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Souffrance Psychique des Jeunes ;
Insertion

PARCOURS DE RUPTURES / PARCOURS DE SOIN ET D'INSERTION Conférence de Joao FATELLA

Conférence prononcée le vendredi 16 mai 2003 à l'IFSI Chaptal. Résumé par  E MEUNIER, texte relu et corrigé par M. Joao FATELA

Correspondances, Eté 2003
 
Parcours
Joao Fatela, psychologue et directeur de l'association Parcours, a découvert au cours de son travail auprès des toxicomanes la valeur "thérapeutique" d'un processus d'insertion qui fasse sens pour le sujet, surtout dans le cas de publics qui ont une très faible estime de soi. Introduire du "faire" (notamment par la transmission de " savoir-faire ") dans la relation est important dans le travail avec ces publics pour les a ider à découvrir leurs propres potentialités et à verbaliser leurs difficultés et aspirations.
 
Parcours réaménage l'espace de l'insertion pour faciliter l'accueil de publics en "rupture", qu'ils soient toxicomanes, allocataires du R.M.I. ou jeunes en souffrance (sans les confondre, bien sûr, au niveau des pratiques). L'une des particularités de Parcours est d'être une structure d'insertion qui prend en compte le paramètre du soin, quand cela s'impose. Pour les jeunes accueillis, s'insérer c'est ne pas se figer dans ses symptômes, sortir de la spirale de l'échec, faire un pas vers l'autonomie.
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Qu'est-ce qu'un jeune "en rupture" ?

L'association Parcours cherche à faire en sorte que les jeunes se confrontent à l'expérience du travail, sans attendre qu'ils soient socialement reconnus comme compétents.

Elle accueille des jeunes dont le niveau de qualification est souvent très bas, sans poser des conditions trop contraignantes.

L'insertion est tant le terme d'un parcours qui doit faire passer le jeune dans le monde des adultes "insérés", que le début d'un travail sur soi, de reconstruction de son image, d'expérience progressive de l'autonomie .

Ces jeunes sont en "rupture".

 

Sur le plan sociologique, ce terme de "rupture" signale l'écart grandissant entre une fraction de la jeunesse et les exigences d'un monde du travail qui exige la capacité à s'assumer, la résistance au stress, l'acceptation de l'atomisation des postes de travail et la parcellarisation des tâches. Les exigences d'une société hypercompétitive exigent un équilibre psychologique que bon nombre de jeunes (et de moins jeunes…) sont loin d'avoir acquis. Conscients de leurs difficultés, ces jeunes voient souvent dans le travail une source d'échec, d'activation d'angoisses et de culpabilité (car l'individu se sent "coupable" d'être "inadapté" à un fonctionnement social qui s'énonce comme " normal ").

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Jeunes en rupture : les liens de filiation et d'intégration

Les auteurs d'une enquête récente, organisée conjointement par l'Observatoire Sociologique du Changement et de la FNARS auprès de personnes s'adressant aux services d'accueil, d'hébergement et d'insertion (Février 2002), montrent que ces personnes souffrent d'une rupture de trois liens fondamentaux : le lien de filiation, le lien d'intégration et le lien de citoyenneté. Nous pourrons dire autant des jeunes dont nous nous occupons. Ils sont nombreux à présenter des carences affectives profondes liées à leur histoire familiale.

Le lien de filiation est abîmé par les abandons, les maltraitances, les violences, mais aussi par nombre de situations de rupture se produisant dans le non-dit des détresses et des désirs des parents : poids des secrets de famille, silences des relations fusionnelles, déménagements à répétition, souffrances inexprimées d'enfants ballottés entre les parents ou entre le pays d'origine et le pays d'accueil.

 

L'entrée de certains d'entre eux dans l'économie parallèle achève paradoxalement de destabiliser le lien de filiation, l'enfant devenant celui qui nourrit sa famille.


Le lien d'intégration relie l'individu aux espaces de socialisation extérieurs à la famille où il construit son image sociale et obtient la reconnaissance d'autrui. La construction d'une bonne estime de soi suppose que l'environnement lui renvoie des signes positifs.

