Le scénario d’une France sans distributeurs de billets fait frémir autant qu’il intrigue. Entre baisse de l’usage du cash, coûts explosifs de maintenance et virage vers le numérique, un projet de réorganisation circule chez les banques et à Bercy. L’idée n’est pas tant de “tuer” le cash que de revoir sa logistique, quitte à faire disparaître des milliers de DAB d’ici 2027.
“On ne supprime pas le cash, on change sa distribution”, glisse un cadre bancaire. Une phrase qui résume l’enjeu: rendre le système soutenable tout en préservant l’accès.
Pourquoi ce scénario prend de l’ampleur
La fréquentation des distributeurs baisse depuis des années, portée par le sans-contact et le paiement mobile. Or, chaque DAB coûte cher: sécurité, maintenance 24/7, mises à jour réglementaires.
S’ajoutent des contraintes anti-fraude, des normes énergétiques, et des risques d’attaques au gaz. “Le modèle est fragile si les volumes s’effondrent”, reconnaît un opérateur.
Dans ce contexte, les réseaux veulent mutualiser, rationaliser, et investir dans des points de retrait plus modernes et centralisés.
Ce que prévoit le projet sur la table
Le texte de travail, non finalisé, évoque un pivot vers trois piliers: retrait chez les commerçants (cashback), hubs de retrait mutualisés, et services numériques pour guider les usagers.
Il prévoit la fermeture progressive des DAB isolés, la concentration sur des lieux à fort flux, et des automates “nouvelle génération” plus sécurisés et accessibles.
“Il faut garantir un point de retrait à distance raisonnable, pas un DAB à chaque coin de rue”, plaide un banquier impliqué.
Tableau comparatif: aujourd’hui vs projet 2027
| Aspect | Aujourd’hui | Projet 2027 |
|---|---|---|
| Couverture | Réseau dispersé, DAB dans agences et rues | Réseau mutualisé, hubs en zones centrales |
| Accès | Retrait au DAB, moins de cashback | Retrait via hubs, cashback étendu chez commerçants |
| Coûts | Maintenance élevée, sécurité lourde | Coûts optimisés, flotte réduite et modernisée |
| Inclusion | Inégalités territoriales, DAB en déclin rural | Objectif distance max, soutien mobile et hotline |
| Services | Retrait, solde, quelques dépôts | Retrait, dépôts ciblés, assistance guidée |
| Sécurité | Risque attaques, vandalisme local | Hubs renforcés, surveillance smart |
| Tarifs | Majorations ponctuelles, transparence variable | Plafonds encadrés, information claire |
Impact pour les usagers, territoire par territoire
En ville, la transition sera presque invisible: le cashback compensera la chute des DAB de rue. Les centres commerciaux deviendront des points clés.
En zones rurales, l’enjeu est plus sensible. Les hubs devront rester proches, avec des horaires étendus et une signalétique lisible.
Pour les publics fragiles, le projet évoque des hotlines, un accompagnement en agence, et des outils simples pour localiser les points de retrait.
Ce qui changerait concrètement pour vous
- Plus de retrait chez les commerçants, avec limites claires et frais plafonnés
- Moins de DAB isolés, plus de hubs sécurisés et accessibles
- Information en temps réel sur disponibilité et plafonds de retrait
- Expérimentations de dépôts via automates mutualisés ou guichets partagés
- Renforcement des droits à l’accès au cash dans un périmètre défini
“L’objectif est de sécuriser l’accès, pas de forcer le tout-numérique”, assure un participant aux échanges. Reste à prouver que la réalité suivra l’intention.
Le cadre légal et les garde-fous
La France s’est engagée à préserver l’accès aux billets, et l’UE rappelle le statut légal de l’euro fiduciaire. Le projet mise sur des engagements mesurables: distance maximale, horaires étendus, et information publique.
Des plafonds de frais devraient être cadrés, avec des contrôles par autorités indépendantes. Sans cela, le risque de fracture numérique et territoriale s’accentue.
Calendrier, tests et zones pilotes
2025 verrait des pilotes dans plusieurs départements, avec suivi mensuel des temps d’accès et taux de satisfaction. Les fermetures seraient étalées et conditionnées à l’ouverture des hubs.
En 2026, extension à des bassins plus larges, puis bascule nationale en 2027 si les indicateurs sont au vert. “Pas de déploiement sans preuves”, martèle un régulateur.
Ce qu’il faut surveiller maintenant
Trois variables décideront de l’issue: la vitesse de baisse du cash, la qualité des hubs, et la protection des usagers. Si l’une faiblit, le projet perd sa légitimité.
Au fond, la question n’est pas “cash ou pas cash”, mais “quel accès, à quel prix, pour qui”. La réponse dira beaucoup de notre contrat social… et de la place de la monnaie dans nos vies.