COMMENT ARRETER UN TRAITEMENT DE SUBSTITUTION ?
Dr Alain MOREL, Le Trait d’union, BOULOGNE BILLANCOURT
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Le Flyer N°12, avril 2003
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Faut-il arrêter ? |
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Mettre fin à un traitement dépend de l’objectif qui lui est donné, non par le seul praticien ni le seul usager, mais par une entité abstraite constituée par leur colloque singulier et leur alliance, élément moteur de toute thérapeutique.
En matière de substitution, la question de l’arrêt soulève celle de la diversité voire des divergences d’intentions qui peuvent la sous-tendre.
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Pour les uns, il s’agira d’un traitement continu corrigeant un déficit organique définitif (sur le modèle du traitement par insuline), et l’interruption du traitement se résume alors à un défaut de compliance. Pour d’autres, il ne s’agit que d’une transition pour l’abstinence dont le terme doit être le plus rapide possible.
A notre avis, la position la plus adéquate se situe entre les deux et doit tenir compte avant tout de la dynamique propre de chaque patient et de son confort de vie.
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Quels sont les résultats ? |
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Les quelques statistiques publiées en Amérique du Nord ou dans les pays d’Europe qui ont une longue expérience de la méthadone (1) sont le plus souvent ‘déprimantes’ si l’on juge l’intérêt de la substitution au nombre de sujets devenant totalement abstinents en un temps limité : 10 à 15 % au bout de 2 ans de traitement selon la plupart des auteurs (2).
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Mais tous les paramètres influant sur ces résultats ne sont pas connus et explorés. Les chiffres nettement plus élevés parmi les femmes enceintes (40 % parviendraient à un sevrage après l’accouchement) tendent à montrer que les conditions et l’intensité de la prise en charge ainsi que les événements de vie interviennent pour une grande part.
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Quels sont les facteurs favorables ? |
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Les cures « parfaites » (c’est à dire avec interruption de consommation de substances illicites et arrêt du traitement en moins de deux ans sans rechute) se retrouvent le plus souvent chez des personnes qui cumulent divers facteurs de bon pronostic :
- moindre sévérité de l’addiction,
- absence de psychopathologie sous-jacente,
- bonne insertion sociale, familiale et professionnelle,
- changements opérés par le sujet dans son existence (rupture avec le milieu, restauration d’un équilibre personnel et découverte de satisfactions nouvelles...).
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Mais tous ces critères ne sont pas spécifiques aux traitements de substitution : ils sont les mêmes dans toute prise en charge de personnes dépendantes de substances psychoactives. Ajoutons cependant que les traitements de substitution bien conduits ont au moins deux avantages : ils donnent du temps et n’obligent pas le patient à s’éloigner de son milieu de vie habituel. Toutes choses nécessaires à bon nombre pour trouver les ressources intérieures et extérieures afin de modifier en profondeur leur mode de vie. Le traitement, son cadre et sa durée, doit donc tirer parti de ces avantages.
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Comment faire ?
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L’expérience permet de donner plusieurs lignes de conduite :
- d’abord, s’appuyer sur la demande du patient en s’attachant non pas prioritairement à ce qu’il ne prenne plus de médicament de substitution, mais en l’aidant à faire évoluer positivement sa vie,
- ensuite, ne pas méconnaître qu’un arrêt total – même souhaité par le patient – peut être contre-indiqué et constitue en tout état de cause un processus le plus souvent long, sans qu’il soit possible de définir la durée optimale d’un traitement.
Sauf exception, le sevrage doit donc être très lent. Techniquement, il est conseillé de respecter des paliers de 15 jours minimum, et de ne pas baisser la dose de plus de 5 % à chaque étape (3).
Ce rythme de diminution est imposé par la pharmacobiologie de la méthadone : le cerveau réagit à retardement, quelques jours, voire une ou deux semaines après la baisse du dosage. Il est donc préférable d’effectuer de petits paliers et d’attendre afin d’observer comment réagit le patient. Une nouvelle baisse alors que le patient n’a pas encore retrouvé de stabilité augmente considérablement les risques d’échec.
Ceux-ci sont principalement liés à des décompensations dépressives parfois « insidieuses » (perte très progressive et non visible de la qualité de vie) et souvent peu sensibles aux antidépresseurs (4).
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Dans une telle stratégie de sevrage lent, une hospitalisation n’a guère d’intérêt. Dans les circonstances qui imposent un sevrage rapide (demande pressante du patient, départ à l’étranger sans relais possible, etc…) celui-ci ne devra être entrepris qu’à partir d’une dose quotidienne de moins de 30 mg. Le traitement médicamenteux de sevrage est alors identique au sevrage « classique » des opiacés (antalgiques, anxiolytiques, hypnotiques, puis éventuellement passage à la naltrexone), avec la seule particularité qu’il peut durer plusieurs semaines.
Pour ce qui est de la buprénorphine, si les règles générales que nous venons d’énoncer à propos de la méthadone sont également valables, il semble que le sevrage soit un peu plus aisé pour les raisons qui tiennent à la pharmacobiologie du produit (pas d’action euphorisante, durées d’action et de stockage dans l’organisme plus courtes) et aux indications actuellement tournées vers des sujets généralement mieux insérés. Mais dans ce domaine également, les données restent à approfondir.
Ce texte a été rédigé à partir des échanges entre praticiens réunis lors d’un séminaire européen organisé à Marseille en novembre 1999 par la Fédération Européenne de Rencontre des Intervenants en Toxicomanie (ERIT).
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Notes |
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(1) En ce qui concerne la buprénorphine haut dosage (Subutex®), le recul est beaucoup plus réduit.
(2) DEGLON J.J., « Faut-il sevrer les toxicomanes de la méthadone ?», Psychotropes, 1997, 3, (1), 45-58
(3) Ce qui est évidemment difficile plus la dose est basse. D’autant qu’il n’existe pas en France de présentation à moins de 5 mg de méthadone, ce qui a amené certains usagers à inventer des systèmes de dilution progressive (« méthode chinoise » qui consiste à mettre tout son traitement d’une semaine dans un
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même flacon et de prélever la dose quotidienne en la remplaçant à chaque fois par la même quantité de sirop) ou d’autres à proposer le recours au laudanum ou à la buprénorphine (ces protocoles n’ont cependant fait l’objet d’aucune évaluation jusqu’ici). En ce qui concerne le Subutex®, le dosage à 0,4 mg donne davantage de souplesse et les diminutions progressives sont plus aisées.
(4) Les plus efficaces restent cependant les antidépresseurs sédatifs (type amineptine) et les IRS (type fluoxétine).
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