Selon une étude, certaines régions du sud de la France pourraient devenir inhabitables d’ici 2100

La bascule n’est plus théorique. Dans le sud hexagonal, la combinaison de chaleurs extrêmes, de sécheresses et d’une urbanisation dense pourrait rendre de larges zones très difficiles à vivre d’ici la fin du siècle.

Ce n’est pas une prophétie, c’est une trajectoire. « Ce qui était exceptionnel deviendra l’été normal », répètent les climatologues. Entre 2040 et 2100, le curseur se déplace vers une habitabilité conditionnelle, saisonnière, parfois précaire.

Ce que veut dire “inhabitable”

Le mot frappe, mais il est pluridimensionnel. Inhabitable ne signifie pas « vide » de vie, mais « impraticable » sans aménagements massifs, coûts élevés et restrictions durables.

Il s’agit d’heures où il devient dangereux de travailler dehors, de quartiers trop chauds la nuit pour récupérer, de réseaux d’eau qui craquent, de feux qui forcent l’évacuation.

« L’habitabilité, c’est d’abord l’accès à l’eau, l’absence de surmortalité et la possibilité de produire », résume une formule désormais répandue.

La chaleur, cœur du basculement

Les journées à plus de 35 °C vont se multiplier, avec des pointes à 45-48 °C dans l’intérieur des terres. Les « nuits tropicales » (> 20 °C) explosent, empêchant le corps de se refroidir.

Même si le sud de la France restera, la plupart du temps, sous les seuils de survivabilité absolue, la chaleur humide réduira drastiquement le temps de travail sûr en extérieur. « Ce n’est pas la planète qui brûle, c’est notre calendrier d’activités », dit-on avec amertume.

Eau, forêts, villes: le triptyque sous pression

Moins de pluies d’été, plus de déficits dans les nappes et des cours d’eau rabougris. Les projections indiquent des baisses de débits annuels de l’ordre de 20-50 % à l’horizon 2100 dans plusieurs bassins méditerranéens.

Les forêts sèches deviennent des combustibles. Feux plus intenses, plus tardifs, plus rapides. Les villes, couvertes de béton et d’asphalte, aggravent l’îlot de chaleur, surtout là où l’ombre et l’eau manquent.

Cartographie plausible du futur

Les ordres de grandeur ci-dessous agrègent des tendances de Météo‑France et de modèles CMIP6. Ils varient selon les scénarios d’émissions et les microclimats.

Territoire Jours >35 °C/an (2020) 2050 (scénario moyen) 2100 (scénario élevé) Nuits tropicales/an (2100) Pression hydrique
Languedoc intérieur 15–25 40–60 70–90 70–100 Très élevée
Provence intérieure 10–20 35–55 60–80 60–90 Très élevée
Littoral PACA 5–15 20–40 40–60 80–110 Élevée
Sud Nouvelle‑Aquitaine 3–8 15–30 30–50 50–80 Élevée
Corse orientale 10–15 30–45 60–75 70–100 Élevée

« Ce qui se joue n’est pas un record, c’est la durée d’exposition », répètent des médecins urgentistes après chaque canicule.

Villes contre campagnes: destins divergents

Les métropoles peuvent réduire la chaleur ressentie avec de la végétation, des brumisateurs, des toitures réfléchissantes, des rues ombragées. Elles concentrent aussi la vulnérabilité des personnes âgées et des travailleurs précaires.

Les campagnes offrent plus d’espace pour l’adaptation, mais moins de moyens. L’agriculture sous stress hydrique bascule vers des cultures moins gourmandes, une irrigation parcimonieuse, des jachères tournantes. « On ne cultive pas du maïs comme en 1990 avec un climat de 2080 », murmure un ingénieur agronome.

Santé, économie, migrations intérieures

Les journées de canicule s’accompagnent d’excès de mortalité, d’hospitalisations, de pertes de productivité. Les entreprises déplacent horaires et chantiers, ferment aux heures les plus chaudes, réorganisent la logistique.

Des ménages quitteront les zones les plus exposées, temporairement en été ou définitivement. Cela ne sera pas une ruée, mais une morphose lente du peuplement, avec de nouvelles inégalités.

« Inhabitable »… sauf si

La fenêtre pour amortir le choc existe. Moins d’émissions, plus d’adaptation. Chaque dixième de degré compte, chaque arbre aussi. Les solutions ne sont pas magiques, mais elles sont connues.

  • Désimperméabiliser massivement, créer des corridors de fraîcheur, thermorénover en priorité les passoires, sécuriser les réseaux d’eau (réduction des fuites, réutilisation), planifier le feu (pare-feux, mosaïques paysagères), ajuster le travail extérieur (horaires, pauses, ombre, eau)

Gouverner la rareté

L’eau devient une infrastructure de sécurité collective. Partage entre usages, stockage réversible, réutilisation des eaux usées traitées, tarification progressive. Sans gouvernance, le conflit monte.

« La sobriété n’est pas un slogan, c’est une ingénierie du quotidien », entend-on chez les collectivités qui pilotent déjà des plans canicule.

Dernière marche

Le sud ne deviendra pas un désert vide, mais un territoire à horaires d’été inversés, à quotas d’eau, à villes éponge et campagnes reconfigurées. Habitable, oui, sous conditions.

La pire option reste l’inaction. La meilleure, un faisceau de gestes ambitieux qui repoussent la bascule, quartier par quartier, été après été.