Les jeunes en échecs scolaires et/ou vivant dans des familles isolées, écrasées par leurs difficultés, ont peu d'opportunités pour se construire.

Parfois, le jeune est confronté au désinvestissement des parents, voire au rejet que ceux-ci expriment face à une éventuelle réussite sociale de leur enfant qui accuserait leur propre sentiment d'échec.

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Le lien de citoyenneté

Le lien de citoyenneté repose sur le principe d'appartenance à un corps social qui garantit les droits et les devoirs de chaque citoyen. Le sentiment de responsabilité à l'égard de la société et de ses valeurs démocratiques s'affaiblit et cela se reflète dans la montée d'un discours de "victimisation". Nous entrons dans une société de plaintes, où l'on attend qu'elle répare nos propres échecs, qui est le contrecoup d'une société qui se dérobe, notamment du fait d'un individualisme grandissant. Les plus précarisés trouvent dans ce discours un apaisement à leur sentiment de culpabilité d'être "inutiles".

 

L'affaiblissement des liens de filiation, d'intégration et de citoyenneté fabrique des individus qui s'effondrent quand ils subissent le plus petit échec, la moindre frustration et qui accumulent les expériences négatives. Ils sont menacés par un sentiment d'inutilité et de disqualification sociale. Pour sortir de la spirale de l'échec, il faut pouvoir imaginer une autre manière de vivre et retrouver une assurance qui permette de faire face aux difficultés. Pour cela, il faut savoir se connaître, comprendre sa propre histoire, apprendre à verbaliser ses affects.

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L'accompagnement dans le processus d'insertion

L'association Parcours accueille des jeunes fragilisés qui ont besoin de temps pour donner corps à leur désir d'insertion de façon à le transformer en projet qui fasse sens pour eux.

Il s'agit tout autant d'acquérir des compétences que de mener un travail sur soi. Ce qui suppose la création d'un lien de confiance entre le jeune et l'équipe, qu'un "diagnostique" soit posé sans violence, que le programme trouve l'adhésion du jeune et qu'il soit structuré comme un parcours avec des étapes à franchir.


Joao Fatela propose une typologie de ces jeunes :

 

- Dans la "confusion et l'éparpillement", certains alternent des phases d'exaltation et de découragement. Ils recherchent dans l'activité ce qu'elle a de narcissique. Empêtrés dans leur refus inconscient de devenir adultes, l'insertion ne fait pas sens pour eux.

- Il y a aussi ceux dont le "désir est exténué". Ils n'ont plus d'énergie pour rien, même si leur niveau de performance scolaire est bon. Les dysfonctionnements familiaux, les problèmes psychiatriques ou la dépression sont souvent à l'arrière plan. Former ces jeunes ne peut se limiter à une transmission de compétences professionnelles. Il s'agit aussi d'accompagner un processus d'autonomisation et de permettre au désir de devenir moteur de leur existence.

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Le secteur de l'insertion en difficulté
Le secteur de l'insertion subit des crises régulières, notamment parce que ses financements ne sont pas pérennes et parce que les critères d'évaluation qui les déterminent sont inadaptés : si c'est le nombre de jeunes obtenant un diplôme dans un temps réduit qui fait office de critère, alors les structures d'insertion ne peuvent proposer un accompagnement adéquat, qui doit être durable et évalué à partir des progrès accomplis par le jeune, notamment en termes de structuration de la vie quotidienne, d'engagement dans des démarches d'insertion et de soin, de capacité à créer des liens positifs avec les autres…
 

Le fait que les formateurs soient eux-mêmes parfois dans une situation de précarité est un handicap dans le travail d'insertion auprès de publics en grande difficulté.


De plus, des compétences spécifiques doivent être mises en œuvre. La réussite d'un projet d'insertion auprès de jeunes " en rupture " est liée à la qualité de l'écoute proposée par l'équipe, à sa capacité à s'adapter et à personnaliser ses interventions, à faire preuve de créativité.

Association Parcours : 37 rue Vauvenargues 75018 Paris
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