Il résulte du couplage de l'interféron-??a une molécule de polyéthylène glycol (PEG), ce qui a pour effet d'augmenter considérablement la demi-vie de 4 à 40 h minimum. Cette nouvelle forme galénique augmente l'efficacité de l'interféron- en maintenant un effet antiviral constant sur le virus, tout en autorisant une seule injection hebdomadaire au lieu de trois. La ribavirine, qui isolément est dénuée d'effet anti-VHC, a une synergie d'action avec l'interféron vis-à-vis du VHC avec un gain d'efficacité supplémentaire. Les résultats d'un essai multicentrique international évaluant cette nouvelle bithérapie chez 1529 patients n'ayant jamais été traités ont été communiqués en novembre dernier. Aux doses optimales tenant compte du poids du patient, le taux de réponse prolongée (c'est-à-dire, transaminases normales et PCR-VHC négative 6 mois après l'arrêt du traitement) était de 61%. |
Cinq facteurs sont associés à l'obtention d'une réponse prolongée : - les génotypes 2 et 3, - une charge virale faible (inférieure à 2 millions de copies/ml, soit l'équivalent de 800.000Ul/ml), - une fibrose absente ou minime (F0 et F1 en classification METAVIR), - un âge inférieur à 40 ans, - et le sexe féminin. Le facteur certainement le plus important est le génotype viral : dans l'étude précédemment citée, le taux de réponse prolongée était de 48% pour les patients de génotype 1 et 88% pour les patients de génotype 2 et 3. Le patient toxicomane pourrait donc représenter un candidat idéal pour un traitement anti-VHC puisqu'il s'agit souvent de patients jeunes, récemment contaminés, de génotype 2 ou 3, avec une charge virale faible, et sans fibrose extensive en histologie. |
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Difficultés dans les prises en charge | |||||||||||
Cependant, l'hépatologue qui va prendre en charge le patient pour le traitement va se confronter à plusieurs problèmes. Le principal, majeur, est celui de la compliance du patient (acceptabilité des injections, régularité du traitement, régularité du suivi, rechute de la toxicomanie). Cette compliance étant d'autant plus difficile à obtenir que le traitement est long (12 mois) et que les effets secondaires, notamment l'asthénie, sont quasi-constants. Les autres problèmes sont : - les troubles psychiatriques, et notamment le syndrome dépressif, qui constituent des contre-indications, au moins relatives, au traitement antiviral ; - l'abus d'alcool, chez environ 1/3 des toxicomanes, qui aggrave les lésions hépatiques, augmente la réplication virale, et limite l'efficacité du traitement ; |
- les co-infections virales (VHB, VIH), qui diminuent l'efficacité du traitement et le rendent plus complexe et plus lourd. La tendance actuelle, avec la mise à disposition d'une bithérapie réellement efficace, est d'essayer de traiter le plus tôt possible tous les patients ayant une fibrose hépatique, même peu importante, dès lors que l'on pense que le traitement pourra être correctement suivi et sans danger. Cela restreint en fait les indications aux patients toxicomanes au moins stabilisés par un traitement de substitution, n'ayant pas de consommation excessive d'alcool, ni de syndrome dépressif sévère. |
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