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Grossesse ; Méthadone ; Parentalité

GROSSESSE ET METHADONE : EN RESUME
Dr Chantal JUBINEAU, Montpellier

Le Flyer HS N°1, juin 2003
 
Contraception
Le suivi d’une patiente dépendante aux opiacés illicites ou substituée par buprénorphine ou méthadone, doit faire poser la question de la contraception, en raison de l’aménorrhée fréquente liée à la prise d’opiacés, et du sentiment d’infertilité que suggère celle-ci.
 
Toutes les méthodes contraceptives sont alors possibles en fonction du mode de vie et des préférences des patientes : stérilet, préservatifs masculins ou féminins, pilules contraceptives,... .
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Interruption volontaire de grossesse
Il peut être justifiée en cas de grossesse non désirée, y compris au-delà des délais légaux, d’accompagner une demande d’interruption médicale de grossesse, si les conditions de suivi de la grossesse et de la maternité semblent préjudiciables pour la mère et l’enfant.
 
Il incombe à la patiente de mesurer avec l’aide de son médecin, et des professionnels de santé qui l’accompagnent, le bien-fondé de cette décision.
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Constitution du réseau de professionnels
Pour une femme dépendante aux opiacés, substituée ou non, la grossesse est un moment particulier, qui peut représenter une étape importante, notamment si elle est engagée dans un processus de soins.
 
Il semble important qu’elle soit accompagnée par une équipe pluridisciplinaire, formée aux problèmes de toxicomanie et ouverte sur la pratique en réseau. Dans de nombreux cas, l’équipe du C.S.S.T. qui a initié le traitement par la méthadone pourra être mobilisée elle aussi sur le projet de la patiente.
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Généralités concernant la méthadone chez la femme enceinte
La méthadone est le seul médicament de substitution dont l’utilisation soit actuellement autorisée chez la femme enceinte. Elle ne présente aucun risque de tératogénicité, comme tous les opiacés, y compris l’héroïne.
L’allaitement maternel est possible, car le passage dans le lait maternel est très faible, notamment lorsque la méthadonémie se situe dans les fourchettes thérapeutiques habituelles (3).
La concentration en méthadone dans le lait maternel ne permettra pas une prise en charge du S.A.N. (Syndrome d’Abstinence Néonatale) (1).
La prise en charge du syndrome de sevrage du nouveau-né est aujourd’hui parfaitement codifiée. Des outils permettent de le quantifier (score de Finnegan (2), et d’adapter une prise en charge adéquate : nursing, chlorhydrate de morphine, Valium®… .
La fréquence du S.A.N. varie selon les études. Dans une étude récente (12), la fréquence de survenue de ce S.A.N. a été de 65 %, dans les 2 groupes d’enfants nés de mères substituées par méthadone ou BHD.
 
L’intérêt des traitements de substitution à dose constante, suivis médicalement, sans périodes de manque et de souffrance foetale qui accompagnent celles-ci a été largement démontré chez les patientes dépendantes aux opiacés et traitées avec la méthadone (4), avec notamment des répercussions favorables sur le poids à la naissance et une diminution des naissances prématurées par rapport à une population identique non substituée. L’abandon ou la limitation des pratiques d’injection, un suivi médico-psycho-social accru, sont des facteurs qui favoriseront un meilleur déroulement de la grossesse et de la maternité.
Si le sevrage des opiacés (méthadone, Subutex®, héroïne…) semble toujours possible au cours de la grossesse, celui-ci ne doit être entrepris que chez des femmes très motivées, avec un maximum de précautions incluant obligatoirement un monitoring foetal, car le risque de souffrance foetale existe, ainsi que le risque de rechutes ou de report sur des consommations peu souhaitables (alcool, benzodiazépines...).
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Suivi clinique : éléments à prendre en compte
Comme évoqué ci-avant, la découverte tardive de la grossesse est fréquente, en raison de l’aménorrhée quasi-constante liée à la prise d’opiacés.
Par ailleurs, la grossesse entraîne des modifications physiologiques et métaboliques induisant une baisse du taux sanguin de méthadone et une augmentation de la demi-vie d’élimination, qui peuvent nécessiter des adaptations de posologie. La mesure de la méthadonémie peut accompagner un suivi clinique plus intense. On peut conseiller dès le 1er trimestre de fractionner la dose quotidienne en 2 prises (augmentation de l’activité foetale lors d’une prise unique, diminution des nausées et vomissements). Il est important que les taux sanguins de méthadone subissent le moins de variation possible, notamment au cours du dernier trimestre, et tout signe clinique évocateur d’un manque en opiacés doit être pris en compte.
L’intérêt d’un suivi global plus intense auprès des femmes enceintes dépendantes aux opiacés est de permettre également de s’intéresser aux consommations associées plus fréquentes dans cette population ; la consommation d’alcool, de tabac, de drogues de synthèse, de cocaïne et crack, de benzodiazépines, doit faire l’objet d’une évaluation précise ; pour les substances tératogènes (alcool+++) et/ou dont la tératogenicité ne peut être écartée et/ou pour celles qui ont des effets péjoratifs sur le déroulement de la grossesse (ex : effet vasoconstricteur de la cocaïne).
 

Une information claire et précise doit être formulée vers la patiente et l’abstinence (ou à la plus grande tempérance) doit être encouragée.

Après l’accouchement, il est important de procéder à un ré-ajustement de la posologie quotidienne de la méthadone, surtout si elle a été modifiée au cours de la grossesse.
En cas d’infection VHC, les bénéfices de l’allaitement doivent être estimés en fonction de la charge virale de la mère. Les données cliniques laissent à penser que l’allaitement n’est pas contre-indiqué en cas d’infection VHC, hormis les patientes symptomatiques avec des charges virales élevées. Le suivi des enfants doit être régulier pour surveiller la croissance et le développement psychomoteur, même si, a priori, il n’y a pas de différences significatives avec un groupe témoin sur le développement intellectuel à 1 an et à 2 ans.


L’ensemble des observations cliniques suggère que le nouveau-né de mères dépendantes aux opiacés ne présente pas de déficit physique, neurologique ou comportemental. Il est par contre indispensable de veiller à un investissement relationnel de qualité, dans des situations psychologiques, sociales ou médicales parfois difficiles pour les parents.

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