Le gouvernement pourrait limiter les locations saisonnières dans certaines villes françaises

Entre valises à roulettes qui tintent sur les pavés et boîtes à clés accrochées aux grilles d’immeubles, la question des meublés de tourisme revient sur le devant de la scène. Le sujet est sensible: comment préserver l’attractivité touristique sans assécher l’offre de logement pour les habitants?

L’exécutif réfléchit à serrer la vis dans des territoires précis, là où la pression immobilière se fait la plus forte. Et derrière cette piste, une promesse: rééquilibrer un marché devenu trop spéculatif, sans étouffer les revenus complémentaires de milliers d’hôtes.

Pourquoi maintenant ?

Les signaux se superposent. Dans les grandes villes et les stations très prisées, les loyers montent, la vacance baisse, et le parc résidentiel se fragmente. Des immeubles entiers changent de visage au fil des saisons. Comme le résume un locataire de centre-ville: « On croise plus de voyageurs que de voisins. »

S’ajoute une exigence d’équité. Les hôteliers pointent des règles plus strictes pour eux que pour les locations meublées de courte durée. Les municipalités, elles, réclament des outils plus fins pour agir quartier par quartier. « On a besoin d’un tournevis, pas d’un marteau », souffle un élu local, plaidant pour des mesures ciblées.

Ce que l’exécutif envisage

Plusieurs options circulent, souvent en complément du cadre existant (déclaration, numéro d’enregistrement, plafond de 120 jours pour la résidence principale):

    • Abaisser le plafond de nuitées dans certaines zones tendues ou hyper-touristiques, voire l’aligner sur des seuils différenciés par quartier.
    • Instaurer des quotas d’annonces par îlot, pour éviter la concentration.
    • Imposer des périodes « tampons » entre deux séjours afin de décourager l’ultra-court.
    • Renforcer la transparence: données transmises automatiquement par les plateformes aux villes, et contrôle renforcé des numéros d’enregistrement.
    • Ajuster la fiscalité pour privilégier la location longue durée ou la location moyenne durée (étudiants, actifs en mobilité).

À la clé, un message: faciliter l’usage « complémentaire » et réguler l’usage « professionnel » lorsque celui-ci pèse sur le parc résidentiel.

Quelles villes seraient concernées ?

Le critère le plus probable: une combinaison de tension locative et d’intensité touristique. Grandes métropoles, villes littorales, stations de montagne et centres historiques figurent dans le viseur. L’idée n’est pas d’interdire de façon uniforme, mais d’adapter la dose à la réalité locale.

Voici un tableau comparatif illustratif des approches possibles:

Ville (exemples) Tension sur le logement Règles actuelles (résidence principale) Leviers envisagés localement Risques/points de vigilance
Paris Très élevée Enregistrement, plafond 120 jours Plafond abaissé dans certains arrondissements; renforcement des contrôles Report vers la périphérie; contournement
Biarritz Élevée et saisonnière Enregistrement déjà en place Quotas par quartier, pause entre séjours Impact sur l’économie locale hors-saison
Annecy Élevée Déclaration obligatoire Plafond différencié entre vieille ville et reste de la commune Effet sur le parc secondaire
Marseille (hypercentre) Contrastée selon quartiers Démarches communales variables Moratoire ponctuel dans rues saturées Déplacement des annonces vers d’autres quartiers

Ce panorama n’est pas un inventaire officiel, mais un aperçu des combinaisons possibles entre outils nationaux et calibrage municipal.

Et les hôtes dans tout ça ?

Beaucoup ne veulent pas « faire carrière » dans la location saisonnière. Ils cherchent un complément de revenu, légal et prévisible. Pour eux, la lisibilité compte plus que la permissivité. Un hôte résume: « Je peux m’adapter, mais dites-moi clairement jusqu’où je peux aller. »

Une transition pourrait s’ouvrir vers des usages plus mixtes: quelques semaines de saisonnier, puis de la moyenne durée le reste de l’année. Les baux mobilité, par exemple, répondent à une demande réelle d’étudiants et de salariés en mission.

Actions possibles pour anticiper:

    • Vérifier l’enregistrement, suivre les décomptes de nuits, envisager des séjours plus longs, étudier la location moyenne durée (bail mobilité), et se renseigner sur les aides à la rénovation énergétique conditionnées à la location longue durée.

Fiscalité et plateformes

Le volet fiscal pourrait devenir l’aiguillon principal. Des abattements spécifiques aux meublés touristiques pourraient être resserrés dans les zones tendues, tandis que des incitations favoriseraient la location classique.

Côté plateformes, l’obligation de remontée de données et de blocage automatique au-delà du plafond local apparaît désormais incontournable. Moins de boîtes grises, plus de visibilité: c’est la condition pour éviter la spirale méfiance-contrôle-sanction.

Quelles alternatives au tout-saisonnier ?

Le marché n’est pas binaire. Entre la nuitée et le bail de trois ans, il existe des formats flexibles et utiles: colocation réglementée, moyenne durée pour projets professionnels, hébergement étudiant saisonnier, résidences gérées. Chaque bascule d’un logement vers ces circuits redonne de l’air au parc.

Signe des temps: certains propriétaires rééquilibrent déjà. Ils cèdent quelques semaines de haute saison au tourisme et sécurisent le reste via un bail mobilité, limitant la vacance et les coûts de rotation.

Ce qui reste incertain

Le calendrier. Des arbitrages techniques s’annoncent: choix des périmètres, articulation avec les documents d’urbanisme, niveaux de plafonds, sanctions graduées, évaluation indépendante des effets. Impossible d’ignorer, aussi, les recours juridiques possibles et l’exigence de proportionnalité.

Mais la trajectoire se dessine. Réduire la spéculation sans briser l’accueil, responsabiliser les plateformes, redonner du souffle aux habitants. En clair, réapprendre à partager les mêmes rues, les mêmes cages d’escaliers, les mêmes nuits d’été. Et faire en sorte que la valise à roulettes n’écrase pas la clé du voisin.