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Documents sur l’est du Val d’Oise ;
Souffrance Psychique
; Insertion

LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE DES JEUNES, REALITE DE "TERRAIN"
Rencontre avec Christiane Dumas, coordinatrice du
Point Santé de la Mission Locale

Correspondances, automne 2005


 

Souffrance psychique des jeunes

La souffrance psychique des jeunes peut se définir comme l’absence du bien-être mental minimum qui permet à un jeune de s’inscrire dans un projet. La difficulté d’accéder à l’emploi et à l’hébergement autonome, tant pour des raisons macroéconomiques (chômage de masse, manque de logements et rente foncière élevée) qu’individuelle (difficulté personnelle à atteindre le seuil de compétences exigé par le marché de l’emploi), ont pour effet « d’allonger », pour tous les jeunes, la durée de l’adolescence. Les jeunes accèdent aujourd’hui à l’autonomie vers 25 ans, voire plus tard, alors que les générations antérieures s’émancipaient plus vite. Les jeunes qui peuvent gérer positivement leur dépendance vis-à-vis de leur famille en profitent pour faire des études ou s’engager dans un parcours professionnel qui leur permet de rechercher un travail qui leur correspond.

Mais il y a aussi tous ceux auxquels manque la sécurité matérielle et psychique, une « dépendance heureuse » dans la famille, ou bien l’assurance qui leur permet de se projeter dans l’avenir ou les compétences scolaires et psychosociales requises pour suivre une formation…

 

Pour nombre d’entre eux, leur jeunesse ressemble à une adolescence « qui n’en finit plus de finir ». Elle les laisse dans un sentiment d’être inadaptés aux exigences sociales et ils constatent, chez eux, une immaturité qui fragilise l’image qu’ils ont d’eux mêmes.

Autant dire que, chez ces jeunes, c’est le  processus de séparation / individuation de l’adolescence qui est, telle une lettre égarée, « en souffrance ». Dans les quartiers populaires, les jeunes cumulent les difficultés et la souffrance psychique s’y manifeste avec d’autant plus de virulence.

La question de l’emploi des jeunes est de nouveau au cœur des préoccupations sociales, tant en France où le chômage des moins de 25 ans est à 23,3%, qu’en Europe où le taux moyen est à 19,1%. La souffrance psychique est l’un des freins à l’insertion.

Cet article est le premier d’une série d’interview de professionnels de l’Est du Val d’Oise. Christiane Dumas, qui travaille depuis dix ans sur le Point Santé de la Mission Locale, nous livre ses réflexions avant son départ pour travailler sous d’autres hospices.

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Qu’est ce que le Point Santé de la Mission Locale ?

Christiane Dumas : La Mission Locale est un dispositif d’aide à l’insertion des jeunes de 16 à 25 ans. Elle aide les jeunes, en lien avec l’ANPE et les centres de formation, dans la mise en œuvre de leur projet de recherche d’une formation ou d’un emploi.

Le Point Santé a émergé en 1995, suite au constat qu’un certain nombre de jeunes inscrits à la Mission Locale ressentaient des difficultés à être et à s'épanouir dans leur vie quotidienne.

Face à cela, les conseillers d’insertion et les formateurs semblaient démunis. A l'heure actuelle, les jeunes adressés au Point Santé, tant par les conseillers que par les partenaires extérieurs, présentent une fragilité pouvant devenir un frein à leur parcours d'insertion.
 

Citons quelques exemples: une grossesse survenant subitement mettant en suspend une formation engagée, des consommations intempestives d’alcool et de cannabis venant perturber un professionnel, un absentéisme s’installe, des angoisses se manifestent, …).

Les chargées d’accueils orientent aussi des jeunes vers le Point Santé, car il n’est pas rare que des jeunes « s’écroulent » à l’accueil en faisant état d’une détresse sociale et/ou psychologique.

Le point Santé est composé de trois psychologues cliniciennes afin d'accueillir les jeunes dans un espace confidentiel. Il propose une aide psychologique, mais aussi une aide pour l’accès aux soins (ouverture de droit, orientation) et l’accès à des visites médicales gratuites à visée préventive.
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Fréquence d’un contexte de « rupture familial »

Qui sont ces jeunes ?

C.D. : En 2004, le Point Santé a reçu 396 jeunes en entretien individuel, 230 filles et 166 garçons. La majorité a entre 22 et 25 ans. Il s’agit, pour une moitié d’entre eux, de jeunes sans qualification.

Un contexte de « rupture familiale » est très fréquent. Ces jeunes expriment une souffrance à ne pouvoir « coller » à ce que l’environnement social et familial attend d’eux. Nous recevons une majorité de filles, sans doute parce qu’elles sont moins réticentes que les garçons, à un travail d’introspection.

 

Qu’entendez-vous par « aide psycholo-gique » ? Est-ce de « l’écoute bienveillante », une prise en charge psychothérapeutique, ou autre chose encore ?

C.D. : Le cadre d’intervention est toujours difficile à tenir : où s’arrête l’écoute bienveillante et où commence l’aide psychologique ? Où celle-ci finit-elle et où commence la psychothérapie ? L’aide psychologique se distingue de l’écoute bienveillante en ce sens qu’elle crée un espace où l’élaboration psychique est possible.
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Un nécessaire travail d’élaboration psychique

Elle se distingue de la psychothérapie, en ce sens que nous travaillons autour de la réalité extérieure. En effet, pour le jeune, la démarche d'insertion fait "bouger" des choses en lui et autour de lui.

Le travail d’élaboration psychique vise à permettre que la personne se réapproprie son histoire et qu'elle trouve une place pour elle et pour ses désirs. Ces jeunes parviennent à faire des liens entre leurs difficultés actuelles et leur vécu ou encore à mesurer les effets de ce qu’ils produisent sur leur entourage quand ils adoptent tel ou tel comportement.
 

Lorsqu'une prise en charge thérapeutique s'avère nécessaire, une orientation vers le CMP s'organise.

Des demandes d'ordre social investissent fréquemment l'espace de l'entretien, ce qui rend indispensable un travail en réseau solide. D'ailleurs, cette demande première vient parfois dire "quelque chose" de la personne. Un partenariat privilégié s'exerce donc avec les services sociaux afin d'apporter aux jeunes rencontrés une réponse globale et adaptée.

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Facteurs de vulnérabilités et de bonne réponse

Correspondance : Vous êtes un « Point Santé », c’est-à-dire un lieu où la question de la santé est aborder « globalement ». Comment articulez-vous le somatique et le psychique ?

C.D. : Le Point Santé a reçu, en 2004, 182 jeunes dans le cadre d’informations collectives sur la santé, préalable à une orientation vers des visites médicales gratuites effectuées par un médecin de ville. .
 
Nombre de questions de santé autour du corps interrogent la sphère psychique : l’obésité, l’anorexie, les grossesses à répétition, les usages de substances psychoactives, les conséquences des violences subies…Les informations collectives sur la santé permettent à des jeunes de repérer cette offre d’aide psychologique et de prendre rendez-vous. Les jeunes font le lien entre certains problèmes somatiques et leur mal-être psychique, parfois très subtilement.
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